Mistake || PANDORA

Elle comprend de mieux en mieux, Pandora, ce qui se trafique derrière les murs de ce pensionnat ; elle sait que sous ce voile de prestance que savait garder l'établissement se cachait une guerre sans merci, d'utopies et d'idéologies qui se confrontent de manière plus ou moins brutale. Et elle se reconnaît, Pandora, dans cette image. Elle aussi, porte un masque trompeur, dupant les plus ignorants et les plus naïfs. Elle aussi, cache un fond teinté de noirceur, cache une réalité plus sombre que les nuits les plus noires. Ce grave conflit dont elle est spectatrice ainsi que ses talents d'actrices ne forment qu'un jeu dont elle ne se lasse pas, qui la passionnent et dont le résultat l'obsède jour et nuit.

Mais, ce petit jeu commence à de moins en moins lui plaire.

Ce n'est pas la passion qui lui manque. Ce n'est pas la motivation qui lui manque, non plus. Elle n'abandonnera jamais sa course vers la popularité et la domination, chérissant plus que quiconque les récompenses qu'elle obtiendrait. Ce qui lui déplaît se résume à cette position dans laquelle elle se trouve, cette position de faiblesse flagrante.
Alors, lorsqu'elle a reçu le LMS d'un membre de RTP, elle n'a guère hésité à le rejoindre, même si elle le connaissait à peine, même si elle n'a pas réellement fait attention à lui ; il a su l'intriguer avec une photo représentant Anarchy au bord des larmes, le dos recouvert de fines plaies libérant quelques perles de sang. Lui aussi, a joué avec elle. Lui aussi, est parvenu à la blesser. D'une façon, cela l'énerve, mais d'une autre, cela la réjouit. Compliquée, Pandora.

Sa curiosité attisée l'incite à découvrir la personne qui se cache derrière le Shane populaire qu'elle connaît, derrière cette sympathie si semblable à la sienne. Une image qui se ternit aux yeux de Pandora ; une véritable bienveillance n'amène personne à mutiler le dos d'une jeune fille, même d'une E ; Pandora le sait, elle sait ce qu'est la bonté, ce masque qu'elle a dû comprendre avant de le bâtir. Alors, même s'il s'agit d'un C, d'un vulgaire petit C, elle désire savoir ce qui se cache à travers ce déguisement, qui est réellement Shane, de RTP.

22 heures. Elle arrive dans le jardin vêtue de sa robe à fleurs, elle laisse le doux parfum des fleurs l'hypnotiser, l'envoûter et la guider loin de la réalité. Même la nuit, même lorsqu'elles n'exécutent plus leur photosynthèse, ces plantes gardent leur beauté qui sait charmer le coeur de pierre de Pandora. Elle se sent chez elle, elle se sent dans son milieu ; ces lieux sont devenus sa demeure en particulier depuis la découverte de son don, depuis que les végétaux constituent sa source de pouvoir. C'est de là que sort sa puissance, sa fierté ; elle ne peut l'ignorer. Et là, elle trouve l'auteur de cette invitation, le dénommé Shane Miller, toujours impeccable, qui se retourne à peine après son arrivée.

— Bonsoir. J’aime autant y aller sans détours, ne t’embarrasse pas de toute cette hypocrisie, je sais très bien comment tu es. A force de jouer le jeu, on arrive aussi à le percevoir. commence-t-il.

Elle souriait jusqu'ici, elle souriait comme elle sourit tout le temps à tout le monde ; et là, son sourire rétrécit un peu, juste un peu, touché par la remarque hâtive de ce qui est pour elle un inconnu. Elle déteste qu'on lise en elle, Pandora, elle déteste que l'on perce son jeu d'acteur avec autant d'aisance. Il lui demande d'ôter son masque. Mais en réalité, il n'y a pas une Pandora menteuse et une Pandora franche. Elle dit ce qu'il faut dire, elle dit ce qui l'arrange ; si la vérité l'arrange, alors tant mieux ; si un mensonge est préférable, elle n'hésitera pas une seule seconde, même pour blesser. Si Shane désire qu'elle s'en débarrasse, qu'elle dise même la vérité qui pourrait déranger, alors c'est à lui de lui en donner l'envie. Ce n'est pas à elle de faire le premier effort.
Elle reste sur ses gardes, Pandora, elle n'obéit au premier venu ; elle n'est pas aussi naïve pour se laisser piéger avec autant de facilité. Méfiante, Pandora.

Shane se met alors à sourire, à s'approcher d'elle ; elle lève la tête, elle qui est si petite que n'importe quel jeune homme la surpasse sans problème. Elle attend, toujours un faible sourire affiché sur les lèvres, impatiente de connaître les raisons exactes de sa venue. Elle espère ne pas être déçue.

— Oswald est à l’hôpital paraît-il ? Je ne dirai pas que ça me surprend. Ceci dit, ça m’emmerde, il avait un certain goût pour la beauté. J'espère qu'il restera intact. continue-t-il.

