trying to get a life — lynna

Hadès faisait probablement parti des personnes les moins attendues à l'événement annuel que constituait le bal de Noël, et voir la surprise dans le regard des personnes qui le voyaient traverser le couloir du bâtiment des chambres en tenue de soirée constituait l'une des plus grandes satisfactions que sa décision lui apportait. Ce n'était pas non plus l'une des raisons de sa prise de décision, car il faudrait bien davantage que le regard collectif et absurde du peuple pour parvenir à influer les choix du E, mais puisque les conséquences s'offraient à lui, il ne s'encombrerait pas d'efforts pour les effacer. La situation l'amusait. Surmonté d'un costard noir et d'un nœud de papillon de la même couleur sous lesquels il s'était contenté d'une très simple chemise blanche, Hadès avait laissé tombé sa tenue excentrique des autres années (qu'il pensait, à juste titre, comme étant les seuls bals de son existence - c'est bien dommage qu'il ne se rappelle pas de cette idée) au profit de quelque chose d'aussi simple que chic. Il ne cachait pas qu'il avait bien rit devant sa propre excentricité, mais il était bien décidé à ne pas renouveler l'expérience - il avait beau prétendre agir dans une totale liberté, son amnésie guidait légèrement ses pas à présent qu'il faisait tout pour ne pas l'imiter.

Cela étant, il était presque certain qu'il n'aurait, de toute façon, pas choisi cette option étrange - la simplicité, pour une fois, lui suffisait amplement. Il donna deux coups légers sur la porte de la chambre de Lynna et s'adossa au mur en face, estimant devoir affirmer sa propre ponctualité, sans davantage insister - il n'était pas vraiment pressé de se rendre au bal.

Pourquoi avait-il accepté ? Hadès se posait la question. Il releva légèrement sa manche pour vérifier l'heure sur sa montre qu'il portait si rarement qu'il sentait sa peau douloureuse, peu habituée à être ainsi malmenée par ce genre d'outils. En dehors de ses doigts, parfaitement habitués aux diverses consoles, on ne peut pas dire qu'il avait l'habitude de faire de l'exercice. Ce n'était pas quelque chose qui datait de l'école - il n'avait jamais apprécié le sport et il était presque certain que Prismver n'aurait pas su changer ça. C'était tout autant une question de goût que de paresse, et puis, le sport électronique était tout aussi appréciable. Chacun son domaine, songea-t-il, les yeux rivés sur la porte. À quoi s'attendait Lynna en l'invitant au bal ?

Un cavalier digne de ce nom ? Hadès n'était pas plus bon danseur qu'il n'était d'agréable compagnie - et il devait l'admettre, bien qu'il n'éprouve pas d'affection particulière pour la demoiselle, il aimerait éviter de la décevoir - par pur principe. Tant qu'à accepter une invitation, autant ne pas faire les choses à moitié, c'était une simple politesse.

Le bruit de poignée capta immédiatement son attention. Il leva les yeux, décolla son dos du mur et attendit droitement que sa future cavalière se présente à lui. "Bonsoir." commença-t-il avec patience en cherchant son regard, exempte de gêne - c'était sans doute l'avantage de sa compagnie. "Le bal a lieu sur la Grande Place. Tu es prête ?"

Tenue:

Forcément, il avait prévu de faire quelques efforts, malgré sa personnalité obtuse, mais il ne pouvait espérer se familiariser avec ce qu'il avait toujours refusé, en tête de quoi on trouvait les contacts. Il n'avait pas tendu son bras à sa cavalière mais enfoncé les mains dans ses poches et pris la direction du bal d'une démarche tranquille - en soi, accepter son invitation était un effort extraordinaire, et Hadès avait songé quelques temps qu'il n'avait pas à faire de changements quant à son exécrable personnalité, du fait qu'elle ne s'en plaignait pas - elle l'avait invité comme il était, auquel cas, elle n'avait pas à se plaindre de son naturel, si insupportable soit-il. Cela dit, il savait qu'il n'était pas acceptable de se comporter comme au quotidien - le bal en deviendrait tant insupportable pour elle qu'il ne le serait déjà pour lui.

Pourquoi avait-il accepté ? Il n'avait pas de regret à ce stade de la soirée (quand on a encore rien vécu, c'est généralement difficile) et il appréhendait avec certains doutes les événements à venir. Mais il savait que les préjudices ne servaient à rien, tout comme ce serait le cas des regrets si tant est qu'ils surviennent plus tard. Il vida sa tête de toutes ces réflexions inutiles, observa les alentours et constata qu'ils étaient déjà au milieu de la ville, à une rue de la Grande Place où attendait le bal. Lorsqu'il croisa le regard interrogateur de sa cavalière, il se rendit compte qu'il n'avait pas répondu à sa question et leva les yeux au ciel et porta son poing à son menton, prenant le temps d'y penser.

"Oui, je sais danser." commença-t-il lentement. "De plus, je considère que cette expérience peut se révéler intéressante, voire bénéfique. Mais ça reste à prouver."

La première réponse lui était venue instinctivement, avant même qu'il n'y songe. Hadès ne savait pas danser, du moins, pas à sa connaissance - mais c'était une science du corps et s'il l'avait pratiquée durant ces trois ans, son corps s'en souviendrait. Aussi, il ne se sentit pas agacé de sa propre réponse : il était persuadé, si elle lui était venue aussi naturellement, qu'il serait capable d'en assumer la portée. Lorsqu'ils arrivèrent sur la Grande Place, il ne put s'empêcher de hausser les sourcils de surprise, mais ne donna nulle autre raison à sa camarade de penser qu'il en ressentait quoi que ce soit. Il fit le tour jusqu'à l'unique entrée comme s'il pénétrait tous les jours dans un tel endroit et accepta, les sourcils froncés, la boisson nécessaire à l'entrée.

Il avait une petite idée de son contenu - si on laissait un élève la distribuer à l'entrée d'un événement officiel de l'école, c'était forcément important - mais il n'ajouta rien et prit le chemin direct jusqu'au bal, refusant de s'encombrer de plus de formalités - les défis, car il supposait que c'en étaient, ne l'intéressaient pas - ce soir, Lynna était la seule chose qu'il essaieraient de comprendre.

"La question de ton invitation est bien plus propice à l'interrogation. Tu n'as aucune raison de ne le faire et nous ne sommes pas amis."

Sans vouloir te vexer - c'aurait pu être une fin de phrase convenable, voire nécessaire à la bonne tenue de la politesse, mais il s'en priva sans complexe. Il était loin d'être soucieuse des états d'âmes de ses paroles lorsqu'elles n'étaient pas destinées à faire mal - il estimait que les gens étaient responsables de leur mauvais interprétation de ses paroles. D'un coup d'œil, Hadès balaya la salle du regard - le DJ, le comptoir, les quelques tables remplies de nourriture et la piste de danse - puis les baissa de nouveau vers la demoiselle :

"J'imagine que si tu avais simplement voulu discuter, tu m'aurais envoyé un LMS. Alors, qu'est-ce que tu veux faire ?" demanda-t-il en désignant la salle de la main.