Sujet: Wasted Youth - Saraël Dim 11 Jan 2015 - 13:11
I wanna drink until I ache, I wanna make a big mistake
Decembre - ft. Sarah - couleur : sandybrown
Menteurs, menteurs, menteurs. Ca brûle de partout, sur sa peau et dans ses poumons, la tête prise dans un étau. Et ça serre. Et ça serre. Lentement, doucement, mais de façon volontaire. Sa tête explose. Raphaël regarde le sol, étonné de ne pas y trouver les débris de son crâne, de son cerveau. Rien. Juste de l'alcool poisseux et des frites écrasées, quelques mégots abandonnés illégalement. Un rêve ? Non, le bruit est toujours là, partout autour de lui, provenant de différentes personnes à chaque fois. Menteurs. Tous des menteurs. Et la nausée le prend. Direction les toilettes, il bouscule tout le monde pour rejeter le contenu de son repas dans la cuvette. Ca hurle de dégoût derrière lui mais qu'importe. La douleur est juste insupportable. Relevant la tête, il passe une main tremblante dans ses cheveux, l'autre agrippé à sa croix pendant sur son torse. Pitié Seigneur sauvez moi. Son don finira un jour par le rendre fou. Raphaël s'asperge la tête d'eau, rinçant de sa bouche le goût désagréable du vomi. S'il avait su que sa soirée finirait comme ça, il n'aurait pas prit la peine de sortir. Pourtant tout avait commencé de façon plutôt normale, agréable même. Après quelques semaines à Prismver, Raphaël commençait à comprendre (un peu) l'environnement dans lequel il devait vivre maintenant. Le truc c'est qu'il s'ennuyait assez fortement et qu'il n'avait pas encore rencontré beaucoup de gens. Alors un soir, il s'était mis dans la tête d'aller s'amuser un peu, faire la fête en boîte, un truc de jeune quoi. Il avait passé un t-shirt propre, enfilé un de ses jean préférés, coiffé ses cheveux en arrière et était parti danser. Généralement s'il allait là bas c'était pas pour la musique, ni pour les filles ou les hommes qu'il pouvait croiser. Généralement c'était pour décoller, planer, un cachet d'ecstasy sur la langue et il avait l'impression d'apercevoir les cieux. Mais Raphaël n'était pas un ange et les portes du Paradis se refermaient trop vite à son goût, le laissant amère sur terre, dans sa carcasse d'humain. Au début tout allait bien, l'alcool pas trop mauvais, la musique passable et l'ambiance agréable. Verres sur verres, Raphaël s'amuse de sentir son corps s’anesthésier doucement, s'arrêtant juste à sa limite, la limite avant la chute fatidique. Et puis, tout avait commencé à déconner. Son don s'était déclenché, comme ça, sans prévenir et Raphaël était incapable de se concentrer pour l'arrêter. C'était là que ça l'avait frappé en pleine gueule, le mensonge à l'état pur, celui qui entre en jeu lors de la séduction. Ils étaient tous là, à se frotter les uns aux autres, langues emmêlées et corps en sueurs. Des je t'aime ou je te veux murmurés aux creux des oreilles, mensonges éhontés. Il a envie de les prévenir, de leur demander d'arrêter, ça le torture. Ça le dégoûte. Voilà comment il s'était retrouvé, à tâtonner pour retrouver la sortie. Titubant, Raphaël réussi à s'extirper de son enfer personnel, le vent de minuit claquant sur son visage, il souffle, soulagé. Petit à petit les voix s'éloignent et le silence envahit son esprit. Tant mieux. Lentement, il s’assoit sur le trottoir, tirant de sa poche son paquet de cigarette. Actuellement le jeune homme aurait préféré quelque chose de plus fort, mais qu'importe. Allumant sa cigarette, il inspire longuement avant de recracher la fumée vers le ciel noir. Ca lui apprendra a vouloir pêcher. Punition divine ou hasard, Raphaël n'était pas près à remettre un pieds dans ce club avant d'en savoir un peu plus sur son don. Alors qu'il se calme enfin, frissonnant légèrement à cause du froid de la nuit, Raphaël entend un bruit un peu plus loin. C'est une jeune femme trop frêle sur ses jambes, occupée à recracher ses tripes dans le caniveau. La grande classe.
