∞ SWIM GOOD.

i'm down for whatever

Et puis tout d'un coup, elle se sentit bizarre. Elle avait l'impression d'avoir reçu un coup de batte dans le crâne, d'avoir abusé du nombre de verre de gin, d'avoir trop fermé les yeux. Elle se sentait éclater, comme si elle s'était défoncée les oreilles en écoutant de très près de l'orgue par masochisme ou avait enchaîné trois nuits blanches.N'empêche, le temps passait si vite que tous les jours ressemblaient à hier et ressembleront à demain. Justine l'avait entendu à maintes reprises, malheureusement. Et puis, en se concentrant mieux, on ne pouvait que constater la véracité de ses mots. Cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Elle ne se sentait plus. C'était bizarre, elle avait l'impression de se vider de son sang , de se faire les chutes du Niagara toutes les cinq secondes. C'était le pied.

Pause.

Ce matin-là, on l'avait annoncée absente. L'administration n'allait même plus vérifier histoire de la secouer un peu. Justine ne se réveillera pas. C'était devenu une habitude ici, le professeur de français avait besoin de ses dix heures de sommeil pour commencer la journée de bon pied. Ce n'était pas la première fois qu'elle n'assurait pas ses cours du matin. Cela arrivait en général une à deux fois par semaine, mais elle parvenait quand même à rattraper ces heures ratés. Du coup, personne ne pouvait se plaindre.
Justine fixa le plafond de son studio, en quête de sommeil. Elle tourna, changea de position, tourna, changea, puis finit par quitter son lit. Elle regarda l'heure, à cette heure-ci les couloirs devaient être vides, les sécheurs encore au lit. Encore dans les vapes, elle prit la première chose qui lui passait par la main et quitta son studio sans même prendre sa tasse de thé nécessaire pour qu'elle se réveille. Presque blasée, elle arpenta les couloirs avec une idée en tête. Il était tôt, et la piscine intérieure devait sûrement être vide. Elle réfléchit un instant, tentant de se remémorer quand les sportifs s'emparaient de la piscine, se remémorant du planning, avant de laisser tomber. Pas de thé, pas de réflexion. Ça semblait idiot, mais Justine est aussi ponctuelle qu'une horloge. Enfin si on oublie le sommeil qui manque, bien-sûr. Et si elle faisait un petit effort. Mais passons. Ses talons claquaient de façon synchronisé sur le parquet et elle se sentait seule au monde. C'était agréable et à la fois terrifiant. Enfin, cette sensation fût de courte durée, elle arriva devant la piscine et traversa les vestiaires pour aller directement vers le bassin. S'en attendre, elle retira ses peep-toes verte et plongea ses pieds dans l'eau qui d'abord lui semblait froide avant de se réchauffer. Trente secondes plus tard, elle enfonça ses pieds dans l'eau pour y imprégner ses jambes. Sa jupe lui simplifiait les choses. Elle émit un petit soupir de contentement.

Ça faisait un bail qu'elle n'avait pas pris un peu de bon temps comme ça. Elle n'était plus toute jeune même si le temps ne semble pas le montrer sur son visage. Elle laissait ses jambes se balançaient dans l'eau, et fixait un point invisible perdue dans ses pensées. Une autre idée vint la surprendre et instinctivement elle regarda autour d'elle. Personne. « Parfait. » Le mot se répercuta en écho dans toute la piscine, elle mit ses jambes hors de l'eau et se releva. Elle retira sa chemise, sa jupe et se débarrassa de ses sous-vêtements qu'elle jeta à côté de ses chaussures avant de plonger dans l'eau. Un petit « pouf » se fit entendre si on tendait les oreilles, et un canard émergea de l'eau. Tout était parfait maintenant.

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stay strong and be a duck.

