Le temps de l'innocence ~ ft. Aricie Camelia Montgomery

Il faisait beau, l’école était assez calme, c’était la première semaine des vacances. Je comptais rentrer à Londres la deuxième semaine, mon père m’a proposé de travailler un peu aux archives de la police afin d’aider à tout classer. C’est un peu le ménage de printemps du commissariat. Je le fais depuis que j’ai l’âge légal de travailler, et puis ça fait plaisir à mon père, l’été, je travaille comme assistant au laboratoire, c’est intéressant et ça fait une petite entrée d’argent…
Bref, il faisait beau et chaud, en temps normal j’aurais laissé la fenêtre de ma chambre ouverte avec les volets à moitié fermé, un petit fond musical et je serais en train de jouer ou de lire. Mais il y avait du monde… Je voulais être au calme, je pris un livre, The Gun Seller de Hugh Laurie, c’est l’un de mes premiers romans, je le lisais sans cesse en primaire, je le comprenais mieux à chaque relecture, des subtilités trop complexes pour un gosse de 9 ans. Le primaire… Je soupirais, je me dirigeai vers le jardin, mon livre en main. Le parc étant ouvert au public et l’île étant touristique… Je n’avais pas envie de croiser du monde.
Il y avait cette fille d’ailleurs… Aricie… Ma mémoire ne me fait jamais défaut, encore moins la visuelle, je la revois encore venir vers moi pour partager son goûter, le mien n’était jamais très drôle, je suis le fils d’une doctoresse et d’un inspecteur de police chargés des homicides, j’avais le droit à une pomme et une bouteille d’eau. Je n’ai jamais été du genre à demander quoique ce soit, j’ai toujours fait avec ce qu’on me proposait, je n’aimais pas faire des caprices, enfin pour moi la moindre demande était un caprice, et j’aimais encore moins me faire remarquer.
Au début je pensais qu’elle avait pitié de moi et de mon piètre casse-croute. Mais quand elle a commencé à me cueillir des fleurs, j’ai vite compris. Alors j’ai commencé à cuisiner des brownies que je prenais pour elle, j’avais l’impression de la priver de son goûter et ça me mettait mal à l’aise… Je me sentais obligé de lui rendre la pareille. J’étais seul chez moi, je me souviens de la première fois que j’ai essayé de cuisiner tout seul, à l’époque les fours marchaient au gaz. J’ai passé un sale quart d’heure quand ma mère est rentrée. J’ai toujours été négligeant avec moi-même, je me souciais des autres, mais moi… Je me faisais passer en dernier… Et Aricie elle… Elle prenait soin de moi du mieux qu’elle pouvait…

Je ne pouvais m’empêcher de sourire discrètement en repensant à tout ça, bien que je ressente un peu de mélancolie… Je ne sais même plus pourquoi j’ai commencé à fouiller dans mes souvenirs… Ah le bon vieux temps de l’innocence… Je me demande ce qu’elle est devenue… J’avais de l’affection pour elle, beaucoup d’affection. Je n’ai pas pensé à elle depuis des années… Je me souviens qu’elle avait mal vécu la fin de ma dernière année au primaire, je n’imagine même pas sa tête quand elle a réalisé que je n’étais plus là… Parti pour Prismver…
Enfin au jardin ! Je fermais les yeux un court instant, ce parfum, cet air frais, je pris une profonde inspiration, c’est tellement mieux qu’à Londres, les élèves ne réalisent pas à quel point nous sommes chanceux de grandir dans un tel environnement.

Un banc de libre, je m’asseyais confortablement dessus, j’ôtai mon sac que je posai à côté de moi. Je sortis mon livre, j’adore le début, ce départ brutal, on arrive en plein combat entre deux hommes, on ne sait pas pourquoi, ni comment, qui est le « gentil » ? Rien. Tout lui tombe dessus, ce pauvre Thomas Lang, c’était juste un bon gars qui a voulu faire ce qu’il jugeait bien. Et il va en prendre plein la gueule. J’ai toujours une certaine empathie pour ce personnage.
Je lisais toujours aussi attentivement mon livre quand soudain, des rires, des filles, je levais le regard, elles étaient trois, je soupirais discrètement avant de retourner à mon bouquin, ma réplique préférée ! « J’ai promis de ne lui faire aucun mal si elle ne criait pas. Alors elle a crié et je lui ai fait mal. » cette simplicité et cette franchise dans la narration, je pense que c’est en partie ce qui m’a permis de le lire à un aussi jeune âge, même si je n’y compr… ?!

Attends, ce n’est pas ELLE ? Je reposais brusquement mon livre, et j’observais les trois filles attentivement, une des trois totally spies sortait du lot. Ce teint lunaire, cet air innocent et ce rire… Je les reconnaîtrais entre milles. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle aurait donc un don ? Mais non, ce n’est pas elle… Pourtant mon instinct me hurle le contraire… Que faire ? Je faisais mine de lire mon livre mais impossible de me concentrer.
J’avoue que j’étais un peu mal à l’aise… Je ne pouvais pas rester sans rien faire, mais je ne pouvais pas revenir comme une fleur, et puis elle ne se souvient sûrement pas de moi, elle avait 3 ans de moins que moi… En plus… Je suis sûr qu’elle m’en veut d’être parti sans rien dire, je ne peux pas me pointer comme une fleur et lui dire : Hey, salut ! C’est moi Joshua en primaire tu te souviens ? Tu me cueillais des fleurs, et je suis parti sans te dire au revoir.
De un c’est très embarrassant et pas du tout mon genre et de deux… ça ne se fait pas… Je trouverais une autre occasion…
Je n’osais plus relever la tête, je tournais les pages, je me forçai à retourner dans mon bouquin, je n’arrêtais pas de relire la même page, impossible de rester concentré… Mais je m’étais résigné à rester assis… Mon introversion me tuera.