Break me, hit me; i'm falling. ▬ Quinn.

Les yeux plongés dans l'obscurité qui entourait la passerelle en cette heure si tardive.


Cramponnée, elle se penchait.


Dangereuse obscurité, qui l'attirait, toujours plus loin, toujours plus fort.


Elle s'accrochait.



Le vent frappait ton visage, soulevant tes cheveux, dévoilant tes yeux bleus, comme s'il tentait lui-même de te faire remonter la pente. Plus qu'un pas. Et tout se finissait. "Et Niko, il en penserait quoi ?" Les paroles de Gautier te figèrent. Ta poitrine se déchira, ton cœur manqua de cesser de battre. Les larmes montèrent dangereusement jusqu'à tes yeux, pour venir couler le long de tes joues. "Arrête, je t'en supplie.." Partir, partir était la meilleur option qu'il te restait. Fuir, pour ne pas faillir. Tu préférais te détruire, plutôt que de te voir mourir. "Ce n'était pas volontaire. Il ne voulait pas.." Tout te semblait si flou. "Nikolaï n'a plus rien à voir là-dedans." Tu te mordais la lèvre inférieur, ressentant encore chacun de ses coups. "Mais New-York, c'est si loin.. T'enverras des carte, de temps à autre." New-York, n'était pas assez loin pour toi.

"Hey !" Tu tournais rapidement les yeux vers cette fille, sans pouvoir distinguer de qui il s'agissait clairement. La distance qui vous séparait semblait bien trop grand. Bien trop grande pour qu'elle puisse agir dans des circonstances pareilles. Qui était-elle, que venait-elle faire ici ? Elle n'avait rien à voir là-dedans. Elle ne devait pas te sauver. Personne ne le devait. Et pourtant, sans attendre, elle posait ses affaire sur le sol, et avançait doucement vers toi. "Non.." Articulais-tu difficilement. "Je.." Comment pouvais-tu lui dire de s'arrêter, alors que l'idée de te savoir morte t'horrifiait ? Tu tenais trop à la vie pour cela, Apolline. Tu tenais trop à lui. Mais à peine avais-tu tenté de lui tendre la main, que ton corps basculais en arrière.

- Hey !

Elle est là, sur mon passage. Encore bien trop loin de ma destination -cette salle abandonnée va devenir mon antre. J’allais me téléporter. Flemme de marcher. J’ai failli ne pas la voir, ne pas regarder devant moi, prête à aller fouiner dans mon sac en quête d’une cigarette. Mais j’sais pas, j’ai gardé la tête droite. Et elle était là. En morceaux. Je distinguais vaguement ses larmes grâce à la lumière vacillante du réverbère le plus proche. Mais de toute façon, pas besoin d’être une flèche pour supposer qu’elle était mal. Au bord du gouffre. Plus que ce que j’imagine ?

Je m’avance doucement après avoir posé mes affaires à mes pieds. Mains en avant dans ce geste doux et frénétique fait pour essayer de calmer, dompter un animal sauvage blessé qui pourrait se blesser plus et vous attaquer.

- Non.. Je..

Elle panique, mes yeux s’écarquillent quand elle recule.

- Bouge pas et j’bouge p...

Sa main se tend vers moi. Cool. C’est bon. C’est une erreur. Il ne va rien se passer...
... Hormis cette soudaine paralysie en la voyant basculer en arrière. À ce moment-là, je ne sais pas ce que je hurle, mais je le fais. Indescriptible cri du coeur. Cri de peur.

Il en aura fallu trois : CLAC!
Le premier : manqué.
Mes pieds se trouvent illico contre la balustrade, mon buste s’y écrase. Je l’ai loupé. À peine une seconde de basculement en avant je la repère dans le vide sous moi. Je disparais.
CLAC!
Le deuxième : frappé.
C’était hardcore. Une question de chronomètrage. Arriver un millième de seconde sous ou au-dessus d’elle pour la choper en train de s’enfoncer à cause de mère-gravité. L’attraper n’importe comment à n’importe quel prix. Je l’ai heurté de plein fouet.
CLAC!
Le troisième : sauvé.
Retour à la case départ. Mais au beau milieu de la passerelle.

Même si je la tiens par la taille contre moi, ses jambes lui font défaut.