Justine se laissait naviguer sur l'eau, bercée par les flots. Elle appréciait ses moments où elle pensait 'canard'. Faut dire que dans ce stade, elle ne pensait à rien d'autre qu'à nager. Et se nourrir, occasionnellement. Ces petits yeux étaient clos et elle se laissa porter d'un bout à l'autre de la piscine, sans but précis. Ce petit instant fût de courte durée quand elle sentit une perturbation, créant de nouvelles vagues cette fois-ci plus puissantes, la faisant naviguer encore plus rapidement. Surprise d'être sortie aussi brutalement de ses pensées, elle déploya partiellement ses ailes et vola de sorte à ce que juste ces palmes soient dans l'eau. Une espèce de réflexe qu'elle avait en cas d'alerte, et qui la rendait en état de panique mais qui ne durait qu'une fraction de seconde, le temps qu'elle réalise ce qui se passait autour d'elle. Justine regarda autour d'elle pendant quelques secondes, avant de voir immerger un corps. Une fille. Et cette dernière ne tarda pas à la remarquer. « Putainnnnn. » Il n'était pas question qu'elle se re-transforme devant elle, ça c'était sûr. Inutilement, elle jeta un bref coup d'oeil à ses vêtements, à l'opposé de sa position, entassé au bord de l'eau. L'un des points faibles de son don, son absence de vêtements. Pourtant, dans certains comics, les héros retrouvaient toujours leurs vêtements une fois re-tranformé. Évidemment, ça ne fonctionnait pas en vrai. Dans son cas. En l'observant, on voyait un canard qui se laissait porter par les flots. On n'aurait du mal à imaginer qu'à l'intérieur, Justine implosait. Pourquoi aujourd'hui, pourquoi maintenant ? Qu'avait-elle fait au ciel pour toujours être dans la merde ? A force de réfléchir, elle ne s'était pas rendue compte que les flots la portaient vers la fille. Ce n'est qu'à moins de deux mètres qu'elle le sentit. Un flot d'injures s'entrechoquait dans sa tête. Elle s'arrêta donc, tout simplement et fixa la jeune fille de ses yeux de canard. Paraître naturelle. Paraître naturelle. Agir comme un canard, agir comme un canard.

« Coin. »

Révisons. La dernière fois qu'elle était allée sur le terrain, c'est à dire sur le seul petit étang existant avec sa population de canards, elle les avait vu en train de tourner n'importe comment et comme des cons. Mais, faire le con, c'était inné chez une personne non ? Elle réfléchit pendant une courte seconde, se remémorant des cas qu'elle avait dans ces cours. Inconsciemment, elle tendit son cou et commença à tourner autour de la fille, qui était à coup sûr une étudiante. Elle n'avait pas eu le temps d'examiner son visage. Elle tourna, tout en répétant ces onomatopées qui caractérisaient les canards. Peut-être qu'elle allait la chasser. Après tout, est-ce normal de trouver un canard dans la piscine intérieure du Pensionnat ? Non. Le lieu était clos et les canards étaient plus intelligents pour se prendre des vitres en pleine gueule qu'à passer une porte. Mais Justine ne s'attendait pas à se faire caresser par la fille. Et. Mon dieu, c'était trop bon. Pardonnez, mais Justine était sensible des ailes, et ces simples caresses la rendaient encore plus vulnérable. Et comme une idiote, elle ne pensait même pas à réagir et à fuir comme un bon canard, un canard fuyard et méfiant. C'est à ce moment-là qu'elle se rendit compte de l'identité de la fille. « MERDEEEEEEEEEEEEE. » Maella. C'est bon, elle était finie.

Adieu dignité.

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leave me alone.

