all we got is each other •• céleste

Une grande inspiration précéda le long soupir qu’il poussa pour tenter de se détendre, ses mains vinrent serrer la cravate du costume qu’il avait maintenant l’habitude d’enfiler. Toujours la même tenue, habitude bercée dans cette monotonie triste qu’il se refusait à quitter. Il mettait, à nouveau, son manteau marron sur ses épaules frêles, glissait ses mains dans les poches de son pantalon. La même dégaine, la même démarche, le même regard à la tristesse camouflée.
Nouvelle journée, nouveaux sourires, nouveaux mensonges extériorisés.
C’est comme ça qu’il quitte sa bonne vieille maison, plus tendu que jamais, le visage pourtant léger, exempte du moindre sentiment négatif - de tout ce qu’il se force à oublier. Elle est là, pourtant, cette tristesse, juste mise de côté pour mieux mener à bien cette mission de bienveillance qu’il estime devoir diriger.

Ça avait commencé par quelques mots, puis des messages échangés entre les lézards. Il avait pris le temps d’essayer de comprendre ce qui motivait les dorés, parlant longuement avec l’une d’entre eux - et si Céleste ne l’avait pas convaincu que sa cause était juste, elle l’avait cependant persuadée qu’elle n’avait rien à faire dans cette classe.
C’était une bonne personne, et il avait décidé de s’en tenir à cette conclusion, peu importe ce qu’elle y répondrait.
Il n’avait pas hésité à lui dire, annoncer qu’il passerait le temps qu’il faudrait pour la faire abandonner ce combat qui ne semblait même pas la concerner.

Des messages, encore et toujours, pour en venir à un rendez-vous. Aujourd’hui, ce n’était pas le premier ; mais depuis, il avait décidé de tout faire pour elle, tout faire pour la changer. Il l’avait senti, elle était plus sincère, plus ouverte, plus encline à croire en ce qu’il disait.
Peut-être étaient-ce ces sourires, cette joie de vivre, cette passion qu’il prenait le temps de partager, peut-être n’était-ce que l’attention qu’il lui portait, ces longues heures passées en sa compagnie. Céleste devenait une habitude, une part de son quotidien, comme un défi à relever. Un défi qu’il n’avait pas l’attention de laisser tomber, bien trop arrogant pour s’en détourner.
« Salut, comment tu vas ? Pas trop fatiguée ? J’espère que non, j’ai plein de choses à te montrer. » Il faisait de son mieux, de l’enthousiasme à un manque total de prudence. Il n’hésitait pas à lui proposer l’impossible, lui promettre des choses, en montrer des plus dangereuses. Spoiler, sans aucune honte - elle découvrait les nouvelles créations du marché avant même qu’il n’ait décidé de les commercialiser.

C’était juste ça, quelques petits privilèges pour lui montrer qu’elle était à part, des choses en plus pour la persuader que ce n’était pas qu’un visage qu’il voulait voir sourire. Il parait si nonchalant, lorsqu’il quitte les dortoirs avec elle pour la guider vers la ville. Il est venu la chercher devant sa chambre et pourtant il marche en tête, comme désintéressé, observant droit devant lui avec un sourire, tirant sa main de sa poche pour désigner, de temps à autres, quelques éléments de la ville sans intérêt.
Il a juste du mal à regarder les autres, à se dire qu'il peut-être à nouveau quelque chose pour quelqu'un sans risquer de se voir disparaître.
Toute en honnêteté, pourtant, car Oliver ne forçait pas plus sa joie que son intérêt. « J’ai fait plein de nouvelles choses pour le marché, si une avant-première t’intéresse. Tu préfères peut-être aller prendre un café ? Faire un bowling ? Comme tu veux. Je n’ai pas de préférence. » Il secoue la tête en parlant, dans une mimique assez drôle. Il faut dire qu’il l’est, Oliver, c’est rare de ne pas se mordre la lèvre pour éviter de sourire, c’est rare de ne pas penser qu’il vaut le coup qu’on écoute ce qu’il a à dire.
Il n’a rien de spécial à proposer, juste ses joujous et un peu de temps ; rien de plus que sa cruelle humanité.

OLIVER X CELESTE

Elle n'avait jamais pensé ça. Qu'un jour elle aurait traîné avec un prof' en ville. Plus précisémment au marché. Au départ elle faisait la personne pas du tout intéressée puis ses yeux devenaient pétillants en voyant des choses mêmes banals. Comme un enfant qui découvre la vie. Comme un petit chiot qui sort pour la première fois.

