Elle sent la pression de sa main sur son épaule. Ce contact la perturbe. Elle n’entend que vaguement ses paroles, trop concentrée sur la contemplation de ses pieds pour y prêter attention. Il lui parle des arbres. Quoi, si elle y est déjà monté ? Oh oui, très certainement. Des branches ont dû céder, des oiseaux s’envoler et des morceaux d’écorces être arrachés. Elle avait peut-être eu cette sensation grisante de sentir le souffle du vent avec davantage de liberté. D’admirer ses pieds se balancer au-dessus du vide. Ses genoux ont surement dû saigner. Mademoiselle de la gamelle.
Il lui lance un pari. Ses yeux gris s’illuminent. Oh les défis, les défis, elle adore ça ! Malheureusement, il n’est pas pour elle. Sa forme physique n’est pas des plus olympiques. Il lance un pari. Tout seul. La main sur la hanche, elle le regarde prendre son élan et agrippé le tronc. Pauvre bestiole. Elle espère qu’il lui échappe, ce pauvre petit animal roux. Et puis ce n’était pas comme s’il s’était tordu la cheville quelques jours auparavant. Non pas du tout, ce pauvre type est au meilleur de sa forme. Dans un soupir de désespoir, elle se relève et fait quelques pas dans sa direction. Elle lève la tête et cri dans le feuillage :
« Ta prétention te perdra ! Si tu n’y parviens pas, tu deviens mon esclave pendant une semaine. »
Exaspérée, elle regarde les feuilles onduler. À cette allure-là, il va finir par crever avant la fin de la semaine mais ça ne semble pas le préoccuper plus que ça. Esprit masculin oblige… Elle siffle Salam’ avec nonchalance afin de pouvoir envoyer au plus vite un message à l’infirmière. Autant ne pas perdre de temps. Elle ne referait pas la même. Une fois par terre, le menton en sang, les dents cassées et on ne sait quoi d’autres, il se débrouillerait avec l’administration.
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Sujet: Re: Détresse Mer 31 Juil 2013 - 22:09
Détresse feat. Selwyn n'Angae
J'attrape la première branche et m'élance dans l'arbre. Mes muscles se mettent en marche avec protestation. Des os craquent. Je ne suis pas échauffé, mais je m'en fiche. Sentir mes muscles chauffés sous l'effort est un pur bonheur pour le sportif que je suis. Chaque centimètre gagné me rapproche de l'écureuil. Ce n'est pas la première fois que je poursuis un animal dans un arbre. J'ai déjà poursuivi un chat. C'est dur à attraper mais une fois entre les mains, on est toujours fier d'avoir réussi. Je l'entends crier. Si je perds, j'aurais l'honneur d'être son esclave. Pendant une semaine entière, en plus.
«Je veux bien perdre ce pari, alors !»
Je cris ces paroles avant d'éclater de rire. Rire qui sonne très enfantin à mes oreilles. Bien sûr, il est hors de question que je perde. Lorsque j'étais petit, mon père me surnommait "petit singe". J'ai grandi depuis, mais je reste un singe. Je saisis une grosse branche et me hisse dessus. Je cherche des yeux ma cible. Elle se trouve plus haut, sur une petite branche. L'écureuil grignote je-ne-sais-quoi, le regard fixé sur moi. Il se doute bien que je ne viens pas pour lui offrir des noisettes. Si je saute, je peux atteindre sa queue et l'attraper avant qu'il n'ait le temps de s'enfuir. Mais en même temps, sauter me fera prendre de gros risques. Je pourrais tomber par terre. À moins que j'arrive à me rattraper à une branche. Bon, ça n'a pas l'air si compliqué que ça. Je bondis vers le pauvre animal. Ma main se referme sur quelque chose de poilu. Je l'ai eu. Sauf que maintenant, je suis en chute libre. Par miracle ou par talent, j'arrive à me rattraper avec les jambes à une branche. J'ai la tête vers le bas, le visage à une dizaine de centimètres de celui de Selwyn et brandit l'écureuil en guise de trophée, l'air triomphant.
«J'ai réussi. Je suppose que j'ai le droit à quelque chose.»
Je relâche la pauvre bête et descends de l'arbre en douceur. Pas de chutes. En même temps, j'étais dans mon élément. Impossible que je perde.
