Il était encore bien tôt et personne ne se promenait encore dans les allées du pensionnat. Sauf quelques élèves accro aux cours. Autant dire que ceux-ci n’étaient pas nombreux. Un. Deux, de ce qu’avait pu constaté Chayton ce matin-là. Il s’était échappé rapidement de l’appartement, sa charmante colocataire ayant décidé de hurler de bon matin que son petit déjeuner n’était pas prêt et pas assez consistant à son goût. Plutôt que d’exploser et remettre la gamine en place comme tout être humain aurait fait, l'amérindien s’était contenté de se masser l’aile du nez et de soupirer fortement, avec de sortir. Comme à son habitude, en fait. Animkii avait juste décidé de briser la routine en se réfugiant sur son épaule et en claquant du bec, mécontent.
Il fallait dire aussi que l’oiseau était loin d’être bête et supportait assez difficilement les caprices de princesse Anabelle. Sur le chemin du pensionnat, Chayton avait acheté le journal du matin, peu intéressant par rapport à ceux qu’on pouvait trouver dans un monde qui ne vivait pas en autarcie. Autant dire, tout canard que l’on achetait hors du Refuge aux sorcières.
Outre les deux seuls élèves déjà présents dans l’enceinte de l’école, Chay croisa seulement le directeur - cet imbécile heureux - qui faisait des étirements en justaucorps bleu lagon bien pétant. Il passa à côté du grand blond sans même un sourire, peu lui importait son rang, son titre ou quelque chose du genre. Non, ce que l’homme à la peau caramel cherchait, c’était un banc pour s’y installer et lire paisiblement son journal.
Il en trouva un dans le parc, près d’un gros chêne. Heureusement, on était loin de l’automne donc malgré la petite brise qui soufflait, Chayton ne se prendrait pas de feuilles, de branches ou autres éléments pouvant dégringoler des arbres (comme un écureuil, par exemple.) Il tenta bien de lire mais son gentil perroquet en décida autrement, faisant claquer bruyamment son bec près de l’oreille de l’homme.
▬ Je m’ennuie ici. À quoi ça te sert de savoir lire ? Je vis parfaitement bien sans savoir ça ! Vous êtes étranges, vous les humains à vouloir tout dominer, tout comprendre et tout limiter.
L’homme soupira fortement. Après la princesse capricieuse, il se retrouvait avec le volatile curieux. Il vérifia rapidement que personne ne venait et répondit à Animkii.
▬ Ecoute mon vieux, ça fait presque vingt ans que tu me répètes ça et je te réponds à chaque fois la même chose : les gens pensent que vous n’avez pas de conscience parce que vous ne parlez pas, alors chut, j’aimerais lire en paix. N’aies pas de conscience. ▬ C’est bête ce que tu dis, et méchant aussi. Tu n’aurais jamais du m’apprendre à penser et parler aussi bien. Ca représente quelque chose, “vingt ans” ?
Chayton grogna en refermant son journal et frappa légèrement le haut de la tête du perroquet. Après tout, on ne pouvait lui en vouloir d’être ainsi, c’était un animal et il ne sortirait jamais de cette condition malgré toute la bonne volonté qu’avait mis l’Indien dans son éducation. Jamais il n’aurait le dernier mot avec l’oiseau, il se résigna donc à sortir sa pipe et sa poche à tabac de l’intérieur de sa veste et prépara rapidement le tout, avant d’en prendre une bouffée bienfaitrice. Chay n’en était pas indépendant mais il appréciait tout de même ce petit plaisir raffiné de temps en temps, surtout après avoir affronté une gosse dans sa période et un perroquet rose. Il étendit ses grandes pattes devant lui, assis nonchalamment sur le banc et regarda le ciel. Même s’il était un petit peu sceptique par rapport à cette croyance, son peuple avait appris à lire les signes dans les nuages. Pour sa part, cette vision immense avait tendance à le calmer et le faire réfléchir. Il plongea profondément dans ses pensées et se coupa de l’extérieur, ne prenant pas garde aux protestations et éclats de “voix” de son perroquet.
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Sujet: Re: Impression. Sam 12 Juil 2014 - 23:51
Entrainement et volatile
"Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n'amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ?" [Matthieu 6-26]
Comme chaque matin, après la prière, Ekaterina partait s'échauffer par un petit (pour elle, vous pouvez remplacer par long comme une éternité en enfer pour beaucoup) footing, pour une fois sans Guenièvre qui était occupée ailleurs.
Il faisait pour une fois un temps agréable et la Soeur avait décidé de remercier Dieu de cette aubaine (il faut avouer que Prismver n'est pas l'Italie, niveau climat) en courant dans le parc plutôt qu'autour du complexe sportif. Bien évidemment, pour ces séances sportives, elle ne portait pas l'habit, mais un treillis militaire et un t-shirt noir sur lequel dansait en rythme son crucifix orthodoxe entre ses seins. Otez-vous tout de suite la moindre pensée perverse, si les rares personnes présentes à cette heure là se retournaient sur elle, c'est parce qu'elle était encore plus intimidante qu'en robe de nonne. Et parce qu'il leur fallait vérifier que le colosse transpirant qu'il venait de croiser était bien une femme. Histoire d'ajouter à se portrait si sexy, la professeur de biologie balançait de temps en temps dans le vide deux-trois jab et uppercuts, préparant la traditionnelle séance de boxe qui allait s'en suivre.
Alors qu'elle faisait une petite pause pour faire quelques étirements, Ekaterina entendit une voix vaguement grincheuse non-loin. Quelque-chose à propos de la conscience, ou de l'absence de celle-ci. Ekaterina n'avait pas pour habitude d'espionner son prochain, mais en bonne fille issus du séminaire, certain mots avait don de la faire réagir. C'est donc sourire aux lèvres et en petite foulée qu'elle s'avança, contournant un bosquet, histoire de voir qui était à l'origine de cet éclat.
