Fallait pas | Tyler

Un enfer. Tu vis un enfer avec cette nana. Aucun répit ne t'est accordé. Déjà, que tu n'as pas eu le choix que de la suivre. Mais si en plus, tu ne peux même pas prendre trente secondes au calme, ça va mal se terminer cette histoire. Pourquoi donc as-tu accepté de venir déjà ? Ah oui, tu n'as pas le choix. Foutaises. Tu aurais pu l'envoyer chier quand elle est t'a proposé ça. Obligé à venir plutôt. Seulement, les conflits, tu en as vécu assez pour temporiser de temps à autre. Il faut croire qu'aujourd'hui en est un. « Ça va, j'arrive. » L'amabilité dans tout ça elle est où ? Apparemment pas pour toi. C'est qu'elle est en rogne sévère la nana. Tout ça pour une petite taquinerie même pas bien méchante. Ce n'est pas de ta faute si elle prend la mouche pour un rien. Tu n'aurais pas dû te laisser faire.

Vois à quoi t'en es réduit. Servir de misérable porte-sac pour une brune un poil trop caractérielle à ton goût. Tu te demandes même s'il y en a qui viennent lui tenir compagnie pendant son shopping en temps normal. Vu comment elle se comporte, tu en doutes sérieusement. Mais si elle en est arrivée à un stade où il lui faut imposer son activité pour avoir de la compagnie forcée, elle est mal barrée. Enfin, tu penses ça, mais tu vas bien te retenir de le dire à haute voix.

Tu continues juste de la suivre à travers les magasins. La regardant prendre et poser les fringues sans même y prêter une réelle attention. En comparaison avec South du moins. Tu n'as pas d'autres expériences du shopping. Tu n'en veux pas spécialement soit dit en passant.

Elle te surprend cependant, en s'arrêtant en pleine rue pour te reprocher encore et toujours la même chose. « Je ne vais pas mettre d'entrain à te suivre. Que ça te plaise ou non. » C'est bien de t'affirmer Tyler. Tu aurais pu le faire dès le début, ça t'aurait évité cette mascarade.

Toujours le même refrain, à croire que son disque est rayé à la miss. Elle y mettrait un peu plus de politesse, tu y mettrais certainement un peu plus de bonne volonté. Mais non, fierté oblige, vous foncez droit dans un mur. Au sens figuré. T'imagines déjà les reproches qui vont te tomber sur le coin de la gueule si tu as le malheur de vous faire prendre un mur.

Lorsque tu entres dans une nouvelle boutique à la suite de miss ronchon, une des vendeuses regarde avec insistance les sacs que tu tiens. Ah non, il est hors de question que tu les poses, tu risques ta vie si tu fais ça. N'empêche que du coup, elle ne vous quitte plus des yeux. Pas sûre qu'elle y voit beaucoup avec la tonne de mascara qui alourdit ses pauvres cils. Que de torture pour les poils féminins. Tu ris tout seul à ta blague quand la brune revient fouiller dans un des sacs que tu as le malheur de transporter. Qu'a-t-elle encore inventé ? Un déballage en règle pour que tu sois obligé de tout ranger avant de partir, et en vitesse ? Non, tout de même pas. Si c'est le cas, tu la plantes ici, ni plus ni moins.

Cependant, elle ne fait que prendre des chaussures rouges pour essayer avec une robe blanche. Soit. Chacun ses goûts, il n'est pas là pour en discuter. À sa grande surprise, pourtant, elle te demande ton avis. Dans le doute, tu la regardes fixement attendant que quelqu'un d'autre réponde. Parce que ton avis ne doit pas lui importer tant que ça. Ce n'est que lorsque l'impatience tire ses traits et qu'elle te dénigre que tu te décides à ouvrir ta bouche. « Mon avis t'intéresse ? Mais où va le monde ! » Tu ne pouvais pas t'en empêcher. Te laisser marcher sur les pieds ça va bien cinq minutes, mais contraint et forcé ne veut pas dire coopératif et aimable. « Le blanc va avec tout. » Et tu hausses les épaules. Ton avis en mode s'arrête là. Tu sais assembler les couleurs pour ne pas ressembler à un perroquet. Le reste, c'est la main divine de South qui s'en charge. Quoique, tu ajouterais quelque chose de rouge à sa tenue, pour rappeler les chaussures. Du rouge à lèvres, du vernis, un chapeau ? Quelque chose.

Ok, là, elle ne fait pas d'effort la nana. Tu ne peux pas dire que t'en as vraiment fait, mais tu es resté poli. Tu n'aurais pas dû, vu la considération que ça t'a apporté. Quelle plaie cette meuf. Ça ne fait même pas une heure que t'es avec elle, qu'elle te sort déjà par tous les trous du corps humain. Autant dire que ce n'est pas rien. La chose silencieuse allait la prendre au mot. Elle veut du silence, elle aura du silence. Seule. Non mais oh. Il n'y a pas écrit bouffon sur ta tête non plus.

Tu la regardes s'enfoncer un peu plus dans le magasin. Tu vois la vendeuse avec son pot de peinture sur la gueule te fixer, attendant sûrement que tu la suives. Ou éventuellement que tu répondes à l'affront qu'elle vient de te faire en public. Cependant, tu ne vas pas te faire marcher plus longtemps sur les pieds. Tu n'es pas un tapis, paillasson et autre serpillière qui sert de décoration. Et tu comptes bien le lui faire comprendre. De toute façon, tu sais pertinemment que tout ne se terminera pas là. La miss semble avoir la rancune tenace. Mais peu importe, tu n'es pas son esclave et tu comptes bien te rebiffer.

Ni une ni deux, tu lâches les sacs plus que tu ne les poses. Faisant, au passage, un bruit de papier froissé. Pouvant ainsi te retourner et sortir de ce cloître, sans un mot pour personne. De l'air, de l'eau, la vie. Tu peux enfin respirer, le soleil brille dans tes cheveux et tu souris d'en sentir la chaleur sur ta peau. Un sentiment de liberté parcourt ton corps. C'est bête à dire, mais en plus d'être aimable comme une porte de prison, la brune donne littéralement cette impression d'être enfermé. Ça relève de l'exploit à ce niveau-là. Tu pourrais presque admirer cette capacité si tu n'en avais pas injustement fait les frais. Être bon joueur et accepter de dédommager la demoiselle pour une remarque moqueuse, oui. Ce qu'il vient de se passer, non. Clairement pas.