Un cri par-delà le feuillage. Un rire. Des craquements. Le sifflement du vent. Elle n’aperçoit son corps que quelques secondes avant qu’il ne disparaisse de nouveau. Crissement de l’écorce. Le cœur de la brune est comme prit dans un étau. Il pourrait tomber. Il pourrait se briser les os, la nuque. Le coup du lapin. Elle croise les bras. Pourquoi ne veut-il pas redescendre si ce pari lui tient si peu à cœur ? Elle fulmine. Son pied tape le sol avec nervosité. Dans un souffle, elle le voit se propulser dans le vide. Son cœur éclate dans sa poitrine. Elle ferme les yeux et serre les poings tellement forts que ses ongles pénètrent sa paume. Elle ne veut pas regarder ce massacre, voir le sang gicler et un corps dans une position anatomiquement impossible. Elle sent déjà la nausée monter en elle.
Absence de bruit. Un souffle chaud sur son visage. Et les couinements de l’animal. Elle rouvre ses paupières en hâte et considère Benjamin, suspendu à la manière d’une chauve-souris. La respiration encore paniquée, elle regarde ce pauvre écureuil, le pelage ébouriffé et les yeux bouffés par la terreur.
« Tu es un idiot ! »
Le cœur battant, elle ne peut s’empêcher de hurler. Pourquoi l’a-t-elle incité à se mettre ainsi en danger ? Et ce pauvre animal ! Tout s’entrechoque dans sa tête et elle panique. Elle s’avance vers lui et commence à lui frapper l’épaule. Cependant ses forces sont encore trop faibles pour espérer lui faire mal. Pourtant, elle s’acharne, prise dans cette frénésie. Puis les yeux embués de larmes, elle se laisse tomber dans ses bras, les effets de l’adrénaline commençant à se dissiper.
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Sujet: Re: Détresse Ven 2 Aoû 2013 - 14:21
Détresse feat. Selwyn n'Angae
Je suis fier d'avoir gagné ce pari. Pas elle. Elle me hurle dessus, les yeux animés d'une lueur paniquée. Elle essaye de me frapper. Même en étant en forme, la différence de gabarit ferait que je ne sentirais pas grand chose. Mais là, fatiguée comme elle est, ses coups n'ont rien de douloureux. Je suis sûr qu'elle en a conscience. Pourtant elle persiste. Puis elle se laisse tomber. Je la rattrape sans trop comprendre ce qui se passe. Ce n'est pas comme si j'aurais pu mourir. Je me rends compte qu'en fait, si. J'aurais pu me briser la nuque. Me casser une jambe. Ce genre de choses ne me fait pas peur. Mille et une fois, avant notre rencontre, j'aurais pu mourir. En traversant les rues de New York sans faire attention à la circulation. En changeant une lampe sans regarder si l'électricité était coupée. En grimpant sur le toit de la maison pour réajuster l'antenne. Ma nature casse-cou ne date pas d'hier. Sa réaction me semble disproportionnée. De quoi a-t-elle peur ? J'exprime mon incompréhension sur mon visage.
«Hé, t'énerves pas ! Je suis pas mort donc tout va bien.»
La dernière phrase est prononcée sur un ton plaisantin. Je la ramène sur le banc et la force à s'asseoir. Moi, je reste debout, en face d'elle pour mieux la surveiller. J'essaye de la calmer. Je ne comprends pas. Je n'ai rien fait de mal. Enfin, je crois. Je soupire et reste debout. Je sais pas trop quoi faire. Je me gratte derrière la tête en réfléchissant.
«Pourquoi tu paniques comme ça ? J'ai rien fait d'affolant !»
À part sauter d'un arbre sans vraiment savoir si je pouvais me rattraper, je n'ai rien fait d’affolant. On doit sûrement pas avoir la même notion d'affolant. En fait, rien ne m'effraie quand il s'agit de moi. La peur est quelque chose de peu présent dans ma vie.
Colère. Amertume. Frayeur. Elle est perdue dans ses sensations et lui ne se rend même pas compte des risques qu’il s’amuse à prendre. Aux gens qui tiennent à son caractère de crétin chronique. Qu’il pourrait sortir grandement amoché de ses expériences. Puis elle s’en fout en fait. Il peut bien faire ce qu’il veut cet abruti !
Alors qu’elle veut de nouveau le frapper, il la traine jusqu’au banc où il l’oblige à poser ses fesses. Fulminant de rage, elle ne le regarde même pas, lui offrant son profil, les mâchoires serrées. Elle boude oui, littéralement. Pourquoi faut-il qu’il gâche tout ? Pourquoi, alors qu’elle se laissait apprivoiser, il fasse un geste brusque effrayant pour cette créature timide qu’elle est ? Elle referme sa coquille dans un claquement sec. Tout se bouscule dans sa tête et elle se force à ne pas croiser son regard. Elle repense à ce jeune garçon avec qui elle avait passé des après-midi entière. Elle était pire, bien pire qu’aujourd’hui et pourtant avec ce gamin, c’était presque automatique. Elle ne lui avait jamais rien avoué mais elle se sentait en sécurité. Peut-être que c’était ça, la confiance : le fait qu’ils se mettent en danger mais qu’elle en tire une sensation grisante de liberté. Néanmoins, cette relation fut éphémère. Elle a continué à errer. Il l’avait abandonné, lui aussi. Elle n’est pas faite pour se confier. Larguer son chagrin dans les bras de quelqu’un. Partager ses émotions, non.
