Another day of sun - Tim

22 juin

Il n’est ni tôt, ni tard. Derrière l’imprécision de ce fait se cache tout de même une vérité indéniable : les milieux de matinées sont impossible à définir. C’est fort de cette conviction qu’Helios se décide enfin à pointer le bout de son nez à l’extérieur. Les cours puis les examens étant terminés, il faut bien occuper ses journées. Non pas qu’il ne se plaigne d’une portion accrue de temps libre ; il n’est pas vraiment de ceux qui trouvent les vacances trop longues ou qui s’abandonnent à l’ennui.
Ça, c’est parce qu’il trouve toujours un truc à faire, que ça soit productif ou totalement inutile. Plus tôt ce matin, c’est du vernis orange qui l’a occupé (ça ne sied pas forcément à son teint mais il faut bien savoir passer outre ce genre de problèmes parfois). Et en ce moment indéfinissable, c’est le dessin qui va prendre le relai.

Un carnet sous le bras, un crayon dans sa poche arrière, et une paire de lunettes de soleil en forme de cœur sur le nez, le starter pack idéal pour un moment de détente sur la pelouse. Ses pas lents le baladent à droite et à gauche, à la recherche du lieu idéal. Trouvé. À moitié à l’ombre, à moitié au soleil, encore un entre-deux un peu bizarre, mais au moins c’est joli.
Changement de cap et d’allure, la destination précisée lui donne un regain d’énergie.

Bien sûr, il ne tarde pas à remarquer qu’une autre personne y est déjà installée – normal, c’est un lieu parfait. Cependant, il n’hésite pas une seconde et continue, pour la raison précédente et parce que cela lui fera de la compagnie. De plus – ô joie – le garçon semble dessiner aussi. Parfait, donc.
Arrivé à son niveau, Helios se laisse tomber sur le sol. Un craquement accompagne le bruit sourd qu’il produit en s’asseyant. Il soupire : un crayon de plus amoché par les aléas de la vie. Les poches arrières sont des lieux dangereux. Imperturbable, le blondinet se tortille pour sortir la moitié encore fonctionnelle de sa poche. Ça devra bien faire l’affaire. Puis, il se rappelle de la présence salutaire à côté de lui.

Hé salut, lui sourit-il en faisant glisser ses lunettes plus bas sur son nez. Il dévisage un instant son interlocuteur, qui est un garçon de son âge, avant de lui poser sa question avec enjouement. Dis, tu aurais pas un deuxième crayon pour moi ? Ce serait trop cool.
En guise d’excuse, il brandit devant ses yeux le bout de bois brisé en deux, une moue de désespoir un peu trop surjouée pour être honnête sur le visage.

La fin de l’année scolaire approche. Le soleil se fait de plus en plus présent. Les trous dans l’emploi du temps aussi. Cela sent bon les vacances en avance et Tim s’en réjouit. Le programme de maths terminé, le voilà avec une plage de deux heures de libre en matinée. Une énième occasion d’aller s’adonner à sa passion : le dessin. Alors le blondinet a pris la direction du parc, accompagné de son matériel composé de son bloc-notes et d’un crayon à papier. L’endroit est désert, ses camarades n’ont probablement pas sa chance et triment en cours. Pas de bol pour eux et tant mieux pour le blondinet. L’espace est à lui seul. Il se pose dans l’herbe, proche d’un grand arbre l’abritant des rayons du soleil mais lui laissant assez de luminosité.

Assis en tailleur, il est d’attaque. Sa feuille blanche prend vie au fur et à mesure. Il a décidé d’enfermer une image de ce bout de paradis aujourd’hui. Non seulement pour la beauté du lieu mais aussi et surtout car personne ne trouble sa vision globale. C’est ce qu’il croit, naïf qu’il est. Il a oublié sa malédiction. Il n’a pas encore remarqué qu’une silhouette s’approche de lui. D’un côté, c’est normal. Il est dans sa bulle et connait parfaitement le paysage. Il n’a nul besoin de lever les yeux pour vérifier s’il est dans le juste. Il ressent bien un peu les vibrations des pas dans le sol, comme si un éléphant marchait. Il n’y prête guère attention. Cela ne sera que de passage. Ou pas à en entendre le fracas qui se produit à ses côtés.

