BE MINE Δ b e t s a

J'ai faim. Et quand j'ai faim : je sais toujours vers qui me tourner. Tadadada : Betsa ! Notre chère cuisinière. Qui eu crut qu'un canon pareil se retrouve derrière les fourneaux ? On se fait souvent à l'idée que c'est une grosse dame avec une pustule sur le menton et un duvet bien apparent va nous lâcher une soupe bien dégueulasse dans l'assiette. C'est pas le cas de la belle, vous vous doutez pas, sinon je ne l’appellerai pas ainsi – sauf pour me foutre de sa gueule, c'est vrai.
Ce matin, j'ai loupé le repas. Ce midi, la même chose. Pourquoi ? Comment dire... J'étais dans les toilettes et j'ai passé un peu trop de temps à me regarder. C'est pas facile comme boulot d'être beau-gosse à plein temps m'voyez. Non plus sérieusement j'ai des grosses cernes immondes sous les yeux, ça me donne l'air d'un pauvre dépressif qui menace de se tailler les poignets avec une enveloppe, alors que non. Moi j'aime la vie, cette salope. Haha. Bref. OUI J'AI AUCUN HUMOUR ET JE VOUS EMMERDE.

Aujourd'hui, j'avais bien envie de la voir elle, et pas parce que j'ai faim. Faut dire, avoir une cuisinière insensible, c'est pas fréquent. Le truc drôle, c'est que j'avais un don totalement opposé au sien, mais je n'ai jamais pensé à l'user contre elle – je me fais suffisamment engueuler parce que j'en profite de trop. C'est pas ma faute si c'est drôle de voir les professeurs pousser une gueulante contre moi pour X ou Y raisons pour finalement crier dans un sens tout autre... Si vous voyez où je veux en venir. Bon on en est pas au point où j'arrive à faire orgasmer mes adversaires en un seul coup de regard – et avec un mouvement de tête pour remettre la mèche en place like a boss sinon ça l'fait pas. Enfin. J'ose à peine imaginer une de mes prof hurler de plaisir mon nom.. Robert... rah j'ai envie de vomir. Heureusement que Robbie est mon unique prénom et ici, et techniquement je n'ai rien à craindre ahah.
Le pas enjoué, j'étais monté sur le toit. Ce fabuleux toit qui – ouh la je vais pas m'approcher de trop c'est UN PEU haut. Non j'ai pas le vertige.. C'pas vrai... hum. BREF. C'est ici que j'avais donné rendez-vous à Bestabe sans mauvaises intentions – comment ça personne n'y croit ? - et je fourrais mes mains dans les poches, patientant. C'est là que la belle arrive, et sans même attendre une quelconque réplique de sa part, je hâte le pas en sa direction, presque à lui sauter dessus. Je ne souris pas – ça me va pas de toute façon et ça donne un côté badass mystérieux.

« Betsaaa' bébé. ♥
C'plus original de demander ça ici alors... T'as amené un truc à manger ? Parce que je. meurs. de. faim. Pitiééé... »

Lançais-je d'un ton nonchalant.
Bon, il faut bien commencer par quelque chose.

