Pee-ka-boo, I kill you ♥ [Feat: Rose Davis]

Give me some smile.

Aujourd'hui n'est pourtant qu'un jour comme les autres, ces mots m'avaient trotté dans la tête toute la journée sans savoir exactement pourquoi. Les avais-je lus quelque part, un petit bout de phrase accroché au beau milieu de tout ce monde ? Cette sensation étrange d'avoir l'impression qu'on est destiné à accomplir certaines choses, comme un but invisible qui nous attends au tournant.

Réveillée depuis de nombreuses heures déjà, j'erre dans le pensionnat comme un fantôme sans chaînes, c'est déconcertant de ne pas savoir quoi faire. Moi, si active, terrifiée par l'ennui, me voilà sans destination. Je songe aux endroits que je n'ai pas encore visité. Lequel d'entre eux pourrais-je bien voir aujourd'hui ? Je n'ai pas spécialement envie de me déplacer jusqu'en ville, pas maintenant. Je suis emplie d'une sorte de flemme surpuissante, j'aimerais juste me poser quelque part et me perdre dans un flot de pensée continu. Pourquoi pas prendre des photos ? Au moins j'aurais quelque chose à faire.. Toujours avec moi, je sers mon petit poing contre la bandoulière de mon sac, un sourire naissant sur mon visage.

Le cœur un peu plus enjoué, je sais alors soudain où je veux aller. Un endroit qui domine le reste du monde, où je pense que je pourrais me sentir vivante. Au détour d'un couloir, je m'engage dans un escalier qui monte sans cesse. La hauteur. Toujours. S'élever. J'arrive face à une porte que je pousse péniblement, à cause de son poids. Et là, l'air frais de loge dans mes poumons. Bouffée réparatrice. Je suis sur le toit, endroit que je ne connais pas vraiment. Je ne sais pas pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt ! D'ici, je peux voir tout ce qui passe à l'horizon. Les photos seront magnifiques, et le lieu doit être relativement dése..

Des pleurs. Je stoppe chacun de mes gestes et mon sang ne fait qu'un tour,  me figeant sur place. J'ai l'impression que la vie se met sur pause et je n'entends plus que ces larmes qui coulent. Que faire ? Je jette un bref coup d’œil dans les alentours, essayant de distinguer d'où provient le son. À ma droite, un peu plus loin, j'aperçois alors une fille de dos, elle semble plus jeune que moi. Je vois son corps se soulever au rythme de ses larmes, ça me fend le cœur. Je n'aime pas voir les gens souffrir pour rien.. Sans plus me poser de question, je romps ce silence assourdissant et m'avance vers elle.

- Excuse-moi, tu ne veux peut-être pas que je te dérange mais.. Tout va bien ? Je peux faire quelque chose pour toi.. ?

Imbécile. Evidemment que non, elle ne va pas bien. Espère juste qu'elle ne te prenne pas pour une idiote, maintenant. Et souris-lui, si tu veux la rassurer..

What do you do ?

Je me tiens derrière cette jeune fille qui pleure. Mes sacs posés par terre, je m'avance légèrement vers elle, avec mon plus beau sourire, pour qu'elle aille mieux. Je ne sens aucune once de malhonnêteté en elle, elle ressemble encore à une enfant fragile.. Il faut que quelqu'un la protège. A voir son regard perdu, elle doit tout juste être arrivée ici. C'est vrai que c'est déconcertant. Quitter ce qu'on connait pour se jeter dans un monde que l'on ne contrôle pas. Affronter la découverte de son pouvoir, devoir le gérer du mieux qu'on peut. Mettre entre parenthèse son ancienne vie, devoir tout reconstruire. C'est éprouvant. On aimerait parfois retourner en arrière, ou se blottir en boule au fond de son lit. Et puis on apprend à s'épanouir, à se faire des amis et des ennemis ; on vit. Et on est même heureux d'être là ! Il y a des gens comme nous, spéciaux à leur manière. On se soutient, on se déchire. On devient meilleur avec notre pouvoir si on se donne les moyens. Et au final, quand on y repense, c'est peut-être ce qui aurait pu nous arriver de mieux.

Peut-être qu'il faudrait que je lui dise tout ça. Qu'elle ne se sente pas désarmée, qu'elle sache qu'on affronte plein de choses pas forcément évidentes mais qu'on finit quand même par s'en sortir. Peut-être que c'est pas le genre de choses qu'elle a envie d'entendre de la bouche d'une inconnue, remarque. Mais après tout, est-ce qu'elle connait quelqu'un ici  ? Il faut que j'arrête de penser. Elle doit attendre que je dise ou que je fasse quelque chose. Et puis après tout..

Qu'est-ce qu'elle fait, elle se.. Serre contre moi ? J'avais pas prévu ça.. Instinctivement, je l'enveloppe de mes bras pour qu'elle trouve un réconfort quelque part, elle a l'air d'en avoir besoin. Elle s'est même excusée, c'est déconcertant. Il faut vraiment que je fasse quelque chose, je peux pas la laisser comme ça.

Alors je me dégage après quelques longues minutes d'étreinte silencieuse, tout doucement, pour ne pas lui faire croire que je la repousse. Je la regarde, toujours sans un mot. Elle est jolie. Ses grands yeux bleus, même embués de larmes, dégagent quelque chose. On ressent l'innocence qui sort de son âme. Elle est là, effondrée face à une inconnue, et elle est gênée. J'imagine qu'à sa place, je serais morte de honte. Et tout ce que je trouve à faire, c'est penser. Penser qu'elle est adorable, et j'ai envie de la garder serrée contre moi. Elle a besoin qu'on la protège..

- Ne t'excuses surtout pas.. Tu as l'air d'être perdue, tu viens d'arriver ici ?  Si tu te sens seule, c'est normal au début. Je suis là si tu veux me raconter quoique ce soit.

C'est bien, il faut que je la mette en confiance. Je penche la tête sur le côté avec un regard compatissant, peut-être qu'elle comprendra que je ne lui veux aucun mal et que je suis là pour elle. Elle a l'air tellement paumée.. Je me demande si je ressemblais à ça, quand je suis arrivée.

Et puis je reste là, à la regarder tendrement. J'attends, sans trop savoir quoi. Peut-être qu'elle se mette à me parler ? Cette petite m'intrigue, je me demande quel est son don. Elle a l'air triste d'être là..