the little girl with sword

feat. hadès ♥

Qu’on se le dise, tu es peut-être le dernier à croire aux relations à distance. En réalité, tu es le dernier à croire aux relations tout court - et tu ne parles pas d’amour mais de tout lien qui puisse être. C’était un raisonnement simple : à force d’avoir vécu la réalité des choses, Hadès préférait ne même pas penser à ce que serait une réalité virtuelle. Des années passées à jouer durant son enfance, il avait rencontré des gens - et généralement, du fait de la présence de sa soeur, il ne s’était pas tant attaché. Parmi eux, seule une poignée avait poursuivi une discussion avec lui - et bien qu’il soupçonnait quelques tentatives de découvertes de son niveau de jeu, comme une preuve d’une éventuelle triche, il n’avait rien  dit. Il s’était contenté d’agir normalement.

Hadès n’avait jamais été inquiété de ce monde ; internet était un large marché sur lequel chaque pixel pouvait être possédé, déformé, usé d’une manière différente. Il n’avait eu aucune peine à montrer son visage dans la mesure où il ne sortait jamais, quant à son adresse, il voyait mal ce que quiconque aurait pu faire d’une maison vide où traînaient deux enfants accros à leur seule possession vraiment intéressante : un écran d’ordinateur. Et puis, d’un autre côté, cette traîneé d’informations était comme une invitation à le défier - mais personne n’était jamais venu. D’un côté, Hadès ne s’attendait pas à l’arrivée de quiconque et il n’avait pas non plus espéré que quelqu’un ait vraiment l’envie de se souvenir de lui alors qu’il avait, du jour au lendemain, disparu de toutes formes de jeu. C’était comme ça que les choses marchaient et lui aussi avait fait de la mémoire dans le précieux espace qui lui servait de mémoire.

Aussi, quand en un début d’après-midi, alors qu’il marchait dans les couloirs à la recherche d’une quelconque activité, une fille vient lui hurler dessus comme s’il était une personne sociable, il n’eut pas le déclic. Il observa cette demoiselle d’une oeillade morne, cherchant une explication à ce regard “reconnais-moi stp” qu’elle lui portait. Finalement, un instant plus tard, elle quitta la catégorie des idiots profonds et se présenta d’elle-même ce qui rassura Hadès quant au potentiel de stupidité maximum de l’espèce humaine.

Il se souvenait de ce nom et le liait à ces quelques connaissances du passé desquelles il n’attendait pas grand chose. Cela dit, elle se souvenait de lui, et c’était déjà un bon point - mais les autres détails qu’elle pensait masquer dans un long discours ne lui échapperait pas. « Ce n’est pas surprenant que tu aies trouvé la photo mais je n’ai jamais mentionné de pensionnat. Tu as vraiment cherché loin, il y a une raison spécifique à ça ? » Il ne lui laissait aucun répit. Pas de bonjour, pas de « tiens, ça fait longtemps ! » juste la méfiance de celui qui n’avait jamais entrevu les bons côtés d’une quelconque relation.

Bien entendu, il n’allait pas passer l’après-midi à lui faire un interrogatoire, d’autant qu’elle avait eu le bon - et flippant - sens de prendre des nouvelles, bien que la manière était discutable. Le problème qui se posait, c’était cette façon qu’elle avait de bavarder sans arrêt - et il lui signala d’un regard évocateur qu’elle avait autant droit à la respiration que tout être humain.

« Les rumeurs marchent comme ça, et d’autant plus vite dans une si petite communauté. Cela dit, les ne m’aiment pas pour une bonne raison - de manière générale, je ne suis pas très fréquentable. Mais ça dépend des jours. »

Il était concis, c’était son avantage.

feat. hadès ♥

Ce n’est pas du tout le manque de pratiques physiques qui me poussaient à penser que les souffrances morales étaient bien plus insupportables que les physiques - mais la pensée que tout ce qui pouvait s’apparenter à un quotidien acceptable pour les autres était l’équivalent pour moi d’une terrible agonie. Les gens aimaient discuter entre eux - et si j’étais en mesure de surmonter cette épreuve ignoble, je me devais de prétendre être ne serait-ce qu’en partie heureux de retrouver une ancienne connaissance. Le problème, dans tout ça, c’était l’évidente vérité - mon impassibilité totale quant au destin de cette fille avec qui j’avais vécu une partie de mon enfance (ou, pour l’appeler autrement, la période de naïveté et d’impulsivité émotionelle dont je me serai bien passé).

