got something important to say || Ollie

Il a passé le week-end avec Ollie. Cela faisait déjà un petit moment qu'il n'avait pas passé autant de temps avec lui. Au début, Scott avait un peu appréhendé, de peur que son attirance grandissante prenne le dessus. Et puis, au final, tout s'est merveilleusement bien passé. Il ne s'était jamais autant amusé depuis… depuis combien de temps déjà ? Il ne se souvient plus. Depuis longtemps, il a cru que les fêtes foraines ne lui convenaient plus. Mais avec Ollie, il lui a suffi de quelques minutes pour se rendre compte qu'il a gardé son âme d'enfant, malgré son passage brusque à l'âge adulte à la mort de son père.

Tout ce week-end passé en ville à la fête foraine lui a vidé l'esprit. Il ne pense plus à tous ses problèmes, qu'ils soient sentimentaux ou professionnels. Scott s'est aussi rendu compte d'une chose : il a besoin d'Ollie pour se sentir mieux. Un peu comme une drogue : chaque fois qu'il n'est pas à ses côtés, il ressent comme le besoin pressant d'aller le chercher pour se faire toucher par cette formidable énergie qu'il laisse échapper. Comme un papillon de nuit attiré par une lampe ; cependant, Scott a très peur de se brûler. Mais même cette prise de conscience n'a pas réussi à entacher son week-end. Pour montrer à quel point il est devenu accro.

Le week-end touche à sa fin : on est maintenant dimanche, fin d'après-midi. Demain, il faudra aller en cours. Cette pensée ne suffit pas à entamer la bonne humeur de Scott. Il marche aux côtés d'Ollie parmi les stands des forains, la tête protégé par un bonnet et les mains par des gants. Il s'est habillé avec des vêtements chauds. Entre ses doigts, il tient un gobelet en plastique rempli de café brûlant. L'hiver est rude cette année. Cependant, ça ne les a pas empêché de sortir en ville tout le week-end. Les deux garçons passent devant un stand où un commerçant vend des barbes à papa. « T'en veux une ? » Et sans attendre sa réponse, il lui en paye une et la mets dans sa main. « Ne me remercie pas. » Scott lui offre un grande sourire. Il ressent ce besoin de lui faire plaisir ; peut-être pour le remercier d'avoir été là et de l'avoir soutenu pendant sa dépression.

Ils trouvent un banc et Scott s'y assoit. Il sirote doucement son café tout en regardant le paysage. Il n'y a pas de neige malheureusement mais à quelques endroits, le sol est givré et glisse un peu. Il souffle sur sa boisson chaude puis tourne la tête vers Ollie. « J'ai passé un super week-end, c'était trop cool ! » Il ne se doute pas qu'Ollie approuvera avec son habituel enthousiasme. C'est ce qu'il aime chez Neon boy : cet insatiable enthousiasme qui ne s'éteint jamais. Il ressemble un peu à Jim. Scott reporte son attention sur la foule qui se presse autour des stands. Il aurait aimer rester ici pendant encore quelques jours, pour entretenir cette part de lui qui est restée enfantine. Malheureusement, il faudra retourner au pensionnat et à tous ses problèmes. Il soupire à cette pensée. Et dire que s'il était resté en A, il aurait pu partir d'ici, loin de cette guerre stupide et de ces gamins immatures. Mais en même temps, cela signifierait quitter ses amis et il n'était pas encore prêt à se séparer d'eux.

« Au fait, faut que je te dise un truc. » Soudainement, le regard de Scott se reporte sur son gobelet. Il se sent gêné, presque embarrassé. Il avait pris la décision en choisissant de passer le week-end avec son ami : il doit lui dire. Mais lui dire quoi ? Les mots butent dans sa gorge. « Heurm… » Il ne sait pas comment s'y prendre. C'est étrange, face à Mack, il n'avait pas hésité à lui dire "je t'aime" malgré que ce soit faux et maintenant qu'il doit le dire à quelqu'un pour qui l'affirmation est vrai, il n'y arrive pas. C'est plus facile de faire semblant, pense-t-il. Scott essaye de garder une respiration à peu près calme. Par où commencer ? Quels mots choisir ? Plus les secondes s'égrènent, plus le stress monte. Il se demande s'il fait un bon choix, de lui avouer. « Promets-moi qu'on restera amis, peu importe ce que je vais dire. »

Il aurait regardé le vendeur de confiseries avec un air de gamin fasciné si il ne se sentait pas mal à l’aise sur le coup. La faute à Scott qui prend des initiatives et qui dépose quelques pièces dans la paume du mec.

