Pour aiguiller tout ça vers quelque chose de plus noble • Kéancer

Inspire.

Il est temps de respirer. Prendre le temps. Profondément. Mais surtout, il est temps de respirer vraiment. Pas de panique, ni de stresse dans le souffle. Pas de lourds soupirs fatigués. Pas de suspension, tout file en vitesse. Pas le temps de réfléchir à la façon de faire. Il faut parfois faire les choses sur un coup de tête. Arrêter de s’embrouiller. Arrêter de tout calculer. Et juste agir. Faire les choses de la façon la plus pure et naturelle. Comme respirer. Instinctif et loin des modes d’emplois, des complications inutile et Créatrices de discorde. Oublier de se contrôler et simplement tout laisser couler.

Expire.

Il faut s’éloigner des problèmes.
Il faut les contourner et les enterrer.
Tu veux bien m’filer cette pelle, Spencer ?

Toi et moi. On est des fossoyeurs. On couvre et étouffe c’qui fait peur. C’qui met la terreur. On couche sous les pelletées tout ce qui fait mal, tout ce qui sème la panique, ce qu’on veut plus voir, ce qu’on veut plus entendre. On enfouit. A coup de rires. A coup de plaisir. A coup d’conneries.

Lâche un vrai sourire. Celui avec les dents.

T’as raison, Spencer. On est pas les héros. On est pas les sauveurs et on est sûrement pas ceux qui changeront les choses. On est moins qu’ça. Mais ça nous empêche pas d’être aussi biens. Je t’assure, que tu vaux mieux que tout ceux que tu peux admirer. Tu t’crois petit, tu t’crois stupide, tu t’crois insignifiant. Mais toi aussi t’as ta place. Toi aussi tu mérites de gueuler. Toi aussi t’as le droit de changer, de faire trembler le sol, d’évoluer. T’as le droit autant que n’importe qui. T’es un sale gosse de l’Univers, comme moi, comme eux. Je sais, moi. Je sais qui t’es. Je sais quelle personne spéciale tu es. Comment j’le sais ?

Mec, tu m’donnes de l’élan.

C’est dans ton regard que j’me sens grand. Dans tes paroles que j’crois en moi, en nous, en nos idées. Tes idées, c’est mes bouffées d’air pur. C’est mon second souffle quand autour de moi tout s’asphyxie dans un poison oppressant. C’est c’qui me donne le sourire quand j’pensais qu’on était du-per dans ce pensionnat qui part en sucette. On est pas nombreux à croire encore au bonheur naïf et innocent. A la joie futile et brève. A l’euphorie provoquée par l’imprévu, la bonne fortune. On est pas nombreux à avoir encore la capacité de s’envoler, de rêver les yeux ouverts.

Ils me font chier avec leur truc trop sérieux. T’as raison, on va péter un peu leur équilibre. On va faire trembler l’eau dans le verre qui se remplit doucement. J’en ai plein la gueule de leur violence, de leur hypocrisie ou de leurs espoirs vains. J’ai envie de croire en aucun d’Eux. J’ai envie de croire en c’que je ressens. J’te dis, j’veux m’envoler aussi un peu, ce soir. J’veux que nos éclats de rire explosent dans le vent d’été, monte jusqu’aux étoiles et les fasse briller plus fort. J’veux des trucs simples, des trucs qui détendent, j’veux t’entendre Spencer. J’veux t’entendre être heureux aussi. J’en ai ras le cul de voir mes potes perdre le smile avec les emmerdes, j’te jure. Si tu savais.

Les cravates ce soir, ça sera comme les confettis et les serpentins. On les choppe ; bureaux, chaises, placards on s’en empare et on regarde même pas la couleur. J’m’en attache une sur le front. J’en noue une autre autour du tien. Le vert ça t’va bien, gars. Et comment j’suis avec une bleue ? Zelie est belle avec la sienne, rouge. Ca n’a même pas d’importance la couleur. On est beaux, on est lumineux, on est heureux. Putain, ça fait du bien de rien prendre au sérieux, ce soir. De pas rester des heures à réfléchir au problème. De tout balancer et de se laisser emporter par l’extase. L’extase. Même avec deux sac à dos plein à craquer de cravates, c’est l’keaf.

On se replie dans notre antre à nous. Notre quartier général. Cette cabane qui semble être un bout arraché au tableau. Repeint d’un sentiment plus confortable, plus cotonneux, plus sucré, plus plus, tu sais. Un bras autour de ton cou, j’te traîne à l’intérieur. On se marre. On réfléchit toujours pas. Et promis, je réfléchirais encore moins après. Ce soir on fait un break. On part en voyage et ces tickets d’avion artificiels sont l’meilleur cadeau que tu pouvais m’faire, Spence’. Y’a que nos rires de couillons pour sonoriser cette soirée de malades. Mais c’est bien la plus belle des musique à écouter en ce moment. Les cravates renversées au sol, m’étaler dedans en t’écoutant inventer de nouvelles symbolique à leurs sujets. Ils vont dire quoi, les autres ? Quand ils trouveront pas leurs cravates au réveil ? Ils vont s’indigner ? Ils vont rager ? Ils vont s’en balancer, parce qu’au final c’est rien qu’une couleur de merde ? Moi j’ragerais, parce que j’aime pas qu’on prenne mes affaires. Et d’imaginer quelqu’un d’autres rager à ma place, ça me fait déjà rire.

On est pas des héros. On est des blaireaux. Des blaireaux qui se fendent la gueule plus que les héros, quand même. On est des fossoyeurs de tristesse, des jardiniers du bonheur, on est les Weasleys et on sait voler avec de la poudre de fée.

Notre connerie c’est notre seul arme, mais j’crois que tant qu’on blesse personne et qu’on respire mieux après, tout va bien. Tout ira toujours bien Spencer. On sombrera pas, nous. J’te laisserais jamais sombrer. J’te laisserais jamais tout seul. J’te laisserais pas tomber, peu importe quoi. Puis t’peux pas me faire ça.

J’te rappellerais de sourire.