Je suis conscient de ne pas être la seule personne dotée d’une présence sentimentale plus que médiocre : ma différence avec les autres, c’est que je ne m’en cache pas. Je me moque totalement du jugement que l’on porte sur moi et des conséquences d’un tel comportement ; j’ai tendance à assumer ce que je fais, et jusqu’ici, personne n’a trouvé de choses à y redire. A nouveau, j’en reviens au problème de cette fille - tout au long de l’Histoire, de nombreux dirigeants ont gardé leurs sujets dans l’ignorance pour mieux les manipuler, mais c’est aussi ce qui explique leur chute. L’ignorance empêche la peur d’exister. Et parce que cette fille est ignorante, elle se permet de se tenir à mes côtés comme si j’étais la même personne qu’autrefois ; je ne suis plus assez affecté par ce passé pour en avoir le moindre ressort émotionnel autre que l’impatience de la fin habituellement ressentie avec n’importe quelle autre personne, aussi, j’élude simplement le compliment qu’elle m’adresse comme si j’en éprouverai la moindre sympathie supplémentaire pour elle. Hélas, tout au long de mon inexistance, j’ai appris que notre race idiote aimait voir des retours quant à ses actes - aussi improvisais-je un sourire si mal formé qu’il devait davantage tenir d’une grimace menaçante. Fort heureusement, le changement de sujet d’Alaska me fit comprendre que ma stupidité de l’époque n’était pas aussi envahissante puisque j’avais eu le bon sens de fréquenter quelqu’un qui savait aller droit au but. C’était une bonne nouvelle, autant pour mon impatience que pour elle - elle serait bien stupide de penser que je perdrai mon temps dans une pratique aussi inutile que la sociabilité.

Je supportais les gens, effectivement, mais ça s’arrêtait là : il n’était pas question de laisser quelqu’un s’immiscer temporairement dans mon existence avant d’en repartir avec le même degré d’intérêt dont fait preuve chaque humain à l’égard de son prochain, cette fille voulait devenir une part de mon entourage et son expansion, en vue du fait qu’il était déjà bien trop large pour une personne comme moi, était inacceptable.

« Cet endroit est aussi fourni en connexion que moi en sympathie. Tu n’as jamais trouvé bizarre le fait que j’arrête brusquement de jouer ? Tu n’aurais pas posé cette question si tu y avais davantage réfléchi. »

Je ne compte pas être méchant non plus. Il s’agit d’une de mes anciennes connaissances et ma logique me dit d’accorder un peu d’importance à ce détail. Bien que je ne vois pas l’intérêt de la sympathie dans la mesure où les gens qui vous connaissent sont censés vous supporter malgré votre caractère initial, je soupire doucement et lève les mains en l’air, signe que je ne lancerai plus de pique. De toute façon, même à l’époque, je suis à peu près certain que je n’étais pas des plus sociables, même à l’époque - et malgré tout, je décide de ne pas tenir compte de mes plus gros principes pour favoriser l’intégration d’un nouvel élève : ne suis-je pas une personne merveilleuse ?

« Tu connais l’ambiance de l’école ? La signification de ta cravate ? Tu as ta chambre, ton parrain, ta filière, tes options ? Je parie que tu as oublié quelque chose. Avant de commencer à jouer, tu devrais penser à t’occuper de ça. »

Au moins, ça l’occupera pour un moment et je procèderai à ce que j’aime appeler un regain de force moral.