« Eh merde. »
Se relevant tant bien que mal, Raphaël maudit son côté trop altruiste. En quelques secondes il est à côté d'elle, posant une main sur son dos il cherche son regard. Un regard bien trop sombre pour lui.
Sujet: Re: Wasted Youth - Saraël Sam 31 Jan 2015 - 2:14
So I can go until I blow up, eh And I can drink until I throw up, eh And I don't ever ever want to grow up, eh I wanna keep it going, keep keep it going, going, going, going....
Les boîtes de nuit, c’est comme les relations amoureuses. Les amours perdus. A chaque fois je me dis que plus jamais j’y remettrai les pieds et ah - Merde. Déjà faite comme phrase d’intro’.
J’ai mal au bide.
Et quand je dis mal au bide, c’est pas le petit malaise de tapette, non - c’est la grosse douleur bien sale de la pochtronne, avec le foie qui se met à avoir des crocs et à te les planter un peu partout. Le petit démon qui te bouffe de l’intérieur qui te fait juste sentir mal. Très mal.
J’ai encore trop bu. Fais chier. J’ai encore aucune idée de pourquoi je suis retournée là, seule qui plus est. Pourquoi, pourquoi, pourquoi Sarah. Pourquoi tu retournes encore te mettre à l’envers, te détruire alors qu’il y a aucune raison ? Pourquoi t’es malade, malade de tout. Je sais pas. Peut être que j’essayais encore de me dire que je suis capable de m’amuser. Que je suis capable d’être comme les autres, d’aller me déchirer le sourire aux lèvres juste parce que c’est marrant. Mais non. Je m’amuse pas. Je me suis pas amusée. J’ai plus envie de pleurer, là, en fait.
Bonsoir, je m’appelle Sarah Edwige Blackmore Ackland, j’ai 20 ans, mais je suis toujours aussi pathétique. Et qu’est ce que ce nom est long à penser bordel, il me fatigue déjà.
La migraine battant à mes tempes, je m’extirpe du carré fumeur, passe à travers la foule, trouve la sortie. L’air du soir caresse mes joues et se glisse dans mon cou, m’arrachant un frisson. Bien sûr, j’ai pas pris d’écharpe. Bien sûr. Je regarde d’un air vide l’asphalte qui brille sous mes pieds. Moment de blanc total dans mon esprit. Enfin de noir - on est bien d’accord que c’est la couleur qui me va le mieux. Je crois que je dois rentrer. Mais comment ? Demander à Orwenn d’aller me chercher ? Non. J’ai pas envie qu’il me voie comme ça - si faible. J’ai pas envie qu’il découvre que je me laisse glisser sur la pente de l’auto-destruction de nouveau, malgré ses bras qui sont là pour me retenir.
Les jambes tremblantes, je risque quelques pas avant de manquer de tomber en avant. Je me rattrape vite au mur le plus proche, les ongles plantés dans ce que j’identifie être de la pierre. Celui de mon index se brise. Ca fait mal, un peu. Et ça a beau être rien du tout, juste une petite douleur noyé dans tout le reste, ça suffit à me faire monter l’eau aux yeux. Pleurs nerveux et silencieux, en deux grosses larmes qui traînent sur mes joues. Et bien. C’est parti pour mal finir.
C’est drôle, parce que je me sens étrangement zen, presque blasée par ce liquide qui gèle presque contre ma peau. Loin des cris, loin des démonstrations enflammées - c’est sûrement parce qu’il n’y a personne pour me voir que je fais ça en silence. Sans public, la tragique Sarah ne prend pas la peine d’élever la voix. Pourtant, sous mon crâne, les questions s’entrechoquent dans un brouhaha hurlant. Pourquoi, pourquoi pourquoi. Pourquoi je suis née comme ça, avec ce défaut d’optimisme, avec ce manque cruel d’instinct de vie ? Pourquoi je peux pas être une fille à peu près normale, qu’aurait aucun remord à se faire chouchouter par son adorable petit ami ? Et plus je me retourne le cerveau avec ces pourquoi sans réponse, plus j’ai du mal à le supporter. A me supporter.