- Chhchh… T’inquiètes c’est normal. C’est le contre-coup.

La sensation de vertige qui se prend dans tous nos organes au point de nous faire vomir, d’alourdir nos muscles et désorienter nos sens les plus aiguisés… Moi je suis habituée maintenant. Mais ce n’était pas le cas au départ. Je me laisse échouer au sol avec elle. Je n’ai pas fait gaffe si j’étais vraiment plus grande quelle avec mon mètre soixante-dix, mais à cet instant c’est comme si je pouvais la couver totalement. Entre mes bras. Mon menton contre sa tempe. Le coeur boosté à l’adrénaline et martelle ma poitrine.

- Putain la frayeur que j’ai eue... Et qu’elle a dû avoir, man. C’est bon t’es safe now. Tu tomberas plus.

Et j’te lâcherais que quand tu seras prête.
Note à moi-même : prendre des cours pour réconforter. J’ai jamais fait. J’sais pas quoi faire de plus. Pas envie de poser la moindre question. Ça me semble délicat. Elle me semble délicate.

Fragilité.

#BF00FF ©Gau

Ton cœur cesse de battre. Pourquoi as-tu lâché prise ? Tu ne voulais pas qu'elle te voit dans un tel état. Tu ne voulais pas que quiconque te voit ainsi. Apolline Mills entrain de chialer comme une merde, pour un vieux type.. Tu ne voulais pas de tout ça. Tu n'avais rien demandé à personne. Et surtout pas à elle. Elle n'avait rien demandé non plus. Bon sang, quelle conne.

Ça ne te ressemble pas. C'est pas toi, tout ça, Apolline. T'es pas du genre à te laisser abattre. T'es plus du genre entêtée, toi, à foncer tête baissée dans ce mur qui t'empêche d'être pleinement heureuse, pour ensuite essayer de colmater ton cœur avec des litres d'alcool et la chaleur d'un mec dont tu ne connais pas le nom. Tu voulais pas en arriver là. t'es partit trop loin, ils ont pas pu te rattraper sur ce coup. Ilms ont pas vu à quel point toute cette histoire t'avais détruite, brisée, anéantis. T'avais juste besoin de savoir ce que tu voulais; vivre ou mourir. Mais maintenant que ton crâne bascule en arrière, que ta respiration se coupe, tu sais parfaitement ce que tu veux. Alors tes mains tentent désespéramment de saisir à nouveau la rembarre, en vain.

Un élan. Cette fille saisit la rembarre, tendant une main vers toi. Est-ce qu'elle te nargue ? Sérieusement, comme si c'était le moment. Deux élans. Elle te percute de plein fouet. Son pouvoir t'impressionnait. Elle semblait si rapide. Si sûre d'elle.. Et si par malheur, elle sombrait avec toi ? Oh non, Apolline, cesse de plonger tes proches dans la même vase où tu te trouve. C'est peine perdue : plus ils tentent de te tirer de là, plus tu t'enfonces, et eux aussi. Trois élan. Ton crâne heurte le sol. Ta vue se brouille. Sensation de chaleur. De réconfort.

Elle te maintient contre elle. Elle te parle, d'une voix douce, pour te rassurer. Tu n'entends pas précisément ses paroles, mais tu sait qu'elle est là, contre toi. Cette douceur que tu n'as jamais ressentit. Ton estomac se noue, comme lorsque tu t'emportes. Tu connais cette sensation. Tu connaît ce malaise intenable. C'est celui que vous procure votre pouvoir, lorsque vous l'utilisez bien trop rapidement. T'as du lui faire peur, sur le coup. La pauvre. Tu t'en veux. Tu t'en veux à un tel point que tu refuses d'ouvrir les yeux. Tu ne veux pas affronter le monde après ça. T'en es pas capable. Ni physiquement, ni moralement. Alors tu reste là, blottit contre elle.

Son odeur finit par te sortir de tes pensés, lorsque tu t'aperçoit qu'elle t'es devenue familière. Cette fille t'as sauvé. Sur le moment, tu fronces les sourcils. A croire qu'elle venait de réaliser l'impossible. Quel exploit. Si t'avais pu, t'aurais rit. C'est d'un comique, tout ça. Non ? Il fallait le faire, tout de même. Il fallait avoir le courage de foncer tête baissée, comme tu l'aurais fait. Exactement comme elle l'a fait. "Tu tomberas plus."

