Are you kidding me ? [Ft Jayson Berkelay]

Are you kidding me ?

C'est une matinée que je n'aurais jamais soupçonnée, quand je suis sortie de mon lit. D'abord partie m'oxygéner un peu le cerveau, j'ai percuté ce garçon, Jayson. Gentil, mais un peu gênant. Sa façon de me regarder me mets mal à l'aise.. Nous avons fait connaissance, j'ai appris qu'il avait 17 ans et qu'il était en classe C. Et puis tout s'est enchaîné très vite. Il m'a proposé d'aller faire un tour ailleurs, et j'ai accepté. Était-ce par politesse ou par curiosité ? Je n'en sais rien. Mais je n'ai pas eu le temps de penser davantage qu'il m'a saisie par la main, ce qui me fit rougir assez violemment. Où m'emmène-t-il ? Me voilà rendue à courir avec cet individu que je ne connaissais pas il y a à peine deux heures.

Il pleut. Avec ma main libre, je remets mes cheveux en place. Je fais en sorte qu'ils ne deviennent pas indomptables. Je suis intriguée. Où vais-je atterrir en suivant Jayson ? Des possibilités folles me passent par la tête. Soudain, je crois reconnaître l'endroit vers lequel nous approchons et je cours avec moins d'entrain et d'insouciance. Les bâtiments que nous rejoignons, ce sont.. Les cabanons. Je déglutis, et freine brutalement, haussant un sourcil perplexe. Peu m'importe la pluie. Pourquoi m'emmène-t-il dans sa chambre ?

Alors, il m'explique où nous allons - même si je l'avais compris - et surtout, pourquoi. "Désolé de te faire courir si subitement mais je ne voudrais pas que tu attrapes froid à cause de moi, d'autant plus que je suis ton senpai ! Je t'emmène dans ma chambre, ça ne te gêne pas hein ? Comme ça on sera au sec." Je le regarde, plissant légèrement les yeux. Il doit ressentir ma gêne et ma méfiance. Après tout, pourquoi lui ferais-je confiance ? Le peu que nous avons discuté, il n'a fait que regarder mon corps, avec je suis sûre, des idées salaces en tête. J'essaye de me concentrer pour savoir s'il ment. Aucun picotement, aucun frisson désagréable, mon sixième sens fait résonner un silence radio dans chaque parcelle de ma peau. Il est sincère.

Même si mon pouvoir me dit que tout est OK, je reste sur mes gardes. Cependant, j'avance à nouveau à côté de lui, silencieuse. Lorsque nous sommes presque arrivés devant les cabanons, j'ose enfin parler. Une question. Simple, précise, claire.

"Et pourquoi ta chambre ?"

J'attends maintenant une réponse. Tout aussi simple, précise, claire. Juste ça. Après, quoiqu'il arrive je saurais s'il ment ou non, et ce que je ferais en fonction. Nous marchons encore quelques mètres et arrivons devant la porte du cabanon 17, que je suppose être le sien. Je me plante face à lui, le regardant droit dans les yeux. Il doit comprendre que je ne bougerais pas d'ici tant que je n'aurais pas de réponses. Bras croisés, j'attends.

Timide, peut-être, mais pas cinglée non plus. Je ne foncerai pas droit dans la gueule du loup.

Just breathe.

Faut se détendre ma vieille. J'suis sûre que d'où il est, il m'admire dans toute ma folie.. Faut que je me calme. Ok, il est un peu maladroit. Ok, il est un chouilla pervers depuis tout à l'heure. Ok, il me propose d'aller dans sa chambre. Mais ça veut pas dire que je finirai découpée en morceaux et éparpillée aux quatre coins du pensionnat ! Alors maintenant respire, prends sur toi et essaye de lui faire oublier que tu es un peu une psychopathe quand tu paniques.

