Don't speak •• Ft. Joshua

Vendredi, fin des cours, sonnerie, silence… Puis vint le brouhaha perpétuel de la fin de la semaine. Tout le monde rangeait ses affaires à toute vitesse, vite vite, il faut sortir le premier, vite vite. Je soupirai, et je prenais mon temps, je rangeais soigneusement mes affaires dans mon trieur. Je me levais tranquillement, j’enfilai la veste de l’uniforme, et je mis mon écharpe.
Direction la bibliothèque, je voulais passer un week-end tranquille et faire ce que bon me semblait, m’entraîner un peu, faire du renforcement musculaire, et continuer à travailler ma maîtrise de mon don. Et, bien évidemment, me balader et profiter de l’île.
Je marchais au milieu des autres, en prenant soin à ne pas toucher un autre. Ça dépend de mon humeur, mais je ne suis pas vraiment à l’aise avec le contact, assez ironique pour un mec qui peut être intangible à souhait.
J’étais au premier étage, je louchais vers la porte de la passerelle. J’hésitais à y aller. Cette passerelle dorée… Hmm… Non pas aujourd’hui je n’étais pas d’humeur à me battre, si je tombais sur un S... D’ailleurs il faut que je continue à recueillir des informations sur ces derniers… Ils sont trop… dangereux.

Ça me fout un peu les boules de faire le tour, je ne suis pas un lâche. Bref. J’étais déjà arrivé à la bibliothèque. Je me posais à l’antépénultième étage, à ce qu’il paraît le dernier étage abrite le livre du savoir, j’irai chercher un de ces quatre…
Je me posai face à une table et je sortis mon trieur, dedans j’avais les cours de Charlie, elle me filait ses cours de médecine que j’apprenais par cœur, en échange de mes cours de physique/chimie. Je suivais plus ou moins deux filières… Bref, là je dois faire de la chimie générale, un peu de thermodynamique pour lundi, et de la mécanique en physique. J’ai 2h devant moi, en m’appliquant c’était jouable.
Je n’étais pas loin des escaliers, les aller et venus me distrayaient quelque peu, mais ça me permettait de faire des micro-pauses.

… Seule la partie de la force parallèle au déplacement est motrice, seule Fcos(x) est motric… Deux élèves en haut des marches qui discutent de plus en plus fort, ça fait cinq minutes que ça dure... Je ne voulais pas me lever et leur demander de se taire, en tant qu’A ils n’apprécieraient pas, je serais obligé de les menacer, et ça me cassera dans mon élan, j'avais presque fini mes devoirs… Je soupirais longuement.
Je m’apprêtai à me relancer dans mes devoirs quand une jolie demoiselle attira mon attention, elle était brune, de beaux et longs cheveux bruns, elle dégageait un doux parfum que j’avais l’impression de connaitre… Mais impossible de mettre un nom sur cette odeur, c’était un arôme de plante, rien à voir avec ces parfums chimiques trop fort qui me rendent rapidement malade –les inconvénients d’avoir un odorat assez fin-.
Je pris une profonde inspiration, c’était agréable et apaisant… Étrange aura émanant d’elle… J’étais comme hypnotisé… On aurait dit qu'elle faisait tout pour ne pas se faire remarquer, ça changeait, je ne suis pas le seul à aimer la discrétion il faut croire. Et puis son visage aux traits fins et léger, sa peau me rappelant la Lune durant ces nuits où elle est ronde... Et mes pensées qui résonnaient, me rappelant à quel point je pouvais dire de la merde, et être stupide.
En effet j'étais comme hypnotisé... C’est assez embarrassant, je secouais la tête avant de retourner au travail. Elle m’avait fait oublier les deux abrutis en haut des marches…

Mais l’oubli fut de courte durée. Je tournai la tête vers les marches, Laurel et Hardi pouffèrent face à la jolie Dryade, c’est une nymphe/déesse mineure des bois prenant la forme d’une très jolie jeune femme, d’ailleurs nymphe vient du mot grecque númphê qui signifie jeune fill… Le fil de la pensée humaine est d’une complexité… Je m’égare.
Ils lui bloquaient le passage, sans le réaliser je serrai le poing. « Tu sais pas parler ou quoi ? Et pour ta gouverne la bibliothèque est réservé aux gens qui le méritent aujourd'hui, donc aux A, retourne dans ta médiocrité, s'pèce de cinglée. » Ok. C’en était trop. Je rangeais mes affaires, je n'étais plus d'humeur à travailler. J'enfilais mon sac à bandoulière, et je nouai mon écharpe autour de mon cou. Je me levais sans un bruit et je me dirigeais vers les deux déchets en haut des marches, ça y est ils ont réussi à me mettre de très mauvaise humeur. Ce genre de comportement m’énerve au plus haut point. Ils veulent se la jouer méritocratie. Et bien on va jouer.