Tu inspires longuement. Tout va bien. Tu es saine et sauve. Tu ouvre alors les yeux, sans pour autant tenter de te dégager de cette emprise. Quelque part, elle te rassure encore plus. Oui. Bien plus que tout. "Je suis désolé.." Tu t'étonnes toi même, lorsque ta voix tremble pour articuler ces quelques mots. "Je suis vraiment désolée.." Sur le moment, c'est tout ce que tu trouves à dire, parce que tu ne sais plus trop quoi penser. Mais au fond, tu te dis que c'est peut-être mieux comme ça. Ne rien dire. Ne rien penser. Et attendre.

Je ne suis pas maternelle, ou du moins pas encore je pense. Je suis la dernière d’une fratrie de trois et pourtant, là, c’est moi qui serre fort quelqu’un dans mes bras comme si c’était moi l’aînée qui devait rassurer, réconforter, protéger. C’est étrange de se dire que c’est une totale inconnue qui provoque ça chez moi. C’est qui cette fille ? Je n’ai jamais fait attention. Pourtant, de loin, je pense que j’aurais pu reconnaître entre mille, une aura un peu farouche et fragile à la fois. Si je l’avais connu avant, je l’aurais reconnu, peu importe l’état dans lequel elle aurait été.

- Je suis désolée..
Mon regard se baisse sur son visage.
- Je suis vraiment désolée..
Je déglutis, ne sachant quoi dire exactement.

- Ouais tu m’étonnes. Fail. ’fin, t’as eu peur, j’ai eu peur, mais c’était pas voulu. T’inquiètes. … Haha merde ! J’ai failli dire, ça arrive. Mais même pas.
Je me détache un peu pour me pencher devant elle et lui faire face.
- On vient de vivre un truc sensas’ si on y pense de la bonne façon. Et on s’en est sorties. Classe, non ?
Badass même. Mais on va pas trop s’exciter non plus, ça se fait pas. Elle est encore sous le choc apparemment.
- On est des... Je lève les yeux vers le ciel pour chercher mes mots. Survivors ? Warriors ? Bref, un truc dans ce goût-là. Du genre “Pft t’aies jamais tombé d’une passerelle ?! Trop naze, tu connais pas la vie.” Ni la mort apparemment. Et tant mieux.

Bon, bon. C’est pas terrible de vouloir faire de l’humour je pense. Pas dans un moment pareil. Mais j’suis censée dire quoi. Je ne la connais pas. Mais oui c’est ça, je ne la connais. Les présentations de base Speedy. C’est ça qu’il faut. Je me décale à genoux devant elle et chope son visage entre mes mains fermement pour qu’elle reste focus sur moi et pas que son esprit ne dérape vers de mauvaises pensées. Parce que soyons honnête, c’est évident que ça va être le cas encore un bout de temps je pense. Je sais que je serais la même si je venais à perdre pieds à cause de la situation avec mon frère.

- J’m’appelle Quinn. J’suis en A et comme tu l’as vu, j’ai le pouvoir de téléportation. Plutôt pratique. Et j’ai 18 piges.
Voilà, voilà. Et je suis 100% British. Mon groupe sanguin c’est… P’tain ! Comment on fait déjà ? Là que je suis plus dans le jus de l’action, je sais pas quoi faire. Tu peux m’appeler Speedy aussi. Comme tu veux.

Yeux rivés dans les siens, je cherche à conserver son attention, qu’elle ne s’évade pas dans des coins plus sombres de son esprit en peine. Mais rapidement mes mains lâchent son visage et glissent lentement sur ses bras pour finir entre nous, près de mes genoux. Épaules et tête un peu baissées, je relève juste les iris.

- Désolée, j’dois pas être très douée pour te faire sentir mieux. Tu voudrais peut-être entendre autre chose, mais j’sais pas quoi dire.

Mon dos se tend soudainement.

-Tu te sens mieux ? Ou tu veux que j’aille chercher un de tes meilleurs potes ? Tu veux manger un truc ? Dis-moi tout ce que tu veux, j’le ferais !

Et je ne me doute pas encore à quel point cela pourra s’avérer vrai dans le futur.

#BF00FF ©Gau