fool them [PV]

La lune jette ses reflets blafards sur le pensionnat. Tout est calme, tout est silencieux. La nuit est froide. Ça me rappelle mon pays, l'Ukraine. J'ai l'habitude des basses températures. Mes doigts viennent épousseter ma grosse veste et resserrer les sangles de mon sac à dos. Ce soir, c'est la casse. La salle des B est visée. À vrai dire, je n'aime pas vraiment l'alliance entre les B et les E. Le rouge et le bleu, c'est bof. Et puis, en ce moment, on sent que ça ralentit un peu, la guerre des classes. C'est sûrement à cause des fêtes de fin d'année. Tout le monde était occupé à recevoir ses cadeaux et à s'engraisser comme des porcs avec de grands festins. Je regarde ma montre. Minuit. Minuit, c'est une heure cool, surtout pour des actions malveillantes comme celle qu'on va faire. Je jette un coup d'œil derrière, vérifie que deux acolytes me suivent bien et on rentre dans le bâtiment scolaire.

Pour cette mission, je suis accompagné de deux personnes. La première, c'est une fille qui s'appelle Crystal. Elle est plutôt intrigante. C'est vrai, elle faisait partie des personnes les plus populaires du pensionnat et la voilà qui rentre chez les S. Vraiment étrange. Alors que pour la plupart des S, la raison de leur rentrée en S est facilement devinable, la sienne reste un mystère pour moi. En ce qui concerne la deuxième personne, c'est Faust. Notre bon gros Faust. À vrai dire, je ne l'aime pas trop : comment peut-on réussir se défendre avec autant de graisse ? Il devrait faire un régime. Et puis j'ai peur qu'il me ralentisse avec son gros bide. Je me demande comment il va m'aider à casser la salle. Mais bon, il a vraiment tenu à participer car l'alliance entre B et E ne lui plaît pas. Ça ne m'étonne pas vu qu'il était en B avant d'aller en S.

Je force la porte et nous voilà dans la salle de classe. J'éclaire la pièce à l'aide de ma lampe de torche. Ils ont du beau matériel, quand même. Dommage, on va le casser. Je cours jusqu'à un fauteuil pour sauter dedans. La réception se fait plutôt en douceur. Et dire que les A ont du meilleur matériel encore. Ça me ferait presque sourire de leur casser leurs si précieuses fournitures scolaires. Mais ce soir, on devra se limiter à la classe B. Je me tourne d'un coup, éclairant le visage de Faust avec ma lampe de torche. « On devrait demander au Ranker les mêmes sièges. » Mon visage prend un air pensif. Pendant ma réflexion, je continue d'éclairer la pièce avant de faire revenir ma lumière vers Faust. « Au pire, on a qu'à les emmener. Ah nan, on peut pas. » Il doit me trouver vraiment chiant à mettre la lumière dans ses yeux et à l'éblouir.

Je me relève et pose mon sac à dos sur une table. J'étale ensuite le matériel de destruction dessus. Il s'agit de trois massues. Pour moi, j'ai pris une bombe de peinture rouge. « Allez les mecs, au boulot. » Puis je regarde Crystal et rectifie. « Allez le mec et la fille. » Puis je me dirige vers le mur pour y taguer une inscription.

ON N'A PAS BESOIN DE VOTRE AIDE

Les gens vont comprendre que des E mécontents de l'alliance ont fait ça. Je me recule pour mieux admirer mon oeuvre avant de me retourner vers mes confrères S. Ils ont l'air bien occupés à tout casser, trop occupés pour admirer mon oeuvre d'art. Je prends une massue et frappe une table avec. Elle se fissure et j'ai juste à donner un coup de poing pour la casser. Je sens que demain, ça va être la querelle.

We dance like marionettes
Swaying to the Symphony
Of Destruction

Minuit, l'heure du crime, comme on dit. C'est une bonne heure pour venir se les geler en plein hiver, non ? Après tout, qu'est-ce qu'il y a de mieux à faire à une heure aussi avancée de la soirée ? La fête ? S'envoyer en l'air avec l'amour d'un soir ? Partager du bon temps avec ses amis ? Oui, ça semble amusant, vous devez avoir raison. Dommage que ce genre d'activités ne soient pas des plus poignantes pour un individu comme Faust. C'est qu'il n'y a plus grand chose ayant le mérite de lui faire ressentir qu'il est bel et bien en vie. Tout du moins, pas dans tout ce qui est vu comme positif et aidant à avoir le moral. Il est plutôt du genre à carburer à la haine, le lion et hélas, le port de sa fourrure d'or n'a pas aidé. Alors ce soir, il suit ses compères, direction son ancienne classe.