Elle découvrit non loin le professeur Rivers, alanguit sur un banc non-lin d'un chêne majestueux, le regard perdu dans la contemplation du ciel. Ceci lui amena un sourire mi-figue mi raisin aux lèvres : elle apprécier l'enseignant, mais elle regrettait parfois son coté un peu... comment dire... mou et rêveur. Si c'était pour se vautrer ainsi, les pieds empiétement sur le chemin, la tête perdue dans les nuages, autant rester coucher ! Il devrait plutôt faire de l'exercice et se maintenir en forme : à son âge, les hommes commence à s'empâter s'il ne font rien... En plus, il fumait la pipe et l'odeur de tabac lui agressa les poumons, vu qu'elle était tout de même un peu essoufflée, tout en faisant monter en elle une envie coupable (il faudrait qu'elle demande pardon au Seigneur pour ça). Le professeur de littérature ne l'avait pas remarqué immédiatement, son approche étant couverte par les pépiement de son oiseau rose et parce qu'il semblait perdu dans ses pensées. En silence, ne voulant de déranger, Ekaterina s'arrêta tout de même non-loin, en profitant pour faire quelques étirement. Et ça n'avait rien à voir avec le fait de pouvoir humer la délicieuse maudite odeur du tabac...
Mais le perroquet n'arrêta pas de piailler, aussi la nonne en treillis s'avança pour voir s'il y avait un problème, projetant une ombre inquiétante sur le paisible Chayton.
"Excusez-moi, professeur Rivers." s'annonça Ekaterina, d'un ton amical, mais un peu haché dû à son essoufflement. "Mais il semblerait que votre oiseau veuillent vous faire prendre conscience de sa présence. J'espère qu'il n'y a pas de soucis..." Zut, elle l'avait dit. Il allait peut être croire qu'elle avait entendu son éclat précédent. Et quelle idée de toujours se faire accompagner de son perroquet ? Il faudrait qu'elle lui en demande la raison... En tout cas, soit l'oiseau était extrêmement bien dressé, soit il s'était attaché à l'amérindien : même s'il avait l'air furieux, il ne s'était pas enfuit à tire-d'aile.
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Sujet: Re: Impression. Sam 26 Juil 2014 - 23:33
Volatile malpoli et nonne soldat.
Animkii parlait encore et encore. Un individu lambda qui serait passé par là aurait simplement entendu un perroquet qui piaillait sans cesse mais Chayton entendait chacune de ses paroles aussi distinctement que celle d’un humain. Il les entendait seulement, il ne les écoutait pas et même si la différence était infime, l’homme la faisait bel et bien. Tout était dans l’attention. Le perroquet débitait des imbécillités sur son âme et son besoin de liberté, toutes ces notions qui normalement seraient totalement inconnues à un animal. À peine réveillé et l’Amérindien était déjà saoulé des paroles d’Animkii. Il soupira en regardant le ciel et tira à nouveau quelques bouffées de sa pipe, savourant la sensation du tabac et autres herbes lui envahissant la gorge et les poumons.
Les volutes qui s’élevaient dans l’air l’hypnotisaient et il n’entendait plus rien de ce qui l’entourait, ce fut donc avec grand peine que l’homme se retint de sursauter quand quelqu’un s’approcha de lui en élevant la voix.
▬ Excusez-moi, professeur Rivers.
Une voix féminine, essoufflée. En ouvrant les yeux, Chayton manqua de s’étouffer avec une bouffée de fumée. Soeur Ekaterina, la professeur de biologie, se tenait droite comme un piquet à côté du banc, vêtue d’un treillis militaire. Il se massa les ailes du nez pour tenter de masquer sa surprise et pour lui laisser le temps de reprendre son souffle aussi. Cette femme l’étonnerait toujours par son caractère et son apparence. Lui qui n’était pas de confession chrétienne, il s’était toujours imaginer des bonnes soeurs douces, aimantes et presque “mamies gâteaux” et là… La professeure de biologie était presque tout l’inverse, bien qu’elle ne fût pas méchante. Pas avec lui, en tout cas.
▬ Mais il semblerait que votre oiseau veuillent vous faire prendre conscience de sa présence. J'espère qu'il n'y a pas de soucis…
En effet, Animkii ne s’arrêtait toujours pas de babiller comme un bébé qui s’extasie sur tout. De son index et son pouce, Chayton scella le bec de l’oiseau et savoura un instant le silence pour saluer enfin la nouvelle venue.
▬ Bonjour Ekaterina. Vous n’avez pas à vous excuser, n’ayez crainte. Il n’y a aucun soucis avec Animkii, il a juste décidé de philosopher de bon matin. Alors que je lisais mon journal tranquillement…
L’homme fit une légère pause et haussa un sourcil, réfléchissant à ce qu’il venait de dire. Ce n’était pas évident pour tout le monde qu’il pouvait parler aux animaux et annoncé comme ça, la religieuse allait certainement le regarder étrangement. Il s’accorda donc un surplus de paroles pour ajouter quelques détails.
▬ Je comprends le langage animal et parle avec eux comme je vous parle.
Chayton se leva de son banc par politesse, non sans avoir résisté à l’envie de détailler une fois de plus la femme des pieds à la tête. Cela pourrait paraître indécent aux yeux d’une religieuse et puis on pourrait mal l’interpréter. Il y avait des fouineuses au pensionnat qui tueraient pour savoir cela. Ekaterina, bien qu’elle fut une femme et lui un homme de forte carrure, l’impressionnerait toujours. Elle dégageait une aura d’assurance certaine et avait la force morale d’une centaine d’hommes de vertu. Même si, selon l’odeur qui se dégageait parfois d’elle, elle fumait… Point sur lequel Chayton ne s’exprimerait pas.
Dans un même temps, il avait libéré le bec d’Animkii qui s’était remis à l’inonder de noms d’oiseaux tous plus fleuris les uns que les autres. Cet animal était non seulement intelligent mais il avait une excellente mémoire. L’amérindien grogna un instant et jeta un regard mauvais à l’oiseau.
