Oops... I did it again

Le silence, le vide, l’absence, j’avais besoin de toutes ces choses à la fois pour faire taire mes propres pensées. La voix de Joy bourdonnait encore dans ma tête comme une interférence, comme une fréquence de j’essayais de zapper sans pouvoir y arriver totalement. Et puis il y avait ses lèvres, douces et chaudes que j’avais a peine pu effleurer.  Comment une seule fille pouvait rester dans ma tête comme ça, j’avais été capable d’en oublier des dizaines et des dizaines d’autres ? Pourquoi refusait elle se s’effacer de mon esprit, emportant son parfum, sa bonne humeur, son sourire. Une partie de moi voulait la détester pour que ça rende le tout plus simple, mais la partie qui s’était attachée à elle continuait de dominer. J’étais sans arrêt perdu entre ses deux camps qui me court circuitait l’esprit à longueur de journée.

Voila pourquoi j’aspirais au calme et je me dis qu’un endroit éloigné du bungalow serait la meilleure option que j’avais. Il fallait que j’évite le centre ville pour ne pas croiser d’autres gens sur lesquels je serais susceptible de vouloir passer mes nerfs. Pas question non plus d’aller dans des endroits bruyants. Je décidais d’aller à la crique, il n’y avait jamais personne et comme le temps commençais à fraichir, les rares visiteurs n’y restait pas longtemps. Ce n’était qu’une question de temps, voila ce dont j’essayais de me convaincre. Dans quelques jours j’arrêterais d’y penser, comme j’ai arrêté de me demander où était Candice, comme j’ai oublié jusqu’au nom de toutes ces filles. Joy n’était pas différente, j’allais l’oublier.

Le vent qui s’engouffrait entre les falaises me signalait que j’étais enfin arrivé, je décidais de m’enfoncer un peu jusqu'à voir le rivage. On dit souvent qu’on perd le sens de l’humour et qu’on réfléchit de façon plus grave quand on  subit une grande déception. Ça me donne l’impression d’être une fillette, un chaton. J’observais le calme trompeur de l’eau, appréciais le silence environnant, j’avais trouvé mon moment de paix, pour une fois je n’avais pas envie de hurler sans m’arrêter. Alors pourquoi, pourquoi, mais dio, pourquoi fallait il que cette voix s’adresse à moi ?! Maugréant, je tourne la tête vers mon interlocutrice. J’étais si préoccupé que je n’avais même pas remarqué sa présence…

-Tu parles de la mer ou des jambes que tu t’échines à me mettre sous le nez ?

Je la tutoie, comme je tutoie tout le monde. Je ne vais pas faire des manières avec une inconnue qui doit avoir mon âge ou presque. C’est vrai qu’elle est plutôt jolie, assez mon genre avec ces cheveux flamboyants et cet air malicieux. Jolie voix, joli corps, il ne m’en faut pas plus pour lui transposer l’image de Joy. Merda, mais qu’est ce qui cloche chez moi, je vais continuer à transposer son image à toutes les filles qui lui ressemble maintenant ?!

Scusate, giovanile signorina, je ne suis pas d’humeur à draguer, encore moi quand les traits de ma proie me sont aussi familiers.

C’est direct, mais sincère, je suis lassé de ces femmes qui passent et repassent sans arrêt devant mes yeux pour finir dans mon lit. Je ne vois pas en quoi celle-ci serait différente, et puis ça semble trop facile. Elle me dévore déjà du regard… J’ai même perdu le goût des bonnes choses, décidemment. Parfois je me dis que je ferais mieux de passer le reste de ma vie à l’état de bête sauvage, laissant mon instinct primitif dominer mes pensées.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que sa verve m’étonne. Elle à du franc parler et n’a pas l’air d’avoir froid aux yeux, elle n’a l’air d’avoir froid nulle part d’ailleurs. Je laisse échapper un ricanement qui tiens plus du reniflement moqueur et reporte mon regard sur l’eau. On dirait qu’elle parle italien, ça me change un peu et ça m’aide à creuser une distance entre elle et Joy. Je sens qu’elle continue de m’observer et je sais qu’elle va finir par m’adresser la parole de nouveau. Ce genre de fille est comme ça, une fois qu’elle à entamer la conversation avec un inconnu, il faut qu’elle continue encore et encore. Il faut qu’elle montre qu’elle est là et disposée à échanger même si ce n’est pas mon cas. J’ignore sa dernière remarque et en contractant la mâchoire puis répond, sarcastique.

