Draw our life [pv Ollie]

Déjà en train de boulotter une maxi barre de Snickers qu’il a coincé entre ses dents, Ollie cherche une couleur qui viole suffisamment la rétine parmi les bombes de peinture. Un peu décevant, on aurait pu s’attendre à ce qu’il utilise son pouvoir pour grapher. Mais faut être raisonnable pour une fois. De base suffit de constater que ce mec bouffe comme 5 et prend pas un gramme. Neon Boy brûle de l’énergie à une vitesse ahurissante, et même si il écoute rarement ce qu’on lui dit il fait quand même gaffe, il prend le temps de se poser rien qu’un peu, pour éviter de claquer comme n’importe quelle ampoule.

Ouep, Nemo qui ralentit la cadence, et qui plus est alors que Quinn est dans le périmètre. Unbelievable. C’est encore plus compliqué pour lui, parce qu’avec cette fille il est obligé de vivre sa vie à deux mille kilomètres heure, histoire de suivre un minimum. Leur relation elle est speed, leur amitié elle se base sur la vitesse. Ce matin encore ils se sont fait coller à cause de ça. Soi disant sa faute à Ollie mais sur ce coup là c’était vraiment injuste. Quinn elle a pas besoin de recharger quand ils font la course, et dans le feu de l’action fallait que cet idiot d’Ollie se servent sur l’éclairage du bahut. C’est pas la première fois. Récidiviste avec ça.

M’enfin du coup on va se calmer, et on va commencer à la peinture. Ok commencer génial mais par quoi ? Ollie il a déjà tout en tête, et il secoue déjà les bombes lorsqu’il se redresse, arborant un air tout enthousiaste. Du bleu et du rose, ça va toujours bien ensemble, et il tente d’expliquer tout ce qui se passe dans sa tête, comment il voit le truc, et-

- Haha ! No way. C’trop moche.

Et il a pas le temps de finir parce qu’ils sont incapables de se mettre d’accord dès le départ, pour que ça se fasse faut d’abord un minimum de prise de tête, alors ils se cherchent. Faut pas chercher les raisons de leurs courses bien loin.

- Regarde mon oeuvre plutôt !

Faudrait qu’il réplique, qu’il sorte une remarque un peu méchante pour remettre son amie à sa place mais on sait tous qu’Ollie il en est incapable. Ça sort de manière spontanée, il ouvre grand les yeux et on voit déjà les fossettes se creuser sur son visage.

— Woah c’est grave stylé !! Attend faut trop qu’on lui fasse les yeux qui flashent, ça serait trop cool..

Précisant qu’il est pas sûr que ça prenne vie comme ça il propose aussi qu’on dessine la suite, et après avoir donné au dessin des prunelles luminescente avec son pouvoir il s’attelle à donner à la tête de mort un squelette histoire de pouvoir bouger, à la peinture cette fois ci et dans les même tons que ceux utilisés par Quinn. À fond dans le trip. Fouillant dans la poche de son sweat où il avait fourré un max de bouffe tout à l’heure il coince une barre de Kit Kat entre ses dents cette fois ci. Regard en direction de Quinn.

— Ah et j’te crois pas.

Les épaules qui se haussent, il lui adresse une œillade un peu espiègle avant de recommencer à grapher, appliqué.

— Tu m’dis que c’est moche avec la même intonation que tout à l’heure quand t’as inventé un énorme bullshit.

Il a beau avoir l’air naïf et je-m’en-foutiste aux premiers abords il est avant-tout curieux Ollie, c’est si facile d’attirer son attention, suffit que quelque chose sorte rien qu’un peu de l’ordinaire et il accroche. Et si il a l’habitude de voir Quinn se sortir de situations délicates avec des combines de pro, tout à l’heure dans le couloir c’était juste nul à chier.

— "Austin ok je note" haha trop naze genre t’en as quelque chose à battre !

