Un silence qui risque d'être brisé (PV Christiansen)

Le parc, un magnifique lieu du Pensionnat Prismver.

Les cours étaient terminés pour la journée, ce qui eut pour effet de faire soupirer Warren de soulagement. C'était heureusement terminé pour lui. Il avait déjà rangé ses affaires en notant ce qui fallait faire le lendemain. Bien heureusement, ce jour-là, il n'y avait strictement - ou presque - rien à faire pour le jour suivant. Deuxième soupire de soulagement, il avait échappé aux réflexions intenses qu'il subissait tous les jours pour faire ses devoirs. Il ne se contenta que de simplement apporter ses affaires à son dortoir et se dire qu'il avait du temps libre, ce qui arrivait assez peu à vrai dire. Et bien entendu il choisit le lieu mentionné au début de ce texte, pour se relâcher un peu : le parc.

C'était lors de ses heures perdues qu'il allait au parc, maintenant qu'il ne s'approchait plus des salons. Cette histoire de fantôme qu'il avait subit une fois lorsqu'il se détendait au salon, et qui finalement n'était qu'une mauvaise blague d'une A, l'avait totalement fait changer de lieu de détente. Plus jamais il n'avait osé se rapprocher de ces salles maudites depuis ce jour, plus jamais. Le parc était beaucoup moins angoissant et il n'avait aucun risque d'être enfermé à clé cette fois. Ça allait, ce n'était pas un endroit trop effrayant, même au contraire. Warren entrait dans les lieux calmement et sans dire un mot, observant les alentours, toujours un peu anxieux de ce qui pouvait malgré tout arriver. Peu de gens se trouvaient ici à ce moment là, rendant le parc assez calme, mais agréablement calme. Pour un bel après-midi ensoleillé c'en était assez étonnant, mais pas si désagréable en fin de compte. Solitaire ? Pas tant que ça, simplement qu'un peu de silence faisait disparaître assez facilement quelques-unes des angoisses et craintes permanentes qu'il endurait, supportait, et ce, chaque minute de sa vie. Même si ses épaules crispées et son regard rempli d'angoisse ne disparaissaient pas totalement, c'était mieux que rien.

Il marchait calmement sur le sol du parc et n'avait qu'une envie : se reposer un peu. Ce fut ainsi qu'il se dirigea vers un des rares bancs présents à pas lents, pour finalement s'y asseoir. Posant son dos et levant légèrement la tête vers le haut, il ferma un peu ses yeux et essaya de faire ce qui lui semblait presque impossible malgré l'ambiance si silencieuse : se défaire de ses tracas. Que subiraient encore les E ces prochains jours ? Comment allait-il réussir à atteindre la moyenne au contrôle du lendemain ? Que faire pour échapper aux choses de ce monde qui le terrorisaient tant ? Combien de fois aujourd'hui encore devrait-il supporter sa transformation en phoque, qui se déclenchait aléatoirement ? Ces questions lui hantaient l'esprit, et c'étaient les principaux soucis de sa vie quotidienne, de ses journées. Il espérait simplement que l'air frais du parc pût l'apaiser, juste une fois. Était-ce possible finalement ? Certainement, mais peut-être pas aujourd'hui, et peut-être que les jours suivants non plus. Mais peut-être qu'un jour, il arrivera  à se défaire de ses frayeurs et de sa paranoïa légendaire. En tout cas pour le moment, il semblait s'apaiser, enfin, en apparence du moins.

Warren entendait des cris de détresse tout près de l'endroit où il se trouvait. Les alentours étaient pourtant parfaitement calmes peu de temps avant. C'était calme au point qu'il était presque impossible d'imaginer que quelque chose pourrait briser ce silence. Or, les appels au secours actuels prouvaient le contraire.

Mais ce n'était pas important pour le moment, absolument pas. Le plus préoccupant était: que se passait-il pour que quelqu'un fût en danger ? Ainsi, il se dressa, restant assis mais son dos ne touchant plus le banc, et chercha la provenance des cris. A ce moment là, il aperçut une fille de petite taille courir à travers le parc. C'était elle qui appelait au secours, tout en se dirigeant vers lui. Elle demandait de l'aide à Warren personnellement. Certes, il savait qu'elle avait besoin de secours, mais n'en connaissait pas la raison exacte; il était impossible de le deviner rien qu'en voyant une fille courir en hurlant. Il resta immobile quelques instants puis vit plus loin quatre grands garçons à l'allure peu rassurante courir dans la même direction que la petite victime. Il lui suffit de cinq ou six secondes de réflexion et il comprit que la jeune fille se faisait poursuivre par ces dangereux hommes. Maintenant que tout était clair, il devint à son tour paniqué et tourna la tête dans toutes les directions possibles dans l'espoir de trouver un moyen de l'aider.

A son grand malheur, il n'eut pas le temps de correctement réfléchir, étant donné que le temps pressait, et il se leva d'un bond pour attraper la main de la jeune fille et l'entraîner dans une direction au hasard. Comme elle n'était pas bien grande, elle devait légèrement tendre son bras vers le haut pour tenir la main du délégué. Toujours dans la panique, il tentait de chercher un endroit pour cacher la jeune demoiselle en détresse. Fuir du parc n'était pas vraiment une solution: ils allaient se faire remarquer des agresseurs et continuer de courir. Finalement, au loin, il vit un grand arbre où ils pourraient se réfugier. Il tourna la tête vers l'arrière pour vérifier la distance qui séparait les deux fugitifs et leurs poursuivants. Voir ces derniers assez proches - d'environ une quinzaine de mètres - le fit sursauter légèrement et essaya s'accélérer sa course, tenant fermement la main de la petite inconnue. Il ne courait pas très vite, c'était très handicapant dans ce genre de situation, et il craignait même de ralentir celle qu'il secourait. Heureusement, de justesse, ils atteignirent l'objectif et se cachèrent à l'arrière de l'arbre.