▬ Je t’ai appris les bonnes manières, comporte-toi mieux, cervelle de moineau. Excusez-le, ce perroquet est intelligent mais parfois mal élevé. Même après dix-huit longues années d’éducation.
À ces mots, Chayton se prit un léger coup de bec sur le crâne et serra les dents pour paraître calme. Il l’était toujours, sauf quand son volatile s’amusait à jouer les dominants devant les gens. Il se contenta simplement de sourire à la bonne soeur en donnant à l’oiseau une pichenette sous le bec.
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Sujet: Re: Impression. Dim 27 Juil 2014 - 23:43
Problème de conscience
"Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre." [Génèse 1-26]
D'un geste précis et ferme, le professeur Rivers scella le bec de son étrange volatile rosâtre, coupant court aux piaillements de la bête. "Bonjour Ekaterina. Vous n'avez pas à vous excuser, n'ayez crainte. Il n'y a aucun soucis avec Animkii, il a juste décidé de philosopher de bon matin. Alors que je lisais mon journal tranquillement…" déclara-t-il alors de manière assez énigmatique.
Ces propos firent hausser un sourcil à la religieuse : en temps que professeur de biologie, elle était plutôt bien placé pour savoir que les perroquets n'étaient pas connue comme étant de grands penseurs ou d'érudits philosophes. Au moins, il pouvait singer le langage humain et comprendre quelques ordres ou phrases simples...
Mais Chayton apporta de lui même un éclaircissement à ses propos sibyllins, devançant la question de la nonne.
"Je comprends le langage animal et parle avec eux comme je vous parle."
Ce devait être son don. C'est vrai qu'elle ne le lui avait jamais demandé. Ekaterina respectait la vie privée des gens et n'essayait jamais de percer leurs secrets. En tout cas, cela expliquait des choses... En partie. Et soulever de fait bien des questions.
Pendant qu'elle réfléchissait, Chayton s'était levé de son banc (ah, enfin un peu de bonnes manières ! S'il s'était s'agit d'un élève, elle l'aurait sermonné pour sa posture négligée et pour son temps de réaction à se lever en présence d'une dame... Mais néanmoins, il s'agit d'un collègue et c'est elle qui l'avait dérangé, après tout. Au passage, elle remarqua que le professeur de littérature lui lança une longue œillade, comme s'il la déshabillait de la tête aux pieds. Ridicule, bien sûr. Il devait juste avoir noter sa tenue trempée de sueur ou bien... était-ce la cicatrice qui le mettait mal à l'aise ? Elle ne le pensait pas : son regard l'avait englobée et ne s'était pas spécifiquement attardé dessus. Elle ne pensait pas que le professeur Chayton soit du genre à s'effrayer ou à être dégoutter par la balafre. Il devait juste être surpris de la voir sans sa tenue de religieuse.
Présentement, il était occupé à... s'engueuler avec son volatile. "Je t'ai appris les bonnes manières, comporte-toi mieux, cervelle de moineau. Excusez-le, ce perroquet est intelligent mais parfois mal élevé. Même après dix-huit longues années d'éducation."
Ekaterina lui dédia un sourire. "Et nos chers élèves sont hélas là pour nous le prouver chaque jour. L'éducation est un sacerdoce parfois ingrat, fusse celle d'un volatile."
S'approchant de l'oiseau, elle le détailla scrupuleusement. "Cela semble être un perroquet normal... Pourtant vous dîtes que vous le comprenez, grâce à votre don j'imagine, et qu'il a assez d'intelligence pour jurer ou philosopher... Étonnant. Est-ce bien vrai ? Ou bien est-ce une anthropomorphisation, une traduction approximative des ses émotions ?"
La religieuse eut un petit sourire amusée. "Et dans ce cas là, c'est peut être votre conscience que vous projetez sur les propos de cet animal... Et même si la curiosité est un péché, je serais curieuse de savoir ce que dit cet oiseau."
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Sujet: Re: Impression. Jeu 31 Juil 2014 - 22:33
Prismver : le choc des philosophes.
Chayton se sentit légèrement bête quand il s’excusa des manières de son perroquet car, jusqu’à preuve du contraire, Ekaterina ne comprenait pas le langage animal. Du moins la soeur ne semblait pas s’offusquer des injures que sortait Animkii, apprises pendant les dix-huit années au côté du professeur. Et le fait qu’un animal parle posait bien souvent problème au commun des mortels. Un problème tout philosophique, puisque selon de vieux sac d’os comme Descartes ou même Aristote, les animaux, puisqu’ils ne parlaient pas, n’avaient aucune conscience. Ceux-là n’avaient pas côtoyé les Amérindiens, c’était un fait. Mais la femme sembla prendre cette prise de bec - sans mauvais jeu de mots - avec humour.
▬ Et nos chers élèves sont hélas là pour nous le prouver chaque jour. L'éducation est un sacerdoce parfois ingrat, fusse celle d'un volatile. ▬ Je ne vous le fait pas dire. Et encore, je m’en sors bien avec une matière en option, ajouta-t-il avec un petit sourire. Mais je préfère de loin les élèves à cette tête de piaf.
Ekaterina n’était pas montée sur les grands cheveux de la philosophie et de la Bible, Chayton s’était donc permis de faire un peu d’humour sur l’oiseau - qui continuait de piailler sur son épaule - sans avoir à souffrir du discours habituel. Mais il se doutait qu’en tant que professeur de biologie, qui se laissait parfois aller à quelques péchés de fumée et d’enivrement, elle devait être plutôt ouverte par rapport à cela.
▬ Cela semble être un perroquet normal... Pourtant vous dîtes que vous le comprenez, grâce à votre don j'imagine, et qu'il a assez d'intelligence pour jurer ou philosopher... Étonnant. Est-ce bien vrai ? Ou bien est-ce une anthropomorphisation, une traduction approximative des ses émotions ?
L’Amérindien laissa s’échapper un soufflet d’amusement par les narines. Il avait donc vu juste. Il concevait qu’un oiseau qui “parle” de manière si savante pouvait laisser perplexe n’importe qui. Chayton apporta donc rapidement une explication à la professeure.