Ça avait commencé comme ça, par des paroles. Des insultes par Céleste au départ. Elle ne voulait d'aucune pitié, aucune aide. Et les choses sont devenues plus clairs. Quelqu'un lui donnait de l'attention. Passait au delà des insultes. Regarde le vrai visage de Céleste. Comme si c'était possible de dresser un chien enragé. Et la voilà. Après des LMS en tout genre, des discussions et quelques rendez-vous. Les voilà finalement officiellement à traîner ensemble au marché. Au fur et à mesure des conversations, elle avait su qu'il vendait des trucs au marché. Mais elle, ne lui avait pas dit grand chose. Ça arrivera peut-être, un jour elle se confiera peut-être. Mais elle est devenue docile par apport à ça. La première fois qu'elle s'est confié à quelqu'un, il l'a laissé tombé peut après (c'est ce qu'elle pense du moins, elle dit que c'est lui le fautif). Et maintenant qu'elle a à nouveau quelqu'un, Ollie, elle a peur qu'il s'éloigne un peu. Parce qu'elle s'est pas trop ce qu'elle ressent pour lui. C'est flou, et pourtant ça lui arrache le cœur de temps à autres. Céleste n'arrive pas à différencier l'amitié, l'amour, la jalousie ou la compassion. Parce qu'on lui a jamais vraiment expliqué. Peut-être qu'elle n'était pas amoureuse de Ernest, qu'elle l'apprécié juste. Si on lui avait dit, elle aurait peut-être moins souffert. Et l'aurait peut-être moins haït. Ne serait pas allée en S.
Du coup, la semaine est parfois comblée par « Oliver », ouep. Comme quelque chose, quelqu'un, devenant habituel.

« Salut, comment tu vas ? Pas trop fatiguée ? J’espère que non, j’ai plein de choses à te montrer.
- Ça va... Mm... Ah ? Alors je te suis. »

Elle le suit donc hors du dortoirs. Pour arriver plus tard dans le marché découvrant comme dit les différences choses. En exclusivité mondiale. Céleste se sentait bien, à découvrir les trucs avant tout le monde. La S se fichait d'être un peu derrière, elle ne se sentait pas serrée, attachée. Comme un peu de liberté. La fraicheur lui faisait assez du bien. Avoir des sorties avec quelqu'un d'autre que Ollie lui faisait extrêmement du bien. Ça la faisait sentir... Aimée ? Oui, ça doit être ça. Pour elle c'est tout nouveau, ça lui réchauffe le cœur. Elle en redemande encore. Tandis qu'elle perd son regard dans des petites pierres brillantes, Oliver lui pose des questions, qu'elle met un peu de temps à répondre.

« J’ai fait plein de nouvelles choses pour le marché, si une avant-première t’intéresse. Tu préfères peut-être aller prendre un café ? Faire un bowling ? Comme tu veux. Je n’ai pas de préférence. »

Céleste se redresse, remet une mèche de cheveux bleu derrière son oreille et se met à réfléchir, un doigt sous le menton. Ses grands yeux bleus regardant à droite, puis à gauche. Intense. Alors ses joues deviennent rouges, parce qu'elle trouve pas. Parce qu'elle a peur qu'en choisissant d'aller boire un café, ce serait bien trop ennuyant. Un bowling ? Peu pour elle, la compétition pour elle se fait entre 3 ou plus de personnes. Alors un autre jour, oui il fallait faire ça.

« On va prévoir le bowling pour un soir, avec d'autres personnes. Ce sera plus sympa. »

Elle hoche légèrement le tête et finalement trouve quelque chose à faire pour commencer.

« On se pose à un café ? Je crois qu'il y a un salon avec des chats dans une rue. Je sais pas si tu connais, ça détend un max... »

« Hm, non, je ne connais pas. C’est l’occasion, j’imagine, alors... allons-y ! »

C’était peut-être ça, le défaut d’Oliver. Trop gentil. Il n’était même pas sur ses gardes, pas même suspicieux lorsqu’il se baladait avec une dorée. Ses mains bien enfoncées dans ses poches, un sourire plaqué sur son visage, il avançait maintenant à ses côtés.
C’était une promesse qu’il avait écrite sur un petit bout de papier alors qu’il cherchait à la connaître, et pourtant, ça voulait dire beaucoup de choses pour lui.
Je te le promets, tracé au stylo rouge, soigneusement, dégageant une étrange sincérité. Il ne voulait pas la voir couler maintenant qu’il avait compris le mécanisme, il ferait tout pour la tirer de ce cercle vicieux dans lequel elle baignait. Il n’était pas au centre de tout ça Oliver, il le savait. C’était Ollie qui avait enclenché le processus, lui ne pouvait que le soutenir dans cette tâche, donnait tout ce qu’il avait.

Ça lui allait, sans le moindre doute. Le second rôle, celui du soutien ; il était bien trop vieux pour être au centre du monde de ses élèves. Peut-être n’aurait-il jamais autant de reconnaissance qu’il en méritait, jamais autant d’affection qu’il n’en donnait, mais ça lui importait peu.
Qu’elle aille bien, c’était pour lui la réponse ; qu’elle soit heureuse, c’était une récompense plus que suffisante.
C’est ce qu’il désirait pour tous, Oliver, mener la vie que lui n’aurait jamais le droit de connaître. Baigner dans le bonheur qui lui avait échappé. Il n’avait pas été là quand il le devait, il n’avait pas pu aider celle qu’il aimait quand elle en avait besoin.
Il n'y avait pas de pire erreur.
Pas de personne qui méritait de l'accomplir.

