Kiss Alcoolique

Cyr a fait toutes les soirées. Partout, véritablement. Tellement que ce n'est pas lorsqu'il débarque que l'on s'étonne, mais quand il brille part son absence – on le connaît tous, celui qu'on trouve toujours entouré d'une dizaine de personnes, bien installé, son verre à la main. Tous ces gens à qui il parle, dont il retient plus ou moins le nom ; ou bien, il se fera de nouvelles connaissances. Tout est si accessible, dans le monde de la nuit - une dimension parallèle ou toutes les règles des gens bien comme il faut semblent s'évaporer, passé une certaine heure. Un monde ou les responsabilités n'existent pas ; pas de comptent à rendre, aucune erreur à réparer.

Le monde de la nuit, il se l'est approprié. Comme un roi, il évolue à travers les foules, à la recherche de connaissances ou de nouvelles gentes à aborder. Ils se ressemblent tous, elles sont plus banales les unes que les autres. Triste vérité. Puis, vois cette énième fille, seule, en retrait, assise sur une chaise. Rien, absolument rien ne la démarque des autres, sinon ses cheveux - bleus. Puis avec une mèche blanche, aussi. Mais après tout, que sais-tu d'elle ?

Tant mieux. Les soirées sont faites pour faire des rencontres. Ce soir, ce n'est pas à une fille banale que tu iras parler – c'est à cette fille banale. Tu l'as décidé, il en sera donc ainsi. Après tout, ne possèdes-tu pas ce terrain-ci ?

Doucement, comme face à un animal particulièrement agressif, Cyr s'accroupit pour arriver à la hauteur de la jeune fille – sait-on jamais, des fois qu'elle aurait envie de lui sauter dessus. A prendre dans n'importe quel sens. « Hey Princesse. Pourquoi restes-tu en retrait ? » il lance ces quelques mots de sa voix légèrement enrouée – peut-être d'avoir trop parlé, ou pas assez. Au cœur des néons, il la distingue assez mal, cette brune. Réalité distordue, réalité altérée. Et elle, comment te voit-elle ? Comme le sauveur, le violeur, le séducteur, ou le simplet de passage ?

Qu'en sais-tu, après tout ?

Y'a la musique, y'a le bruit que font tous ces gens autour de lui ; y'a la foule, la lumière, cette impression de marcher au ralenti. Le sentiment de toute-puissance que procure l'alcool, l'assurance d'avoir toujours une fille accrochée à son bras – jolie ou pas, quelle en est l'importance ? Elle est belle, ainsi présentée sous les néon. Puis tout ceci ne durera pas.

Un monde éphémère. Ici, rien n'est fait pour durer. Ce n'est pas ce que le peuple vient rechercher.

« Hm, qui sait ? » il ne la discerne pas bien ; il lui offre un sourire resplendissant puis se pose sur une chaise à côté d'elle. Oh, il n'a pas envie de rentrer, Cyr – le plus tard serait le mieux. « Déjà ? Voyons, la soirée vient à peine de commencer. » quel gentleman, Cyr. Tout disposé à promptement -et proprement- ramener les jeunes filles à leur domicile. Une perle. Machinalement, il se saisit d'un portable qu'il traînait là pour y jeter un œil ; jeunesse insouciante et dorée.

« Oh. Deux heures du matin.... Je ne suis peut-être pas le mec qui te ramènera à Prismver, à la re-.. A y... » fâcheuse tendance à perdre ses mots au bout de quelques verres en trop. Toussotant, il préfère abandonner une fin de phrase bien trop laborieuse pour enchaîner - « Mais je suis peut-être celui à qui tu accorderas une dernière danse, princesse ? »

Question rhétorique.

Comme monté sur ressort, il se lève d'un bond puis saisit une jeune fille à la réflexion -ah, il le tient enfin- plutôt joli, à mieux y regarder. Sa main dans la sienne, son corps qui s'approche dangereusement du sien à mesure qu'il la traîne vers la piste de danse – prise douce mais ferme. Sans la forcer, sans la lâcher non plus.

Allez, juste une dernière danse.