Tout ça c’est trop lourd pour moi vous voyez. Je suis trop lourde pour moi. C’est pas mes frêles épaules et pauvres jambes aiguilles qui peuvent le supporter - Dieu il a mal calculé son coup, là haut. Alors mon corps essaie de m’aider en m’allégeant. En me vidant. La crampe me prend violemment aux tripes, et je me plie en deux, une main sur le ventre, l’autre crispé contre le mur pour vomir tout ce que j’ai sur le pavé. Un peu d’alcool, de larmes, encore de l’alcool - et tous ces pourquoi. Je me souviens de ce que j’aimais, lorsque je me faisais vomir. De ce qui me faisait continuer malgré la brûlure dans ma gorge, et les larmes qui me bouffaient les yeux. C’était la sensation d’être propre. Putain de propre, lorsque tout était enfin sorti de ton corps.
« Hey, ça va ? T'as besoin d'aide ? » Une main sur mon dos qui me fait sursauter, cambrer, et ma tête qui se tourne brusquement pour croiser le regard d’un jeune homme que je reconnais pas tout de suite. J’ouvre la bouche pour lui lancer un EST CE QUE J’AI L’AIR D’ALLER BIEN, mais un spasme me reprend près de mon estomac.
Il me laissait un dernier pourquoi à vomir je crois.
Pourquoi ce type vient m’aider ? Pourquoi la première image qu’il doit avoir de moi est celle de la fille aux consos pas bien digérées ? Je suis tombée d’un étage, maintenant accroupie, les deux mains agrippant mes côtés dans un dernier haut le coeur. Complètement prostrée. Et vidée. Y’a comme un feulement rauque qui meurt dans ma gorge, et après m’être essuyée les lèvres avec le revers de ma main - ce qui est en soit proprement dégueulasse - je retrouve le visage de mon bon samaritain. L’oeil blasé, brumeux - j’ai à peine conscience du déchet que je suis. Et donc comme d’hab’, j’me crois en position de la ramener. Vraiment dur de vivre avec cette incapacité à la fermer, et à se montrer faible.
« Ca va, ca va je peux pas tomber plus ba- » Faiblesse dans les chevilles, je tombe en arrière sur mes fesses pas assez dodues pour ce genre de situation. Dieu merci, au moins, je me suis pas vautré dans mon vomi. C’aurait été salement ironique. Je laisse échapper un rire rauque, posant une paume sur mon front, comme pour vérifier si j’ai pas de fièvre. Comme pour arrêter ce qui tourne dans ma tête sans jamais s’arrêter. Comme si c’était possible. Le temps de mon petit manège, j’avais complètement oublié le type, et je sursaute de nouveau quand je re-re-découvre sa présence. Promis, cette fois, je me concentre.
Mon regard court sur son visage. Sur sa dégaine. Et soudain, quelque chose se met en place. « Eh mais. T’es à Prismveeer toi non ? En D ? Genre t’es pas … le cul béni ?» Je plisse les yeux, fronce les sourcils d’un air convaincu - comme si ça allait l’aider à approuver. « Ah et c’est pas contre toi hein. C’est juste comme ça qu’ils t’appellent dans la classe - désolée, c’est naze comme surnom.» Aucune idée de pourquoi je m’excuse. Pourquoi je m’excuse tout le temps. J’ai pas à m’excuser putain de merde, c’est pas de ma faute, c’est jamais de ma faute pourquoi c’est toujours de ma faute - pourqu - ah non pas cette fois ci. On arrête la gerbe j’ai dit.
« Moi c’est Sarah Edwige Blackmore Ac- bref je suis ta déléguée.» Et bien il est bien avancé avec ça Sarah. T’es brillante. Espèce de déchet.