— Mff t’es trop gentil avec moi Scott..

Et c’est pas un Ollie qui pique un fard lorsqu’il prend le bâtonnet de sucre cotonneux alors qu’on paye pour lui qui va trop profiter de cette gentillesse. Parce qu’Ollie il ose jamais rien demander à qui que ce soit, quand on lui propose quelque chose il refuse poliment, et là quand Scott lui met la barbe à papa dans les mains ça y est : il sait plus où se mettre, il se cache carrément derrière le nuage rose comestible pour marmonner un merci lorsque son ami lui sourit. Mais il est vite oublié, l’embarras, parce qu’au lieu de se mettre la pression parce qu’on lui fait plaisir Ollie pense justement au sourire de Scott, et puis tous les autres qu’il a eu l’occasion de voir ces deux derniers jours. Il se dit que ça faisait longtemps qu’il avait pas vu Scott comme ça, et que c’était plutôt cool. Sous ses airs désinvoltes Ollie est du genre à se faire énormément de soucis, on s’en rend pas forcément compte parce qu’il est tout le temps là à gesticuler et à dire des conneries mais justement, plus il s’inquiète et plus il sautille devant vous pour essayer de vous changer les idées. Oui arrêtez de rêver de longues discussions qui vous ouvriront les yeux avec Ollie, il en est difficilement capable. Par contre niveau affection il donne y a pas de problème.

- J'ai passé un super week-end, c'était trop cool !

Sinon il a juste, ça fait un peu plus d’étincelles qu’avant dans les yeux de Scott lorsque ce dernier reporte son regard sur lui. Assis à coté de lui, Ollie lui rend son sourire alors qu’il a la bouche pleine de coton sucré et il avale avant de démarrer au quart de tour, le genre de réaction dont on ne s’étonne plus quand on le connaît rien qu’un peu. Enthousiasme qu’il n’exagère même pas, alors qu’il s’extasie il a du mal à tenir en place, il s’agite à peine sur le banc.

— Ideem sérieux j’ai pas envie que ça s’arrête j’voudrais que ça continue encore tous les jours.. ‘Fin peut-être pas tous les jours à la fête foraine on se ferait chier à force mais y a d’autres trucs à faire !

Scott ne suit pas, se contente d’acquiescer avant de porter son attention sur la foule devant eux. Pas grave, Ollie à l’habitude de s’exciter tout seul pour pas grand chose, et puis faut pas systématiquement accrocher à ses montées d’adrénalines, faut qu’il se calme un peu de temps en temps. Ça retombe, il a l’air plus tranquille, il regarde les gens passer lui aussi sans dire un mot, mordant régulièrement dans le nuage rose.

- Au fait, faut que je te dise un truc.

Ridicule, il en a sur le nez, ça le fait oublier l’intonation sérieuse de Scott tout à coup parce qu’il se dépêche d’enlever le sucre de sa figure, soulagé que son ami ne se soit pas tourné vers lui à ce moment là. Sauf que voilà l’annonce de Scott sonne un peu officiel et forcément ça l’intrigue, encore plus lorsqu’il le voit hésiter. Il délaisse sa barbe à papa, la tient distraitement entre ses doigts, ses avant-bras posés sur ses cuisses et le dos à peine arqué il pose son regard sur un Scott qui semble préoccupé alors qu’il ne devrait pas y avoir de raison.

- Promets-moi qu'on restera amis, peu importe ce que je vais dire.