-Je vois, tu parles italien, je suis impressionné. Tu viens de quel coin ? Tu n’es pas Corse au moins ?

En général les Corse et les Italiens ne font pas bon ménage, même si Candice venait de là bas, on voit bien comment ça à fini. Le feu continue à me ronger les entrailles, c’est comme si parler avec elle suffisait à ranimer les mauvais souvenirs. Si ça continue, je ne vais pas tarder à être méchant avec elle, voir même agressif. Elle ne sait pas à qui avec qui elle discute, à t’elle seulement un don comme moi ? Car si c’est une non mage, je n’en ferais qu’une bouchée, une seule. Je déteste qu’on essaie de s’immiscer dans ma vie et qu’on estime que je souffre où je ne sais quoi. Je ne suis pas une victime, je peux me débrouiller seul et je ne vais pas aller m’épancher devant la première venue. Dans ma famille, un homme gère ses problèmes de façon digne et reste fort en toutes circonstances.

D’un coup je suis troublé de voir comme je ressemble à mon père. Lui aussi il à été abandonné par une femme, et pourtant il est resté fier et digne. Jamais il ne s’est plaint au sujet de mia madre, jamais il n’est revenu sur le fait qu’il avait eut des difficultés à gérer le vignoble. Je dois me comporter comme lui et serrer les dents, attendre que tout se tasse. Peut être que nous ne sommes que des hommes à femme et que nous ne sommes pas faits pour faire durer les choses. Il aura néanmoins réussit à faire un gosse mais pour ce que je lui ai apporté… Merda je dépeins tout en noir, comme si la simple présence de cette fille me confrontais à des vérités que j’enfouis profondément. Je me relève, décidé à partir pour trouver un coin vraiment isolé mais elle tapote le sol doucement à coté d’elle. Et puis quoi encore je ne suis pas son chien !

-Ecoute on ne se connait pas ok ? Donc je ne vais pas discuter de ma vie avec toi, dans l’espoir que tu compatisses. Tu es très jolie et tu en as sûrement conscience, alors va aguicher quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui ne risquera pas de te réduire en charpie sur un coup de sang.

Même si elle m’agaçait, je ne voulais pas non plus en venir là. Je savais que mon pouvoir était très instable quand j’étais en proie à de fortes émotions, et là je n’avais qu’une envie, c’était de rugir et de dépecer une proie sans défense. Sans raison, je voulais juste me défouler et faire souffrir quelqu’un d’autre, je voulais faire couler le sang et mettre une image sur ma propre douleur. Je voulais insuffler le poison qui me ronge à quelqu’un d’autre.

-Aller rentre chez toi. Où que ce soit, même si c’est dans ce foutu pensionnat.

C’est quoi le problème de cette fille ? Je la rembarre sans arrêt et elle revient, comme les vagues qui s’acharnent à revenir sur les rochers devant moi. On dirait que peut importe ce qu’elle peut récolter dans la figure, elle revient à la charge. C’était le genre de mère Térésa qui ne peut pas s’empêcher de faire le bien ou une attention whore qui doit à tout prix se faire remarquer ? Dio, ce que cette fille m’énerve. Est-ce que je lui raconte mes problème moi ? Non, et je m’en fou pas mal des siens, chacun sa merda comme on dit. J’ai assez de problème dans ma situation pour ajouter les siens. Je détourne néanmoins le regard en entendant un froissement de tissu. Je comprends vite que c’est sa robe qu’elle soulève, et quoi qu’on en pense, je suis un homme après tout donc je jette un œil.