▬ Pour Animkii, il parle ce qu’on appelle le “petit nègre”, sujet verbe à l’infinitif complément, parce que je l’élève depuis sa naissance. Les perroquets sont vraiment brillants et ont une mémoire incroyable. Mais certains animaux n’ont pas une conversation très intéressante. Prenez une mouche ou même un animal non domestiqué, ils n’expriment que des besoins primaires et innés à leur espèce. ▬ Et dans ce cas là, c'est peut être votre conscience que vous projetez sur les propos de cet animal... Et même si la curiosité est un péché, je serais curieuse de savoir ce que dit cet oiseau, continua-t-elle avec un sourire.
Chayton lui désigna le banc pour l’inviter à s’asseoir, lui qui aimait parler aux gens sur “un pied d’égalité” (difficilement atteignable vu sa taille) et avec un sourire tout aussi amusé, y prit place également en tirant quelques bouffées de sa pipe. Parler avec Ekaterina, malgré leurs croyances différentes, était rafraîchissant.
▬ Si vous tenez tant que ça à le savoir, il vient de me dire quelque chose du genre “ne dis rien ou je te…” Aïe ! s’interrompit Chayton alors que l’oiseau lui donnait un coup de bec. “je te donne un coup de bec.” Cet imbécile me fera passer pour un gamin soumis à chaque fois que je le sors.
L’amérindien posa le poids de son corps sur ses coudes, appuyés sur ses genoux et fixa un point imaginaire dans un buisson, réfléchissant à ce que la nonne-soldat venait de dire. Elle n’avait peut-être pas tort mais…
▬ Parfois, les animaux me disent des choses auxquelles je ne me serais pas attendu et dans certains cas… Regard appuyé vers la bestiole rosâtre sur son épaule. Que je préférerais ne pas avoir entendu. Donc si j’ai compris le sens de votre question, je ne pense pas imaginer ce que j’entends. Et si je n’ai pas bien compris, veuillez m’excuser.
Une pensée, déjà arrivée plus tôt, lui retraversa l’esprit et il en fit part à Ekaterina, le regard toujours perdu dans le vide.
▬ C’est plutôt étonnant que vous ne me fassiez pas de grand discours là-dessus, vous qui prêchez la parole de votre Dieu. Si je crois me souvenir, votre Eglise n’accepte que la conscience humaine, non ? Quant à votre curiosité, n’ayez crainte. Sans la curiosité des hommes, comment en serions-nous arrivé à cette technologie, ces réflexions ?
Chayton n’était pas vraiment sûr de ce qu’il avançait et peut-être n’était-ce que les philosophes des siècles passés qui avaient asséné cela et non l’Eglise chrétiente. Après tout, la jeune femme avait elle-même dit que la curiosité était un péché alors que pour lui, c’était tout le contraire. Une merveille, presque.
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Sujet: Re: Impression. Dim 10 Aoû 2014 - 23:10
Philosophie et croyances
"C'est moi qui ai fait la terre, les hommes et les animaux qui sont sur la terre, par ma grande puissance et par mon bras étendu, et je donne la terre à qui cela me plaît." [Jérémie 27-5]
Après avoir répondu à son trait d'humour sur la cervelle d'oiseau de certains de leurs élèves, Chayton répondit à une de ses question sur l'intellect et le langage (supposé) de son volatile.
"Pour Animkii, il parle ce qu'on appelle le “petit nègre”, sujet verbe à l'infinitif complément, parce que je l'élève depuis sa naissance. Les perroquets sont vraiment brillants et ont une mémoire incroyable. Mais certains animaux n'ont pas une conversation très intéressante. Prenez une mouche ou même un animal non domestiqué, ils n'expriment que des besoins primaires et innés à leur espèce."
La professeur de biologie acquiesça silencieusement, pensive. Donc la capacité cérébrale des animaux devait jouer. La plupart d'entre eux ne devait pas pouvoir comprendre ou expliciter des concepts très élaborés, mais Chayton "comprenait" ou "traduisait" leurs besoins et instincts primaires. Le professeur de littérature explicita plus avant le cas particulier de son perroquet, qui en profita pour illustrer à sa façon la démonstration en lui picorant le doigts au milieux de l'explication.
"Si vous tenez tant que ça à le savoir, il vient de me dire quelque chose du genre “ne dis rien ou je te…” Aïe ! “je te donne un coup de bec.” Cet imbécile me fera passer pour un gamin soumis à chaque fois que je le sors."
L'amérindien l'invita ensuite à s'asseoir du regard, pour poursuivre la discussion de manière plus confortable. Il était temps : décidément la galanterie se perdait... Mais au moins, Chayton avait fait l'effort, ce qui n'était pas des plus évident, vu sa féminité...peu affichée. Ekaterina hésita un instant, se demandant si c'était bien séant de s'asseoir sur un banc dans un parc à coté d'un homme célibataire de son âge. Elle haussa les épaules puis s'assit après un signe de tête de remerciement poli. Le professeur Rivers n'avait surement même pas songer à ce genre de détail...
Ce dernier répondit alors à son autre interrogation. "Parfois, les animaux me disent des choses auxquelles je ne me serais pas attendu et dans certains cas… Que je préférerais ne pas avoir entendu. Donc si j'ai compris le sens de votre question, je ne pense pas imaginer ce que j'entends. Et si je n'ai pas bien compris, veuillez m'excuser."
Ekaterina lui sourit en réponse. "Oh, je ne pensais pas que vous affabuliez ou que vous rêviez. Je me demandais juste si vous ne complexifiez pas involontairement ce que vous entendiez, le rapprochant de nos standards humain. Par exemple, si vous oiseau avait faim et vous le faisiez savoir, vous passeriez de “moi faim” à “j'aimerais bien avoir des graines, s'il vous plait”. Quoique qu'apparemment, si je comprends bien la politesse n'ai pas sa qualité première..."