I wanna drink until I ache, I wanna make a big mistake
Decembre - ft. Sarah - couleur : sandybrown
Pitoyable. Ce fut la première pensée de Raphaël concernant la jeune femme qui se débat sous ses yeux. Oui, terriblement pitoyable. Un putain de déchet ambulant laissé sur le trottoir. Le genre de nana sur laquelle on détourne le regard, priant pour ne pas avoir à s'en occuper. C'était parfait non ? Ils étaient deux comme ça. Deux déchets à attendre le ramassage des ordures, deux déchets de la société qui faisaient semblant de pouvoir tout supporter. Ils étaient malade, jeunesse en décadence, détresse insupportable. Pas d'autre explication à ces écarts volontaires. Y avait personne pour leur tendre une main charitable, pour les extirper de leur propre bourbier. Putain de société égoïste. Il la regarde chanceler, lutter, tenter de garder ses boyaux à l'intérieur de son corps. Bras croisés, il se retient de l'approcher. C'est pas encore son moment. Pas tout de suite. La pour l'instant c'est son combat à elle. Mais quand elle brise une à une ses illusions en tombant sur le pavé, Raphaël ne peux s'empêcher de rigoler. Un rire désespéré. Parce qu'il se voit en elle, en cet amas de chairs et de cheveux poisseux, en cette humanité désespérée. Certains que cette fois ci elle ne tombera effectivement pas plus bas, il se laisse glisser au sol à ses côtés, menton au creux de ses mains, il sent le poids de sa croix sur sa poitrine. Aide la. Raphaël la regarde, il la dévisage, elle et son visage dévasté, ses yeux brûlés et ses lèvres déchirées. Il y a de l’injustice dans cette scène. Qui sera là pour l'aider lui ? Lui et son cœur détruit ? Lui et ses genoux couturé de cicatrices à force de prier ? Personne. Mais ça Raphaël le savait depuis bien trop longtemps, plus besoin d'espérer maintenant. Sa voix rauque et son insolence sont comme une gifle. Ca fait du bien, ça le ramène un peu plus sur terre. Ce qu'il y a de bien avec l'alcool c'est que ça vous désinhibe un homme, et tout ce qui sortait de la bouche de... Sarah ? Était sans aucun doute sincère. Enfin du repos pour son crâne. Merci. Second rire de la soirée, beaucoup plus franc cette fois ci, plus sincère, plus agréable. Triturant sa croix, il baisse les yeux pour l'observer. « Raphaël Sergeï Pryce, enchanté de te rencontrer Sarah Edwige Blackmore Ac-bref je suis ta déléguée »
Il attrape sa main, hésitant, avant de la serrer. Le contact humain n'est pas désagréable pour une fois, et il se surprend a garder la paume fermée pour profiter d'un peu de la chaleur de cette brune paumée. Se reculant, Raphaël fouille dans ses poches pour lui tendre une boite de pastilles à la menthe. Parce sincèrement. Elle sent pas vraiment la rose. Lui non plus remarque, alors il l'ouvre et en fourre deux dans sa bouche, grimaçant suite à l'impression de fraîcheur des bonbons.
« Cul béni hein ? T'inquiète j'ai eu bien pire que ça. Ca me dérange pas. Au final c'est ce que je suis, alors pourquoi le nier ? »
Claquement du sucre contre l'émaille de ses blancs, il ferme les yeux un instant pour arrêter les vertiges. Tout n'était pas finalement passé et parler comme ça ravivait légèrement le malaise. Tant pis, ça valait la peine. Ouverture des paupières, il pose son regard sur Sarah. Elle est belle. Belle a sa manière. Une beauté que Raphaël découvre à la lumière des lampadaires. Y avait en elle un trop plein de douleur qui la faisait briller. Putain. Peut être que c'était un reste de ce cachet d'ecstasy qu'il s'était enfilé. Peut être pas. Mais Raphaël a envie de la voir se relever, quitter le chemin un peu trop sombre dans lequel elle s'est aventurée durant cette soirée. Avec un peu de chance il pourra faire un bout de route ensemble ? Qui sait.
« Et toi Sarah, ça te dérange ? D'avoir un cul béni pour compagnon d'après beuverie ? Où t'as peur que je t'endoctrine toi aussi ? »
Petit rire amère, un sourire blessé se dessin sur visage trop pâle. Parce que c'est un peu pour ça qu'on le fuit à l'école, persuadé qu'il est là pour tirer les masses sur les bancs d'une Eglise trop contraignante.
So I can go until I blow up, eh And I can drink until I throw up, eh And I don't ever ever want to grow up, eh I wanna keep it going, keep keep it going, going, going, going....
Il se présente lui aussi, en complet, ce qui est définitivement trop pour mon cerveau. Je me contente de hocher la tête, de serrer sa main qu’est toute chaude. Pour un cul béni dit frigide, ça surprend. Raphaël donc, me fait implicitement comprendre que je pue de la gueule en me foutant une de ces pastilles à la menthe dans la gueule. Ca arrache, et je grimace exactement en même temps que lui. Un rire plus que louche s’échappe d’entre mes lèvres, mi-gloussement, mi-soufflement. Je sais pas trop, mais ça a plus rien d’humain.