Il ricane un peu, à peine moqueur. Parce qu’ils n’avaient rien fait et qu’elle n’avait pas de raison de jouer la comédie. Et la manière dont elle s’est attardée devant la salle, la façon dont elle s’est vite éclipsée, c’est pas dans ses habitudes. Ollie c’est la première fois qu’il assiste à ça alors il y a fait gaffe. Assez attentif pour noter mais quand même à coté de ses pompes.

— Si tu voulais parler d’un truc important au prof t’aurais dû m’le dire j’vous aurai laissé et on se serait rejoint, chais pas genre j'pensais pas que tu pouvais avoir des difficultés en cours mais voilà faut pas être gêné !

Il avait acquiescé en hochant distraitement la tête, écoutant Quinn mettre les choses au clair de manière super sérieuse alors que dans la tête d’Ollie le problème avait déjà rien de bien crucial. Il souriait parce que tout ce qui se rapporte au son il trouve ça cool, alors que Quinn envisage de faire de la musique c’était d’autant plus cool.

— Puis le prof a l’air super stylé tu trouves pas ? J’comprends qu'tu veuilles assister à ses cours !

Sans sous-entendus ni arrière-pensées c’est ça le pire. Stylé dans le sens ‘ce mec a une certaine classe’ et pas ‘ce mec a un putain de cul d’enfer’ ;  assister à ses cours dans le sens ‘assister à ses cours’ et pas ‘aller le mater quelques heures par semaine’. Quand on le connaît on fait vite la traduction, on pige vite que quand ça prête à confusion c’est parce qu’il s’exprime trop vite et qu’il réfléchit pas au sens des mots. La preuve il est déjà reparti dans son trip et il ajoute la touche finale à son œuvre avant de se lancer dans la réalisation d’un pote à son premier squelette. Il serait bleu électrique et on lui rajouterait une couronne jaune flashy. Ok pour Gus’ mais Fergie il est pas trop sûr, il hésite, propose Pat’, Noodles, tout un tas de noms idiots comme tout. Ça semble se ternir du côté de Quinn rien qu’une seconde, oh puis va pour Fergie ça lui va bien au final. Sourires. De vrais gamins. Surtout Ollie qui pense que c’est cette histoire de nom qui a pu gommer un instant la risette de Quinn. N’importe quoi.

- T’as prévu de refaire un show Neonboy ? J’t’ai vu plusieurs fois avec Reed. Ça a l’air de coller entre vous. C’est cool.

Il en rate presque l’omoplate de son squelette. Actuellement en train de piquer le fard de sa vie, Ollie réalise deux points qui sont sûrement quasi-évidents pour la totalité du bahut : évidemment qu’il n’est pas discret et évidemment qu’on a tous remarqué qu’il tournait un peu trop autour de Jim. La question et le nom qu’on prononce le prennent par surprise et il répond à toute vitesse en articulant à peine, parce que ça faisait un moment qu’il essayait de ne plus trop penser à tout ça.

— Ah oui mh un peu.
- Vous avez des plans ensemble ?

On le voit rarement aussi embarrassé, c’est à se demander si on hallucine : Neon Boy qui fuit votre regard et qui esquive la question avec un haussement d’épaules faussement désinvolte. Surtout qu’on le bouscule un peu, il tente un sourire plus désemparé qu’autre chose lorsque Quinn se montre espiègle tout à coup, reportant finalement son regard sur elle.

- T’as vu qu’il lançait le club de danse. J’t’y vois trop bien !

Son enthousiasme fait rire Ollie et l’oblige à détendre les traits soucieux de son visage pour une expression plus sereine. Il lui rend son coup d’épaule en la voyant commencer à remuer sur un morceau qui ne se jouait que dans sa tête avant de la contourner pour aller choper une bombe de peinture jaune dans le sac derrière elle.

— C’est toi qui d’vrait y aller t’as même pas besoin de son pour bouger.