Le professeur de littérature s'étonna à son tour de l'intérêt d'Ekaterina et l'interrogea sur sa Foi et le problème de la conscience animale. "C'est plutôt étonnant que vous ne me fassiez pas de grand discours là-dessus, vous qui prêchez la parole de votre Dieu. Si je crois me souvenir, votre Eglise n'accepte que la conscience humaine, non ? Quant à votre curiosité, n'ayez crainte. Sans la curiosité des hommes, comment en serions-nous arrivé à cette technologie, ces réflexions ?"
Un sourire bref traversa le visage de la nonne. La question revenait assez souvent en cours de biologie, de la part d'élève, curieusement surtout de ceux qui se déclarait croyant (pratiquant ou non). "Et bien, n'allait pas croire que tout les catholiques sont des intégristes butés qui ne jurent que par la lecture textuelle stricte du Livre... Je fais partie d'une catégorie plutôt moderniste, qui pense que la Bible est un guide qui était adapté à une époque donnée. Elle contient bien la parole divine, mais transcrite pour une époque, une culture, et donc forcément un peu biaisée. C'est à nous, dans la quête de Dieu et de la compréhension de l'Univers (qui sont pour moi une partie de la même chose) de la réinterpréter et d'y chercher Ses désirs."
Elle réfléchit un instant plus particulièrement au problème de la conscience et de l'âme supposée des animaux. Tout en profitant pour humer discrètement le délicieux fumet qui s'échapper de la pipe de l'amérindien. Diantre, quelle tentation d'en demander une bouffée ! Mais heureusement, elle était forte et ne céderait pas au péché. Elle s'éclaircit la gorge et chassa le désir de cigarette de ses pensées, revenant à la conversation.
"Il est vrai que la Bible n'est pas très claire concernant la conscience ou l'existence de l'âme chez les animaux. L'Homme y est clairement définit comme à part, étape ultime de la Génère du créateur, et conçut à son image... De plus il est indiqué que tous les animaux et toutes les plantes étaient là pour le servir. Et de fait, la biologie peut aisément démontré les différences de capacité cérébrale et de comportement complexe entre l'animal et l'Homme, avec quelques amusantes exception. Nous occupons le sommet de la chaîne alimentaire : ce n'est pas pour rien..."
La nonne fit une pause, sortant une petite bouteille d'eau pour s'abreuver après le sport, prenant alors conscience que le professeur de littérature avait malencontreusement offert de partager son banc avec une femme suante et transpirante... Peut être pas la compagnie la plus agréable... Mais en tout cas, il ne l'avait pas encore fait remarquer. Elle lui proposa amicalement de partager son eau, pendant qu'elle poursuivait son explication.
"L'évolution est un fait. Je sais que beaucoup de mes condisciples ne sont pas tout à fait d'accord là dessus, mais j'appartiens à une branche de l’Église plutôt ouverte sur le sujet. Et on constate que comme dans la Bible, l'Homme est "au-dessus" du règne animal. Non seulement il en est l'aboutissement, mais en plus il s'en ai quasiment affranchit en maitrisant son environnement. Il y a donc quelque-chose de spécial chez nous, qui justifie le fait que nous soyons les fils et les filles de Dieu..."
Elle dédia tout de même un sourire taquin à l'oiseau de l'amérindien. "Pourtant, je ne nie pas que les animaux puisse avoir une vague conscience, voire une “proto-âme”. La complicité qu'il peut y avoir entre l'Homme et un animal domestique en ai la preuve, tout comme certain comportement sociaux ou de groupe de certains. Je pense que comme il existe une évolution biologique, il existe une évolution spirituelle. Et le stade ultime de cette dernière serait Dieu. Je vous conseille de lire Teilhard de Chardin, qui est celui qui a en premier théorisé la chose chez nous..."
Et s'il y avait bien un péché dans lequel Ekaterina aimait se vautrer, c'était bien celui de Curiosité. Bien évidemment, en bonne moderniste, elle n'y voyait même pas un pécher. Il fallait faire la différence entre la saine curiosité envers l'Œuvre du Créateur et la recherche malsaine de ragots, le viol de la vie privée d'autrui ou la recherche de manière de dénaturé son Œuvre. c'était juste un problème sémantique : il n'y avait pas de terme exact pour définir l'ensemble de ses transgression, aussi les anciens(Humains, donc faillibles et ayant probablement cédés au Péché d'Orgueil, fiers de leurs connaissances religieuses) avaient-ils regroupés tout ça sous le Péché de Curiosité...
"Et j'ajouterais que je crois que même la religion et ce qu'attends Dieu de nous évolue. Notre monde et notre façon de penser se complexifie. Ses Attentes doivent devenir de plus en plus grandes..." conclut-elle, avant d'enchainer avec un petit sourire. "Songez qu'il y a à peine quelques siècles, on aurait mis en doute le fait que vous et moi ayez une conscience indépendante et une âme..." C'était maintenant à son tour de se penser sur ce en quoi croyez Chayton. On savait en salle des profs qu'ils respectait profondément ses racines et sa culture, mais à quoi croyait-il exactement ? "Et quelle est votre opinions et vos croyances sur le sujet ?" demanda-t-elle, avide de connaissance. "Si je me rappelle bien, pas mal de légendes indiennes font états d'animaux parlant ou conseiller spirituel... Avec une base culturelle pareille, il doit vous être plus facile d'accepter le fait que les animaux puisse s'exprimer en langage compréhensible..."
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Sujet: Re: Impression. Jeu 21 Aoû 2014 - 18:54
Le choc des Croyants
R
éellement intrigué par les croyances de la nonne, Chayton s’était permis de l’interroger et s’il ne s’était pas agi d’elle, il se serait sûrement fait envoyé paître dans les Jardins du créateur ou quelque chose du genre… Mais étrangement, Ekaterina réagit plutôt bien, en souriant même.