« Tu étais sérieuse quand tu parlais d’une soirée bowling à plusieurs ? Ce serait génial. En tout cas, moi, ce sera avec plaisir. » Les yeux grands ouverts d’une agréable surprise, il lui adressait un sourire, pivotant sur son pied pour tourner à droite. Il n’avait aucune idée d’où il allait, mais pour lui, c'était bien mieux de se balader sans le savoir.
C’est dans ces moments qu’on la voit, sa force, lorsqu’il cherche le plaisir là où personne ne le voit, sourit pour deux quand elle en a besoin - pointer le salon du doigt avec un rire, comme un gamin qui trouve son bonheur après des heures de recherche.
Il prit place sans gêne, posant ses pieds sur la table et croisant les chevilles, parce que la gêne n’avait jamais été qu’une limitation imposée par des normes vides de sens.

C’est un salon. On s’y détend, non ?
« C’est ton truc alors, les chats ? J’ai du mal avec ces bestioles. Bon, ce serait plus juste de dire qu’ils ont du mal avec moi, à raison, sans compter bien sur les élèves qui se transforment. Quoique… »
Il tousse, s’arrête de parler. Oliver c’est une radio, il faut le débrancher parfois, sinon il ne s’arrête jamais.

Il se détendit, observa l’endroit rapidement. Ce n’était pas du tout son truc, mais si ça plaisait à Céleste alors pourquoi pas ? Elle disait que ça détendait un max, et elle n’avait pas tort : il était bien, ici. Et il se moquait bien de ce que diraient ses élèves. Donnant à Céleste un temps pour se poser, jouant avec sa propre langue pour s’occuper, il décida d’entrer d’emblée dans le vif du sujet pour ne pas avoir à y penser toute l’après-midi.

« Alors… qu’est-ce que tu comptes faire ? Quitter les dorés ? »

OLIVER X CELESTE

« Tu étais sérieuse quand tu parlais d’une soirée bowling à plusieurs ? Ce serait génial. - En tout cas, moi, ce sera avec plaisir.
- Évidemment que je suis sérieuse... »

Parce que Céleste ne veut pas rater ça. Elle voudrait partager un sentiment à plus d'une personne à la fois. Ollie, Oliver... Et après ? Elle aurait tellement inviter d'autres personnes. Mais elle ne sait pas encore remise de cette trahison. Non, Céleste n'invitera pas Ernest. Mais elle aimerait inviter son autre moitié... Oui, si c'était possible. Mais non. J'en est bien peur. Elle aurait été capable de demander à quelqu'un de lui changer la mémoire, faire en sorte qu'il soit celui d'avant. Mais maintenant, Céleste sait qu'il est grand, qu'il change, qu'il s'éloigne. Se rendant parfois compte, que c'est de sa faute. La faute d'une jumelle qui fait souffrir l'autre. Alors elle s'en veut. Alors elle n'ose pu vraiment lui parler. Elle se sent... Nulle.
Alors enfin ils trouvent le café, y entrent, s'installent. Céleste fut légèrement surprise par la position prise par Oliver mais elle n'en fit rien. Le client est roi de toute manière, des chats un peu partout, traînant, dormant, se bagarrant. Sans savoir, elle souriait. Ses mains sur ses cuisses, posés sur sa robe. Remontant un peu son collant. Déplaçant une mèche derrière son oreille.

« C’est ton truc alors, les chats ?
- Ça me détend...
- J’ai du mal avec ces bestioles. Bon, ce serait plus juste de dire qu’ils ont du mal avec moi, à raison, sans compter bien sur les élèves qui se transforment. Quoique… »

Il y a de tout à Prismver, et des élèves qui se transforment on en a sous la main. Et parfois ça fait peur... Alors elle ferma les yeux l'espace d'un instant, son sourire s'agrandissant. Un chat venait de se poser sur ses genoux. Bien installé, ronronnant. Elle allait bientôt s'endormir...
Si il n'y avait pas eu cette question qui vint la réveiller : « Alors… qu’est-ce que tu comptes faire ? Quitter les dorés ? ». Un souffle, elle relève la tête, fixe Oliver et hausse les épaules.

« Je pense. Déjà que parfois je me fais malmener car je suis pas trop les ordres... »

Une main sur le chat, pour se détendre, ne pas s'énerver.

« Le truc, c'est qu'il y a mon frère maintenant... Mais... »

Ses joues se rosirent un peu, légèrement.

« Je pense que je préfère partir et être avec quelqu'un qui me fait avancer... Alors, oui, je vais quitter les S. Parce que... Être avec d'autres personnes au lieu de leurs faire du mal... Bizarrement. Ça me fait du bien. »

Puis, se rappelant de quelque chose, elle baissa d'un coup la tête.

« Mais j'ai peur de trop de choses... »