Sa hanche tape contre la sienne lorsqu’il repasse à coté d’elle et il lui adresse un clin d’œil amusé avant de revenir à son œuvre, se balançant lui aussi d’un pied à l’autre malgré l’absence de musique. On entend le bruit métallique de la bille qui cogne contre les parois de la bombe alors qu’il la secoue pour mélanger la peinture et il commence à grapher la couronne, comme prévu. Il y avait de l’insouciance dans sa voix aux premiers abords.

— Je sais pas si j’irai, j’suis pas sûr. Je suis pas sûr qu’on ait encore des plans ensemble non plus. Tu sais il fait jamais deux fois la même chose donc je sais pas si j’en aurai encore l’occaz’. Et mm…

Il s’arrête, secoue à nouveau la bombe, faisant mine de regarder comment ça rendait, se donnant surtout quelques secondes de répit pour hésiter. Il l’avait dit à personne après tout, parce que c’était pas si grave. Pourtant ça lui pince rien qu’un peu le cœur, alors autant extérioriser. Il ose pas se tourner vers elle malgré tout.

— Je lui ai dit que je l’aimais mmbien.

Oui, il y a décidément cette sensation désagréable au milieu de sa poitrine, cet étau qui se resserre après qu’il l’ait dit. Il aurait peut-être pas dû en fin de compte. Et pour tenter d’effacer l’aveu il se dépêche de conclure, recommençant à grapher. Comme si ce n'était rien.

— Du coup voilà je peux plus trop traîner avec lui en fait..

Air un peu triste rien qu’une seconde. C’est rare qu’on voit l’étincelle osciller dans le regard d’Ollie, heureusement qu’il est dos à Quinn à ce moment là. Et heureusement que ça passe vite, qu’il se reprend aussi rapidement. Il est incapable d’admettre qu’il est blessé, Neon Boy au cœur brisé, pas possible. Il achève sa couronne et recule de quelque pas pour se placer à la hauteur de Quinn, euphorique à nouveau lorsqu’il voit les squelettes commencer à prendre vie.

— Ils sont pas aussi effrayants que j’pensais ! Avec les couleurs ils ont l’air sympa !

Y a son ange gardien qui referme ses ailes autour de lui et il est pris au piège. Entravé par une étreinte pleine de douceur. Ça lui rappelle les câlins de sa grande sœur auxquelles il se dérobait systématiquement. Parce qu’il avait pas le temps, parce qu’il était bien trop occupé à courir ailleurs, partout, sauf là où on l’attendait.

Aujourd’hui il veut plus ça, il veut plus passer à coté, en se précipitant il a raté tellement de choses. Ça se serre au centre de sa poitrine, comme si le fait qu’on enlace le corps enlaçait également le cœur. C’est arrivé si peu souvent ces derniers temps qu’il avait oublié comment ça faisait d’être dans les bras de quelqu’un et de plus en bouger pendant plus de dix secondes. Balancé lentement d’un pied à l’autre, bercé. Il a posé ses mains sur les avant-bras de Quinn qui encerclaient son cou, il a appuyé légèrement sa joue contre la sienne.

- Si il te blesse, je le tranche et j’éparpille ses rondelles sur toute l’île en moins de trois minutes.

On aurait presque pu l’entendre sourire. Elle est gentille, Quinn, si gentille sous ses airs de dure à cuire. Elle plaisante, il la pense pas capable d’aller en mettre une à Jim un de ces jours, même si ce dont elle parle arrivait. Il avait entrouvert la bouche pour le dire avant de se taire. Nan pour une fois il allait pas faire la remarque, il allait pas faire comme d’habitude et sortir tout haut tout ce à quoi il pouvait pas penser.

Il se la ferme, regarde leurs créations s’animer et vivre déjà. Il sourit toujours et pourtant il a envie de pleurer, il sait pas trop pourquoi. Il est incompréhensible, Ollie, il parvient même pas à se piger lui-même. Ça lui fait peut-être étrange que Quinn elle parvienne malgré tout à capter deux trois trucs.

Elle le lâche, il est rarement resté aussi longtemps dans les bras de quelqu’un alors il hésite une seconde avant de reporter son regard sur elle.