Je reste là, debout face à lui, attendant une quelconque réponse. Mes poings sont serrés, mais je tente de me détendre, ne serait-ce qu'un peu. Après tout, quand je lui parlais tout à l'heure il avait l'air d'être un garçon plutôt gentil ! Et puis nous sommes dans les dortoirs. S'il essaye de me toucher, il suffit d'hurler pour que quelqu'un arrive.. Et puis quoi, j'arrête pas de répéter que je veux grandir et me découvrir ! Si je ne fais que me préserver comme une vierge effarouchée, jamais personne ne voudra de moi. Allez souris, force-toi un peu. Regagne sa confiance !

Au moment où je m'apprête à parler pour paraître un peu moins frigide que je dois en avoir l'air, il me devance et prend la parole pour me rassurer. "Tu sais je ne vais pas te forcer à rentrer si tu ne le veux pas, mais sache que.. Je n'ai pas vraiment d'intention derrière la tête, de plus je trouve ça normal de s'inquiéter où tu poses les pieds ; on ne sait jamais ce qui peut arriver.. Surtout avec une personne comme moi." Qu'essaye-t-il de faire.. Me rassurer, me faire fuir ? Et puis, qu'est-ce qu'il entend par "une personne comme moi" ? Je suis un peu perdue.. Il est sincère, je ne ressens aucun mensonge. C'est toujours ça, au moins je sais que je n'ai pas affaire à un tricheur..

- Excuse-moi, je suis un peu perdue là.. Qu'est-ce que tu appelles "une personne comme toi" ?

Je plonge mon regard dans le sien, essayant de capter une étincelle qui me ferait comprendre ce qu'il dit. Malgré ma méfiance, il réussit à éveiller ma curiosité. C'est un garçon mystérieux. Maintenant qu'il m'a dit ça, j'ai envie d'en savoir plus. Était-ce prévu ? Peut-être bien. Toujours est-il qu'il réussit à me faire changer d'avis, et de baisser légèrement ma garde. S'il décidait d'attaquer à ce moment-là, je pense qu'il aurait une chance de remporter la victoire. En haussant un sourcil interrogateur, je fais une moue perplexe ; quelques secondes après, je hoche les épaules et lui sourit timidement.

Jayson est adossé contre le mur, attendant ma réaction. Je me décide donc à faire avancer un peu les chose, faisant un pas vers lui. Il faut savoir prendre des risques dans la vie ! Si je veux changer, il faut aussi que je m'en donne les moyens. Même si c'est dur, que ce n'est pas systématique et qu'il faut lutter un peu, j'ai envie de prendre ce risque-ci. Je veux découvrir qui est ce garçon. A partir de là, une légère étincelle, comme une goutte de pluie au milieu du déluge, brille dans mes yeux : celle du défi. Je souris davantage, laissant entrevoir mes dents blanches. Je suis prête, maintenant. Ce n'est plus le moment de se poser de questions. On respire un bon coup, et c'est parti !

- Bon eh bien.. Tu me fais visiter ?

Lost.

Le monde a cessé d'utiliser toute logique déjà existante, aujourd'hui. Me voilà en compagnie d'un garçon qui se déclare haut et fort pervers, allant en direction de sa chambre. Comment les choses avaient-elles pu finir ainsi ? Un réveil difficile, une promenade dans le parc désert, un froid glacial, un temps de chien, une rencontre inopinée. Et tout c'était emballé. Toujours plus vite, peut-être trop vite. Quoiqu'il en soit, je suis face à Jayson et je m'apprête à rentrer dans son cabanon. Il répond à mon interrogation, "est-ce un crime d'être pervers ?"

