Walk with me

Inspire. Expire. Répétition.

Laurent marchait lentement, sans but précis. Sa respiration était aussi calme que le vent et semblait synchronisée avec les allées et venues de celui-ci dans les cheveux du brun. Le canadien n’était pas particulièrement porté à marcher régulièrement de la sorte, mais il lui arrivait tout de même de sortir à l’occasion chaque semaine, question de s’aérer les esprits et de prendre ses distances avec la civilisation. Pas qu’il ait quoi que ce soit contre l’espèce humaine de manière générale, mais il se sentait toujours mieux seul et loin des nombreux groupes de gens qu’il pouvait trouver dans Prismver. Son petit paradis personnel devait bien être son iPod et ses écouteurs, qui lui permettent de s’évader et de se couper des autres, mais il n’avait pu résister à l’idée de sortir face au beau temps aujourd’hui.

Et qui sait, peut-être qu’il la croiserait.

Jamais il ne le faisait exprès, jamais il n’irait jusqu’à la stalker. Mais bordel qu’il aimait la voir, même brièvement, même s’il se doutait qu’elle connaissait à peine son existence. Bon, forcément, le brun était très proche de son frère Killiam, mais passer du temps avec Théa ce n’était jamais dans leurs plans quand ils étaient ensemble. Ils préféraient faire leurs trucs de mecs, parler musique, déconner un peu. Pas passer du temps avec elle, même si l’envie ronge souvent l’ancien B d’en parler à Killiam pour apprendre à la connaître davantage. Il n’avait jamais eu l’occasion, Laurent considérant qu’avouer son crush sur la S à son meilleur ami réduirait leur amitié à néant. N’avait-il pas déjà entendu Killiam dire que celui qui toucherait sa sœur aurait affaire à lui? Bon nombre de fois en fait, et il ne voulait pas perdre son amitié avec le B, c’était lui qui le rendait plus normal, qui lui permettait de se sentir un minimum important et lui remontait le moral quand ça n’allait pas.

Le québécois était tellement plongé dans ses pensées qu’il ne se rendait pas compte qu’il ne contrôlait plus ses pas, ni la direction qu’il prenait. Il se dirigeait désormais vers le parc inconsciemment, et son cerveau dû bien prendre deux bonnes minutes pour analyser que la chevelure blonde qu’il apercevait au loin s’approchait dangereusement et qu’elle appartenait à une personne qui l’intéressait peut-être beaucoup trop. Théa.
Laurent cligne des yeux et sent ses paumes devenir moites en voyant qu’il était trop près d’elle pour reculer, et encore trop près pour passer sans lui adresser la parole. Alors il se lance, se risque pour la première fois.

- Oh salut Théa !

Le PUMA affiche un large et sympathique sourire, mais réalise qu’il semble en savoir beaucoup trop sur la damoiselle alors qu’ils ne se connaissaient techniquement pas. Il jure intérieurement et précise, davantage pour expliquer le fait qu’il connaissait son nom et que ce n’était pas du tout réciproque que pour poursuivre la conversation, bien que la deuxième option ne lui serait pas désagréable non plus.

- Pardon, je dois sonner vraiment comme un stalker. Killiam est mon meilleur ami, j’t’ai reconnue avec les photos de vous qu’il a dans sa chambre.

Il croise les doigts et retient subtilement sa respiration, espérant qu’elle n’allait pas l’envoyer bouler. Que leur histoire ne se termine pas avant d’avoir eu la chance de commencer.

Le jeune homme crut un instant que son cœur allait quitter sa poitrine quand, enfin, la demoiselle affirma le connaître. Non seulement est-il flatté que Théa ait conscience de son existence, qu’elle reconnaissait savoir qui il était, mais il était aussi encore plus amouraché qu’il ne l’était déjà. Laurent n’avait pas pour habitude déjà de marquer les gens, il était une ombre pour tous sauf Killiam probablement, mais il ne se plaindra pas d’apparaître pour elle, de sortir de sa noirceur rassurante pour avoir la chance de lui adresser la parole directement pour la première fois. S’il existe pour la blonde, il a l’impression d’exister pour le monde entier, et ça le satisfait plus qu’un peu.

Inutile de préciser que le brun a pris la place aux côtés de la S, sans se précipiter mais sans considérer l’offre trop longtemps non plus par peur d’ajouter un malaise à la situation ou de simplement laisser entendre à Théa qu’il n’était pas certain de vouloir s’assoir près d’elle alors qu’il en mourrait d’envie depuis longtemps déjà. Dès les premiers instants, il doit poser sa main au sol pour éviter d’être chaviré par le doux parfum de la jeune femme et ainsi s’assurer une honte assurée. Il faut quelques secondes qui semblent interminables au membre de PUMA pour se ressaisir et reprendre contenance sans trop laisser paraître qu’il avait d’abord été déstabilisé.

