†Nemo va bien, il a jamais été aussi en forme. Il est agréable avec tout le monde, il offre sa bonne humeur aux gens au rabais comme un dealer irresponsable qui écoule ses stocks. Il s’use et la fatigue lui fait produire encore plus d’énergie. Cercle vicieux. Des journées de 18 heures où il vous illumine le jour, où il s’illumine la nuit. Il sort, il voit du monde, des gens qu’il reverra jamais, il traîne dans la ville, cherche tout ce qui pourrait l’éclairer rien qu’un peu, les néons, le son, la foule, jusqu’à l’épuisement, il rentre, il s’éteint, puis ça recommence.
C’est normal, c’est Nemo, c’est un type un peu fou qui s’arrête jamais, même pas une pile électrique, plutôt atomique, un truc genre énorme.
Un Nemo un peu terne pourtant, qui en fait trop, trop bruyant, trop enthousiaste, éblouissant, qui se disperse, qui se perd à force de vouloir vous jeter de la poudre aux yeux.
Encore aujourd’hui.
Fin des cours, sacoche sur l’épaule, il est souriant. Souriant parce qu’il cause avec vous sur le chemin, parce que vous le faites rire, parce que vous le regardez dans les yeux, parce que c’est Nemo, parce qu’il est toujours euphorique et tant qu’on le laisse faire, il peut qu’être heureux. Même quand ça se dit au revoir, à plus tard, à demain, quand ça se sépare et qu’il décide de pas perdre de temps et vite rentrer, histoire de poser ses affaires et vite s’occuper l’esprit. Et quand il ferme la porte de sa chambre derrière lui.
Plus de sourire. Parce que vous êtes plus là. Il est tout seul.
C’est pas bien grave, il va sortir de cette chambre et aller zoner en ville, avec les gens qu’il trouvera !
Sauf que Nemo il a arrêté de courir, depuis des semaines il se contente de marcher au pas. Il fonce plus, il se précipite plus nulle part pour voir qui que ce soit.
Ok on arrête de penser à ça, on prend juste une veste parce qu’il commence à pleuvoir, un peu de fric, et on se casse de cette pièce où il a toujours cette putain de rancoeur qui lui tord les entrailles.
De toute manière y a plus personne qui l’attend, il a jamais rendez-vous.
Mais c’est pas grave, pas besoin de rendez-vous, pas besoin de quelqu’un. Alors il enfile sa capuche pour éviter de finir tremper et il se sauve vite, quitte sa bulle de négativité pour sortir. Il peut se débrouiller tout seul.
Il faut bien. Y a plus Jim pour le faire rêver, ni Quinn pour le faire rire, ni Hamish pour le guider rien qu’un peu dans tout ce bordel qui le dépasse. Il a peur d’embêter Céleste, Noly, les rares qui restent, peur de pas être à la hauteur de leurs attentes, de pas être capable de donner ce qu’il faut, et qu’on se lasse, et qu’on le jette. Qu’on veuille plus le voir du jour au lendemain.
Comme Scott.
Deux mois. T’as tenu deux mois mais là tu craques. T’en peux plus de faire exprès d’éclater de rire à la blague de quelqu’un quand il est dans les parages, t’en peux plus d’éviter son regard, de réviser ton itinéraire, de corriger tes petites habitudes au fil des semaines pour le croiser de moins en moins. T’es faible, t’as pas tenu le coup, t’as perdu le paris de pas être le premier à en avoir marre de cette situation de merde. Et tu t’énerves à être planté là devant sa porte après avoir toqué deux, trois fois comme un dingue désespéré. Juste le voir, juste être sûr. Tu t’en fous. Quitte à te faire jeter comme un chien quand il ouvrira la porte et qu’il te reconnaîtra.
— début mai —