Tim ne peut plus ignorer. Il lève la tête et découvre la raison de ce vacarme. C’est un camarade, un garçon de son âge croit-il se rappeler. L’autre avait l’embarras du choix pour s’installer et il a choisi l’unique place occupée. Tim attire les boulets, il est réellement maudit. L’autre veut un crayon. Tim peut le dépanner, il a toujours un outil de secours sur lui. Il hésite un instant. Dire non, c’est potentiellement faire fuir le gêneur qui cherchera un ustensile ailleurs. Ou le faire rester et le lancer dans une discussion quand même. Lui filer ce qu’il demande, c’est sans doute acheter la paix. S’il dessine lui aussi, il le fera dans le silence. Tim le fait ainsi, il pense que tout le monde fait comme lui.

Après réflexion, il estime que le risque de refuser est trop grand. Il ne désire vraiment pas bavarder. Il est prêt à sacrifier un de ses compagnons afin d’être tranquille. Sa main se dirige dans sa poche de sweet et en extrait un crayon flambant neuf. Il le tend à l’autre et l’observe avec un visage fermé.

« Salut. Tiens. Tu m’le rendras à ton départ. »

Et il replonge le nez dans son carnet sans plus de considération envers l’intrus. Il n’est pas le bienvenu.

Sans laisser à l’autre garçon le temps de changer d’avis, Helios s’empresse d’attraper l’offrande. Une cascade de remerciements enthousiastes accompagne son geste. La carcasse de son propre crayon retourne dans sa poche, inutile et esseulée, mais prête à être tirée de l’oubli un jour plus ou moins proche, en guise de solution de dernier recours. Un destin tragiquement glorieux, il en est convaincu. Le carnet est ouvert sur ses genoux, posé en équilibre, prêt à accueillir ses traits hésitants et ses ombres bancales. Le dos courbé et les jambes pliées, le blondinet embrasse du regard les nuances de vert qui s’offrent à sa vue et visualise rapidement comment retranscrire tout ça sur les deux dimensions de sa feuille.

Mais ce qu’il voit ne lui a pas fait oublier la présence à sa droite. Alors que les premières lignes s’esquissent sur le papier à la mine d’un crayon providentiel, Hell se permet d’admirer un instant le fait que les gens prévenants existent. Et, en tout modestie, il se félicite d’être tombé sur l’un d’eux : un outil de rechange, quel génie. Alors, d’accord, le blond n’a pas l’air très ravi de l’avoir à ses côtés, mais il est assez satisfait de la réponse positive à sa demande pour passer outre. Il ne lui en faut pas beaucoup plus pour se dire que l’autre l’a accepté. Oubliée, l’hésitation qui avait paru traverser son interlocuteur. Ne compte plus que le geste. Et ce dernier, pour lui, signifie bien qu’il ne le dérange pas. Au contraire. Sinon, il l’aurait envoyé balader.

Fort de cette conviction, Helios interrompt d’un même élan le silence et son dessin, pour continuer la conversation. Ses yeux verts scrutent son interlocuteur, comme s’il essayait d’attribuer une identité à ce visage pas même vaguement familier. Au fait, c’est quoi ton prénom ? Moi, Helios. Il a l’intime conviction qu’il se sont déjà vus tout en sachant que c’est la première fois qu’ils se parlent. Son camarade a l’air plutôt distant et taciturne, alors ce n’est pas très étonnant. Mais pour qu’il en prenne ombrage, il faudrait déjà qu’Hell s’en rende compte. C’est pas gagné, puisqu’il continue sur sa lancée, sans sembler remarquer le moins du monde le manque d’allant de son voisin. T’es en quelle classe ? Attends je devine. A ? Non, B. T’as une tête de B. C’est ça ? Au fur et à mesure de sa réflexion, il délaisse son inspection pour reporter son attention sur son dessin. Ce dernier ne ressemble pas à grand chose, mais il a tout son temps. Alors il continue, non sans plusieurs remarques ou réflexions artistiques qui lui traversent l'esprit et qui, bien que prononcée à voix haute, n'amènent pas forcément de réponse.