L’appréhension qui lui monte à la gorge. Ça fait pas vraiment sens dans son esprit alors il fouille dans celui ci à la recherche d'un indice, quelque chose qu’il a pu faire pour entendre cette phrase là tout de suite, n’importe quoi qui puisse l’éclairer. Mais non décidément ça ne fait pas sens. Ses doigts triturent nerveusement le bâtonnet alors qu’il essaye de déchiffrer l’expression de Scott. Il a peur de le vexer ? De le blesser ? On le blesse difficilement, Ollie, alors il a pas à s’inquiéter de ça. Si c’est une remarque sur ce qu’il a pu dire ou faire faut pas hésiter, il a déjà tout entendu. Ou alors une mauvaise nouvelle. Il préfèrerait la remarque un peu désagréable.

— Euh bah mm… bah oui bien sûr, ‘fin faut pas t’en faire pour ça j’peux tout entendre !

C’est dit avec le sourire, malgré le fait que ça le désempare un peu quand même. Ça se voit que ça le désoriente, il se balance légèrement de droite à gauche, reportant son regard sur le sol devant ses pieds. Il réalise qu'il a la mauvaise habitude de ne pas poser assez de questions, de ne pas prendre assez d'initiatives. Il attend toujours qu'on vienne lui dire les choses parce qu'il se dit que c'est mieux comme ça, qu'il a pas à brusquer les gens pour en savoir plus. Mais là il aurait bien aimé prendre plus de temps ces deux derniers jours pour s'assurer que tout va bien pour Scott désormais, au lieu d'avoir passé le week-end à déconner. Ses épaules se haussent.

— … C’est quelque chose qui t’angoisse ? ... Parce que t’as l’air stressé.. du coup ça doit pas être quelque chose de très réjouissant..

Il pensa très fort que ça serait dommage de finir un week-end aussi génial sur une note un peu sombre mais si c'est important, tant pis.

Ollie a l'air nerveux, Scott le voit à ses doigts qui n'arrête pas de bouger. Il n'a pas à s’inquiéter, c'est sûrement pas aussi grave qu'il le pense. « Euh bah mm… bah oui bien sûr, ‘fin faut pas t’en faire pour ça j’peux tout entendre ! » Ça rassure un peu Scott même s'il appréhende beaucoup. S'il peut tout entendre, peut-il forcément bien réagir à tout ? Scott souffle dans ses mains, remarque du coin de l’œil le sourire que lui offre son ami qui a l'air de s'agiter dans tous les sens. Assis sur le banc, l'américain tente de reprendre un peu de confiance de lui, de paraître moins stressé. Il s'est toujours dit que s'il devait un jour déclarer sa flamme à quelqu'un, ce serait à la manière d'un prince charmant, dans un costume luxueux et la rose entre les lèvres. Mais ça ne se passe jamais comme on l'imagine. La preuve, il est là, assis sur un banc, le froid qui lui agresse les joues et les battements de cœur qu'il tente de maîtriser. Aucune prestance, juste un grand stress.

« … C’est quelque chose qui t’angoisse ? ... Parce que t’as l’air stressé.. du coup ça doit pas être quelque chose de très réjouissant.. » La voix d'Ollie le sort de ses pensées et il le fixe intensément, comme s'il essaye de faire passer par le regard ces sentiments dont il n'arrive pas à mettre de mots dessus. Il passe la main sur son menton, hésitant encore. Dans sa tête, c'est le questionnement incessant : dois-je lui dire ou pas ? Finalement, il fourre ses mains dans ses poches et se lance. « Tu m'attires. » Il laisse passer quelques secondes de silence, le regard vague. Quelques secondes pour qu'Ollie comprenne ses paroles. « Mais genre, vraiment beaucoup. » Ça lui paraissait un peu plus romantique dans sa tête. Il se rend compte que même s'il joue au tombeur avec les filles, il reste un gars maladroit qui a du mal à manier les mots. Il déglutit, les muscles tendus. Maintenant qu'il a dit ça, il n'ose plus regarder Ollie. Il a trop peur de sa réaction. « Je... Pour l'instant, je peux pas dire si je suis amoureux. Je suis pas sûr. » Y a-t-il au moins une chose dont il est sûr dans sa vie ? Que tous les "je t'aime" prononcés à Mack sont des fake et qu'il n'est plus sûr de rien. Il ne sait même plus s'il aime encore Ernest. Il est juste paumé et confus.

