Counting Stars - Nevada

Journée épuisante. Crevante. Tuante. Étienne avait été fidèle à ses dires et l’entraînement avait été vraiment difficile. Surtout après la soirée de la veille. En fait, c'était dans ces moments là où Alaska se demandait ce qu'elle foutait là. C'était bien beau de courir après un ballon, de faire des passes sur le terrain, de s'exploser les genoux sur le parquet. Mais c'était pas elle, traîner avec une bande de gens, boire des bières et se lancer des défis stupides. Alaska n'avait pas d'amis, ou bien très peu et s'ouvrir comme ça aux membres du club lui faisait tout drôle. Elle avait peur. Ouai, peur. Peur qu'une fois le stage terminé, de retour à Prismver, les regards se fassent distants, lointain, les murmures plus présents. Finit la complicité. Alaska avait peur de tout perdre, perdre ce qui était entrain de se construire petit à petit.
Le repas a un goût amère dans sa bouche et la jeune fille ne lève presque pas les yeux de son assiette. Silencieuse, elle écoute les autres parler, sans jamais participer. Parce qu'elle sait qu'elle finirait par tout gâcher, elle et sa grande gueule. Dessert avalé, elle se tourne vers son voisin de table, Nevada pour lui glisser quelques mots :

« je sais qu'on a pas le droit, mais rdv dans 15 mn dans la cour ? J'ai besoin de prendre l'air un peu... »

Murmure silencieux elle lui donne une petite tape sur la joue en quittant la table direction les dortoirs. Rapide changement de tenue, Alaska enfile un survêtement pour se tenir chaud ainsi qu'un gros pull en laine. Cheveux relevés en chignon, elle pose son casque sur les oreilles avant de quitter la pièce, musique à fond dans les tympans. Ça la calme en  un instant, et quelques secondes plus tard elle esquisse quelques pas de danse dans les couloirs à la recherche de la sortie. Ca fait du bien, de bouger au rythme de la musique. Ça apaise un peu son cœur trop torturé. Est-ce que Nevada viendra ? Elle espère, parce que ce soir, elle a besoin de savoir qu'il est là, qu'il ne la laissera pas tomber. Nevada et sa taille immense, Nevada et son regard un peu trop sombre, Nevada et ses airs de mecs qui ne s’intéressent pas mais qui finalement remarque tout. Nevada brisé, Nevada ce qu'elle aurait pu être, si son cerveau avait pas déconné.
Après quelques minutes de marche dans le froid, elle trouve enfin la cour de l'université. Elle n'a pas le droit d'être là mais qu'importe, Alaska n'écoute jamais. Elle n'aime pas ça. C'est vide autour d'elle, vide et sombre, silencieux. Alors elle augmente le volume, The Doors dans les oreilles elle recommence à tourner. Bouger la réchauffe.
Puis, à bout de souffle, l'allemande s'arrête et se laisse tomber sur un banc. Allongée, elle regarde le ciel, les étoiles. Noir sur blanc, elle aime la nuit, où les couleurs disparaissent, où soudain elle se sent presque normale. Bras en croix sur la poitrine, Alaska se laisse avaler par la nuit.

« Like a dog without a bone
An actor out on loan
Riders on the storm »

Voix qui s'élève dans la pénombre. Alaska sait qu'elle chante mal, mais qu'importe, elle a juste besoin de laisser la chose sortir, de s'exprimer un peu, de dire la vérité. Parce que les secrets blessent et qu'Alaska n'en peux plus. Ce soir, elle a juste envie de s'envoler, chevaucher cette foutue tempête que Jim Morrison lui promet.

-  je sais qu'on a pas le droit, mais rdv dans 15 mn dans la cour ? J'ai besoin de prendre l'air un peu...
-  Hm ?

