Future meet the past

Il traversait les couloirs, plus attentif que jamais. Ce devait faire facilement une demi-heure qu'il traînait dans le pensionnat, menant sa recherche intensive. Montant les étages, les redescendant ensuite, vérifiant même dans toutes les salles, il essayait pertinemment de la trouver. Elle devait bien être quelque part...
Où pouvait-elle bien être ? Où étais-tu, Hécate ?

Tout avait commencé il y avait trois quarts d'heures de cela : il lisait ses livres d'histoire-géographie dans sa chambre, dans l'espoir d'enfin retenir quelque chose — car, même s'il avait compris grâce à Monsieur Robbins que non, l'Inde ne se trouvait pas sur le continent américain, ce n'était pas encore ça. Et pendant sa lecture intensive, son lézard, Merry, était monté sur son épaule sans prévenir. Dans la panique, Warren avait eu le réflexe instinctif de lancer son lézard pour s'en débarrasser. Lézard qui était passé par la fenêtre, d'ailleurs.
Un silence s'ensuivait. Il était resté muet, les mains plaquées contre la bouche et les yeux écarquillées, pendant quelques secondes en réalisant ce qu'il venait de faire. Il était ensuite allé regarder par la fenêtre pour voir l'ampleur des dégâts, inquiet. Mais rien. Merry avait dû filer sans aucune égratignure. De ce fait, Warren avait soupiré de soulagement, avant de constater que l'animal avait lâché un LMS avant de se faire propulser.

Il venait de Hécate. Elle était déjà là.
Il n'en avait pas fallu plus pour que Warren partît la chercher.

Il avait vraiment cru que son train viendrait à 2 heures, et non à 12 heures. Quel imbécile il était pour se tromper à ce point ! En conséquence, elle traînait à présent dans le pensionnat sans savoir où aller, et sans savoir où elle était. Et avec les derniers événements survenus, il avait peur pour elle. Vraiment peur qu'il lui arrivât quelque chose.
Il monta alors au quatrième étage, repérant deux personnes en particulier. Hadès, pour le plus grand des deux. Quant à la petite touffe blanche d'à côté, en l'apercevant, Warren fut envahi d'un léger sentiment de nostalgie. Oui, il y eut ces cheveux, cette taille minuscule, ce petit air de déjà-vu. Et surtout, ce lien qu'il fit directement avec Hadès.

Zelda ? Elle était de retour ?

Non, non ! Le visage presque larmoyant qui se tourna vers lui, lui était beaucoup plus familier. Il n'en crut pas ses yeux tout d'abord, mais les mots qu'elle susurra confirmèrent ses hypothèses : c'était bien sa petite sœur. Elle avait grandi, son visage s'était un peu affiné, ses cheveux avaient perdu leur couleur châtain, mais c'était bien elle.
Toutefois, Hadès était présent, lui aussi, et pour une raison inconnue, il semblait en vouloir à Aurora. Il lui demanda qui était cette petite fille, et aussi s'il s'agissait d'une blague. Warren ne comprenait pas où il voulait en venir. Mais surtout, il ne comprenait pas ce qui rendait son ton particulièrement sérieux, lui qui avait toujours ce timbre légèrement sarcastique.
Effrayé pour sa petite sœur, le délégué commençait à paniquer.

— Ha-Hadès, calme-toi par pitié ! Ne lui fais pas de mal ! C'est ma petite sœur, Aurora ! Elle vient tout juste d'arriver à Prismver aujourd'hui... bégaya-t-il.

Il se dirigea rapidement vers Hécate et lui tendit la main pour l'aider à se relever. Aussitôt, il la serra un petit peu contre lui, comme pour la protéger. La protéger de Hadès, qu'il fixait avec un regard qui lui suppliait de l'épargner, peu importe la raison qui animait sa colère.

— Qu'est-ce... Qu'est-ce qui se passe... Hadès ? demanda-t-il, plus calmement, mais toujours inquiet.

*  *  *

HRP :  un chiffre maudit de fait ♥

Ce n'était pas de sa faute.
Parce que Warren avait bien connu Zelda Stymest, cette fille fragile qui suivait Hadès en permanence, avec ces yeux admiratifs. Mais leurs conversations ne se résumaient qu'à des phrases banales, de simples formules de politesse, et quand c'était différent, c'était quand Zelda vantait le talent du grand Hadès. Il n'avait jamais su comment ces êtres, pourtant inséparables, en étaient arrivés à se séparer. Il n'avait jamais su comment, du jour au lendemain, le duo légendaire s'était brisé. Ce n'était pas de sa faute. Warren ne se mêlait pas des affaires des autres, alors inévitablement, il n'avait jamais connu leurs raisons, leurs histoires et leurs conflits. Il n'avait jamais su ce que ressentait Hadès au sujet de Zelda, à présent.