Scott retire son bonnet, parce qu'il a soudainement chaud à la tête. Il ignore si un poids vient de s'enlever de ses épaules ou si au contraire, un poids vient de se rajouter. Qu'est-ce qu'il fera si ses paroles arrivent aux oreilles de Mack ? Qu'importe. Le plus important, c'est la vérité qu'il vient d'énoncer. « Je veux pas que ça change quoi que ce soit entre nous, tu comprends ? » Il pense qu'il comprendra. Parce que pour lui, Ollie est comme une drogue et il n'est pas sûr d'en sortir indemne si on lui la retire.

« Tu m'attires. »

Surprise qui met quelques dixièmes de seconde à arriver. Les lèvres qui s’entrouvrent à peine. Le regard qui se fait un peu plus désemparé. Le cœur qui manquerait presque de rater un battement. Loin de tout ce qu’il avait anticipé. Il se dit qu’il a mal entendu avec les rires les voix le brouhaha ambiant. Il a forcément mal entendu, parce qu’Ollie on lui dit pas ce genre de chose. Sauf que si, c’est bien ça, y a pas d’erreur.

« Mais genre, vraiment beaucoup. »

Est-ce que Scott attend une réponse ou pas encore ? Parce que là tout de suite Ollie est franchement pas en état de lui en donner. Il a l’air perdu aux premiers abords, complètement à la ramasse. Tellement de choses qui se trament dans sa tête. Il est pas en colère, ni choqué, encore moins dégoûté, c’est pas son genre de toute façon, c’est pas un sentiment déplaisant, c’est même plutôt agréable au final, il saurait pas dire. Un peu comme quand on vous fait un compliment qui vient du cœur, quand on vous dit quelque chose de super touchant, c’est un peu étrange. Il voit Scott hésiter, avoir l’air confus comme tout, éviter son regard, il l’entend dire qu’il est sûr de rien, alors que c’est déjà pas mal. Il se demande s’il avait l’air aussi gêné le jour où il a dit à Jim qu’il l’aimait ‘vraiment vraiment beaucoup’, Ollie. Il attendait rien, il voulait juste le dire à haute voix pour s’alléger d’un poids, parce qu’il pensait que c’était le bon moment. Ça doit être un peu pareil pour Scott, non ?

« Je veux pas que ça change quoi que ce soit entre nous, tu comprends ? »

Il se rend pas compte, c’est quelque chose qui le dépasse complètement, qui l’a jamais vraiment angoissé dans sa vie. Il est pas en train de s’interroger sur ce qu’il se passe, sur ce qu’il va se passer, sur ce dont il a envie ou non. C’est quelqu’un qui vit dans l’immédiat, Ollie, il a du mal à se projeter une heure, une journée, une semaine plus tard. Alors non, ça ne changera absolument rien entre nous, il ne voit pas pourquoi ça ira mal plus tard alors que là tout de suite y a aucun problème.

Son regard s’était reporté depuis un moment sur le sol, se balançant d’un pied à l’autre, incapable de tenir en place. Et puis y avait son sourire qui ne le quittait pas. C’était pas un sourire satisfait parce qu’on lui avait fait une sorte de déclaration, c’était pas de la fierté. Ça lui faisait plaisir, vraiment plaisir, alors forcément il avait du mal à empêcher ses fossettes de se creuser.

« T’inquiète, j’comprends, ‘fin… ouais, t’en fais pas pour ça ! »

Ses épaules se haussent, il reprend distraitement un morceau de coton sucré, désinvolte, alors qu’il se met plutôt en tailleur sur le banc pour s’empêcher de trop bouger. Il a quasi fini sa barbe à papa et on le voit vite mordiller sans faire attention le bâtonnet, alors que le silence s’étire sur quelques secondes encore. Lui qui a toujours une tonne de choses à dire, ça doit sembler bizarre qu’il se taise aussi longtemps. C’est juste qu’il se demande si ça dérange Scott. Si ça l’énerve de ressentir ça, si il préférerait pas plutôt que ça cesse. Et il ose pas demander, il est incapable de savoir comment réagir quelque soit la réponse de Scott. Du coup il est là, à lever enfin les yeux vers lui, l’air un peu plus sérieux soudainement.