À ma base, c'est une opération visant "juste" à affaiblir cette alliance répugnante entre les bleus et les rouges, mais pour lui, c'est bien plus que ça. C'est bien faire comprendre aux deux camps que jamais ils ne pourront s'entendre. Pas question. L'élite n'a pas à s'occuper des faibles. Ils n'ont qu'à s'élever par leurs propres moyens, ces déchets. Mais au fond, ce n'était qu'une excuse, sa seule motivation au fond, c'était bel et bien de ravager la classe de ses anciens acolytes. Quoi de mieux que de tout détruire sur son passage pour faire mal à ces imbéciles moralisateurs qu'il déteste ? La seule autre option qui lui ferait plaisir serait bien sûr de les faire souffrir, que ce soit physiquement ou mentalement, mais pour le moment, il n'avait pas reçu d'ordres allant dans ce sens... Ce qui ne 'lavait pas empêcher de prendre d'improviser pour Sonera un petit séjour au fond du lac. Paraît-il qu'elle avait failli y passer. Amusant de voir à quel point la vie humaine ne tient pas à grand chose.

Passons. Faust suivait donc Nikolaï, un ancien E qui, de par son ancienne classe et son attitude, ne lui plaisait pas. Derrière eux, Crystal, la nouvelle recrue, anciennement dans la caste des populaires. Elle n'inspirait d'ailleurs pas confiance à Faust de par son ancien statut: qu'est-ce qu'une fille comme elle pouvait bien venir faire chez les S ? Peut-être était-ce une soudaine envie d'accéder au véritable pouvoir ? De prouver qu'elle était meilleure que les autres ? Peu importe, du moment qu'elle ne gênait pas, elle pouvait bien faire ce qu'elle voulait. Et si jamais elle en venait à finalement quitter les dorés, Faust se ferait un plaisir de se charger des adieux.

Bref, notre trio du soir arrivait donc à destination, Nikolaï se chargeant de forcer la porte pour laisser entrer ses camarades. Faust porta son regard sur son ancien siège, un air de dégoût au visage. Dire qu'un bouseux de rouge avait sûrement poser ses fesses sur son ancien siège... Ce serait d'autant plus ironique si ce bureau était maintenant celui de Heath ou d'un autre membre de sa bande. Répugnant. Une forte lumière extirpa l'ancienne star de ses pensées, en lui brûlant les yeux au passage. Nikolaï, bien sûr. Faust avait une furieuse envie de lui coller sa torche entre les deux yeux, dommage que la violence entre S n'était pas vraiment autorisé. Quoi que le Ranker ne devrait pas en avoir quoi que ce soit à secouer, en fait.

- Au pire, on a qu'à les emmener. Ah nan, on peut pas.  

- À vrai dire, je ne tiens pas plus que ça à récupérer mon ancien siège. Ni à me faire brûler la rétine...

- De toute façon, vu dans l’état qu’ils vont finir, on a pas besoin de déchets.

Trêve de bavardages, le monsieur muscle se charge de déposer le matériel de destruction sur l'une des tables. Une massue, hein ? Pas bien original. Heureusement, il avait un petit atout dans sa manche, qui devrait aider à la manipulation des élèves concernant la culpabilité des E dans cette affaire. Mais autant garder ça pour le final. En attendant, c'est avec plaisir qu'il se dirigea vers son ancien bureau. Un coup, puis un autre. Rapidement, la table se retrouva en morceaux, tout comme le siège. Un bien beau massacre. Mais il en voulait encore. Le lion se concentra alors sur les fenêtres -dépossédée de leurs rideaux par Crystal - et les murs, avec une petite idée en tête. Les restes de son ancienne musculation et l'adrénaline aidant, son œuvre prenait peu à peu forme: un immense E se dessinait au fur et à mesure à travers les trous laissés dans le mur. Vint alors l'heure de sortir de sa manche la petite surprise qu'il avait emmené avec lui. Un sourire vicieux se dessina sur son faciès grassouillet et il fît signe à ses acolytes de reculer.

- Si vous permettez, j'aimerais donner la touche finale à notre petite séance. Préparez-vous à prendre la fuite, ça devrait faire un peu de bruit...

D'un geste nonchalant, il dirigea sa main en direction du sol et se concentra. Ses camarades l'avaient peut-être oublié, mais contrairement à eux et leurs pouvoirs inutiles quand il s'agit de tout casser, lui, pour peu qu'il s'en aille traquer les cibles adéquates, avait à sa disposition tous les pouvoirs de l'établissement. Autant dire que le choix était vaste. Et ça tombe bien, même s'il ne l'avait pas emprunté directement au E possédant le don qu'il s’apprêtait à utiliser, le clin d’œil n'échapperait sûrement pas aux journalistes du bahut. C'est après s'être abaissé pour déposer sa main sur le sol que Faust dit d'un ton ironique:

- Orwenn devrait apprécier la dédicace.

Et c'est alors que la détonation résonna dans le calme de la nuit, laissant un trou de la taille d'une table ou deux dans le sol. Faust se redressa quelque peu fatigué de l'effort demandé. Heureusement qu'il avait déjà étudié le don de l'explosion. Au moins assez pour ne pas tout faire péter à son passage ou y perdre un membre. Il sentait cependant déjà les maux de têtes s'inviter dans son crâne. À tous les coups, ils allaient s'aggraver et lui ruiner sa nuit. Il n'allait pas s'en plaindre, même s'il aurait bien voulu faire plus de dégâts avec un tel pouvoir. Dommage que sa maîtrise n'en soit pas extraordinaire, sûrement au niveau d'un C.

- Mon petit show m'a donné faim et je pense que le spectacle est terminé. Rentrons.