Je ne sais pas si c'est un crime. Je suis tentée de dire non, et puis je me ravise. Les pédophiles sont considérés comme des pervers non ? Or, ils commettent un crime en faisant ce qu'ils font. Donc oui, être pervers peut être un crime. Mais je ne me vois pas lui dire ça. Il me prendrait pour un extraterrestre. Moi je veux juste paraître cool. Et puis quand je pense qu'il a deux ans de plus, ça me met la pression. Il doit forcément partir avec un a priori ! "Elle est plus jeune, plus manipulable, moins intéressante..." Toutes les idées m'effleurent l'esprit. Mais je n'ai aucune chance de le savoir si je ne me décide pas à rentrer.

- Je ne sais pas si c'est un crime.. Mais je suppose que je ne le saurais jamais vraiment, n'est-ce pas ?

Evidemment que non. A moins que je ne me bouge et que je rentre dans ce maudis cabanon ! Jayson paraît surpris que je lui demande de me faire visiter. Il devait s'attendre à un refus, peut-être était-ce qu'il espérait ? Je ne pense pas, car il m'ouvre finalement la fameuse porte qui nous retient devant sa chambre. Face à moi, c'est le chaos qui s'ouvre. Au sens littéral du terme. Il existe sûrement pire, certes, mais je pense qu'il y a déjà du niveau ici.

Jayson me fait signe de la main de m'avancer et je m'exécute. Mes yeux furètent automatiquement partout où ils le peuvent. Chaque recoin est analysé. Même si cela peut être gênant, j'aime rentrer ainsi dans l'intimité des gens, sonder chaque objet pour révéler l'identité de son propriétaire. J'en déduis donc que mon hôte est un garçon plutôt désordonné, peut-être sanguin ? Je ne me sens pas très à l'aise et le regarde, cherchant dans ses pupilles la conduite à avoir. Dois-je m'asseoir, et où ? Ou est-ce mieux de rester debout ? Pour détendre un peu l'atmosphère, je lance un sujet de conversation.

- Et euh sinon.. Pourquoi t'es ici ? Enfin je veux dire, qu'est-ce que tu as de spécial ?

Ce sera toujours mieux que rien, mais c'est pas non plus exceptionnel ma p'tite. Si je crois que c'est comme ça que je vais avoir l'air si cool, je me plante le doigt dans l’œil ! Bafouiller, toujours bafouiller. C'est fatigant...

[[ HJ : Désolée, pas trop d'inspiration ce coup-ci !]]

Too hot ?

Il faudrait que j'apprenne à m'exprimer ; Jayson me regarde avec un sourire, amusé. Ce n'est pourtant pas si compliqué, si ? Et puis comme diversion, on a vu mieux ma grande. Avant de répondre, il se dirige vers la fenêtre, regarde dehors. La pluie a cessé. Quel heureux hasard ! Pile quand nous sommes arrivés dans sa chambre... Mais qu'importe. Il se retourne vers moi, avec un air presque attendri, et me dit qu'il a don. Ah bon ? Je n'aurais jamais cru ! Lequel, c'est une autre question.

En même temps, quand j'y pense, je ne sais pas si j'aimerais dévoiler mon don comme ça. Mieux il est caché, mieux c'est. Comme ça, je peux encore me la jouer incognito ! Et puis c'est pour le bien de tous. Quand on sait que l'autre en face de nous peut te sonder et savoir quand tu mens ou non, ça peut être parfois stressant... Les gens deviennent superficiels, de peur de mentir sans s'en rendre forcément compte. Mon but n'est pas de répandre la tension partout où je vais.

Jayson me propose de me montrer son don et j’acquiesce de la tête, souriante. Mais avant que je n'ai le temps de manifester mon enthousiasme, il me propose d'aller me doucher. J'hausse un sourcil, perplexe, et me ravise rapidement. C'est vrai que ces vêtements mouillés qui me collent sur la peau, ce n'est pas très agréable ! Me grattant l'arrière de la tête, gênée, je lui réponds.

- Euh.. Ce n'est pas de refus ! Je dois avouer que je ne suis pas très à l'aise dans mes vêtements.. Tu pourrais peut-être.. M'indiquer où c'est ?