© charney

Et comme je l'avais imaginé : c'était le cas. Je voyais la jolie brune sortir de son sac de quoi manger, j'en avais déjà l'eau à la bouche et le ventre qui grondait. C'était jamais que du pain et un pomme, mais quand c'est Betsabe qui le fait, ça ne peut être QUE bon. J'étais content de l'avoir rencontré et d'avoir ce régime de faveur. Je ne sais pas trop ce qui l'a poussé à s'approcher de moi de cette façon et de me chouchouter comme pas deux. J'avoue que je serai jaloux si jamais quelqu'un venait à me prendre sa place, c'est le genre de femme qu'on a envie de garder rien que pour soit. Non je n'étais pas amoureux, faut dire que je suis assez difficile sur les sentiments et que je ne sais toujours pas ce que je préfère entre une paire de seins et un torse musclé à caresser. Le choix est. Trop. Difficile. Enfin soit. La cuisinière commençait à me parler de cet accent qui me faisait toujours drôle à l'oreille. Je le connaissais bien pourtant mais il me faisait sourire, je ne me moquais pas, j'étais pas.. Habitué, alors que ça fait un petit moment que je discute avec elle. Comme quoi. Peut-être qu'elle, elle ne s'habitue toujours pas à mon narcissisme ceci dit, chacun son truc !
Elle venait de me balancer un truc incompréhensible... pandéro... parého... Roh et merde j'y comprends ri-en ! Je suppose que c'était une insulte vu comment elle venait de le cracher mais ce serait pas la première fois qu'on me traite de petit con alors bon... En supposant que ça voulait dire quelque chose du genre, j'la vois mal m'appeler dieu ou quelque chose du genre, même si ça ne me dérangerait pas en soit si elle me considérait à ma juste valeur. Enfin soit. Je me laissais glisser le long du mur de nouveau, gobant un petit morceau de nourriture. Aucun sourire sur les lèvres, comme toujours. Eh, on ne change pas une équipe qui gagne. Ca n'empêche que j'étais vraiment heureux de pouvoir partager un petit moment en tête à tête avec sexy-Betsabe. Oh ça pour être sexy, elle en a fait baver plus d'un, j'en suis certain. Paraît que son pouvoir c'est l'insensibilité. Je me demande ce que ça doit faire de ne rien pouvoir... ressentir. Ca doit être horrible et à la fois utile. Cependant, elle arrive à résister à mon charme et c'est... juste insupportable. Je déteste qu'on m'ignore ou qu'on rejette mes avances même si la pauvre ne devait sans doute pas s'en rendre compte.

La cuisinière repris alors la conversation en me demandant la raison de sa venue en haut du perchoir. Oh la réponse était simple : j'avais faim. Maiiiis... Ok c'est vrai que j'avais d'autres idées en tête, comme pouvoir utiliser mon pouvoir encore une fois quitte à en abuser. Ca doit être drôle de contrôler les phéromones d'une personne insensible, quoi que difficile. Je haussais les épaules, essuyant le coin de mes lèvres avec mon pouce avant de donner un coup de langue sur ce dernier.

« C'était justement pour te faire chier, haha ! T'en fais pas, au moins grâce à moi, tu vas avoir des belles cuisses. Ce serait nul que tu deviennes grosse quand même. »

Bien entendu je plaisantais, mais bon je peux pas cacher que j'ai une préférence pour les personnes fines ayant moi-même eu un sacré bide pendant de nombreuses années où mon seul nom était Robert... Putain que de souvenirs, je vais chialer sa mère.
Je la regardais du coin de l'oeil.. Est-ce que je peux... ? Oh ça ne me coûte rien d'essayer. Je posais mon crâne contre la façade, faisant mine de regarder les nuages avant de me concentré. Ca demandait peu d'effort pour moi d'utiliser mon don mais je devais être un minimum attentif pour mettre le tout en place. Qui l'eut cru ? Donner le pouvoir de contrôler les phéromones à un type comme moi.. Quelle idée.
Je riais intérieurement tandis que je commençais à titiller un peu la partie sensible éteinte en la jeune femme tatouée. Ca risque de mettre du temps vu que son don insensibilité me pose une sacrée barrière pour pouvoir en user à tout va mais ça devrait aller... Moins vite que prévu ok. Pour le moment elle devrait simplement se sentir bizarre. Je devrais peut-être la prévenir que je suis en train de m'amuser avec elle ? Bon on verra ça plus tard. Je continuais de manger.