Son regard se pose sur le carnet, intrigué, et ses lèvres s’étirent en un sourire complice, ses yeux pétillants comme les gouttes d’eau d’un lac sous un haut soleil d’été. Laurent ne peut pas s’en empêcher, il lui fait poser la question qui lui brûle les lèvres, celle qui déterminera quel genre de conversation ils auront pour un petit moment, celle qui choisira enfin entre la discussion légère, celle que tu préférais habituellement, et la plus sérieuse, que tu évitais par habitude.

« Dis-moi, je n’interromps pas un processus créateur trop important par hasard? Musique? Arts? Littérature? Perso je dirais que t’es carrément en train d’écrire un livre sur le printemps. »

Avec elle, il ne refusera jamais de parler plus, de dévoiler ce qu’il y a à dévoiler. Le B ne veut pas la repousser, loin de là son envie, mais il veut tout savoir de la S et quel meilleur moyen d’en apprendre davantage qu’en s’ouvrant aussi?
Il rit doucement et l’observe, tentant de ne pas avoir l’air trop absorbé par la beauté de ses yeux ou par l’apparente douceur de ses cheveux. Laurent espérait ne pas l’avoir choquée avec ses propos, il espérait que le ton de blague qu’il avait utilisé aiderait à faire passer ça sur le compte de la taquinerie et pas sur celui de la moquerie, mais rien n’était gagné pour l’instant.

Il avait quand même réussi la première étape, qui était de l’approcher. La seconde, il était mieux de pas la foirer ou sinon il pouvait dire adieu à toute chance de connaître celle qu’il chérissait secrètement.

Son attention se détourne du carnet, docile comme il était pour ne pas lui déplaire, pour minimiser les chances qu’elle se forge une mauvaise opinion de lui. Il fut un temps où les femmes se faisaient courtiser par de belles paroles, où la galanterie était de mise pour s’assurer de démontrer qu’un homme était un bon parti, mais pour Laurent tout était dans le respect. Dans cette ère où l’amour était une perle rare, il savait qu’il avait avantage à faire bonne impression par sa gentillesse plutôt que par des jeux de bras avec d’autres jeunes hommes. Le brun n’était peut-être pas le plus viril des mecs en misant sur quelque chose comme le respect mais ça avait toujours compté pour lui alors il y tenait dur comme fer.

Sa question le prend toutefois de court, et les palpitations cardiaques du B accélèrent le rythme à la seule pensée que Théa puisse traduire tout ce qui était encrypté dans ses pensées.
Mais ça, ça restait ton secret Laurent, bien qu’elle ne s’offusquerait sûrement pas de savoir que tu la trouvais très belle. Peut-être même trop belle.

Alors le jeune homme lâche un rire sec qui cache sa nervosité, comme si la question pouvait être ridicule au premier abord. Il n’allait pas mentir, mais il se gardait tout de même une petite réserve pour ne pas avoir l’air d’une personne envahissante.

« Euh te chercher spécifiquement non. Mais j’ai peut-être espéré que nos routes se croisent un jour, qui sait. »

Cette fois-ci, le rire est franc et son regard, plongé dans celui de la blonde, se détourne après un court instant pour se fixer plutôt sur l’horizon qui lui faisait face. Laurent n’avait jamais été le plus démonstratif ou le plus porté à se confier sur sa vie privée, il se fondait dans la masse et vivait en marge, ne cherchant jamais à avoir l’attention des autres. Sauf avec Killiam. Et le voilà pourtant face à celle qui lui plaisait certainement plus qu’il n’aimerait l’admettre à entamer une discussion assez légère. Aucune porte de sortie si ce n’est la fuite, aucun moyen de laisser à quelqu’un d’autre le loisir de prendre toute l’attention de la belle pour qu’il puisse l’observer discrètement.

Aujourd’hui, cependant, le brun allait prendre en main la conversation et ne pas se défiler, parce que rien ne lui garantissait un entretien avec Théa prochainement et qu’il voulait en profiter jusqu’au bout. Son regard se dote d’une lueur malicieuse quand il pose enfin la question qui lui brûle les lèvres, ces dernières s’étirant en coin alors qu’il s’adresse à elle.

« Pourquoi, tu aurais aimé que je me mette à ta recherche? »