▬ Et bien, n'allait pas croire que tout les catholiques sont des intégristes butés qui ne jurent que par la lecture textuelle stricte du Livre... Je fais partie d'une catégorie plutôt moderniste, qui pense que la Bible est un guide qui était adapté à une époque donnée. Elle contient bien la parole divine, mais transcrite pour une époque, une culture, et donc forcément un peu biaisée. C'est à nous, dans la quête de Dieu et de la compréhension de l'Univers (qui sont pour moi une partie de la même chose) de la réinterpréter et d'y chercher Ses désirs.
La nonne était une fervente défenseuse des textes sacrés chrétiens, c’était un fait, mais l’amérindien respectait cela, lui qui jurait beaucoup par les esprits et le chamanisme. À son avis et de ce qu’il entendait parfois sur la chrétienté, certains devraient prendre l’exemple de la jeune femme pour modifier leur mode de pensée. Certains auraient du le faire plus tôt dans l’Histoire du monde, cela aurait évité bien des guerres et des maux au monde… Plutôt que répondre, Chayton économisa sa salive qui se serait perdue inutilement, puisqu’il ne connaissait pas grand chose à cela, et acquiesça d’un petit “hmhm”.
▬ Il est vrai que la Bible n'est pas très claire concernant la conscience ou l'existence de l'âme chez les animaux. L'Homme y est clairement définit comme à part, étape ultime de la Génère du créateur, et conçut à son image... De plus il est indiqué que tous les animaux et toutes les plantes étaient là pour le servir. Et de fait, la biologie peut aisément démontré les différences de capacité cérébrale et de comportement complexe entre l'animal et l'Homme, avec quelques amusantes exception. Nous occupons le sommet de la chaîne alimentaire : ce n'est pas pour rien… ▬ C’est loin d’être ainsi chez nous, ma foi. Quoique pour la chaîne alimentaire, aucun doute que nous sommes pareils, c’est un fait. Hmm non merci, ajouta Chayton en déclinant la bouteille que lui tendait la nonne.
Il n’avait pas spécialement soif et ses lèvres étaient enduites des résidus de tabac, l’homme ne voulait pas importuner Ekaterina avec ce goût si vif. Et puis, au fond de lui-même, il se disait avec amusement qu’il empêchait la dame de commettre un péché envers son Dieu… Ou peut-être pas.
▬ L'évolution est un fait. Je sais que beaucoup de mes condisciples ne sont pas tout à fait d'accord là dessus, mais j'appartiens à une branche de l’Église plutôt ouverte sur le sujet. Et on constate que comme dans la Bible, l'Homme est "au-dessus" du règne animal. Non seulement il en est l'aboutissement, mais en plus il s'en ai quasiment affranchit en maitrisant son environnement. Il y a donc quelque-chose de spécial chez nous, qui justifie le fait que nous soyons les fils et les filles de Dieu…
Chayton félicitait le Sort d’avoir amené une soeur aussi ouverte d’esprit au pensionnat. S’il appréciait parler de ses croyances et qu’on l’écoute, il savait s’arrêter et progresser dans sa vision. Or, ce n’était pas le cas de fervents chrétiens qu’il avait pu rencontrer sur le campus, qui lui soutenaient qu’il était aussi fils de Dieu, qu’il devrait croire en lui et blablabla. S’il y avait quelque chose qui l’insupportait, c’était qu’on lui impose un point de vue soi-disant indiscutable. Il acquiesça simplement, invitant la femme à continuer sur sa lancée, réellement intéressé par ce qu’elle disait.
▬ Pourtant, je ne nie pas que les animaux puisse avoir une vague conscience, voire une“proto-âme”. La complicité qu'il peut y avoir entre l'Homme et un animal domestique en ai la preuve, tout comme certain comportement sociaux ou de groupe de certains. Je pense que comme il existe une évolution biologique, il existe une évolution spirituelle. Et le stade ultime de cette dernière serait Dieu. Je vous conseille de lire Teilhard de Chardin, qui est celui qui a en premier théorisé la chose chez nous… ▬ Quand on voit que les dauphins seraient probablement plus intelligents que les humains, la parole en moins, je penserai qu’en effet, les animaux ont une âme. Si je n’avais pas mon don, évidemment. Mais comme je vous disais, tout dépend l’espèce dont il s’agit. Je préfère communiquer avec Animkii ou un chien qu’un moineau ou une coccinelle.
Le léger sourire de Chayton s’effaça quand il se rendit compte qu’il n’avait plus assez de tabac à brûler dans le réservoir de sa pipe. Tant pis, il se détendrait de cette manière un autre moment. Il ne voulait pas passer pour un pompier en enchaînant fumette sur fumette. Il ne réagit pas à l’assertion d’Ekaterina sur la volonté d’évolution de son dieu, peu sûr de ce qu’il devait répondre, aussi se contenta-t-il de hocher la tête en ajoutant :
▬ Mon peuple a longtemps été victime de persécutions parce que les colons nous considéraient comme des êtres sans âmes, juste parce que nous ne parlions pas leur langues et que nous vivions différemment, je ne peux qu’être d’accord avec vos dernières paroles.
Les paroles de l’amérindien étaient teintées d’une rancoeur et d’une amertume bien prononcées malgré que l’Histoire ait évolué depuis quelques années déjà mais les traditions orales n’étaient pas que transmissions de la culture, c’était aussi la transmission des sentiments des anciens, malheureusement.
▬ Et quelle est votre opinions et vos croyances sur le sujet ? Si je me rappelle bien, pas mal de légendes indiennes font états d'animaux parlant ou conseiller spirituel... Avec une base culturelle pareille, il doit vous être plus facile d'accepter le fait que les animaux puisse s'exprimer en langage compréhensible…
Chayton ne fut qu’à moitié surpris qu’Ekaterina l’interrogeât en retour sur ses croyances. Après tout, elle était professeur de biologie, la curiosité la poussait à poser des questions sur un peu tous les sujets. Et l’actuel sujet concernait les croyances… Il haussa les épaules en nettoyant sa pipe, afin de la ranger, tout en montrant son perroquet du menton.