« Eet mh.. du coup des fois t’as genre envie de m’embrasser ou.. des trucs du style ? »

Est-ce que ça le fait se sentir mal ? Est-ce que c’est un problème pour Scott, cette situation ?

Scott sent l'air froid lui grignoter le visage. Il tient son bonnet entre ses mains et le triture dans tous les sens. Même s'il fait froid, il a très chaud à la tête. Il sait que c'est un contre-coup de sa déclaration. Peut-être qu'il a les joues rouges, il n'en sait rien mais si c'est le cas, c'est normal. Il n'a jamais été habitué à se déclarer de manière aussi sincère. Il jette un coup d’œil à Ollie. Celui-ci bouge dans tous les sens, comme s'il lui était incapable de rester en place et ça doit être sûrement le cas. Ollie n'a jamais été fait pour rester planter quelque part. Il a besoin de bouger et Scott le sait très bien. Paradoxalement, lui aurait aimer devenir une statue, là tout de suite. Livrer des pans de lui l'a toujours extrêmement embarrassé. « T’inquiète, j’comprends, ‘fin… ouais, t’en fais pas pour ça ! » Son ami sourit et pendant un instant, Scott pense que ça l'amuse. En fait, il ne sait pas très bien comment interpréter ce sourire. Peut-être qu'il est juste content de savoir que quelqu'un l'aime.

Ollie s'assoit sur le banc en tailleur et finit sa barbe à papa. Scott ne fait plus vraiment attention à lui. Il passe la main sur son menton, pensif. Il se prend à croire que peut-être, quelque chose pourrait se passer entre eux deux. Quand il observe son ami mâchonner distraitement le bâtonnet de sa barbe à papa, il comprend que rien ne se passera sûrement entre eux. Il a l'impression qu'Ollie ne saisit pas vraiment l'ampleur de ce qu'il vient de dire. Il ne peut pas vraiment lui en vouloir. C'est son caractère. Mais quand ses yeux croisent les siens et que Scott y voit un peu plus de sérieux que d'habitude, l'espoir revient à grands pas. « Eet mh.. du coup des fois t’as genre envie de m’embrasser ou.. des trucs du style ? » Scott ouvre la bouche puis se ravise. Est-ce qu'il doit lui dire que ça ne se limite pas à l'envie d'un baiser ? Que c'est bien plus que ça ? Il se dit qu'il peut tout lui dire. Après tout, tant qu'il est lancé, autant tout lui avouer.

« J'ai envie... j'ai envie de t'embrasser des fois, oui. Pas que des fois en fait. Tout le temps. Mais y a pas que ça... » Scott regarde son bonnet dans ses mains et il est sûr qu'il rougit. Ça lui arrive rarement et c'est une sensation bizarre d'avoir les joues en feu. « J'ai envie de plus qu'un baiser. Tu comprends ? » Il essaye d'être subtil mais il est sûr qu'il aura du mal à comprendre. « J'ai envie de coucher avec toi. » Il ferme son poing et se retient de se l'envoyer dans la figure. Qu'est-ce qu'il croit, que de tout balancer brutalement arrangera les choses ? Il se sent soudainement stupide. « Enfin, je voulais pas dire ça. Oublie ce que je viens de dire ! » Il parle peut-être un peu trop fort sur un ton confus.