Le regard fiévreux, elle fixe des personnes assises au loin, sur la pelouse. Sa bouche se déforme en un rictus. La tristesse envahit son cœur, l’enferme à double tour. Mélancolie. Elle ne le connait au final que depuis quelques jours. Il l’énerve, il l’effraie mais il ne la lâche. Il est collant, il est stupide, il est inconscient. Inconscient de se lier à elle. Stupide d’espérer un jour quérir sa gratitude. Sa confiance. Selwyn est loyale. Droite comme une tige de fer, inflexible. Or, c’est aussi une bulle avec autant de sentiments que de reflets irisés. Facile à crever à cause de sa sensibilité à fleur de peau. Mais elle veut se convaincre qu’elle est blindée, ne craignant aucune attaque. Les paupières mi-closes, elle lâche sur un ton sec.
« Qui acceptera de me jouer du violon si tu te casses les doigts ? »
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Sujet: Re: Détresse Sam 3 Aoû 2013 - 21:27
Détresse
feat. Selwyn n'Angae
Selwyn boude. Il ne manquait plus que ça. Je soupire, exaspéré par cette situation. J'ai l'impression que réfléchir ne sert à rien. Finalement, je préfère utiliser mon instinct. Elle préfère fixer au loin les personnes sur la pelouse. Eux, au moins, ils doivent être en train de s'amuser. Je me retourne pour lui afficher mon dos. Je suis assez grand pour me surveiller tout seul. Si je me blesse, c'est entièrement de ma faute, et seulement de la mienne. Elle me parle d'un ton sec. « Qui acceptera de me jouer du violon si tu te casses les doigts ? » Bonne question. Je ne sais pas si elle dit ça parce qu'elle ne veut pas me voir blessé ou bien parce qu'elle a envie d'entendre à nouveau mon violon par pur égoïsme.
« Je sais pas. »
Je ne pense pas vouloir lui jouer du violon. J'ai tendance à jouer pour moi-même que pour les autres. Je ne lui dis pas, parce que je n'en ai pas envie. Je vais m'allonger sur la pelouse, seul. L'odeur de l'herbe a quelque chose d'apaisant. Comme un baume. Je ferme les yeux. Elle peut s'en aller, si elle veut. Je ne la retiendrais pas. Je rouvre les yeux pour observer le ciel.
« Tu ne ris jamais. Tu devrais essayer de t'amuser un peu plus. »
Je ne cherche pas d'explications. C'est simplement un constat, une pensée énoncée à voix haute. C'est vrai, Selwyn est la première personne que je rencontre à être ainsi. D'habitude, les adolescents de notre âge cherchent à s'amuser, font des conneries, profiter de la vie. Elle n'est pas comme ça. Comme si quelque chose l'empêchait d'être comme tous les adolescents. Un souvenir remonte à la surface de ma mémoire. Notre première conversation. Elle m'avait dit qu'elle n'avait pas de famille. Peut-être est-ce cela qui lui a forgé son caractère ; l’absence de famille et probablement d'affection.
Un soupir. Elle serre les dents. Ça y est, elle commence à l’agacer. L’engrenage commence à s’enrailler et ça va finir par exploser. Le dos tourné, c’est le début de la fin. Il ne tourne pas seulement le dos à Selwyn mais aussi à cette amitié qu’il espère tellement voir naitre entre eux. Il est blessé, elle le ressent jusqu’au fond de ses tripes. Culpabilité. Il va s’allonger plus loin. Elle ne cille pas. Une remarque cinglante.