▬ À vrai dire, mes parents ont été fiers de moi, plus qu’effrayés. En effet, les animaux et leurs esprits guident nos vies et notre mode de pensée. Vous êtes bénis par votre Dieu et son fils, je suis béni par l’esprit de l’aigle par exemple. Quand je mourrai, mon esprit se réincarnera dans un aigle.
L’homme imposant s’adossa au banc en croisant les bras, non pour impressionner mais parce qu’il aimait réfléchir de cette manière. Il parait aussi que c’était un tic des gens peu enclins aux contacts humains… Il ignorait comment expliquer à Ekaterina les croyances de son peuple car il y avait presque autant de rites et autres traditions religieuses que de tribus.
▬ Eh bien… Pour faire court, même si nos principes et croyances se transmettent à l’oral et que nous sommes tous différents, selon que nous sommes Lakota ou bien comme moi, un Nîhithaw, chaque tribu se réfère à la nature. Nous vivons en harmonie avec elle et nous lui faisons des offrandes. Si vous avez vu Pocahontas, ajouta-t-il avec un sourire en coin, amusé de cette comparaison, eh bien cela résume assez grossièrement nos croyances. Les esprits de la nature sont partout, dans la faune, la flore ou même le ciel. Si vous avez des messes le dimanche, nous avons des cérémonies à certaines périodes de l’année pour honorer la nature et la remercier de ce qu’elle nous prodigue.
Chayton se stoppa un instant en se disant qu’il était rare qu’il parle autant, sauf sur ce genre de sujet justement… Même avec Noëlle, il était rare que l’homme soit aussi prolixe. Bah quand on discutait de choses qui nous intéressait, c’était de suite plus facile ! Il jeta un coup d’oeil à son oiseau devenu silencieux. Après tout, lui aussi avait été élevé dans cette croyance depuis qu’il n’était qu’un poussin.
▬ Aujourd’hui, nous aussi avons évolué mais nous avons toujours de grandes réunions tribales pour les cérémonies, toujours quelques petits gestes spirituels, fit-il en pointant le minuscule attrape-rêve accroché à ses cheveux. Des fois je comprends aussi les gens qui nous prennent pour des illuminés sans cesse drogués…
Consultant sa montre, le professeur de littérature se rendit compte que l’heure avançait à grand pas, peut-être Ekaterina souhaitait-elle prendre une douche avant d’aller en cours ?
▬ À quelle heure donnez-vous cours aujourd’hui au fait ? Non que ça me dérange de parler avec vous, bien au contraire c’est même rafraîchissant mais… Pour le bien-être mental de vos élèves, je pense que le treillis militaire… Enfin… Vous voyez ce que je veux dire. Ils risquent de se croire à la caserne, expliqua l’homme avec un petit rire amusé.
"Car la parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu'une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu'à partager âme et esprit, jointures et moelles ; elle juge les sentiments et les pensées du cœur." [Hébreux 4-12]
Pendant qu'elle exposait ses croyances, Chayton intervint au sujet de la place de l'Homme dans la Création. Il ne pouvait évidemment pas pleinement souscrire aux interprétations de la religieuse. "C'est loin d'être ainsi chez nous, ma foi. Quoique pour la chaîne alimentaire, aucun doute que nous sommes pareils, c'est un fait... Hmm non merci" répondit l'amérindien en refusant la bouteille tendue. Haussant les épaules, la nonne poursuivit les explications sur sa foi et son point de vue, plutôt souple.
Une des remarques de Chayton amena un sourire amusé sur le visage défiguré de la religieuse. "Ah, les dauphins... Gros cerveaux, mais essentiellement pour gérer leur sonar et un environnement à trois dimensions." marmonna-t-elle. "Vous n'avez surement jamais discuté avec l'un d'eux et comme une midinette vous avez une opinion biaisé sur eux, parce que leurs bouche semble les faire sourire en permanence, parce qu'il existe moult histoire à propos de dauphins sauvant des hommes du naufrage, et parce comme tout les gens de notre génération vous avez regarder Flipper à la télé et le Grand Bleu... Mais savez-vous que c'est l'une des rare espèce à pratiquer le viol en réunion, la chasse pour le plaisir et la torture ? Vraiment, nos parfaits cousins des océans... Je me demande s'ils auront un jour un Sauveur."
Après cet aparté sur les mammifères marin peu délicat, la religieuse revient à une conversation plus sérieuse.
"Mon peuple a longtemps été victime de persécutions parce que les colons nous considéraient comme des êtres sans âmes, juste parce que nous ne parlions pas leur langues et que nous vivions différemment, je ne peux qu'être d'accord avec vos dernières paroles."
"Le fléau de l'incompréhension. Pourtant la Bible est claire là dessus : “Que celui qui a des oreilles entende !”. C'est pourquoi j'allie à la fois Religion et Science : pour comprendre, car tel est notre destin, pour éviter les erreurs et monstruosité causé par la bêtise, l'arrogance et l'incompréhension tel qu'ont était victimes vos ancêtres. Notre Eglise porte hélas de lourds péchés et responsabilité la dedans... Mais j'ose espérer que nous avons appris. Notez également qu'en tant que femme, à part être cloitrer au couvent, nous n'avons guère été gâté non plus. Autre temps, autre mœurs... c'est pour ça que je crois en l'évolution, tant génétique que sociale."
Ce fut ensuite au tour du professeur de littérature d'explicité un peu ses propres croyances. Ekaterina aimait la logique et la confrontation intellectuelle, ayant eut quelques précepteurs jésuite, sans parler de son cursus universitaire. Aussi découvrir un point de vue différent sur l'univers la passionné. "À vrai dire, mes parents ont été fiers de moi, plus qu'effrayés. En effet, les animaux et leurs esprits guident nos vies et notre mode de pensée. Vous êtes bénis par votre Dieu et son fils, je suis béni par l'esprit de l'aigle par exemple. Quand je mourrai, mon esprit se réincarnera dans un aigle."