Ah, oui. Oswald, son allié, occupe une chambre d'hôpital actuellement, et la nouvelle ne l'a même pas surprise ; il s'agit d'un garçon intelligent, certes, doté d'une âme de leader à n'en pas douter. Intelligent mais si imprudent, ce doit être le principal trait qui différenciait les deux A ; elle favorisait les méthodes douces et sûres, ne prenait aucun risque, établissait des rapports dont elle prenait soin et calculait chacune de ses actions, fourbe ; il manipulait aisément, s'affirmait avec conviction, imaginait de bons plans mais ne pensait pas réellement aux conséquences. Une forme d'impulsivité qui entraînait l'imprudence. Sur ce point-là, Gabriel a déçu Pandora.

— À force de jouer avec le feu, il a fini par se brûler, que veux-tu ? Un leader n'est pas toujours quelqu'un de mûr et réfléchi. Dommage. répond-t-elle, d'une voix normale, monocorde.

Une simple phrase, un simple avis qu'elle ne tient pas à développer. Dévoiler son point de vue n'aura aucune réelle conséquence de toute manière ; son cœur n'appartient plus vraiment à RTP, à vrai dire. Elle a trouvé quelque chose de mieux.

— Du beau travail cette photo, non ? Ce serait amusant que les journalistes signent ça de RTP. Oswald, à peine envoyé à l’hôpital, s’invite une compagne : de toute beauté ! Sérieusement, cette école est divertissante. C’est un jeu perpétuel, nous contre… tous. Un combat solitaire. déclare-t-il avec fierté.

Divertissante, en effet, c'est le mot.
Elle ricane, Pandora, bien que le fait que RTP s'encombre d'un nouveau problème la dérange ; et c'est bien pour cela qu'elle est déçue, Pandora, déçue de son appartenance. Mais Pandora, elle est intéressée par l'avis de Shane en premier lieu, alors elle cherche à le comprendre, à le cerner.

— Ça t'amuserait donc même si tu es membre de ce club ? Je pensais que son image te préoccupait plus que ça, notre image, en l'occurrence. demande-t-elle.

Il entre dans le vif du sujet après quelques secondes seulement. Alors elle le teste, Pandora, elle pose les questions et il doit y répondre, parce qu'il l'intéresse, parce qu'il prétend jouer le même jeu qu'elle. Toutefois, elle refuse de se voir imposer des règles si cela n'a aucun avantage pour elle ; elle décidera petit à petit si elle veut bien révéler sa personnalité, ou non ; si elle veut bien lui obéir, ou s'il ne mérite aucune attention de sa part. Égoïste, Pandora.

Mais pour l'heure, elle veut bien lui offrir un petit morceau de sa franchise, juste un petit morceau sans réelle importance.

— Mais en fait, ça ne me dérangerait même pas. avoue-t-elle.

Oswald le mérite.
Juste une phrase destinée à pousser Shane à encore parler, pour l'inciter à retirer son voile ; pour voir s'il est digne des sacrifices de Pandora.


HRP : sorry pour l'attente ;-;

— Mon image m’inquiète plus que celle de ce club, d’autant que ce dernier a déjà une réputation des plus mauvaises. Qui a eu l’idée de cette opération ? Pas étonnant que la moitié d’entre nous soit parti. Dommage, nous avions bien commencé. déclare-t-il avec une pointe de déception.

Dommage, oui.
Pandora est arrivée dans ce club à l'âge d'or de ce dernier, où celui-ci rayonnait, où celui-ci était irréprochable, où celui-ci ne s'attisait pas encore la haine de tous. Elle est arrivée juste avant que cette situation favorable ne dérive, ne bascule du côté de la détestation. Et cela, Pandora, elle ne le pardonnera pas ; elle ne le pardonnera pas car deux fautifs sont notables. Et ces fautifs sont étrangement très complices.

Il a l'air abattu, Shane, semble ressentir une déception illogique aux yeux de Pandora. Tu l'as dit toi-même Shane : cette école te divertit ; l'image du club ne te préoccupe pas autant que ta personne. Souffre-t-il donc lui aussi de cet espoir perdu pour rire de son appartenance ? Elle aimerait le savoir, Pandora, elle aimerait savoir si elle est semblable à lui, si elle est comprise par une personne dans ce monde.

Pourquoi continues-tu de jouer ce jeu d'hypocrite si tu me l'as révélé, Shane ?
C'est la question qu'elle aurait aimé lui poser lorsqu'elle a remarqué un changement dans son sourire, lorsque celui-ci a été surpris par le petit acte de franchise si rare de Pandora. Et pour le lui faire comprendre, elle élargit un peu plus son sourire, prenant un air un peu plus vicieux, un peu plus triomphant, un peu moins aimable, juste un peu.

Il se penche pour se mettre à sa hauteur, la vexe sans le savoir, sans qu'il ne puisse le remarquer ; il sous-entend sa petite taille par ce geste, lui rappelle qu'elle ne dépasse pas le mètre soixante. Elle ne dira rien, fera semblant de tolérer cet affront inconscient. Ce n'est pas le plus important, à l'instant.

