end of time •• pv. emma/chloé

Il avait surmonté ses peurs, à tel point qu’il en avait oublié l’effet.

Réveil en sueur au milieu de la nuit comme souvent, yeux écarquillés par toute une tempête de sentiments néfastes et contradictoires, Aiden n’avait pas compris de suite. C’était pourtant évident, lui qui dormait presque bien ces derniers jours avait perdu le sommeil, remplacé par un engourdissement dans tout son corps.
Frissonnant, traînant son corps étonnement faible jusqu’à la cuisine de la chambre, il avait regardé l’heure, incapable de se rendormir - soucieux de ne pas réveiller ses colocataires. Encore quelques heures avant l’aube, l’interminable attente qui débutait.

Patient, il avait pris le nécessaire comme ingrédients pour préparer un petit déjeuner à ses proches. Ingrédients posés sur la table, outils en main et l’ombre d’un sourire sur les lèvres de son visage glacial.
Surpris face à l’impassibilité olfactive de son plan, il n’avait relevé que lorsqu’il s’était arrêté dans ce qui était presque une évasion - une façon de se changer les idées.
Une façon qui avait maintenant perdu tout sens, son immortalité, dévorante, qui continuait à démontrer l’étendue de sa nocivité.

Son odorat et son goût s’étaient envolés.

Pétrifié, il lâcha tout ce qu’il tenait, attrapa son blouson d’aviateur soigneusement posé sur un dos de fauteuil et sortit.
Il avait l’impression de trébucher à chaque pas tant le monde basculait sous son regard flou. Il n’arrivait même plus à sentir l’amertume sur sa langue, laissé par le goût maintenant inexistant d’un plat qu’il avait mit tant de temps à préparer.
Se perdant dans des couloirs d’une solitude que la matinée lui offrait, il se concentrait sur ses pas, sa propre respiration.

Peinant à ne pas sombrer.
Alors, c’est comme ça qu’il allait finir ?

Dans les couloirs d’une école, ne laissant derrière lui que des regrets, un plat inachevé et une tristesse à délivrer à tous ceux qu’il avait fait l’erreur d’apprendre à connaître.
Non. Il s’y refusait.
Ses pas se firent plus forts, tapant sur le sol du couloir, son corps traînant jusqu’aux falaises. Tant qu’à mourir, fais-le dans la solitude, l’ignorance - disparais, comme tu aurais dû le faire depuis longtemps. Triste anomalie de la nature, un paradoxe qui ne pouvait amener à lui qu’un désespoir sans fin.
Avance Aiden, va chercher la fin qui te revient de droit.
Une pensée pour Ollie, pour Alaska, pour Johnny, Mackenzie, Zephyr, Lukas. Une pensée pour Mona et son coeur loupe un battement ; c’est son corps entier qui lâche pendant une seconde. Ses sens se perdent, il s’écroule, amputé de toute capacité.

Il respire, force sa conscience, tente, tardivement, de rester éveillé, mais sa panique l'emporte.
Black out.
Il lui faut un temps pour comprendre qu’un visage est posé sur lui mais sa vision encore brouillée n’arrive pas à le reconnaître. Ses sens étaient revenus - trois d’entre eux.