Il doit bien voir que je me tortille, que j'assure pas, là. Bouffées de chaleur. Je tremble presque. Doigts qui se tordent. Rouge aux joues. Regard fuyant. J'aimerais fuir, là tout de suite. Mais ce n'est pas possible. Alors j'enlève mon manteau. Je le pose sur une chaise qui passe par là. Je m'y assois d'ailleurs. J'enlève mes chaussures, et je les place sous le chauffage pour qu'elles sèchent. Je lève des yeux plein de détresse vers Jayson. Et maintenant ? Debout. Le suivre. Souffler. Sourire. Rire peut-être ? Ce n'est pas la première fois que tu te douches chez quelqu'un. Pourquoi je stresse autant ? C'est ridicule. Tout se bouscule dans ma tête et je ne dis plus rien ; court-circuit dans les neurones. J'aperçois la porte de la salle de bain. Après des secondes qui me semblent une éternité, j'avance vers elle et parle enfin.

- Eh bien.. Euhm.. Je vais y aller, d'accord ? Hum. À tout à l'heure..

Baisser la tête. Imbécile. Et je file vers la fameuse porte, c'est presque un soulagement de la fermer derrière moi. Quand c'est fait, toute la pression retombe. Profond soupir. Main qui tape sur mon front. C'est débile ! Allez, cette douche va me faire du bien. Vêtements qui tombent sur le sol, tour à tour. J'essaye de ne pas penser à Jayson qui est de l'autre côté de la cloison. Que doit-il penser de moi ? J'entre dans la douche, pousse le rideau. L'eau à foison. Chaude, douce, agressive, relaxante. Je revis. Faire une pause.

Après m'être savonnée, en empruntant un produit qui traînait par là, je sors de la douche. Et là, horreur. Pas de serviette. Je sens mon cœur qui s'emballe. Mes yeux balayent la pièce, je n'en vois aucune. Mordillement anxieux de lèvres. J'élève alors la voix, afin que Jayson m'entende à travers la porte.

- Jayson..? Il n'y a pas de serviette..

Nude.

En ôtant mon manteau, je vois Jayson se cacher les yeux et ris timidement ; c'est mignon ! Et en même temps un peu naïf de sa part, s'il pensait que j'allais me déshabiller ici.. Ce serait mal me connaître ! Rien que m'imaginer le faire me fait monter le rouge aux joues.

Après la douche, j'appelle mon hôte pour un problème de serviette. Nue dans la salle de bain, je me rends compte que j'ai oublié de fermer à clé à cause de ma panique... Je prie pour qu'il ne rentre pas, cherche furtivement un endroit où me cacher mais rien ne me vient à l'esprit. Heureusement, il reste à la porte pour me parler. Je soupire de soulagement. Quelle boulette je peux faire... Ainsi, il m'apprend qu'il m'a apporté une serviette et des vêtements secs, et me demande si je souhaite qu'il les mettent devant la porte où si je veux les récupérer. Quelle question ! Je ne vais pas sortir nue pour attraper les affaires ; cependant, je ne peux pas lui dire de rentrer non plus. Alors, je cache mon corps derrière la porte et l'entre-ouvre pour glisser uniquement ma main dehors. Je justifie mon acte en bafouillant, mal à l'aise plus que jamais. Plus rien ne nous sépare vraiment..

- Je veux.. J'veux bien que tu me les p-p-passes.. S'il te plaît..

Bon sang que ce calvaire s'achève ! Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter une journée comme celle-ci... Vite, vite, pourvu qu'il se dépêche. Et qu'il ne se pose pas de question. Je veux vraiment en finir avec tout ça.. Je sens déjà un peu de réconfort quand Jayson me passe les affaires. Hâtivement, je ferme la porte pour ne pas qu'il ait le temps de se poser de questions ou d'imaginer des choses. Puis, je m'adosse contre la porte et tente de calmer ma respiration. Il ne faut pas que je recommence à paniquer dès maintenant !

