chilling on a smokin' evening — ft. Majin

Le froid. Le froid gagnait lentement l'île, et jour après jour, te mordait sans retenue. Une bête sauvage, qui s'amusait à te transpercer jusqu'aux os de son gel impitoyable. Le vent emmêlait tes cheveux à chacun de tes pas, chassant tous les autres humains à l'intérieur des bâtisses, pour quelques instants de chaleur. La plupart des humains, en tout cas. Tu ne craignais pas un peu de fraîcheur. Tu n'avais jamais eu peur de la pluie, du froid ou du vent. Tout au contraire, tu te laissais volontiers séduire par des promenades capables de transformer tes orteils en glaçons.  

Fille du froid, Ivy, à la peau couleur de neige, nez, doigts et pommettes couleur vermillon. Yeux d'un bleu glacé, paupières marbrées d'indigo et de pourpres par les veines qui se dévoilent légèrement, en transparence, cheveux et cils d'un blond lunaire. Tu es un paradoxe, ma jolie, une petite roche anodine prise dans une gangue de glace cristalline qui se mue lentement pour devenir une part toute entière de toi. Tu étais noyée dans ton grand pull à capuche anthracite, les jambes couvertes et moulées de jean bleu foncé, pieds prisonniers du cuir noir et bien assoupli par le temps d'une paire de rangers ayant autrefois été la propriété de ta sœur bien-aimée. Ton souffle noyé dans ton écharpe Slytherin, mains fourrées dans des gants assortis bien que martyrisés pour devenir mitaines, tu laissas tes pas te guider autour des bâtiments.  

Regard affuté qui balaya le paysage autour de toi. Il n'était pas encore 19h, à peine 18h, et après les cours, tu n'avais fait que jeter ton sac au pied de ton lit avant de t'engouffrer à l'extérieur. Un léger brouillard commençait alors à tomber sur l'île, en même temps que les couleurs chatoyantes du coucher de soleil derrière les nuages. Tu pris quelques photos du ciel pour t'imbiber de la chaleur de ses teintes, ton sac habituel bien fiché sur ton épaule. Tu avais laissé ton lézard à l'intérieur en raison du froid de l'île, et maintenant que tu voyais ton souffle se dessiner en buée devant ta bouche, le nez sorti de ton écharpe, tu te dis que tu avais bien fait de ne pas céder à ses petites supplications de lézard curieux. Un soupir t'échappa, alors que tu fermas les yeux.  

Il y avait très peu d'élèves, encore moins que quelques minutes auparavant. Dans cette soudaine accalmie, tes yeux s'attardèrent sur les détails, et au détour d'un mur, ils captèrent un élément qui t'étais bien familier. De légères volutes blanchâtres s'envolaient vers le ciel, se détachant aisément de la brume environnante. De la fumée. Il y a une odeur particulière, que tu as souvent pu sentir imprégnée sur les pulls que ton cousin te léguait. Du tabac, ou quelque chose comme ça. Tu eus du mal à retenir un sourire. Tu sentis quelque chose réchauffer ton corps, te donner envie de te mouvoir.

La curiosité. La curiosité coule dans tes veines plus vite que ce sang bouillonnant qui affluait à tes joues à cause du froid. Tu faisais un peu peur à voir, comme ça, rougie et non-maquillée. Tu fis un peu craquer tes doigts pour les décrisper, écarta une mèche de ton visage. Tes cheveux non-attachés et relativement en bataille renforçaient cette impression que tu donnais. Oui, ce jour-là encore plus que d'habitude, tu avais l'air d'un fantôme. Cette remarque te donna une idée, et tu laissas ton pouvoir surgir comme un geyser soudain.

Tes pieds, tes jambes, ta taille, l'entièreté de ton corps partit en fumée. Littéralement. Tu te laissas un peu flotter au fil du vent, et t'approcha doucement des volutes immaculées que tu pouvais apercevoir. Et tu vis quelqu'un. Visiblement plus âgé que toi, concentré à faire des ronds de fumée, parlant avec quelqu'un. Quelqu'un ? Guettant minutieusement ses oreilles pour y chercher une paire d'écouteurs, ses mains pour y trouver un téléphone, tu t'en trouvas bien fort dépourvue lorsque tu te rendis compte qu'il n'y avait rien.  

Tant et si bien que tu en perdis le contrôle de ton pouvoir. Te mêlant à la fumée, tu grondas un peu, épaissit et devint plus sombre, avant de reprendre forme humaine. Un sourcil froncé, l'autre haussé, et une moue interrogatrice sur tes lèvres. Tu ne comprenais pas. Tellement pas que tu oublies complètement que ce que tu venais de faire pouvais te faire passer pour on ne sait quel type de revenant. Il n'y eut que ta voix qui fila, froide et étrangement calme.

— … À qui est-ce que tu parles, exactement ?