Une étrange croyance. Un rien déplaisante, pour Ekaterina : pour elle, la vie après la mort, c'était in fine ne faire qu'un avec le Créateur, si elle en était digne... La réincarnation en animal lui semblait donc être... un échec. Une dégradation, une rétrogradation. Bien sûr, la religieuse savait que les amérindiens et Chayton imaginaient les esprits animaux selon un angle différent, aussi elle garda pour elle ces réflexions. Pendant longtemps, le catholicisme avait forcé son point de vue par l'épée et les flammes. Ce temps était révolue et chacun était désormais libre de ses croyances. Et il y avait une certaine poésie et un respect sensible qui émanait de celle de Chayton.
"Hum... Intéressant. J'imagine que pour vous, c'est un peu comme si à ma mort je devenait une sorte d'ange-gardien pour ceux resté ici-bas... Enfin, difficile d'établir un parallèle. Je me demande si le Pape me ferait les gros yeux pour pareille hypothèse..."
L'amérindien poursuivit paisiblement, explicitant les croyances de son peuple et de sa tribu pour le plus grand plaisir (intellectuel) de la nonne, toujours avide de connaissance. "Eh bien… Pour faire court, même si nos principes et croyances se transmettent à l'oral et que nous sommes tous différents, selon que nous sommes Lakota ou bien comme moi, un Nîhithaw, chaque tribu se réfère à la nature. Nous vivons en harmonie avec elle et nous lui faisons des offrandes. Si vous avez vu Pocahontas, ajouta-t-il avec un sourire en coin, amusé de cette comparaison, eh bien cela résume assez grossièrement nos croyances. Les esprits de la nature sont partout, dans la faune, la flore ou même le ciel. Si vous avez des messes le dimanche, nous avons des cérémonies à certaines périodes de l'année pour honorer la nature et la remercier de ce qu'elle nous prodigue."
Ekaterina hocha la tête, pour montrer qu'elle suivait et comprenait. Elle n'était pas d 'accord sur tout, évidemment. Déjà que la Bible, texte écrit, pouvait s'interpréter ou être traduite de milles et unes différentes manières, du paix et amour à l'intolérance la plus stricte... Elle imaginait difficilement une culture basée sur les traditions orales, encore plus libre d'interprétations ou de modifications. Mais cette souplesse pouvait également être un plus et rendre leurs croyances plus adaptable face au monde en perpétuelle évolution et mutation qui les entourait. A l'inverse, la chrétienté et son livre était plus difficilement réformable (et à chaque fois, cela causait des schismes et des tensions). Bref, les deux systèmes se valaient.
Elle écouta donc tranquillement la suite, ne souhaitant pas interrompre ce petit moment d'aperçut d'une autre culture fascinante. "Aujourd'hui, nous aussi avons évolué mais nous avons toujours de grandes réunions tribales pour les cérémonies, toujours quelques petits gestes spirituels" poursuivit-il en pointant un des colifichet qui pendait à ses cheveux long. "Des fois je comprends aussi les gens qui nous prennent pour des illuminés sans cesse drogués…"
Ekaterina ricana à la dernière phrase du professeur de littérature. "Oh, il m'arrive aussi de comprendre les gens qui nous prennent pour des bigots arriérés fanatiques et prompts à la croisade bien-pensante. Il suffit de zapper sur une chaîne de télé-évangélistes américains. Parfois, l'inconvénient avec les stéréotypes, c'est qu'ils sont basés sur quelque-chose..."
L'amérindien compulsa alors sa montre, ce qui après avoir pointer du doigts son attrape-rêve amusa un peu Ekaterina. Modernité et tradition. Elle se demanda comment aurait réagit les ancêtres de Chayton à la notion d'un temps finement découpé, aux emplois du temps et impératifs de la vie moderne de professeurs. De son coté, les catholiques avait toujours découpés leur journée, les rythmant par sons de cloches et prières.
"À quelle heure donnez-vous cours aujourd'hui au fait ? Non que ça me dérange de parler avec vous, bien au contraire c'est même rafraîchissant mais… Pour le bien-être mental de vos élèves, je pense que le treillis militaire… Enfin… Vous voyez ce que je veux dire. Ils risquent de se croire à la caserne." s'informa en plaisantant le professeur de littérature.
Par réflexe, la nonne baissa les yeux sur sa tenue, se rendant compte qu'emportait par la conversation, elle avait négligé son apparence et son maintien, infligeant au pauvre Chayton la vision de son corps si peu féminin et trempée de sueur après son footing. Par réflexe, elle s'écarta légèrement de l'amérindien. "J'ai encore un peu de temps, en effet, mais en votre compagnie je n'ai pas vu le temps passé..." commença-t-elle, masquant sa gêne en se levant du banc. Elle dédia un sourire amical à l'autre professeur. "Et je crois qu'en effet une bonne douche me ferait du bien. J'ai un peu bâclé mon parcours habituel, mais il faut nourrir l'esprit autant que le corps : notre conversation était enrichissante aussi c'est avec plaisir que j'ai dérogée à mes habitude."
Elle réfléchit un instant à son apparence, se demandant ce qui se passerait si elle se présentait dans cette tenue en classe. Un sourire carnassier illumina brièvement son visage balafré : probablement rien, personne n'oserait piper mot, à part peut être un ou deux troubles fêtes comme Kéane ou Dino, et encore. Son physique n'était pas l'idéal féminin, mais il imposait et en tant que professeur, c'était un atout. Elle se demanda si Chayton usait du sien pareillement...
"Je ne voudrais pas choquer nos chères têtes blondes. Changer leurs habitudes pourrait traumatiser leur esprits si influençable : n'ayez crainte, je remettrais l'habit." plaisanta-t-elle à son tour. "Et vous, de votre coté, pas tentez de mettre un costume-cravate et de laissez vos décorations capillaire au vestiaire. Rien que pour voir vos élèves bouche-bée, ça pourrait valoir le coup..."
HRP:
Tu peux clôturer là, si tu veux, avant que nos deux grand dadais n'aient plus rien à ce dire et se regardent d'un air gêné ^^