— Tu vas partir, toi aussi ? Pas moi. Je vais m’ennuyer alors je vais attendre, d’autant que je suis certain que Gabriel reviendra. Je n’ai aucun autre mouvement à rejoindre, je n’ai pas envie de m’ennuyer à nouveau. explique-t-il.

Aucune conviction ? Ce n'est qu'un jeu ?
Elle perçoit enfin les motivations de son interlocuteur, perçoit ses intentions, perçoit finalement le peu d'intérêt qui l'attache à RTP. S'il trouvait un nouveau jouet, il se détacherait sans mal de l'ancien. D'une certaine manière, il fonctionne comme elle, n'agit que par intérêt. Égoïste créature. De son côté, elle s'est vue offrir un présent, une meilleure opportunité que RTP par Hadès, pour la simple raison qu'elle étudie chez les A ; Shane n'a rien, il se fond dans la banalité de la classe C, dans un stéréotype qui ne correspond guère à son fond.

— Je n’ai pas envie que nous soyons ennemis. Pas quand j’ai trouvé quelqu’un si proche de me comprendre. Je suis prêt à quelques sacrifices pour ça. avoue-t-il.

Lui aussi a remarqué cette similarité, ces points communs qui les lient ? Cela l'étonne, Pandora, cela l'étonne et cela la réjouit. Elle a l'impression de se regarder dans un miroir, de contempler un reflet qui s'est égaré dans un autre monde — celui de la classe C. Pandora non plus, ne souhaite pas en faire un ennemi, surtout s'il la comprend si bien. Ses paroles se tiennent, paraissent logiques et dépourvues de mensonges ; il ne semble pas s'amuser à déformer la réalité, il révèle ce qu'il est. Et dans ce cas, Pandora veut bien continuer à elle aussi, dévoiler ses intentions, toujours avec prudence pour ne rien regretter par la suite.

Elle perd son sourire, affiche un visage sérieux, prête à justifier ses actes comme jamais elle ne l'a encore justifié à quiconque.

— Oui, je vais partir. Gabriel reviendra certainement, mais tu sais Shane, il a déjà perdu la partie. Je doute que RTP renaisse de ses cendres avec ses membres qui s'en vont et la haine qu'elle a engendrée. Si tu veux mon avis, qu'on y reste ou non ne changera rien. commence-t-elle.

Gabriel ne sert plus à rien.
Elle le prévient, Pandora, elle le prévient avant qu'il ne se fasse de faux espoirs. RTP est mort, s'est précipité dans le gouffre, même plus rapidement que le mouvement RED. À quoi bon espérer un retour ? À quoi bon espérer qu'Oswald ne serve encore à quelque chose ? Il n'est pas comme son équivalent biblique, un noble ange porteur d'espoir ; il est un lamentable porteur d'échec.

Tu sais, tu devrais te préoccuper un peu plus de l'image du club ; même si tu es une personne peu impliqué, les gens ont tendance à te coller une étiquette très facilement, trop facilement, et on ne peut rien y faire. Si l'auteur de cette opération dangereuse est découverte, c'est game over pour RTP, et surtout pour nous. continue-t-elle.

C'est ainsi que fonctionnent les gens, même Pandora. Surtout Pandora. Elle le sait, et pour cette raison, elle fait attention à tout geste de sa part, détruit les étiquettes afin de ne pouvoir être accusée de mauvaise. Elle quittera le bateau avant même qu'il ne coule, sera sauvée et épargnée du naufrage ; elle tient tout de même à inviter Shane sur son radeau de sauvetage.

— Gabriel s'est ridiculisé plus d'une fois dans les réactions des lecteurs avec Nathan ; le club s'est fait détester et nous aussi. Ça n'a plus rien d'amusant, c'est une perte de temps. conclut-elle.

Elle ne sort que la franchise qui l'arrange, que la franchise qu'elle n'a aucune honte à admettre. Elle évite toutes les marques de mépris explicites à l'égard de Gabriel. Elle cherche à convaincre, Pandora, à dissuader ses anciens alliés à devenir ses nouveaux ennemis. Elle répond à son ancienne demande, de manière implicite qu'elle non plus, ne désire pas en faire un ennemi. Elle n'aime pas avoir des ennemis, Pandora, elle préfère de loin tisser des alliances, surtout avec des personnes intéressantes. Elle plante son regard bleuté dans le sien, et esquisse un sourire plutôt amical, et surtout franc.

— Tu n'as pas besoin de RTP ; tu n'as pas besoin obligatoirement d'un clan pour t'amuser. Tu peux prendre le parti de ta chère classe, tout simplement, comme moi. Après tout, ça a bien commencé avec une guerre des classes, paraît-il. propose-t-elle.

Suis-moi, au lieu d'espérer pour rien. Empêche cette pseudo-égalité de se former, en ne jouant pas pour un clan, mais pour une classe.


HRP : j'essaierai d'être plus rapide la prochaine fois