Mais Helios aime parler, c’est un fait. Et ce n’est pas le dessin qui va l’en empêcher, bien au contraire. Alors même si l’autre n’y semble pas très disposé, pas de problème, il a assez de choses à dire pour deux.

L’élément perturbateur dépanné, Tim a repris son dessin. Il n’attend aucun remerciement ou quoi que ce soit de l’autre. Juste qu’il se tienne tranquille et respecte le silence. C’est peu de chose en soi mais visiblement beaucoup pour son camarade. En soi qu’il gesticule, Tim s’en moque. Le blondinet est capable de faire abstraction de cela et de s’enfermer dans sa bulle. D’ailleurs, c’est ce qu’il fait, il ignore l’agitateur. Il ne le regarde pas du tout. Il voit bien des ombres bouger mais mine (de crayon ahah, désolé) de ne rien remarquer. Il ne désire pas offrir de l’attention à ce gars. Il regrette presque son geste. Lui qui voulait la paix, il a hérité d’un enquiquineur. Il stoppe ses coups de crayons. Il ne peut continuer ainsi. Il espère que filer des réponses à Hélios le fera se taire.

« Je m’appelle Tim. Et non raté, je suis en C. C’pas bien de juger les gens à leur tête. », lui lance-t-il sans ménagement.

Il faut dire qu’un Tim agacé est un Tim méprisant. Ces histoires de classes le gonflent. Elles lui rappellent sa mère et la pression exercée sur sa personne pour appartenir à l’élite comme ses frères. Il n’a cure de son rang. Tim veut simplement faire ce qu’il lui plait, ni plus, ni moins. Il ne demande pas la mer à boire, si ? Est-ce demander la lune de souhaiter la tranquillité ? A priori non néanmoins le destin ne partage guère son avis vu l’énergumène posé à côté de lui. Il soupire. Il tente de se contrôler et de ne pas se montrer trop méchant. Enfin il se sent obligé de le questionner quand même. Cela l’intrigue trop.

« Tu sais pas dessiner en silence ? J’aimerai me concentrer un peu. On parlera après si tu veux. »

Après signifie plus tard voire jamais. Une fois son croquis terminé, Tim à la ferme intention de décamper d’ici et de filer dans son cabanon. Là-bas, personne ne l’embêtera mais il perdra la joie du joli décor. C’est le prix à payer et il est prêt. Il reviendra quand les intrus ne seront plus là.

Prétendre qu’il est ignoré par son voisin serait peut-être un peu fort. Nous dirons simplement que, pour chaque dizaine de mots prononcés, il n’en récupère qu’un en échange. Mais cet échange bancal qui perd l’équilibre vers un presque monologue ne l’empêche pas d’avoir quelques réponses : un prénom, et une classe.

C’est bien. Il s’en contente. Il faut voir le bon côté des choses : l’avantage du silence de Tim, c’est qu’il peut toujours feindre d’ignorer qu’il n’a pas l’air enchanté de lui parler. Cela devient certes plus compliqué quand il rajoute une remontrance à son égard, mais pas impossible. C’est pour cette raison qu’il hausse les épaules avec un sourire désinvolte.

Mais Tim n’en a pas fini avec lui. Alors le sourire s’évanouit quand il poursuit, du même ton à la fois désapprobateur et distant (et un peu snob ?) : Tu sais pas dessiner en silence ? J’aimerai me concentrer un peu. On parlera après si tu veux.

Moue boudeuse sur le visage du blondinet. La vérité, c’est que non, il sait pas trop. D’habitude, il a au moins sa musique ; mais le baladeur est resté sur sa table de nuit – en sécurité, dans un lieu somme toute bien moins dangereux que ses poches, mais pas moins inutile.

Il aimerait bien répliquer un truc pour énerver son interlocuteur, histoire de l’embêter pour de bon. Qu'il ait vraiment quelque chose à lui reprocher, au lieu de cette tension latente qui l'isole depuis le début. Puis son regard vert se fixe sur le crayon qu'il tient dans sa main, nonchalamment posée sur son brouillon inachevé. Il a peur que Tim se ravise et emporte son précieux outil avec lui. Alors, Helios peut bien se tenir tranquille tant qu’il en a besoin.