Réconfort lorsque je m'enroule dans la serviette. Je me sèche, et regarde enfin les affaires tendues par le blond. Et là, mes yeux s'écarquillent. Les vêtements secs se sont... Enfin c'est.. Juste une chemise, sans doute à lui. Pas de bas, rien. Je déglutis. C'est une blague ? Cependant, je n'ose pas intervenir et protester pour m'afficher une fois de plus. Je me lève alors, sèche, et enfile mon soutien-gorge, la chemise, et... - Pourquoi ai-je pris ça ce matin ? - mon string. Mon dieu. Un string. Pourquoi ? Je pose mon front contre le mur, avec l'envie pressante de me frapper contre. Je ne vais jamais pouvoir sortir comme ça ! Regard dans le miroir. Regard désespéré. Regard résigné. La chemise me couvre à peine le haut des cuisses.

Que faire d'autre ? Je ne vais pas remettre mon jean, complètement trempé. Je ne veux pas lui redemander quelque chose. J'essayerai d'attraper une couverture en sortant.. Encore faut-il sortir. Rien que cette idée me mets mal à l'aise. Je reste bien encore facilement 10 minutes à me regarder dans le miroir, complètement désemparée. Et puis.. Ce qui devait arriver arriva.

J'ouvre la porte. Yeux baissés, fixant mes pieds. Complètement rouge. Je ne veux même pas voir la réaction de Jayson.. Et pourtant. Avec un sourire terriblement gêné, je relève la tête avec une lenteur folle. Me passant la main dans les cheveux, ne sachant que faire d'autre. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Et devinez  quoi ? J'ai parlé. J'ai dit la chose la plus idiote, je pense.

- C'est plutôt court, non ?

Imbécile, va t'cacher.

Shame.

Honte cuisante. Je voudrais me nicher dans un trou de souris et ne plus jamais en sortir. C'est à la limite du supportable, je ne sais pas comment je fais pour rester "aussi" calme. Est-ce que c'est ça, grandir ? On apprend à ne plus avoir honte ? À vivre des situations comme celle-ci ? Je ne suis pas sûre d'être faite pour ça. À en juger au regard gêné du garçon de 17 ans, ça ne doit pas être tout à fait normal comme genre de situation. Peut-être que j'ai une chance de m'en sortir si...

Oh bon sang non. Non. Je rêve. En plus de me donner seulement une chemise, il m'en donne une défectueuse. C'est une conspiration ! Alors que je sentais les yeux de Jayson profiter de la vue, le bouton qui maintenait ma poitrine cachée a sauté. Littéralement. Pfiou ! Plus rien. Et maintenant je me retrouve presque nue, face à un garçon qui m'est quasi inconnu, et sans tissu pour me cacher. En d'autres termes, j'ai ce qu'on appelle : la poisse. Mes joues deviennent un brasier ardent. On pourrait sûrement cuire un œuf dessus !

"Désolé j'avais que ça pour toi, après le reste est à la machine.. Je suis franchement désolé." Franchement désolé ? Pas autant que moi... Mais bon, il a l'air sincère. Et puis qu'est-ce que je peux lui dire..? Je ne vais pas lui hurler dessus. Je suis une grande fille, j'ai décidé de venir de moi-même. Il ne m'a pas forcé. Et puis il est quand même gentil..

Mais voilà qu'il me complimente et le rouge me monte d'autant plus aux joues. Quand cela s'arrêtera-t-il ? Sauf que cette fois-ci, il n'y a pas que la gêne. Il y a aussi du contentement.  Le fait de se sentir jolie, appréciée, peut-être même désirée ? La dualité de ces deux ressentis provoque quelque chose de bizarre dans le corps. Comme des petits picotements un peu partout. C'est nouveau. C'est étrange. Ça pourrait être plaisant. Il saisit mon menton et plante son regard dans le mien. Son sourire m'apaise un peu, il se veut rassurant.