« Pfiou quelle chaleur quand même... Je déboutonnais le haut de ma chemise jusqu'au milieu de mon torse, desserrant ma cravate. Merci pour la bouffe au fait. Ah et... Bon j'vais te poser une question indiscrète, mais t'es vraiment insensible à tout ? »

© charney

Le don de Betsabe me faisait de la peine. Les gens disent que pour arriver à faire de l'effet aux autres, il suffisait de belles paroles qui pourront être bues jusqu'à en devenir saoul. Je ne suis pas d'accord.. J'ai toujours favorisé l'action au blabla, peut-être parce que je ne suis pas un beau parleur et que je ne suis pas doué pour arriver à mes fins en usant de ma voix. C'est comme s'excuser face à quelqu'un. C'est nul de dire pardon, faut le montrer quand on veut se faire pardonner, ou comme quand on dit je t'aime, même si ce cas de figure est un peu à zapper de mon côté, je suis pas du genre à balancer ça à tout va ni même à l'éprouver.
Enfin bref, là n'était pas le cadet de mes soucis pour le moment, je devais continuer de me concentrer pour faire de l'effet à la jolie dame à mes côtés. D'ailleurs, ce fut un succès, je la voyais commencer à gigoter. Sans doute devait-elle se poser des questions à ce propos, ne sachant pas ce qu'il lui arrive. Cette situation, ce serait comme redonner la vue à un aveugle de naissance : la panique. Mais j'avais pris le risque, peut-être parce que je suis un sacré insouciant, ou alors qu'au contraire je me soucie de son bien-être. De mon côté j'essayais de faire comme si de rien n'était mais à partir du moment où la brune commençait à hausser le ton contre moi, je ne pouvais plus sortir la carte de l'ignorance, si bien que cependant, je demeurais silencieux encore quelques secondes, attendant que la situation se stabilise et que je n'ai plus à me concentrer uniquement sur mon pouvoir pour qu'il fasse effet. C'est peut-être étonnant mais ça demande beaucoup d'attention de l'utiliser, même si à force de le faire je commence à le dompter.

Je souriais un peu brièvement, le haut de mon crâne s'appuyant sur la façade avant que mon faciès ne se tourne en direction de Betsabe. C'est dingue à quel point les gens peuvent changer en contrôlant leur phéromones, comme quoi tout n'est pas lié au cerveau et que de simples substances auxquelles ont ne prête aucune intention peuvent avoir un certain impact sur nous.

« Je contrôle tes phéromones. »

Disais-je tout naturellement, calmement, simplement. Je haussais un sourcil en voyant les yeux presque paniqués de la cuisinière. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop après ça, j'ai pris un sacré risque m'enfin, qui ne tente rien n'a rien !

« Les insectes font pareils, généralement pour communiquer un système d'alarme entre eux même s'il y a différents types de phéromones... Comme les phéromones sexuelles qui permettent d'aguicher le mâle ou la femelle. C'est un peu complexe mais en gros, si je le veux, je peux donner envie de moi à n'importe qui, et c'est exactement ce que je fais là ! »

C'était peut-être un peu cruel de tout lui balancer dans la figure sans qu'elle ne puisse rien y faire. Mais c'était drôle, je ne pouvais pas le cacher.

« D'habitude ça marche plus rapidement mais suppose que ton insensibilité m'empêche de brusquer les choses. Enfin bref ! Comme tu l'as compris... Je suis quelqu'un qui a la capacité de te faire ressentir quelque chose ? Ca te plaît ? Si tu veux j'arrête, mais j'avoue que te voir toute rouge, c'est plutôt marrant. »