La mine penaude disparait, le sourire est de retour. Il tapote son crayon contre sa joue, les yeux rivés sur son interlocuteur qui aimerait bien ne pas en être un. Bon, comme tu veux. Je peux parler seul dans ma tête. C'est la vérité. Et il est même doué pour ça. Helios jette un coup d'oeil au croquis de Tim, qu'il essaye de ne pas comparer au sien. Quand t’auras fini, par contre, ce serait trop bien que tu m’expliques comment tu places les ombres, j’ai trop du mal.

C'est peut-être vrai, peut-être faux, il s'en moque un peu de ses explications. Par contre, il a bien envie de voir si l'autre va accepter et dans le cas contraire, comment il compte refuser.

Tim le fixe de son visage neutre. Il ne plaisante pas. En cas de réponse négative, il reprend son crayon et fuis les lieux. Il est venu se détendre, non se faire enquiquiner par un excentrique. S’il désirait cela, il serait allé se poser dans le foyer. Il a choisi ce morceau de nature pour sa tranquillité. A lui de la respecter sous peine de dire au revoir à l’outil de dépannage. Il tend l’oreille pour entendre son choix. Il est déjà prêt à se lever. Il anticipe presque que ce garçon ne peut pas s’empêcher de parler.

Tim se ravise. Son camarade est intelligent. Du moins assez pour accepter sa proposition qui n’en était pas vraiment une. Il a trouvé une parade pour parler sans le déranger. Visiblement, c’est un adepte des bavardages intérieurs. Il a peut-être même un ami imaginaire. Vue son âge, Tim trouve cela étrange mais après tout, pourquoi pas ? Chacun ses moyens pour fuir les soucis du quotidien. Tim ne le jugera pas là-dessus. Par contre, il fera très attention à ce qu’il respecte sa parole. Il est temps de laisser régner le silence.

Tim affiche un sourire. Il est ravi d’avoir réussi à obtenir ce qu’il voulait. Rentrer l’embêtait énormément, il adore ce bout de parc. Il détourne son regard et replonge dans son dessin. Le stylo effleure à peine la feuille qu'Hélios rompt déjà sa promesse. Tim hésite à déguerpir. Il en a assez entendu. Cependant l’autre s’intéresse à sa patte. Il a oublié que l’élément perturbateur est également un artiste. Et entre confrères, il faut s’entraider.

« Ça serait avec plaisir mais je pêche dans ce domaine moi aussi. Par contre, je pense qu’à nous deux on peut se filer des astuces pour y arriver. Si ça te convient bien sûr… »

Tim n’aime pas demander des choses aux gens. Il ne sent pas légitime. Il appréhende la réponse de son interlocuteur. Il affiche un sourire plus sincère pour prouver de sa bonne foi. Il ne lui ment pas.  Il ne sait réellement pas placer les ombres autant qu’il lui demande une collaboration. Même lui n’en revient pas cependant c’est bien ce qu’il a fait.

En attendant la réponse, les yeux d’Helios font la navette entre son dessin et la réalité qu’il essaye de copier, à l’affût des détails dissonants. Ils sont nombreux. Pas très étonnant au vu de son attention pour le moins dissipée. Gomme en main, il s’applique à corriger les erreurs ; quand il s’agit de dessin, ces dernières ont au moins l’avantage d’être rattrapables.

Tout à sa concentration, il manque de ne pas enregistrer les mots de Tim. Heureusement, il les attendait suffisamment pour ne pas passer bêtement à côté. La première partie de sa réplique le fait tiquer. Tu pêches ? Une moue d’incompréhension ombre les traits de son visage. Mais il ne tarde pas à passer outre ; la suite est assez claire pour éclipser son manque de vocabulaire.

Entre-temps, un vrai sourire a fait son apparition chez son interlocuteur. C’est sans doute la première fois depuis le début de leur échange. Ça a le mérite de le déstabiliser un bref instant, lui qui s’était vite persuadé que l’autre allait finir par l’envoyer bouler.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas le cas. Le retournement de situation le satisfait beaucoup. Voilà, finalement, il avait raison depuis le début : au fond, Tim l’aime bien. Il le savait juste pas encore. C’est ce qu’il déduit de sa proposition, avec toute la confiance que lui confère l’idée de n’avoir de toute manière rien fait de mal.