La pauvre fleure semblait comme paralysée. Je les observais en montant les marches. Elle avait un bout de papier qui dépassait de son uniforme… Bien.
J’arrivais à leur niveau, je lançais un regard noir en direction des deux compères, mais le parfum dégagé par cette fille avait le don de me calmer. Je pris une profonde inspiration, bon pas de bagarre… Et puis quelle image lui enverrai-je ? Celle d’un mec impulsif et violent ? Je pense qu’elle doit être suffisamment secouée comme ça. On va se la jouer fine. Et puis… Me battre avec des A… Je joue les espions pour les B… Je ne veux pas éveiller les soupçons.
Je posai tout doucement ma main sur son épaule, cela passait pour un geste poli accompagné d’une demande sur une voix douce et chaleureuse. « Excuse-moi j’aimerais passer, s'il te plaît… ». Mais en vérité ce n’était qu’une distraction pour lui prendre son bout de papier qui dépassait de l’une de ses poches. Je rangeais rapidement ce papier dans la poche de ma veste.
Et j’arrivai au niveau des deux boulets. Je leur lançai un regard noir de nouveau, la demoiselle étant derrière moi, ne pouvait me voir, et je leur chuchotai ceci : « Dites, vous pensez que ce serait être médiocre que de se prendre une raclée en deux contre un face à un mec qui n’aurait pas sortie une seule fois les mains de ses poches ? … … Moi je pense que oui. Donc… Un voyage en E ça vous tente ? On peut régler ça ici, maintenant... Je prends ce silence pour un non, hein. Vous m’empêchez de travailler, si vous voulez discuter, sortez. » Je leur offris un grand sourire, et tout en tapotant leurs épaules j’avançai. C’était passé comme une lettre à la poste. Ainsi je ne risquais pas de griller ma couverture vis-à-vis de la GdC, et je ne passais pas pour une brute vis-à-vis de la jolie plante.

Je sortis le papier volé de ma poche et je l’ouvris. Hmm de la littérature… Il y en a beaucoup, par chance je connais les rayons de la bibliothèque par cœur et la classification de Dewey n'a plus aucun secret pour moi. Je relu la liste à demi-voix pour mémoriser les ouvrages, et je partis à leur recherche.
Une minute, le temps qu’il me fallut pour réunir les ouvrages de sa liste. Je me retrouvais avec une petite pile de livre sous les bras et la liste volée entre mes lèvres à l’abri de ma salive bien évidemment, je suis un gentleman… Je secouais la tête, n’importe quoi toi, depuis quand tu te soucies de ce que pense les autres… C’est juste une jolie fille, il y en a plein… Joshua William Pierce, 20 ans célibataire calme-toi, on dirait un gamin.

Je sortis d’un rayon avant de réaliser qu'ils étaient toujours là... Je m'approchais silencieusement vers elle... enfin eux. Les bras toujours aussi chargés, et je me penchais vers eux avant de leur chuchoter avec difficulté, car j'avais calé la feuille volée entre mes lèvres « Chans les mains... », ils soupirèrent, et descendirent sans même me regarder...
Et me voilà nez à nez avec ELLE… Silence embarrassant, je ne pouvais pas lui parler avec SA liste entre MES lèvres, et j’avais les bras pleins de livres… J'avoue que j’espérais timidement qu'elle m'ôte la liste d'entre mes lèvres et qu'elle le prenne bien… Et voilà que je me met à fantasmer… j'ai vraiment un problème…
Pour ma défense je n’allais pas phaser et coincer la liste dans mon menton ce ne serait pas classe du tout. J’essayai quand même de lui parler. « Ch’est ta lichte et che chont tes livres… lui dis-je avec un sourire timide. Aller viens chuis-moi. »
J’étais partagé entre l’envie de courir vers Maija emprunter les livres à mon nom et me barrer en courant, ou rester avec elle et l’aider à porter ses livres jusqu’à sa chambre… Assez contradictoire non ?

Je me dirigeai vers le rez-de-chaussée, et je posais les livres séparés en deux piles sur le bureau de la bibliothécaire que je connaissais plutôt bien, traînant beaucoup à la bibliothèque. « Salut ! Comment vas-tu? ... Super. Je viens t'embêter pour faire un emprunt, tous ces bouquins. ... Je sais que c'est plus que la limite autorisée... Tu peux faire ça pour moi aller... ... T'es la meilleure merci ! Ils seront rendu en temps et en heure je te le promets ! ». Je me retournais vers la fleur et je lui chuchotai tout en lui adressant un clin d'oeil. « Je te fais confiance. » puis je me retournai vers la bibliothécaire. « Un mois et demi devrait faire l'affaire. Merci encore ! Je te revaudrai ça, promis ! ».
... Pourquoi ai-je fais ça... Pourquoi... ... je me revisualisai en avance rapide tout depuis le début, dans les marches, son arrivée... Elle semblait un peu perdu en arrivant à l'étage et perturbée par la réaction des deux cons... 98% de chance qu'elle était nouvelle... Autant de livres d'un coup lui aurait été refusés... Non mais plus sérieusement... J'lui ai volé sa liste, et réuni tous ses livres et je les ai empruntés pour elle... Je ne connais même pas son nom, elle doit me prendre pour un fou... La bibliothécaire ayant été sollicitée se lève et quitte son bureau.
Je me retrouve seul avec la dryade. Très embarrassé, réalisant peu à peu l'immensité de ma bêtise, je me retournai vers elle. « Désolé je me suis permis de les emprunter à ta place... J'ai supposé que tu étais nouvelle, et ta liste était trop longue pour un seul emprunt... Alors je me suis dis que... » je fixais le sol, gêné... Elle devait se demander pour qui je me prenais, que je devais me sentir fier de moi que d'avoir jouer le chevalier blanc était trop cool... Je fermais les yeux serrant fort mes paupières comme pour stopper le flux de ma pensée mais en vain... « Je ne voulais pas te blesser si jamais... Moi c'est Joshua et je suis en A... » lui précisais-je en souriant timidement en lui montrant ma cravate violette.