Il la regardait se lever sans un mot de plus, légèrement surprit. Alaska n’avait pas parlé de tout le repas, elle lui avait parue distante, ailleurs, et en bon idiot qu’il était, il n’avait pas cherché à comprendre, à savoir s’il y avait un quelconque problème. Il n’avait pas cherché à l’intégrer à la discussion, lui qui ne parlait déjà pas énormément, non il l’avait laissé seule, terrée dans son silence, comme il l’avait fait pour Laura. Mais Laura c’était différent, Laura elle ne parlait jamais, sauf lorsqu’on lui demandait quelque chose, c’était volontaire chez elle mais il doutait fortement que ce fut le cas de la E. Il n’eut pas le d’acquiescer sa demande que déjà la belle disparaissait au loin dans les couloirs, pour aller voler il ne savait où en attendant leur rendez-vous. Lui ne bougea pas, préférant de loin la chaleur du réfectoire au froid glacial de l’extérieur, et ses pensées s’échappèrent doucement le temps d’un instant. Court instant qui lui semblèrent à lui des années, bien heureux dans ses songes ; il s’imaginait une vie qu’il n’aurait sans doute jamais, une vie heureuse où il aurait le droit d’espérer de nouveau, où il ne serait pas l’homme égoïste et drogué qu’il était aujourd’hui. Mais hélas c’était impossible, parce que Nevada avant d’être un égoïste, était un homme qui se refuser d’avancer, le genre qui restait terré dans le passé parce que c’était plus rassurant. Plus triste aussi et plus effrayant, mais il s’en moquait, Nevada, il s’en moquait parce que dans ce passé il y avait son père et lui n’avait besoin que de ça. La seule chose qui le fasse réellement tenir était celle qui l’avait fait plonger, quelle ironie.

Distrait, il balança ses iris sur la pendule, lassé il quitta la table pour se rendre au dortoir où il ne prit que son manteau rembourré avant de s’enfoncer dans la pénombre. Il n’était pas vraiment en retard, pas tellement en avance non plus, il la cherchait des yeux, le regard perdu dans l’immensité des ombres. Mais il ne la trouvait pas, mains dans les poches, épaules courbées sous l’intensité du froid, il soufflait et sautillait pour tenter de trouver un peu de chaleur, mais elle n’était pas là. Alaska sa lumière, celle qui lui permettrait sans aucun doute de se sentir plus à son aise dans ces lieux étrangers.

-  [...] dog without a bone
An actor out on loan
Riders on the storm

Grimace imperceptible au milieu d’un soulagement sans nom à l’écoute de cette voix qu’il connaissait parfaitement, il pourrait la trouver désormais, enfin. Le pas rapide, il s’était pressé à sa rencontre, se repérant dans l’espace grâce au son pas très charmant de la chanson qu’elle chantait. Et rapidement il s’était retrouvé face à elle, joli soleil dans ses pensées, allongée sur un banc de la cours de récréation.

Elle ne semblait pas avoir remarqué sa présence, alors il en profita pour contourner le banc et se placer debout, au niveau de sa tête. Puis d’un geste presque trop tendre pour éviter de l’effrayer, il lui ôta son casque, dans un sourire apaisé. Un sourire heureux mais qu’il doutait de sincérité, un sourire qui lui permit de comprendre une brève seconde l’effet que cette fille avait sur son coeur. Et pouf ! Disparu, il redevint alors ce garçon paumé qu’il avait toujours été, ce gars privé d’espoir et de rêve parce que lui-même se l’était interdit. Qu’il était lâche, Nevada, qu’il était pathétique à lutter contre sa propre volonté. Punition inutile, complètement inutile.

Absurde.

-  Hola beauté, on m’a demandé ? souffla t-il la voix taquine, j’espère que tu n’as pas attendue trop longtemps, j’ai eu du mal à te trouver tu sais.

Alaska ne compris pas tout de suite ce qui se passait. D'un monde musical elle passait au silence de la nuit. Silence brisé par une voix qu'elle connaissait que trop bien, et lorsqu'elle ouvrit les yeux, ce fut pour tomber sur un Nevada souriant. Putain. Le choc. Le temps Qu'Alaska se relève, le sourire avait disparu et c'était retour au bon vieux Nevada. Nevada grincheux, Nevada lointain, mais Nevada qui restait à côté d'elle au lieu de fuir.
Réajustant ses cheveux désordonnés, Alaska observe son camarade. Il a l'air d'avoir froid, et soudain elle s'en veut de l'avoir fait venir ici. Elle était habitué au froid elle, les hivers à Berlin pouvaient être rudes et elle avait toujours aimé l'hiver. Mais Nevada ? Elle en savait rien. Lui adressant un petit sourire d'excuse Alaska lui fit une place pour l'inviter à s'asseoir.

« Ouaip j'ai commandé un beau gosse métisse asiatique, grand si possible et athlétique. Je crois que ma commande a été livrée ! Et dans les temps ! »

Clin d'oeil exagéré, Alaska tapote le ventre de Nevada, rencontrant le mou du manteau. Parfait. Au fond, Alaska est heureuse, au fond, Alaska se sont fière, d'avoir quelqu'un qui est venu la rejoindre, d'avoir quelqu'un sur qui compter. Elle avait jamais eu d'amis, faut croire que sa manie à balancer les 4 vérités et pire au visage des gens n'aidaient pas. Mais avec Nevada c'était différent. Alaska n'avait pas envie de persifler, Alaska n'avait pas envie de faire sa vipère comme elle le faisait si bien. Non. Alaska n'avait pas envie de le faire fuir. Parce que Nevada était spécial. Il la blessait tout au autant qu'il la maintenant hors de l'eau. Et ça, c'était inestimable pour la jeune fille. Même s'ils avaient leurs hauts et leurs bas.... C'était toujours mieux que le traitement que lui réservait Olive dès qu'elle osait la défier du regard. Elle avait encore les marques dans son dos de leurs dernière rencontre. Chassant ces mauvaises pensées de sa tête, Alaska se tourne pour observer Nevada.