- Fais juste gaffe à ton coeur tout mou là. Moi j’sais pas illuminer les gens comme tu sais l’faire, alors tu vois...

Eclat de rire. Il faut pas s’en faire, c’est Ollie le cœur d’artichaut impossible à briser, impossible à éteindre. Pas vrai ? Oui. Point à la ligne. Le cliquetis que fait la bombe de peinture le fait difficilement sortir de ses pensées et c’est distraitement qu’il reprendre la sienne rangée dans la poche de son sweat. Son attention se perd sur les squelettes qui se courent après. A leur image. Faudrait leur faire d’autres potes. Quoique. Ils sont bien tous les deux. Regard en direction d’un mur encore vierge. Il a plus l’étincelle d’un coup, il est ailleurs.

- Tu crois que si on ouvre la porte pour qu’ils sortent, elles vont rester en vie longtemps nos créations ?

Il émerge, lève ses yeux vers elle, met quelques secondes avant de piger lorsqu’il voit son sourire. Ça heurte son enthousiasme de gamin, le bouscule, l’oblige à se ménager pour suivre Quinn. Parce que c’est toujours comme ça entre eux, c’est une course perpétuelle, alors ils se motivent l’un l’autre pour que l’écart ne se creuse jamais vraiment, pour continuer d’avancer ensemble malgré le jeu. Il arbore la même risette.

— On peut pas savoir si on essaye pas !

Il l’avait dit tout en s’approchant de la porte, son pas sautillant attirant l’attention des deux squelettes qui s’étaient arrêter de sprinter. Une belle bande de gamin. A peine sortis de colle qu’ils trouvent encore un moyen de s’attirer des ennuis. Curieux, il ouvre la porte, regarde avec Quinn leurs créations qui se montraient désormais intriguées vis à vis du monde extérieur. Ça pourrait tenir quelques minutes, le temps pour leurs deux amis graffiti de sortir et d’effrayer une poignée d’élève. Ça valait le coup de finir avec des emmerdes.

Alors ils avaient ouvert grand la porte, pour les regarder sortir et gambader dans le couloir, de plus en plus loin, disparaître dans la cage d’escalier au bout. Silence. On entend tout à coup des hurlements stridents provenant de l’étage inférieur. Ils pouffent de rire, referment vite.

— Faut qu’on en envoie d’autre !

Ollie reprend de la peinture pour recommencer, faire quelque chose de plus balèze qu’un simple tas d’os cette fois ci. Il entreprend de dessiner un serpent rose fluo, une couleur pas très effrayante certes, mais il va le faire en grand. Il commence par la tête, repart dans ses pensées un peu stupide. Il y repense.

— … T’iras pas taper Jim pour de vrai hein ?

Imbécile d’Ollie qui réussit à se soucier de ce genre de chose alors qu’il devrait être celui qui en a rien à carrer dans l’histoire. Sauf que non, on sait jamais. Il sait pas pourquoi il a dit ça tout à coup, c’est sorti tout seul. Parce qu’il s’est souvenu et qu’il est Ollie, ce mec beaucoup trop sensible et surtout très naïf, qui rigole à vos plaisanteries mais qui est tout de même capable de vous croire.

— Tu sais je lui ai dit et au final ça le gêne pas il a même dit que ça changeait rien entre nous et que ça allait rester comme avant.

Il blablate sans réfléchir, balance des répliques imbéciles sans s’en rendre compte.

— ‘Fin avant il avait l’habitude de me smacker sur la bouche pour dire bonjour et depuis il le fait plus trop, mais c’est le seul truc, puis j’comprends, ‘fin ça me dérangeait pas au contraire mais mh bon.. tant pis.

Il s’arrête et recule d’un pas, secoue la bombe de peinture tout en regardant ce que ça donnait pour le moment. Ça vaut pour son monologue également.

— J’crois qu’on a toujours tendance à aimer des gens un peu trop exceptionnels pour nous. C’est chiant..

Soupir qu’il s’oblige à couper avec un sourire, alors qu’il reprend.