Je me concentre sur ces pupilles. J'essaye de ne voir qu'elles, de me calmer. Respirer plus lentement. Apaiser les battements de mon cœur. Il doit voir les efforts que je fournis. J'espère qu'il ne me prend pas pour la demeurée de service..

- Désolée.. Tu dois me prendre pour une débile.. J'ai pas l'habitude de tout ça..

[[HJ : Désolée, je me rattrape sur le prochain ! Là j'étais pas très inspirée :/ ]

Why do you...?
Musique

Hésitation. Je vois ce visage si près de moi, et je doute. Ce n'est pas un peu près ? Dualité. Ces yeux m'hypnotisent, mais sa bouche me fait peur. Fuir ou rester là ? Plus près ou plus loin ? Je me perds dans les méandres de ces pupilles, bon sang. C'est bien la première fois que j'admire autant un regard. Miroir de l'âme. Des images s'entremêlent dans le sien, j'y vois de l'honnêteté, de la gentillesse, et du vice. Ce côté sombre à la fois curieux et repoussant.

Et ce fantasme à la con, cette icone du mauvais garçon. Ce n'est pas vraiment son genre, mais il pourrait en avoir l'air. Mon cœur bat plus vite, c'est étrange. Pas comme de la honte, non. Différent. Je n'ai que très rarement ressenti ça. Trop, peut-être. Mon cerveau implose. Trop près, trop loin ? Choisir. Analyser. Décider. C'est difficile. Encore plus lorsqu'on est en petite tenue face à un quasi inconnu. Inconnu. C'est sans doute ça, ce sentiment de complaisance. Plaire à un inconnu. Il peut tout se passer, le meilleur comme le pire. Et tout peut s'oublier, si rapidement. C'est bien connu, l'inconnu attire autant qu'il effraie. Cet inconnu m'effraie. Mais je dois avouer qu'il m'attire, un peu.

Et là tout bascule. Je le vois s'excuser, mais de quoi ? Je ne comprends que trop vite. Ce rapprochement soudain, mais que je pressentais. Cette bouche collée à la mienne. Ces lèvres. À la fois douces et rugueuses. Tendres et brutales. Attirantes et amères. Je ne suis pas sûre de ce que je souhaite. S'abandonner. Voilà ce qu'il faut faire. Et je m'exécute. Je commence à rendre le baiser de Jayson sans réfléchir, parce que c'est animal, comme un instinct de survie qui vous prend aux tripes. Comme si votre vie en dépendait. Timidement d'abord, puis avec un peu plus d'assurance. Un petit peu. Puis davantage. Et encore plus. Jusqu'à ce que je me sentes bien, à jouer avec sa bouche.

Mais ce jeu va trop vite. Voilà qu'un autre contact se crée sur mon corps. D'un genre nouveau. Qui fait ressentir un arc électrique dans toute votre chaire. Sa main  entreprend d'effleurer mes cuisses, de s'y attarder, de les chercher. L'autre est occupée à me presser contre lui, mon buste est collé au sien. Contact des peaux. Ma poitrine vient se loger sur son torse. Ça s'accélère. Mon cœur va s'échapper de moi. C'est étrange, ce nouveau sentiment. Je n'aime pas. Ses mains qui se baladent, je n'en veux plus. Elles ne me respectent pas. Pour qui se prend-t-il ? Il croit que je vais lui appartenir aussi rapidement ? L'instinct a disparu. Plus de bestialité. Plus de tripes. Juste la survie.