« Désolé de t'avoir fait sortir,si t'as trop froid on peu rentrer tu sais. Mais j'avais besoin de fumer un peu et de prendre l'air. »

Elle y arrive pas, Alaska. A parler de ce qui va pas. Alors sans un mot,elle pose sa tête contre l'épaule du jeune homme et ferme les yeux. Elle est bien comme ça, au contact d'un humain et non d'un mur froid. Jamais elle n'aurait cru que quelqu'un l'accepterait. Son frère lui avait pourtant fait comprendre qu'elle n'était rien, indésirable. Mais le fait que Nevada soit ici, avec elle, et non avec le reste de l'équipe, lui donnait envie de croire le contraire.

« Merci d'être venu, tu sais. J'avais juste... Du mal. Ptêtre que c'est l’entraînement qui m'as mis dans cet état. Etienne a été intenable et puis avec les bières en trop d'hier... »

Petit coup de tête contre son épaule, elle rouvre les yeux pour observer le ciel. Un peu plus apaisée.Même si les autres l'abandonne, même si tout le monde part...Il lui restera au moins Hamish, Kieran....Nevada. Et ça c'était le principal.
Tu sais Nevada, c'est pas donné à tout le monde de pouvoir briser cette foutue carapace qu'elle s'était construite. Tu sais Nevada, si tu disparaissais, là, maintenant, elle pleurerait. Alors qu'Alaska ne pleure pas. Imagine un peu, ça serait comme enlever une de ses béquille – voire les deux – a un handicapé. Elle serait incapable de marcher correctement. Alors la laisse pas,la lâche pas. Elle a beau donner l'impression qu'elle est forte, Alaska n'est qu'une gamine bien trop faible. Bien trop seule.

« Et toi chéri, ta journée alors ? Différente de la mienne ? Pas trop bavé à l’entraînement ? T'es content d'être venu ? Parce que moi je commence à regretter. Ptin, j'ai pas signé pour les Hunger Games moi !»

Il n’y avait qu’Alaska pour lui balancer ce genre de chose là, et bien qu’il y soit habitué depuis le temps, ça le surprendrait toujours. Il avait du mal à la cerner, à savoir ce qui se cachait réellement derrière ces réponses un peu aguicheuses faut avouer. Ou bien était-ce lui qui se faisait de fausses idées ? Haha, il pensait beaucoup, Nevada, trop souvent pour rien, il se prenait la tête pour des broutilles et ça le gavait un peu. Mais il ne changera pas, c’était pas vraiment prévu au programme, de grandir pour devenir un vrai mec. Il avait pas la force d’avoir la volonté de bouger les choses alors il préférait les laisser telles quel et continuer de se bouffer le même mur depuis des années. Hors de question qu’on le force, encore moins qu’on lui tende la main, il était bien trop heureux à être malheureux dans le nid douillet de sa vie de drogué. Bien trop joyeux lorsqu’il se levait le matin et qu’il savait qu’aujourd’hui encore il serait le mec à l’allure forte mais au coeur brisé, le mec pathétique au possible qu’on évitait souvent parce qu’il avait d’une grosse brute. Et il l’était, à sa façon.

- Hoho, souffla t-il détendu, vous m’en voyez ravi, mademoiselle.

Pas de baise main chaleureux cette fois, Nevada lâcha à la place un rire franc tout en s’asseyant à ses cotés. Son regard dévia alors de son amie vers les étoiles, vide regard qui observait les astres en cherchant un sens à sa vie, un sens à tout ce qu’il faisait, à tous ces doutes et ces questions qui le harcelaient sans cesse le jour comme la nuit. Il ne comprenait pas l’attention que pouvaient lui porter certaines personnes, comme Alaska ou même Hamish, et ne captait pas vraiment non plus l’intérêt qu’il leur portait à tous. Parce que Nevada était seul, toujours, Nevada était perdu et désorienté, Nevada ne voulait pas des autres, il voulait pouvoir continuer de plonger plus profondément dans les abysses sans qu’on ne le fasse remonter -c’était beaucoup plus simple comme solution. Plus facile et sans doute moins douloureux que de ce prendre de nouveaux coups en plein coeur. Faible et lâche, c’était la vie d’un homme qui se débattait pour qu’on le laisse couler, mais qui en même temps ne semblait pas convaincant. Absolument pas convaincant, et le pire c’est qu’il s’y était accommodé avec le temps.