Il se mord si fort la lèvre inférieure qu'il sent le goût du sang emplir sa bouche. Le mot idiot tourne en boucle dans sa tête. Scott n'arrive plus à réfléchir correctement ; tout ce qu'il veut, c'est s'enfoncer dans un trou de souris et ne jamais en ressortir. Sa maladresse est telle qu'en temps normal, il en aurait sûrement ri. Mais là tout de suite, il est trop tendu pour rire. Il inspire profondément pour se calmer et pouvoir aligner quelques mots correctement. « On devrait peut-être arrêter de se voir pendant un moment. Je veux dire... j'ai peur de ne pas pouvoir me contrôler. » J'ai peur que mon instinct de séducteur prenne le dessus.

Il repense au soir où il avait smacké Scott juste comme ça, parce que c’est sa manière à lui de dire à quelqu’un qu’il l’aime beaucoup. Au soir où ils avaient fini par s’embrasser pour de bon, juste comme ça cette fois ? peut-être. Peut-être pas. Ça l’avait pas dérangé, ni embarrassé, ça l’avait fait sourire. Quelqu’un qui l’embrasse lui, Ollie, le mec un peu étrange qu’on  peine à comprendre. Il avait eu l’impression que Scott comprenait, il saurait pas dire quoi, juste qu’ils étaient sur la même longueur d’onde durant une poignée de secondes. Et ça lui avait fait plaisir.

Alors il se dit que ça serait cool que Scott réponde qu’il a effectivement "genre envie de l’embrasser ou des trucs du style". Il a pas vraiment de raison de vouloir l’entendre dire ça, c’est même un peu gonflé de sa part de demander. Ok carrément osé. Mais Ollie il a comme besoin de les entendre, ces mots, ça le rendrait super heureux.

« J'ai envie... j'ai envie de t'embrasser des fois, oui. Pas que des fois en fait. Tout le temps. »

Il est super heureux. C’est cette étreinte au cœur qui te saisit tout à coup et là à cet instant tu peux que te sentir bien. C’est sûrement un sentiment très égoïste mais ça a rien à voir avec l’égo pourtant, c’est simple, et pur, et naïf. C’est Ollie qui sourit et qui détourne le regard, touché, pris de bouffée d’affection, Ollie qui voudrait serrer le monde dans ses bras, qui voudrait enlacer Scott là tout de suite parce que c’est fou comme il l’aime fort. Il mesure pas la gravité, les problèmes que la déclaration sous entend. Scott c’est l’une des personnes avec laquelle il est le plus proche ici alors qu’on lui dise je t’aime ou j’ai envie de t’embrasser ça peut que l’enthousiasmer.

« Mais y a pas que ça... J'ai envie de plus qu'un baiser. Tu comprends ? »

Est-ce qu’il comprend ? Y a pas de nuances dans le monde d’Ollie, c’est tout ou rien. Ses amis il les aime, il les embrasse sur la joue, il pose ses lèvres sur les leurs, il les câline, les enlace, il dort avec, prend toute la place ou s’endort blotti contre eux, qu’est-ce que ça change ? du moment que ça veut dire je t’aime.
Et il en faut plus à Scott pour dire je t’aime ?

« J'ai envie de coucher avec toi. »

Les joues qui brûlent tout à coup. Oui bah oui réfléchis, Ollie. Ce gars un peu imbécile qui est bien le seul sur cette planète à s’étonner dans ce genre de situation. C’était évident pourtant.

« Enfin, je voulais pas dire ça. Oublie ce que je viens de dire ! »
— Je.. j’vais essayer si tu veux.

Parce que tu les bois, ses paroles, tu te nourris des mots comme tu te nourris des étreintes. Ok ça t’as surpris, mais.. c’est plaisant, non ? On a envie de toi. On a envie d’Ollie. C’est ridicule, qui aurait envie d’Ollie de cette manière ? Il voulait pas dire ça, oublie. Et il se demande pourquoi il a cette impression de tomber de son petit nuage, pourquoi il se sent idiot d’avoir pu sourire. Il sourit encore malgré tout.

