Time won't save my soul ~ ft. l'élite de Prismver

Il avait connu ça, lui aussi, l'esprit aux prises d'un incontournable pouvoir. Il s'était battu contre, des mois durant. Un long affrontement déséquilibré, la raison tentant de s'affirmer - diluée dans des émotions illogiques. Il s'était battu. Encore et encore, enchaîné à son cerveau embrumé, embrouillé par des pensées auxquelles il ne pouvait se fier. Il s'était battu. Faible, perdu, enfoui dans les méandres d'une folie sans nom.

Battu, battu, battu.

Il s'était tant battu pour retrouver sa lueur et c'est au terme de si grands efforts que son éclat était revenu - et la bataille se poursuivait encore aujourd'hui, le laissant à debout à l'affut et plus puissant que jamais. Les erreurs en tête, la culpabilité effacée, l'esprit à vif, refusant toute erreur - cambré dans l'idée d'une victoire totale pour laquelle il ne se refuserait rien. Il avait apprit de ses erreurs, retrouvé son goût pour le jeu que rien n'égalait - il avait retrouvé son idée. Et aujourd'hui, plus que jamais, la victoire lui semblait importante, le seul changement étant que d'autres choses l'étaient tout autant. Pour un peu, il aurait voulu laisser Joshua gagner - mais il n'était pas question de faire face à la défaite. Elle n'était pas une option.

Alors, dans l'optique de voir le monde tourner à sa guise, de se découvrir un nouveau camarade au sein de cette famille dorée qui le dégoûtait assez pour que l'envie de la quitter ne se voit atténuée que par la présence de Nova, il ne jouerait pas. Il observerait, neutre, prenant l'issue qui l'intéresserait le plus, et à l'inverse, prêt à se détourner sans aucune honte de ce qu'il jugerait sans intérêt. Néanmoins, Joshua pouvait le surprendre et sa seule venue ici témoignait de toute la largeur d'esprit dont il était capable de faire preuve. Depuis le début, Hadès savait qu'il était en mesure de grandes choses. Il était trop arrogant pour reconnaître un égal, mais tout du moins, il tenait en haute estime les capacités intellectuelles du violet.

À présent, les deux hommes étaient face à face, aux deux extrémités de cette fragile passerelle dont la traversée signifiait, pour quiconque, bon nombre de choses. Un défi. Une déclaration. Joshua était fort, les multiples possibilités de son don faisant de lui un impuissant adversaire, mais ça n'était pas suffisant. Il en faudrait davantage plus vaincre toute une classe de dorés, et tous deux le savaient - et si Joshua était là, ce n'était pas pour se battre. Un fait qui ne manqua pas de dessiner un sourire sur le visage glacial du Dieu des Enfers.

« Décision intéressante. » commenta-t-il. « Bonjour Joshua. Par simple curiosité, qu'est-ce qui t'a convaincu ? »

Ils n'avaient pas besoin de plus, car la haute portée de leurs esprits leur permettait de déduire le reste de la conversation. De contourner les politesses stupides. La possibilité qu'il vienne ici pour une autre raison était pratiquement nulle, et il suffisait de voir l'état du jeune homme pour comprendre qu'elle perdait encore en existence. Quand bien même, Hadès n'avait pas envie d'imaginer autre chose. Il ne voulait pas se battre avec lui, pas au nom des S - il préférait encore le laisser passer, quitte à y perdre sa place. Il s'en moquait. Plus que sa cravate, un affrontement avec Joshua comptait, et ce ne serait pas pour les dorés mais en son propre nom qu'il lui ferait face un jour.

Enfin, ils en étaient loin... et ce n'est pas sur un tel coup de tête que le démon comblerait à cette idée. Le temps n'était pas à ça. Peut-être qu'il n'y serait jamais, si les deux garçons en venaient à se rapprocher, mais ça n'importait pas à Hadès, pour autant qu'il se trouve un adversaire à sa portée.

« Traverse donc, et après, plus que jamais, j'empêcherai quiconque de passer ce pont. Il n'est pas question que l'on interrompe cette discussion. » s'exclama-t-il avec un sourire.