- Ça va, j’suis pas frileux même si ça caille je peux supporter, t’en fais pas. Il posa un oeil rassurant sur elle, puis lui sourit légèrement tout en sortant une cigarette et un briquet qu’il lui tendit, sans un mot.

C’est bien d’être là, si ça te va on bouge pas.

C’était toujours comme ça entre eux, Nevada trouvait toujours le moyen de lui donner ce qu’elle voulait, de lui faire plaisir alors qu’il n’avait aucune raison d’agir différemment avec qu’elle d’avec les autres. Sa compagnie le rendait étrange, et il ne savait trop qu’en penser, au fond il préférait se dire que c’était la compensation trop juste de toutes les blessures qu’il lui infligeait le reste du temps, il préférait croire que c’était pour son bien à elle mais aussi pour qu’elle le pardonne. En bon égoïste qu’il était, il considérait mener auprès d’Alaska de bonnes actions pour combler le mal être de son coeur, mais hélas celui-ci ne s’emplissait jamais de joie, seulement d’un vide toujours plus intense et violent.

Elle posa sa tête contre son épaule et lui se remit à contempler les étoiles, distrait par la douce sensation de sa chevelure dans le creux de son coup. Il n’avait jamais eu l’habitude de ce genre de contact avec les autres, depuis Grey en tout cas, parce que ça lui rappellait l’horreur de leur rupture, et ça serrait son coeur, ça lui filait la nausée il en avait la gerbe. Mais avec Alaska ça semblait différent, l’esprit perdu dans l’infini, il se sentait bien à la sentir près de lui comme ça, près, tout près, ça l’empêchait d’avoir trop mal. C’était cette tendre torture qui lui faisait du bien, celle de la fille qui le faisait sourire mais qui l’empêchait de couler, elle s’empressait tout le temps de le garder à la surface alors qu’il ne demandait qu’à se noyer encore plus profondément, et c’est cette douleur qu’il ressentait, ce dilemme qui l’empêchait de la haïr complètement, mais de l’aimer aussi, qui faisait qu’il se sentait si bien lorsqu’elle était là, si libéré.

- Merci d'être venu, tu sais. Dis pas ça, le remercie pas c’est pas pour toi qu’il est là. J'avais juste... Du mal. C’est pour lui, juste pour sa putain d’gueule. Ptêtre que c'est l’entraînement qui m'as mis dans cet état. Etienne a été intenable et puis avec les bières en trop d'hier... Parce que t’es la seule avec qui il a jamais été aussi sincère mais aussi la seule à qui il a autant menti. C’est pour tenter de lever les doutes qui pèsent qu’il est là, à t’écouter, alors qu’il sait parfaitement que rien ne les fera disparaître.

Mais s’il le savait vraiment il ne serait pas venu, s’il savait il aurait préféré aller dormir au lieu d’se les geler avec toi.

Alors au fond, pourquoi il était là ?
Pourquoi il t’écoutait, pourquoi il te regardait ?
Pourquoi il te souriait ?

Hier, ah, hier. Il les souvenirs remontèrent doucement à la surface et il fit le lien avec cette soirée un peu étrange et tous ces gens qui buvaient et se donnaient des gages un peu idiots, amusants. Il glissa une clope dans sa bouche et l’alluma, crachant la fumée de sa première taffe droit devant, mais il ne parla pas. Pas très bavard, philosophe fou en pleine réflexion, soucieux mais qui n’en restait pas moins attentif.

- Ton asiat’ préféré est plutôt sportif tu sais, lâcha t-il avec un rictus amusé. Je trouve ça plutôt cool comme idée, et faire du sport ne me dérange pas, au contraire.. Il avait baissé la voix sur les derniers mots, soudain rattrapé par de sombres pensées. Ça m’change un peu. Nostalgie.

Le silence vint s’installer quelques instants, laissant à Nevada le temps de mettre de l’ordre dans ses idées. Il regardait droit devant, tirant une nouvelle taffe avant de soupirer et de se mettre à fixer ses baskets, comme si quelque chose le gênait.