« On devrait peut-être arrêter de se voir pendant un moment. Je veux dire... j'ai peur de ne pas pouvoir me contrôler. »

C’est chiant d’aimer Ollie, c’est chiant d’avoir envie de lui, d’avoir ces pensées à son sujet, on a qu’une envie c’est de s’en débarrasser. C’est ça, hein ? Ça cause que des tracas, et Scott ça l’angoisse. Suffit de voir sa lèvre en sang à force de la mordre, suffit de voir ses doigts qui se tordent d’anxiété sur son bonnet. C’est chiant de t’aimer, Nemo, toi et ta manière d’être beaucoup trop étrange. Ça désoriente d’être près de toi, vaut mieux s’éloigner un peu le temps de se sevrer.

— J’suis désolé je ferai plus de gestes déplacés, j’dirai rien de bizarre.. Enfin si tu veux on peut s’éviter un moment, si tu préfères. Ça va être un peu compliqué vu qu’on se verra forcément en classe ! Mais mh j’ira pas te voir et puis.. Je sais pas.

Et cette fois il trouve pas ses mots, y a le débit de conneries qui se tarit, y a plus rien qui sort de cette bouche qui se tord à peine lorsqu’il tente de cacher son air contrarié pour le changer tant bien que mal en risette amusée. Amusé de lui.

— J’suis bête, je.. j’pensais à un moment que ça te dérangeait pas..

Amusé au point qu’on entend quelques éclats de rire après qu’il ait levé les yeux rien qu’une seconde vers Scott. Une seconde à peine parce qu’il arrive plus trop à soutenir son regard, parce qu’il baisse la tête l’instant d’après. Il pensait un moment que ça dérangeait pas Scott de ressentir ça pour lui. Il pensait que le fait que Scott l’aime ça rendait ce dernier aussi heureux que lui. Mais c’est pas si grave. Il va tenter d’oublier ce qu’il vient de dire.
Si c’est pas si grave, pourquoi t’as le regard un peu terne tout à coup, Nemo ?

« J’suis désolé je ferai plus de gestes déplacés, j’dirai rien de bizarre.. Enfin si tu veux on peut s’éviter un moment, si tu préfères. Ça va être un peu compliqué vu qu’on se verra forcément en classe ! Mais mh j’ira pas te voir et puis.. Je sais pas. » Scott a un faible sourire. Ça lui fait plaisir qu'Ollie soit prêt à faire des efforts dans son sens mais en même temps, il se dit que ce sera difficile. En plus, il n'est pas sûr que d'arrêter de le voir soit la bonne solution. Sa première expérience amoureuse avec Ernest lui a montré que l'éloignement ne conduit pas forcément à la diminution de la force des sentiments. Tout lui paraît désormais compliqué alors que tout était si simple avant. Il y a des mois, lorsqu'il venait à peine d'arriver, il se serait contenté de flirter avec Ollie pour le mettre dans son lit sans regrets. Maintenant, il préfère s’éloigner pour éviter de le blesser. Prismver l'a bien changé.

« J’suis bête, je.. j’pensais à un moment que ça te dérangeait pas.. » Ollie lâche quelques éclats de rire avant de baisser la tête. Il ne lui en veut pas. Scott aussi avait pensé pendant un moment que ça n'aurait rien changé. Seulement, ce n'est pas le cas. Il passe sa main sur son cou et regarde le ciel. Peut-être que s'il n'avait rien dit, tout serait resté comme avant. Sauf qu'il aurait étouffé de ne rien dire. Un sourire gêné finit par orner son visage. Il décide de prendre la main de son ami entre les siennes. Même s'il porte des gants, le contact le fait très légèrement tressaillir. Son cœur rate quelques battements et il se mord la lèvre. « Je te promets que tout ça va s'arranger. Bientôt ça redeviendra comme avant, t'inquiètes pas. Faut juste me donner un peu de temps. » Il dit ça même il ne sait même pas s'il pourra tenir sa promesse. Qu'est-ce qui lui dit qu'il ne restera pas amoureux d'Ollie encore longtemps ? Ce genre de choses ne se contrôle pas et c'est bien ce qui l'énerve.