Proposition, d’ailleurs, qu’il accepte aussitôt. Il n’y voit que du positif. Déjà, parce qu’il va pouvoir parler, et ensuite, parce que le sujet l’intéresse. Que demande le peuple ? De l’argent et des nouvelles chaussures, mais traitons chaque problème en son temps.

D’accord ! s’empresse-t-il de s’écrier, avant que Tim ne se ravise, ce qui selon toute vraisemblance ne serait pas dénué de sens. Je suis carrément pour. Maintenant ? J'ai déjà lu des trucs, des exercices à faire mais j'ai jamais eu le courage de m'y mettre, tu veux qu'on essaye à deux ?


Une offre spontanée qu'il n'aurait en toute logique pas dû faire, vu le souvenir approximatif qu'il garde desdits entrainements. Tant pis, ce serait bien suffisant. Puis comme l'a dit le garçon, il s'agit de mettre en commun leurs connaissances. Il n'attend pas de lui une contribution complète.
Ce point réglé, il subsiste chez Helios une petite interrogation ; il reste un peu curieux de ce qu'il a pu se passer dans la tête du blond pour qu'il lui fasse une telle suggestion. Et spontanément. Haussement d'épaules à peine perceptible quand il se résigne à ne pas percer ce mystère. Parfois, il veut mieux ne pas chercher à trop comprendre les pensées des autres ; il y a bien assez à faire avec les siennes.

Tim a créé une brèche dans sa bulle. Il est prêt à y laisser entrer cet intrus pour progresser. Nul ne dit qu’Hélios pourra s’engouffrer profondément dans le monde du blondinet. Il y a même de fortes chances qu’il reste bloqué sur le seuil. Pour espérer explorer les abysses de son univers intérieur, il lui faudra être considérer comme un ami. D’avance, courage à lui s’il entreprend d’essayer. La démarche est longue et fastidieuse. Tim est un solitaire et un éviteur d’humains.

L’autre n’a pas tardé à entrer dans la faille. Conscient ou non que cet instant ne durerait pas, il a foncé sans réfléchir. Par contre, il n’avait pas compris l’intégralité de l’offre. Elle n’était pas pour tout de suite, elle était pour finaliser le dessin en cours. Tim secoue la tête négativement. Il n’est pas encore prêt. Son croquis est à l’état d’ébauche. Il a besoin de temps.

« Non, à la fin. Comme ça on pourra essayer sur nos créations du jour. »

Sa remarque n’est guère négociable. A peine sa phrase terminée, Tim a déjà replongé sa tête dans son croquis. Les silhouettes longilignes se gorgent de branches puis de feuilles, le terrain plat gagne des traits rappelant la pelouse verdoyante des lieux. Tim ne lève pas les yeux de sa feuille. Il a enregistré dans sa mémoire son environnement qu’il connait par cœur. C’est hallucinant à quel point il pense à tout, chaque détail comme ce rocher dont on n’aperçoit que quelques centimètres dépassées d’un tronc d’un chêne. Il retranscrit l’ensemble de la photo de sa mémoire sur sa page. Il s’arrête et pose son crayon. Il a fini.

Il fixe son dessin. Ses mirettes voyagent de son carnet à la nature. Il est plutôt satisfait du résultat. Il n’a rien oublié. Rien hormis de placer ce jeu d’ombres que s’amusait à donner les rayons du soleil. Il manque la touche finale pour transformer ce banal dessin en œuvre d’art. En toute relativité bien sûr. Il n’envisage ni d’exposer ni de devenir célèbre. Il est juste un poil perfectionniste sur les bords. C’est là où son camarade intervient. Il le regarde rapidement. Il semble aussi avoir terminé. Symbiose d’artistes en herbe ou simple coïncidence ? Il tend sa création à Hélios.

« Avec des ombres ça serait mieux. Une idée de comment s’y prendre ? J’ai peur d’alourdir le dessin et qu’il ne ressemble plus à rien. »