« Cul béni hein ? T'inquiète j'ai eu bien pire que ça. Ca me dérange pas. Au final c'est ce que je suis, alors pourquoi le nier ? » « Ouais t’as raison d’assumer. Et puis vaut mieux avoir un bon cul que le contraire si tu veux mon avis.» Pas que j’ai eu l’occasion de vérifier ses fesses hein mais je veux dire que - je fronce les sourcils, ouvre la bouche, la referme avant de me foutre la paume sur le visage. Facepalm du siècle, quand mon moi intérieur me désespère plus que tout. Entre mes doigts, je rajoute dans un grognement grave - « Ok, je suis complètement pétée, mais ça veut pas dire que je te chauffe ok.» Règle numéro une quand on a plus le pouvoir de filtrer ses pensées - prévenir gentiment son interlocuteur. Je me connais. Je me connais trop bien, alors vaut mieux mettre les choses au clair tout de suite.
Le jeune homme s’installe à côté de moi, et je me pose aussi plus correctement, recroquevillant mes genoux contre ma poitrine - fuyant la flaque de vomi du mieux que je peux. Ah, si seulement se seraient arrêtées de trembler, j’aurais pu aller loin, loin de ces vieux relents de vodka et de whisky mélangés à ceux de la rue, pisse et beuh au menu. Comment il fait pour pas fuir sérieux ? Tout d’un coup, ma sympathie pour lui augmente - lui le type qui s’assied avec une inconnue au prix de son nez. Je redresse un peu les épaules, pose mon visage un peu plus correctement dans ma paume, et tente de m’accrocher à ses yeux alors qu’il me parle.
Ils sont explosés à l’ecsta. Ok, ceci explique cela - je retire ma sympathie, elle comptait pas. Lui aussi est à peine conscient.
« Et toi Sarah, ça te dérange ? D'avoir un cul béni pour compagnon d'après beuverie ? Où t'as peur que je t'endoctrine toi aussi ? » J’explose de rire, mes éclats éraillés remplissant la ruelle trop mal éclairée. Moi endoctrinée ? Meilleure blague de l’année - ok elle vient de commencer, c’est facile. Sourire aux lèvres, tête penchée vers lui, je lui réponds plus doucement. Cordes vocales à feu, voix rauque.
« Sérieux mon coeur, ça fait bien longtemps que Dieu a compris que j’étais un cas désespéré.»
Allez quoi, ça fait combien de temps plus précisément ? 13 ans que j’ai pas mis les pieds dans une église ? Que je dis cracher à la gueule de Dieu parce qu’il fait de même à la mienne ? Alors qu’en silence, parfois, je crie à l’aide, encore et encore aux oreilles de ce Dieu sourd. J’ai toujours eu plus de la pécheresse que de la prêcheresse - je peux plus rien attendre de ce vieux, tout là haut, qui doit bien rire de moi.
Je crois pas vraiment lui, j’ai jamais cru en quoique ce soit. Jamais cru aux autres, jamais cru au bonheur, jamais cru au fées et aux sortilèges. Jamais cru en moi.
Je crois juste en rien. C’est bien, rien, c’est simple. Il y a pas d’effort à faire, pas de rites, de pratique. Juste se laisser aller. Sombrer. Mais si tu veux couler, Sarah, pourquoi tu continues de te débattre ? Pourquoi ? Le vertige me reprend, et je ferme les yeux, serrant mes lèvres, les mordant un peu. Je crois qu’il faut que je m’allonge. Sans un mot, je pose ma tête sur ses genoux, étendant le reste de mon corps le plus à plat possible. C’est uniquement quand je rouvre les yeux, me retrouvant face à face avec son visage, que je réalise que ouais, je viens de me servir de lui comme oreiller. Aucun respect, la meuf qui croit en rien.
« Donc non, ça me dérange absolument pas, Raphaël le cul béni.» Sourire flou, je croise mes mains sur mon ventre, les yeux droits dans les siens. Ah et - « Pas de la chauffe heiiin.» Toujours rappeler, ne sait-on jamais. Allongée comme ça, la chaleur humaine contre la nuque, le ciel en visuel, ma marée d’angoisse se retire peu à peu. « Et toi, ça te dérange pas de traîner avec un déchet ? » Un des pires, un de ceux qui pensent encore pouvoir trouver le pardon alors qu’ils sont depuis trop longtemps condamnés.
Condamnés à ce même ciel qui se découpe derrière la tête de Raphaël. Sans étoile. Juste noir, tout noir. Juste rien.