Scott finit par lâcher sa main à contrecœur. Il y a tellement de choses qu'il aimerait faire :  juste effleurer sa joue de ses doigts ou bien sentir ses lèvres contre les siennes… Il se retient. Même si depuis leur dernier baiser, il avait un goût de pas assez, il ne peut pas lui demander ça. Ce serait succomber et à partir de maintenant, il doit être fort. Tout finira par s'estomper. Pourtant, l'envie d'avoir un baiser est trop fort et il n'arrive pas à empêcher sa bouche de s'ouvrir. « Est-ce que… tu veux bien m'embrasser… juste une fois ? Avant qu'on arrête de se voir. » Il trouve cette demande stupide. Cela aura le goût d'un baiser d'aurevoir. Pourtant, il en a très envie et puis peut-être que c'est comme la faim : si tu l'assouvis, ça ne t'embête plus après. Scott regarde Ollie et dans ses yeux brillent une lueur suppliante qu'il a du mal à masquer. S'il te plait, Ollie, juste un.

« Je te promets que tout ça va s'arranger. Bientôt ça redeviendra comme avant, t'inquiètes pas. Faut juste me donner un peu de temps. »

Concentre toi. Sur les gens qui passent sur les mots qui s’échangent les bouts de conversations volatiles qui parviennent jusqu’à toi, tout ce qui t’entoure là tout de suite. Pourtant habitué au contact il est désemparé Ollie, il a son regard qui a vrillé un instant sur la main de Scott qui prend la sienne et ses doigts qui touchent les siens et il finit par regarder ailleurs, par se dérober, ça lui arrive pas souvent de baisser les yeux comme ça mais aujourd’hui c’est le cas. Parce qu’il sait pas à quoi ça rime, Ollie, c’est un mec qui se prend jamais la tête et Scott utilise des termes beaucoup trop compliqués. Il tourne autour du pot et à force Ollie il le perd, il se perd dans ses pensées un peu stupides et naïves. Il a qu’une envie c’est de ne pas se laisser faire pour une fois, parce qu’à force d’y réfléchir il a l’impression qu’on se fout de lui, qu’on se sert de lui, que Scott est clairement en train de se foutre de sa gueule.

Parce que c’est dégueulasse de dire "écoute Ollie j’ai grave envie de te baiser mais ça serait trop craignos alors j’préfère qu’on s’évite le temps que ça passe". C’est c’que Scott a dit, nan ? Pas aussi méchamment certes mais.. c’est quasiment ça, pas vrai ? Ça lui serre encore plus le cœur quand il repense à ses mots et il éloigne sa main un peu vite lorsque Scott la lâche, la tête basse.

« Est-ce que… tu veux bien m'embrasser… juste une fois ? Avant qu'on arrête de se voir. »

Il est trop gentil, Ollie, il essaye de se convaincre que c’est lui qui a tord dans l’histoire et qu’il ferait mieux d’écouter Scott, qu’il ferait mieux de lui donner ce qu’il veut avant de le laisser tranquille. Ça le dérange pas de l’embrasser, y a des fois où il en a super envie quand ils sont tous les deux, y a des fois où il craque même, comme le soir où il est resté dormir avec Scott pour lui remonter le moral. Mais aujourd’hui c’est pas pareil. Ollie c’est un mec qui vit au feeling, et là ça passe pas, il bloque. Il a l’impression que c’est pas juste, qu’il est perdant dans l’histoire, qu’il a cette habitude de donner et là ça serait trop donner. Il a finalement levé les yeux vers Scott une seconde.

Te laisse pas faire, Ollie, putain. T’en as marre des excuses, t’en as marre des bonnes raisons que ton entourage trouve toujours pour se débarrasser de toi quand tu deviens trop envahissant. Ça te rend triste, alors pour une fois arrête de sourire. Scott qui veut plus le voir, mais qui en redemande quand même. Ouais, ça le rend vraiment triste.

Il a la vue un peu trouble mais il fait de son mieux pour garder la face lorsqu’il se lève, il ravale son air contrarié pour lui lancer un regard noir et des mots acides.

— J’suis pas ta pute, Scott.

Il le dévisage une, deux, trois secondes, avant de faire volte-face pour se casser d’ici, s’éloigner comme on le lui a demandé. Déçu.

février