Je m'écarte de Jayson brutalement, et le regarde, encore sous le choc de ce qui vient de se passer. Ma bouche entrouverte, je demeure interdite. Mes doigts glissent sur mes lèvres, qui ont encore son goût en elles. Mes cuisses me brûlent.  Je suis un brasier toute entière. Je recule de deux pas, essaye d'attraper mon jean trempé ; il est trop loin. Déception. Frustration. J'en ai eu trop et pas assez. Pas suffisamment de ce qu'il fallait. Toujours ces petits picotement qui se promènent, mais ils s'estompent. C'est l'excitation, je la sens me quitter. Mon corps reste inerte, comme paralysé ; je veux m'échapper mais c'est comme si je ne pouvais pas. Contrecoup de l'émotion, sans doute. Je parviens à articuler quelques mots.

- Mais pourquoi t'as fait ça...?

Je murmure. Je ne sais même pas s'il m'entend. Mais sens à quel point je suis déçue, Jay. Sens à quel point ça déchire autant que ça fait du bien. Fais quelque chose. Mais ne te plantes pas, s'il te plaît.

Disapointed.

Je me tiens là, debout, face à ce garçon. J'attends sa réponse dans une attente qui me semble interminable.. A-t-elle seulement une fin ? Je veux juste comprendre. Saisir pourquoi il ne s'est pas contenté de ce qu'il avait, pourquoi toujours plus ? Les gens ne sont jamais satisfaits de ce qu'ils ont, il faut croire. Il parle enfin, je sens de belles paroles pour m'amadouer. Ce n'est pas qu'il ment, non. C'est juste que ça me semble tellement superficiel. Trop facile, de s'excuser comme ça. Il se pose devant moi, et je suis incapable de bouger. Toujours immobile sur place, je reste sans voix. Je voudrais pouvoir lui dire tout ce qui se bouscule dans ma tête, toutes les pensées qui me viennent à l'esprit. Mais je n'y arrive juste pas.

Et puis il me dit que ce n'est qu'un pervers. Comme si je ne l'avais pas remarqué. Mais je ne comprends pas cette volonté de s'enfoncer comme ça, juste pour s'excuser. A une inconnue. Moi, en l’occurrence. Mais je ne suis pas sûre de vouloir lui pardonner, tout de suite du moins. Il continue de parler, se noie dans un flot de paroles continu. "Franchement, je me demande comment tu fais pour rester auprès de moi. Je n'ai pas respecté ton corps et j'en suis encore une fois sincèrement désolé, acceptes-tu mes excuses Rose ?" Si je ne bouge pas, c'est que je n'en ressens pas la force, que mon jean est trempé, loin, et que je veux fuir sans savoir comment. Tu n'as pas seulement manqué de respect à mon corps mais aussi à moi, mais peut-être que pour toi les deux reviennent au même. Non, je n'accepte pas tes excuses. Et éloigne-toi de moi, au lieu de te rapprocher chaque fois plus. Arrête de fixer mes lèvres comme si elles allaient de nouveau t'appartenir. J'aurais aimé lui dire tout ça. Mais au lieu de ce splendide discours, je n'ai balbutié que quelques mots.

- Je.. Je ferais mieux de partir..

Mon corps retrouve enfin sa capacité à se mouver quand je vois la tête de Jayson s'incliner pour m'embrasser. Alors, je fais volte-face et me dirige précipitamment vers la salle de bain. Porte ouverte, je m'en fiche. J'enfile mon jean, bien qu'encore mouillé, et tourne le dos pour enlever la chemise de mon inconnu et remettre mon pull, humide lui aussi. J'ai froid. Les vêtements, avec le poids de l'eau incrusté en eux, me pèsent. Chaque pas est un supplice. Et pourtant, il faut que je parte : maintenant. Sortant de la salle de bain, je tends sa chemise à Jayson.

- Merci de m'avoir prêté ta chemise mais je vais rentrer, maintenant..

Je m'apprête à partir. J'enfile mes chaussures en m'asseyant sur la chaise, elles ont eu le temps de sécher au moins. Il ne me reste plus que mon manteau à mettre, et je pourrais partir. Enfin. Laisser cette journée derrière moi.. Pourvu qu'il ne me retienne pas.