Je me peux m’empêcher de hausser un sourcil, aussi bien pour sa plastique avantageuse que pour les griffures qui entaillent sa chair. Qu’essaye t’elle de prouver ? Que parce qu’elle à des séquelles physiques, elle est semblable à moi ? A ce moment là, je peux lui montrer ce qu’est une vraie griffure, ce que c’est de déchiqueter quelqu’un en vrai. On à tous nos blessures, physiques, morales ou les deux. Ça ne m’attendrit pas le moins du monde. J’ai vu pire dans ma vie, même sur des femmes, j’ai été habitué aux combats de rues, et j’ai vue des filles se faire bien pires que ça, s’arracher des morceaux de peau en s’arrachant les cheveux, se déchirer des lobes d’oreilles et j’en passe. Et voila que je statue sur l’intérêt de ses blessures maintenant.


-Tu sais quoi ? La vie est merdique, et tu en as fais les frais, j’en ai fais les frais, comme la plupart des être vivants ici, donc si tu allais discuter avec eux plutôt ? Pour ma part, je ne demande que du calme.

Elle devait avoir compris une bonne fois pour toute que je voulais qu’elle se tire vu le ton sec de ma voix. C’était un peu du suicide pour elle de rester là à me pousser à bout. Je me rembrunis encore plus que je ne le pensais possible et commença à me perdre dans mes pensées. Je sentis un contact chaud sur ma peau et mes pensées me guidèrent vers les plantations de vignes de mon père, à Florence, puis je vis le promoteur immobilier venir reprendre ses terres pour les céder au nouveau propriétaire. Je nous vois partir dans une maison plus modeste au bord de la ville, je vois le regard désapprobateur de mon père qui m’explique que ma dernière chance est cette école privée dans laquelle il m’a inscrit et qui coûte très cher. Je me revois exclu de cette école 3 mois plus tard, couvert de coup et de sang de mon adversaire. Les parents qui acceptent de ne pas porter plainte si je m’exile.

Je me revois ensuite arriver à Londres et faire la connaissance de Dorian, être choqué par son existence et par la double vie de ma mère. Forcé de vivre avec un beau père qui nie mon existence et me force même à vivre dehors le temps que mon pouvoir se régule. Puis il y à mon arrivée à Prismver toujours avec Dorian. Je me vois couler de classe en classe jusqu’à la classe E, jusqu’aux S. Je vois le regard malsain du Ranker qui voit tout le potentiel en moi. L’instant d’après je suis couvert du sang d’Ansel, aveuglé par la rage animale qui m’habite, je cogne encore malgré le fait qu’il ait déjà perdu connaissance. Et enfin, j’embrasse Joy. A ce moment là, j’ai l’impression qu’un flash fait irradier la douleur en moi, dans mes veines, me rongeant morceau par morceau. Le visage de Joy et de Candice s’interchangent et me donne envie de vomir. Je serre les poings comme si je me réveillais d’un mauvais rêves. C’est encore Joy qui hante mes pensées, c’est l’apothéose de tout ce merdier.


-Et dire qu’au départ ma seule intention était de rembourser mon père au plus vite. Je n’ai toujours pas assez d’argent putain ! Et je perds mon temps avec une midinette qui ne sait pas ce qu’elle veut.

J’ai la gorge sèche, comme si j’avais parlé pendant longtemps sans reprendre mon souffle. Aurais parlé à voix haute sans m’en rendre compte ? Je regarde la jeune femme un peu perdu, comment se fait il que j’ai pu lâcher autant d’info à une inconnue qui m’insupportait encore il y a quelque minutes ?  


-Comment tu as dit que tu t’appelais déjà ?

Il faut que j’arrête ma paranoïa, mais quelque chose cloche avec cette fille…