Elle rougissait, c’était attendrissant. Elle n’avait pas prononcé un mot depuis notre rencontre. Soudainement les mots des deux A résonnèrent dans ma tête “Tu sais pas parler ou quoi ?“, serait-elle donc muette ? Hmm ça ne doit pas être facile tous les jours… Les gens ont tendance à prendre pour des idiots les gens qui ne sont pas très bavard… Qu’est-ce que ça doit être quand on est muet…
Je me mordis la lèvre inférieur en me mettant à sa place, une vague d’angoisse allait me submergé, quand la fleur me sortit de ma projection, pile à temps, elle me tendit un bout de papier. Je ne fais même plus faffe quand je me projette dans la tête de quelqu’un… La plupart du temps ça fini en angoisse… Bref.

Intrigué je lisais son mot, elle avait une jolie écriture, je souriais. Ça confirmait ma déduction, elle est muette. Je retroussai mes manches pendant qu’elle écrivait un autre mot après m’avoir repris le bout de papier. Quand j’avais 17 ans j’ai essayé d’apprendre le langage des signes, mais seulement avec des livres ce n’est pas évident, je ne m’étais pas exercé depuis un moment mais j’allais tout de même tenter ma chance. Je me mis à parler le langage des signes (entre parenthèses), tout en parlant à voix haute pour être sûr d’être compris « Enchanché, Eleonore. (Amoché, Eleonore.) » … Euh… J’ai comme un doute là... Et ça pouvait se voir, je semblais dubitatif.
Je lisais le mot qu’elle me tendit. Elle me remerciait, et elle ne sera jamais assez reconnaissante pour ce que j’ai fait. Ça me fit sourire, la reconnaissance est un sentiment si fort… Et l’un de mes préférés, c’est l’un des rares sentiments qui peut m’émouvoir aux larmes. Le retour d’un héros déchu applaudit par ces anciens tourmenteurs aujourd’hui reconnaissant… Ouais je sais c’est bizarre. Moi je trouve ça fort. Bien sûr je ne me vois aucune comme un héros, c’était juste pour illustrer mes propos.
Elle ajouta que si elle pouvait m’aider en quoique ce soit elle serait là… De base je ne demande d’aide à personne je n’aime pas ça mais bon, cette drôle de plante me plaisait bien. Toujours en parlant avec mon langage des signes approximatif et à voix haute, je lui répondis. « Pour commencer, je veux bien que tu m’aides (m’aimes) à t’aider (t’aimer) à porter ces bouquins jusqu’à ta chambre. » … Euh attends, aider c’est un mouvement le long de la poitrine avec un geste fort de la main vers l’extérieur au niveau du manubrium sternal hein… Non merde c’est aimer ça ! Aider c’est un bras en oblique et l’autre main qui prend le bras sous le coude et le soulève doucement vers le haut… « Aider ! Pas aimer ! (Aider ! Pas aimer ! ) Désolé… J’ai du mal avec le langage des signes… J’ai encore du progrès à faire… »

De peur de laisser un silence embarrassant, je rangeais hâtivement et soigneusement trois livres dans mon sac, et j’pris deux sous un bras et trois sous l’autre, en laissant ainsi un à Eleonore. « Je te suis ! ».
Je la suivais, direction sa cabane. Le chemin se fit un mot de ma part.
Elle sentait vraiment bon, mais son parfum n’était pas comme les autres… On aurait plus dit une odeur corporelle… Aurait-ce un lien avec son don ? Aurait-elle un don en lien avec la nature ? Fort possible… Ou alors en rapport avec les sens… Je pense que je finirai bien par le savoir tôt ou tard, tout viens à point à qui sait attendre. Nous arrivâmes dans sa cabane, je la suivis dans sa chambre. C’était une chambre, simple et bien rangée. Je posai ses livres sur le bureau en pile, du livre le plus grand au plus petit. Parfaitement centré, c’est mon côté maniaque c’est plus fort que moi. « Et bien voilà. Si jamais tu as de nouveau des problèmes avec les autres n’hésite pas à venir me voir ou à m'envoyer ton lézard »
Je regardais autour de moi. Ce n’est pas que cette chambre est simple, c’est qu’elle n’est absolument pas personnalisée, ça me rappelle ma chambre à mon arrivée, j’ai mis du temps à m’y faire, à me sentir chez moi, et à la personnaliser… « Dis, tu viens d’arriver à Prismver non ? », j’étais arrivé jeune à Prismver, mais ce n’est pas le cas de tout le monde…