Un équilibre.
La faiblesse de l’esprit, l’équilibre. Les deux côtés reposant l’un sur l’autre, la dépendance mutuelle. L’un des deux s’écroulait et tout volait en éclats - la gentillesse se perdait et le mal s’emmêlait dans ses propres filets en l’absence d’une justification à son existence. Ce n’était pas un équilibre, c’était juste le contrebalance d’une existence nocturne, c’était se verser suffisamment d’excuser pour continuer à vivre en commettant des atrocités. C’était ainsi que tous deux vivaient, c’était ainsi que les démons survivaient - laissant les sentiments brûler dans les flammes avec les alentours qu’il détruisait pour s’empêcher de s’y attacher. Solitaires, prisonniers d’une existence trop brutale pour être vécue avec la normalité des autres, au sein d’un conflit intérieur à la violence sans égale.

Que voulait-il ? De quoi était-il capable ?
Jusqu’où voulait, et surtout, jusqu’où pouvait-il aller ?

Illustrant ses mots par les gestes, images en parfait accord avec les propos qu’il lui tenait, il lui contait les pensées filantes de son esprit que la folie avait emporté. Il épiloguait sur les contretemps de son cerveau rouillé - les premières difficultés étaient souvent les pires. Hadès savait qui était cette personne dont il parlait, sans l’ombre d’un doute, et c’est à l’entente de cette remarque qu’un rictus glissa sur son visage. Tout était donc si facile ? La victoire, si lointaine de ses yeux d’enfants, paraissait maintenant trop proche pour qu’il ne puisse en savourer l’obtention - un monde s’élevait entre lui et tous les êtres humains.

La victoire tenait à si peu de choses et il lui semblait que seul lui était en mesure de l’obtenir. Il avait réussi où tant de gens avaient échoué, il se tenait là où nombre de personnes avaient déjà sombré.

« Ne compte pas sur cet équilibre stupide. »

Il s’écarta légèrement pour le laisser venir de son côté, ignorant totalement le fait que Joshua n’était pas censé pénétrer chez les S. Le blason doré lui donnait déjà suffisamment la nausée pour qu’il en choisisse de ne plus se battre qu’à moitié pour, de ce fait, il se moquait bien des conséquences. D’autant que son jugement n’était pas moins utile que celui du Ranker - ce dernier aurait bien tort de refuser Joshua au sein de sa classe sous le prétexte stupide que ce dernier aurait fait l’erreur de la défier.

C’était au contraire ce genre de mentalité qu’il fallait, et c’est en comprenant qu’il faisait bien plus que la plupart de ses collègues que l’anglais s’était mit à douter des dorés. Ils ne le méritaient pas. Personne ne le méritait. Il n’avait pas de secret à son soit disant équilibre, il n’était même pas certain que sa logique le soit vraiment - peut-être était-il si fou qu’il n’en était pas conscient lui-même.

« La folie a toujours fait parti de moi. Pourquoi devrais-je craindre de la voir s’affirmer un peu plus ? » demanda-t-il en posant sa main contre sa propre poitrine. « La seule logique de ce monde est celle que tu lui apportes. » conclut-il.

Il se recula de quelques pas, le visage neutre, observant Joshua plus largement. Il était similaire, c’était difficile de penser qu’il avait tant changé à l’intérieur. Et pourtant... c’étaient là les conséquences du don de Nova - il comprenait qu’elle puisse en être si terrifiée. Lui ne l’était pas. C’était son rôle de ne pas l’être, ou en tout cas, de garder la face, et il ne se permettrait aucun erreur quant à ce fait. Nova constituait tout ce qu’il voulait protéger.

« Toutes les émotions du monde sont juste là, la liberté presque absolue qu’une simple cravate t’offre, et de surcroît, le mal effectué sera couvert non pas par ces illusions de gentillesse que tu as perdu, mais par la bêtise contagieuse que la Guerre des Classes aura engendré. Défoule-toi, Joshua. Je te garantis qu’ils te le pardonneront. »

Bien sûr, ça restait dans la limite du raisonnable. Mais l’esprit humain avait ses faiblesses et il fallait les exploiter - sinon, quel en était le but ?