Cela n'avait jamais été Aurora qui ressemblait à Zelda, pour lui.
C'était Zelda qui lui avait passablement rappelé Aurora.

Et encore, la dernière fois qu'il l'avait vue à l'aéroport — il y avait cinq ans — elle avait encore de beaux cheveux châtains, comme lui à l'époque. Elle n'avait pas encore le blanc éclatant de Zelda.
Mais Warren réalisa qu'en réalité il ne savait rien d'elle malgré les lettres échangées — d'où venait cette chevelure de neige ? Aussi, quand elle expliqua qu'elle voyait le passé et le futur des gens — la Voyance, très certainement — il s'aperçut qu'il l'ignorait aussi. Mais alors, c'était ça qui avait mis Hadès en colère ? Une vision du passé ? Oh ! Bien sûr, comme expliqué précédemment, ce n'était pas la principale raison. Toutefois, la situation semblait s'éclaircir pour le délégué. L'ambiance devenant moins tendue, moins oppressante, Warren détendit ses muscles. Son regard se tourna enfin vers sa petite soeur qui s'en voulait pour ce qui venait de se passer ; la manière qu'elle avait de se rabaisser lui faisait particulièrement de la peine.

— Mais... mais ne dis pas ça, Aurora. Tu n'as rien fait rater, d'accord ? Il soupira discrètement avant de lui adresser un sourire. Le principal, c'est que tu ailles bien.

C'était une remarque bien niaise qui pouvait presque paraître hypocrite, comme un faux soulagement. Et pourtant, bien sincère : avec tout ce qui s'était passé dernièrement sur l'île, il avait peur qu'Hécate fût entraînée dans un nouvel incident, à peine arrivée — déjà craintif de nature, le chaos qui régnait n'arrangeait rien. Le soupir que laissa échapper Hadès rappela à Warren sa présence. Le démon rouge lui fit remarquer — sur un ton accusateur — qu'il devait lui faire visiter l'école ; il réprimanda également Hécate ; et l'Australien ne sut pas réellement comment prendre la pique finale adressée à la famille. Alors, il ignora simplement — c'était devenu naturel d'encaisser.

— Ah... Ah, oui ! Viens Aurora. s'exclama-t-il, comme s'il s'agissait d'une révélation. Il fit signe à Hécate de les suivre. Enfin... je sais pas si tu veux manger quelque chose avant ? Tu dois avoir faim avec tout ce voyage. demanda-t-il.

Il vit que Hadès avait appelé l'ascenseur entre temps. L'idée d'emprunter cet engin l'effrayait légèrement — pour lui, c'était suspendu en l'air et maintenu par un simple câble, rien de très rassurant — sauf qu'il se tut à ce sujet. Il laissa Hécate entrer avant lui, puis la suivit. Son dos vint s'appuyer contre un mur, ses bras se croisèrent, tandis que lui, il observait silencieusement les deux autres personnes présentes.
Il ne disait rien, Warren, il laissait Hadès mener la discussion — il était content que Hadès fût plus sympathique avec Hécate que tout à l'heure. Mais un détail capta son attention : Aurora semblait plus tendue qu'avant, comme si elle était mal à l'aise tout d'un coup.

— Ca va, Aurora...? demanda-t-il d'une voix calme.

*  *  *

HRP :  blblbl ♥

C'était vrai. Maintenant qu'il y pensait, Hécate était déjà claustrophobe cinq ans plus tôt. Depuis sa plus tendre enfance, elle refusait de monter dans les ascenseurs, peu importe à quel point on tentait de la convaincre. Qu'est-ce qui justifiait une telle phobie ? Warren l'ignorait ; lui, il s'était toujours contenté de respecter et d'emprunter les escaliers pour l'accompagner — il fallait le dire, il aurait été mal placé pour la juger. Mais comment avait-il pu oublier ça ? Comment avait-il pu laisser Hadès entrer dans cet engin infernal ? Il n'y avait plus moyen de faire marche arrière. Bien entendu, il ne fallut que quelques secondes pour que sa cadette ne commençât à trembler ; et la panique fut telle qu'elle l'envoya instinctivement dans les bras de Hadès.

Mauvaise idée...
Il était évident qu'il s'agissait d'une erreur, mais cela ne changeait rien : Warren connaissait suffisamment Hadès pour connaître sa réticence au contact physique. Suffisamment pour deviner le sentiment de dégoût qu'avait engendré le geste affectif. Lui-même pouvait comprendre — Warren n'était le plus tactile qui soit —, mais à différence du garçon docile qu'était le délégué, Hadès réagissait moins bien. Aussi, le E craignait qu'il ne la punît cette fois-ci, et se préparait déjà à essayer de calmer la colère du A.

— Warren, tiens ton chien en laisse. lâcha Hadès d'un ton glacial.
— d'accord, Hadès... soupira-il, presque comme une résignation.