« On rit quand on est heureux… »
… et moi je ne sais plus faire. La dernière partie de sa phrase meurt dans sa gorge. Peut-être qu’elle tente de lui lancer un appel à l’aide. Elle soupire. C’est tellement compliqué. Il est un gamin trop pur, trop insouciant et elle une fille trop amère, trop blessée, aigrie avant l’âge. Elle n’a développé que des activités solitaires parce que justement, les gens la rejetaient. Natation, dessin, on n’a pas besoin de partager, de faire confiance à autrui et pas même à lui devoir des comptes. C’était ça qu’elle aimait, l’indépendance. Certes, on lui avait forcé la main depuis sa toute petite enfance mais elle s’y est habituée. Mais lui là, crinière rose, il tirait sur l’autre bout de la corde. Il insiste, il est lourd et pourtant, il désire bien faire. Il est un peu comme Jim qui l’incite à se dévergonder dans ses beuveries mais Benjamin, c’est différent. C’est plus enfantin, comme s’il voulait inconsciemment lui offrir la jeunesse qui lui a été refusée. Un instant de réflexion. Des larmes au bord des yeux. Prise de conscience. Elle se relève, fixe toujours l’horizon puis ajoute :
« Puisque tu y tiens tant, apprends-moi à m’amuser alors. »
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Sujet: Re: Détresse Dim 4 Aoû 2013 - 22:16
Détresse
feat. Selwyn n'Angae
Allongé dans l'herbe, j'essaye de déchiffrer les formes des nuages. Je sens les pattes d'une araignée sur ma peau. Je me mets en position assise et prends la bête dans mes mains. Selwyn est toujours assise sur le banc. Ma remarque n'a pas l'air de la toucher. En apparence, seulement. Ses paroles attire mon attention sur elle. C'est vrai que le rire est une conséquence de la joie. Mais elle ne rit jamais. Elle se sent malheureuse et cela se voit. Lorsque je regarde de nouveau mes mains, l'araignée n'est plus là. J'observe Selwyn et attends. Elle semble plongée dans ses pensées. Je me barricade derrière les miennes. On rit quand on est heureux… Je ris souvent. Je suis heureux. Cela me semble être quelque chose de naturel pour tout le monde. Pas pour elle. Lorsqu'elle parle, je sors de mes pensées. La népalaise est debout et fixe l'horizon. « Puisque tu y tiens tant, apprends-moi à m’amuser alors. » Ces paroles auraient dû m'étonner. Pourtant, aucune surprise ne marque mon visage. Seulement une tranquillité inhabituelle chez moi. Je me relève à mon tour et époussette mes vêtements. Apprends-moi à m'amuser… plus facile à dire qu'à faire, probablement.
« Très bien. »
Tout en me grattant la tête, je réfléchis. Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre. Après tout, je n'ai jamais été très doué pour enseigner. S'amuser. Il y a mille et une façons de s'amuser. Toutes différentes pour chaque individu. J'énumère une liste en comptant sur mes doigts. Me mettre en danger, faire des conneries m'amuse. Je ne pense pas que ce soit le cas pour elle. Sinon, il y a le sport. Les jeux vidéos. Les sorties entre amis. Cette dernière activité devrait convenir. Je relève la tête vers elle et affiche un air sérieux.
« J'ai une condition. Il faut que tu me fasses confiance. »
Il y a toujours un prix à payer. Selwyn l’a appris, oublié puis c’est revenu avec violence. Jamais rien n’est acquis, la bonté n’existe pas. Même les moines dans ce temple où on l’a refourgué une fois orpheline, ces hommes si doux, si simples, ils espèrent tous un jour quérir le pardon de leur dieu. Une place au paradis ou une réincarnation dans un animal noble. On se croit libre mais au final, tous nos actes sont prédéfinis, dictés par une raison parfois inconsciente. Selwyn ne veut pas d’amis car elle ne veut rien leur devoir. Elle ne veut pas qu’ils l’utilisent à leurs fins, comme bon leur semble. La brune ne croit plus en l’âme humaine car au final, même son père était un abruti égoïste. S’il lui a porté de l’attention, c’est pour soulager la culpabilité qui le bouffait de l’intérieur comme les vers grignotent lentement un cadavre. Pourtant, dans le cas de Benjamin, elle ne trouve aucune raison à son acharnement. Il a l’air plutôt social. Ouvert à toutes sortes de relation, bien dans ses baskets alors pourquoi s’arrache-t-il les cheveux en lui courant après ? De toute façon, elle n’a pas la force de lui résister.
« Si tu réussis, ma confiance sera tienne. »
Elle dicte toujours ses règles. Toujours. Elle préfère dominer la situation ou du moins, essayer de le faire. Néanmoins, les activités qu’il va lui proposer restent dans le brouillard. Cette partie-là lui échappe mais elle veut bien, pour lui, se laisser guider les yeux clos. Elle s’approche et enroule son bras autour de celui du garçon, comme le font les filles qu’on emmène au bal un soir d’été. Peau livide. Teint halé. Cette différence est tenace.
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Sujet: Re: Détresse 
Mer 31 Juil 2013 - 20:49