© charney

Connard.
C'est un peu le ressenti qu'on les gens lorsque j'use de mon pouvoir. Il est vrai que fut un temps, ça devait leur être désagréable de tomber sous le charme d'un gros dégueulasse boutonneux. Et avec le temps, j'ai changé, c'est bien plus plaisant, je suppose. Pourtant, les gens persistent à trouver ça écœurant que je joue ainsi avec leurs envies. Je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Ou du moins, je préfère l'ignorer sinon je vais avoir l'impression d'être un gros psychopathe en quête de pouvoir. Est-ce que Betsabe me détestait quand je jouais avec elle ? Est-ce qu'elle aussi, elle trouve que je suis un connard de profiteur ? Est-ce qu'elle pense que je suis un mauvais type ? D'un côté, me poser toutes ces questions me mettaient mal à l'aise, mais de l'autre, me poussaient à aller plus loin, voir jusqu'où la belle pouvait résister à la tentation fulgurante qui s'éprenait d'elle comme un bernique à son rocher. Tout doucement, elle se laissait couler contre moi, ses doigts fins et féminins s'abandonnant contre ma cuisse tandis que son regard émanait une chose étrange que je n'avais jamais vu chez elle. De la passion, de l'envie, c'était beau à voir, cette petite flamme dans les iris qui pourtant semblait éteinte à jamais.
En ce qui me concerne, je la reluquais avec la plus grande simplicité, le plus grand calme. Je n'ai jamais été du genre à exprimer mes sentiments, c'est à peine si je sais comment sourire, comment je sais me lier d'amitié avec les autres. Je dois avouer que c'est un peu la galère par moment d'être inexpressif, surtout quand on cherche à être sincère. Mais on s'y fait, je suppose qu'on ne peut jamais se défaire de certaines parties de soi.

Alors la phrase de la cuisinière me perça les tympans. Elle souffrait ? Vraiment ? Est-ce que c'était mal d'avoir envie de quelqu'un ? J'affichais une mine quelque peu surprise, mon cœur ayant fait un vif bond à l'intérieur de ma poitrine.
Virant mes mirettes à l'opposé, je stoppais tout. L'activité des phéromones se stoppant tout à coup. Peut-être que c'est mauvais, en fin de compte. Je baissais la tête, l'air un peu plus embarrassé. Voir même triste. Mais j'étais pas triste. Je crois. Je me sentais normal. Enfin j'espère.

« Non je ne veux pas te faire souffrir. Désolé. »

Betsabe est sans doute l'une des seules femmes dont je ne pourrai pas vraiment en jouer. Peut-être parce qu'elle est comme une mère protectrice pour moi plutôt qu'une proie malgré nos différences. Peut-être oui. Qui sait.

« Je t'apprécie trop pour ça. »

Avais-je ajouté alors.

© charney

C'était un peu étrange.
Ressentir tout sauf de l'excitation envers quelqu'un.
Juste.
Une fraternité.
Une maternité, plutôt.
Une complicité.
Mais aucune envie charnelle.

On en était là, Bestabe et moi. Elle était la mère ou la grande sœur que je n'aurai jamais, mais jamais je ne me serais attendu à ce qu'elle me demande de lui raconter ma vie ? J'avais un peu honte d'elle. Elle était ridicule alors que d'autres types vivent des épopées. Moi j'ai toujours été normal, avec des problèmes normaux. Je suis juste un gros complexé de la vie qui mise tout sur le physique et les capacités, sans chercher plus loin. Et je crois que ça, à force, ça m'a un peu détruit. Et pouvais-je seulement parler de moi sans avoir peur ? Est-ce que cette femme est de toute confiance ? Voilà que j'en doutais, mais lui balancer au travers de la figure que mon vrai nom c'est Robert, que oui, j'étais ce petit gros victimisé autrefois... Ca se fait ? Car d'un côté, ce serait avoué que je lui ai menti tout ce temps sur ma réelle identité, ce n'est pas rien, et ce n'est pas comme si elle était une élève, facilement elle pourrait en parler à ses collègues et je... Non putain, j'ai pas à douter d'elle.

Je me raclais la gorge avant de me frotter les cheveux, essayant de fuir son regard, paraissant plutôt naturel avec un léger sourire en coin avant de dire :

« Euh ben...
J'ai pas grand chose à dire, je suis pas un mec exceptionnel – enfin si, je veux juste dire que j'ai pas des histoires supers intéressantes à te raconter. Mais disons-le ainsi.. Il était une fois un petit garçon naissant dans une famille qui avait été autrefois, à Prismver, le centre des moqueries. Ce petit garçon a subi le même sort et a fini par se rebeller un jour ou l'autre en découvrant un pouvoir qui lui permettait de contrôler l'excitation et certains sentiments liés à l'action des phéromones. »

Petit rire.

« Et toi, alors ? »

© charney