Crispé, la respiration saccadée, il se colla à l'arbre et jeta un coup d'œil pour voir si les poursuivants les avaient vus; fort heureusement, ils n'eurent pas le temps de voir là où ils s'étaient cachés et les cherchaient intensément. Un très léger soupire de soulagement s'échappa de ses lèvres et il regarda la fille qu'il venait d'aider un peu plus attentivement. Elle était plus petite de 20-30 centimètres et ne semblait pas vraiment forte. Elle possédait de beaux cheveux plutôt longs et avait l'air fragile.

▬ Ça... ça va ? Je suis désolé de t'avoir entraîné ici... chuchota-t-il, très doucement.

Les malfrats n'étaient pas décidés à abandonner la recherche. Qu'avait fait cette petite fille pour qu'ils leur en voulussent autant ? Warren était incapable de se poser cette question, importante pourtant. Pour le moment, il reprenait son souffle. Lui aussi craignait énormément le retour de ces gens. Les imaginer retrouver leur trace le tracassait, l'angoissait grandement et il avait du mal à être tranquille.

Même lorsqu'il essayait d'avoir un moment de tranquillité, il ne pouvait s'empêcher de s'entraîner dans des situations préoccupants.

La situation était des plus stressantes pour Warren, et certainement tout autant - ou même plus ? - pour la jeune fille. Cette dernière venait de vivre une course assez difficile; cela s'apercevait à travers sa respiration tout aussi saccadée. Elle reprenait son souffle tout comme lui.

▬  Je suppose... que ça va. Et c'est moi qui m'excuse. C'est de ma faute si tu es coincé ici avec moi. Désolé !! s'excusa l'inconnue.

Tout en reprenant son souffle, il fit un léger sourire rassurant. Il n'était pas fâché contre elle et ne lui en voulait pas - il n'arrivait pas à en vouloir à quelqu'un. Le principal était qu'elle allait bien et qu'elle était hors de danger pour le moment. "Pour le moment", oui, c'était le bon terme; pour combien de temps allaient-ils être en sécurité ici ? Si les poursuivants continuaient à s'obstiner à les chercher, changer de cachette serait obligatoire. Ils étaient arrivés à s'enfouir dans un tronc, mais cela n'allait pas être leur cachette définitive; il y aurait forcément un moment où leurs poursuivants  auraient l'idée d'aller chercher dans ce coin là. C'était préoccupant et Warren avait du mal à penser à autre chose.

▬ Et pour toi ? Tout va bien ? demanda la fille aux cheveux bleutés.

La voix de la sauvée le sortit de ses pensées. Bien évidemment, le jeune Andersen ne se préoccupait pas de lui-même, mais plutôt de son interlocutrice. De son côté, tout allait - excepté qu'il vivait une situation très effrayante à l'heure actuelle.

▬ Oui, merci, je vais bien. remercia-t-il.

Puis il vérifia encore et toujours la bande de malfrats qui les cherchaient; il les vit chercher et vérifier encore et encore les endroits qu'ils avaient déjà fouillés. Ils n'avaient pas pas eu l'idée de faire un tour du côté de l'arbre. Pourtant, se cacher derrière - ou dans le creux d'un tronc - était un grand classique, et personne ne se doutait de rien. Ces personnes ne devaient pas être bien malignes, mais pour l'heure, ça arrangeait la jeune fille et Warren. Ce dernier dirigea son regard en direction de cette inconnue, son visage dévoilant toute son inquiétude.

▬ Mais je ne pense pas que nous pourrons rester indéfiniment là, il va bientôt devoir bouger... affirma-t-il.

Il fit un bref silence avant de reprendre, les yeux fixant les quatre brutes à nouveau.

▬ ... ou sinon... balbutia-t-il.

Un frisson le parcourut entièrement lorsqu'il réfléchit à ce qu'il se passerait si cette bande parvenait à les repérer. Ça allait chauffer pour eux. En attendant il n'avait aucune idée d'où il pourrait emmener la jeune fille, et surtout comment. Si les poursuivants ne se limitaient qu'à une personne, ce serait facile d'attendre que ladite personne eût le dos tourné pour s'enfuir. Mais là, ils étaient quatre, c'était bien plus compliqué, et réfléchir dans un moment pareil était presque impossible pour Warren. Ce dernier était toujours tendu.

La fille lui était étrangère, mais il était incapable de demander son identité dans un moment comme celui-là, et incapable de se présenter non plus. Dans un moment plus approprié il le ferait, mais pas tout de suite; ses pensées étaient bien trop concentrées sur ce qu'il se passait. A présent, les entêtés décidèrent de se diriger là où ils n'avaient pas encore vérifié, c'est-à-dire dans les alentours de l'arbre. En les voyant s'approcher, Warren laissa échapper un petit couinement accompagné d'un sursaut et commença à trembler, incapable de bouger, pétrifié par la peur. Ses yeux devinrent ronds, sa respiration se bloqua net, et il plaqua son dos contre l'arbre. La situation devint critique...