Ca le soulagea qu'il se montrât passif ; il voyait par cette froideur que le jeune homme avait une dent contre elle. Pourtant, du côté d'Hécate, c'était tout le contraire : elle semblait plutôt enthousiaste, et lui montrait sa Nintendo 3DS édition Pikachu avec un sourire fier. Elle avait donc développé une passion pour les jeux vidéo. Peut-être qu'elle lui montrerait un peu mieux ces jeux ces prochains temps — il n'y connaissait rien, et n'y jouait qu'occasionnellement avec Emily sans jamais remporter une seule partie. Il fallait dire que lorsqu'on ne comprenait pas que le Type Sol était immunisé à l'électricité, même après cinq attaques Eclair, ce n'était pas étonnant. Ceci dit, le sujet des jeux vidéo fut bien vite mis de côté lorsqu'elle remarqua les cheveux de son aîné.

Elle avait remarqué.

Warren détourna le regard, un sourire embarrassé aux lèvres. Comment dire... Le E n'avait pas spécialement envie de raconter l'anecdote de sa couleur. Tout ça, c'était la faute de Cassiopea à la base. Une expérience amusante, qu'elle disait fièrement avant de découvrir que ça ne partait pas avant un ou deux mois. Un objet de grande rigolade au début, qui s'était finalement banalisé.

— Euh... non papa et maman ne le savent pas. Mais di...disons qu'il y a un élève ici qui a le pouvoir de changer les couleurs : il l'utilise pour changer la couleur des yeux et des cheveux des autres. C'est... c'est pour ça, oui. répondit-il presque en ricanant.

Il mentait très mal, Warren. Très, très mal. Mais il était vrai que l'élève en question, par la suite, avait rendu sa couleur permanente. Le seul problème, à présent, c'était qu'il n'avait aucune envie de montrer ça à ses parents. Quant à Hadès, il ne répondit pas à la question ; il s'amusa plutôt à empêcher la blonde de récupérer ses affaires, elle-même. Cette attitude choquait un peu le E, il devait l'avouer. Il avait remarqué qu'elle l'exaspérait, mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il exagérait un peu. Malgré tout, Warren restait passif, se répétant qu'il interviendrait si, et seulement si, Hadès allait trop loin. C'est-à-dire...
Enfin, bref...! Ca n'arriverait certainement pas de toute façon.

Un avertissement finalement, concernant un sujet inévitable.
Soupir. Hadès n'avait pas tort. Même si certaines de ses piques étaient plutôt douloureuses à encaisser — ce complexe d'inutilité le poursuivait souvent —, le délégué devait admettre qu'il ne faisait rien d'autre que de soulever une vérité évidente. Il se retourna vers sa petite soeur, afin de s'adresser à elle.

— Hadès a raison. Je t'expliquerai plus tard ce qui se passe dans ce pensionnat. Mais dis-toi que ce n'est pas aussi... hum... paisible que notre école à Sydney. C'est même plutôt l'inverse, malheureusement... continua-t-il, d'un air calme mais presque désolé.

Il aurait vraiment préféré ne pas commencer par ce sujet. Ce n'était pas comme ça que ça fonctionnait ; le premier jour, on ne devrait parler que du pensionnat et de la vie ici ; on  ne devrait parler que du prestigieux établissement reconstitué par Ruthel, des beaux lieux que l'on pouvait trouver ainsi que de la cité pittoresque d'à côté ; on ne devrait parler que d'un quotidien paisible que l'on menait, des différences avec le système australien qui devrait enthousiasmer, de la routine qui deviendrait bientôt celle de sa petite soeur. On devrait parler de Prismver comme d'un lieu magique. Pas comme d'un endroit où la guerre régnait. Il devait lui faire, faire la visite d'endroits accueillants, pas d'endroits où les conflits pouvaient éclater à tout moment.

Mais bon, il fallait faire avec.

Il fallait oublier tout cela quelques instants, se concentrer sur sa petite soeur, et se dire que désormais, il la verrait tous les jours. De toute manière, sa cravate blanche assurait — sous un certain angle — qu'il ne voulait de conflit avec aucune classe.

— Bon, en attendant que l'administration t'attribue une chambre, je vais te faire visiter un peu les environs. Tu viens avec nous, Hadès ? proposa-t-il à Hadès, avec un léger sourire. Même si ce dernier semblait avoir quelque chose contre elle, Warren doutait qu'il s'en prendrait réellement à elle. On va commencer par le rez-de-chaussée, je pense. Il y a surtout des salles de classe dans les autres étages. Tiens d'ailleurs ! Tu n'as pas encore passé l'examen pour déterminer ta classe, si ? demanda-t-il à Hécate.

Sur ses mots, il les invita à le suivre en direction du réfectoire, pour commencer le tour.

*  *  *

HRP :  sorry pour le retard...