- J’aime bien être ici à taper dans un ballon toute la journée, et y paraît qu’en plus c’est bon pour les rides, alors.. Ah non, c’était pas vraiment ça. Hm.. Nan j’me suis trompé, laisse j’ai rien dis. Ce blanc crée à cause de l’idiotie d’un mec maladroit… ‘Fin bref, c’est tout bénef, je trouve.

C’est que s’il n’était pas si concentré il rigolerait de sa propre connerie, mais il cherchait vraiment la solution, au fond, et c’était vachement frustrant. Ne l’abandonne pas, Alaska, le laisse pas tomber il survivrait pas.

Le sentir à ses côtés lui fit du bien. Elle avait pas besoin de grands mots, de grands gestes. Du moins pas encore. Elle avait juste besoin de quelqu'un à côté d'elle, épaule contre épaule, chaleur à transmettre. Alaska hoche la tête, appréciatrice, parce que pour le moment y avait personne de plus parfait que Nevada pour elle. Et il était là, avec elle. Et c'était suffisant.
Il y a comme une sérénité, là, dans le froid, sous les étoiles d'Oxford, elle dans son anglais haché, lui avec son américain trop fluide. Complémentarité. Et c'est ce qui est essentiel non ? Elle aimerait bien qu'il ressente la même chose qu'elle maintenant, le même calme intérieur. Parce qu'elle savait que Nevada était tout sauf en paix avec lui même, qu'il avait ce besoin pervers de s'enfoncer dans l'auto destruction. Et ça, ça la rendait folle. Alors elle se rapproche un peu plus, ose nichez son nez dans le cou du jeune homme, cherchant la chaleur qu'elle ne trouve nulle part ailleurs. Instant qui dure une fraction de seconde, avant qu'elle ne lève la tête pour observer le paquet de cigarette. Trop aimable. Elle prend la cigarette qu'il lui tend avec un petit sourire et l'allume. Bouffée qui la réchauffe, elle recrache la fumée vers le ciel d'hiver. Trop pur. Si différent d'eux qui sont si crasseux, dégueulasses par leur péchés.
Lentement elle pose à nouveau sa tête contre son épaule, silencieuse. Elle attend sa réponse, qu'il parle, même si elle sait qu'il ne le fait presque jamais. Ils sont différents sur ce point, Nevada et elle : véritable moulin à parole, elle ne sait jamais s'arrêter, quant à lui on a l'impression que la moindre parole lui arrache la gorge. C'est pas grave Nevada, elle parlera pour deux. Elle parlera pour toi. Nouvelle bouffée, Alaska observe la fumée qui s'élève, qui danse, magique, illusoire, elle finit par s'évaporer dans le noir. Ce sont les paroles inattendues du jeune homme qui la tirent de ses pensées. Petit rire, elle manque de s'étouffer en l'entendant parler.

« Mon asiat' préféré ? T'es sur que c'est toi Nevada ? Ca pourrait être Narcisse et ses pectoraux d'aciers ! »

Elle le cherche, elle le provoque, incluant de la légèreté dans une discussion qui en manque cruellement. C'est mieux comme ça, camoufler la vérité derrière des âneries. Ouai Nevada t'es son préféré, son préféré depuis longtemps. Mais c'est pas pour autant qu'elle l’avouera comme ça. Parce qu'Alaska a bien trop peur de te faire fuir, de te faire partir, si jamais elle avouait.
Alors à la place elle le laisse parler, hochant deux trois fois la tête pour montrer son approbation avec ce qu'il racontait. Et lorsqu'il a enfin terminé, elle lui donne un léger coup de coude dans les côtes avant d'ébouriffer ses cheveux. Contact infime, elle recule rapidement avant de le regarder.

« T'es bête. Non plus sérieusement, je vois ce que tu veux dire. Ca fait du bien, d'être avec des autres, à avoir une occupation un peu banale où t'as pas besoin de te casser la tête, qui te permet de te défouler. »

Tout en parlant elle se lève, cigarette au bec elle enchaîne un arabesque léger avant d'onduler. C'était comme la danse, c'était devenu vital, pour l'empêcher de devenir folle. Puis, réalisant qu'elle n'était pas seule, Alaska retrouva sa place sur le banc, légèrement gênée.

« Enfin bon, c'est cool de s'éloigner un peu de prismver. Dommage que se balader dans l'université soit interdit... j'aurais adoréééé draguer quelques étudiants. Il paraît que ceux qui étudient ici sont pété de thune. »

Et ça l'aurait aidé à se changer les idées. Oublier des choses trop douloureuses. Coucher sans amour était un peu devenu un mécanisme d’autodéfense pour elle. Dès que les sentiments s'en mêlaient, tout partait en cacahuète. Et c'était vraiment flippant.