Ça avait beau être inutile, mais Justine pria mentalement. Elle pria toutes ses entités qui étaient tout en haut ou tout en bas. Elle était croyante seulement quand ça l'arrangeait. Pour qu'elle ne comprenne pas, et qu'elle parte. Si la dernière option pouvait au moins fonctionner, ça aurait été parfait. Mais mieux vaut ne pas se voiler la face, Justine était trop facile à griller. Faudrait être con pour ne pas capter, mais elle avait cette lueur d'espoir qui résidait encore en elle, vous savez cette espoir qui reste même au pire moment et qui devenait réalité uniquement dans des films et autres séries poubelles. Et puis, elle connaissait cette lueur dans les yeux de Maella, qu'elle traduisait à sa manière. « J'vous ai grillé. » Putain de prières qui fonctionnaient pas. Ces réflexes de sauvetage ne fonctionnaient plus, inconsciemment paralysée. Elle n'avait jamais vraiment appréciée Maella, la trouvant trop arrogante. Enfin, elle essaya de ne plus y penser, elle était suffisamment agacée comme ça. Pourquoi les canards n'avaient pas de branchies déjà ? Justine n'était pas agacée à cause de son don, mais le fait qu'on la trouve dans un état vulnérable l'énervait assez. Elle n'avait jamais cachée son don, mais elle ne le criait pas non plus. Rare étaient ceux qui savait, enfin. Ces deux espoirs se brisèrent quand elle entendit Maella dire « Écoutez, je vais vous chercher des vêtements, restez là. » Justine ne comprit pas tout de suite, puis elle vit Maella s'éloigner. Elle était partie. Chercher. Un tee-shirt. Alors que toutes ses fringues étaient juste au bord de l'eau ? Un couinement de résignement sortit de son bec. Elle ne pouvait pas juste quitter la piscine et la laissa là ? Elle était si bien. Justine vit Maella revenir avec une espèce de tissu blanc, et quand elle la vit agrandir ce tissu, elle avait juste envie de lui frapper la tête avec son bec. C'était inutile. I-n-u-t-i-l-e. Pourquoi les canards n'étaient-ils pas doués d'une voix aussi ? Quand Maella finit, elle le posa sur le bord de la piscine avant de partir se changer dans les vestiaires. Tous les « coin » du monde ne suffisaient pas pour définir son agacement. A quoi bon rester maintenant, après tout, elle était certaine que Maella reviendrait pour l'emmerder une nouvelle fois. Foutus élèves pas fichu de faire la grasse-matinée. Elle regarda l'heure ; à quoi bon rester, tout plaisir l'avait quitté. Elle inspira un instant avant de plonger dans l'eau, et d'aller jusqu'au fond et une petite détonation se fit entendre. Fin de la détente.

Justine émergea de l'eau, pleinement humaine. Par réflexe, elle passa sa main dans sa chevelure emmêlée et alourdie par l'eau et l'essora inutilement, avant de nager vers le bord de la piscine. Une fois arrivée, elle se sortie de l'eau et resta une trentaine de secondes immobile, complètement nue, laissant l'excès d'eau coulée jusqu'à ses pieds pour qu'ils ne mouillent pas ses vêtements. Enfin, elle finit par se rhabiller, mais gardant ses pieds nus. Elle utilisa l'espèce de vêtement que lui avait « fait » Maella, et préféra l'utiliser pour ses cheveux mouillés. Sur le coup, ça pourrait paraitre un peu irrespectueux mais, elle n'avait qu'à ouvrir les yeux. Elle retourna alors à sa position d'origine, assise au bord de l'eau, les pieds immergés. C'est en regardant l'horloge qu'elle se rendit compte de tout le temps qui s'était écoulée. Pourtant, elle avait vraiment eu l'impression d'être restée une dizaine de minutes dans la piscine du pensionnat. Elle entendit les pas de Maella qui s'approchait rapidement vers elle. Quand elle entendit la porte des vestiaires s'ouvrir, elle tourna sa tête légèrement vers elle.

« Tu aurais pu faire la grasse-matinée. » Pour que tu ne puisses pas m'emmerder. « Tu devrais en profiter pour dormir, c'est mauvais pour le teint. Oh, mais tu as déjà des cernes. » Oui, elle t'enfonce. Parce que tu l'as mise en rogne.

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