InvitéInvité | Sujet: If I was your wizard [Charles] Lun 4 Mai 2015 - 13:56 | | Lanson ferma sèchement son livre ( Madame Bovary du petit Flauflau) et le balança dans l'herbe à côté de lui. Ses lèvres exsangues se tordirent d'une moue dépitée ; il résonnait encore des plaintes d'Emma et son appétit insatiable de romantisme s'était retrouvé vaincu par l'échec tremblant de la jeune femme. Sa mort lui avait laissé un goût amer dans la gorge, comme s'il n'y avait décidément aucun espoir pour les true romantiques – adieu les folles envolées lyriques, les suicides oniriques, la poésie désespérée. N'importe quoi. Le Breton avait surtout l'impression que son père lui avait lavé le cerveau, durant toutes ces années, à force de lui parler de la pure littérature (« Mais, fils, tant que tu ne liras pas Balzac tous les soirs avant de te coucher, tu ne comprendras RIEN à la vie. » Ah, papa.), mettant tous les autres bouquins au niveau de vagues squelettes indécis et illisibles. Lanson ne pouvait même plus voir une pub pour le dernier Musso – et les anglais ne comprenaient rien à son aversion pour la bitlit et pour toutes ces saloperies – sans frémir de dégoût. Poussant un soupir, Lanson ramassa son portable, se connecta sur instagram, prit en photo son bouquin, l'herbe, des fleurs, le tas de mégots qui ponctuaient la pelouse, Charles et hashtaga le tout : « chillin' in the sun with the freckin' buddy #FRENCHCRAP #literaturesucks #redhead » « Pff. Ch'uis crevé. »Son regard glissa vers l'autre Normand et il osa lentement tendre la main vers lui, pour effleurer son épaule : « On s'emmerde ici. T'avais pas dit que t'avais des bières dans ton sac à dos, toi ? »Lanson ponctua sa question d'un nuage de fumée après s'être allumé une clope, et s'étala sur le dos, espérant secrètement qu'une tuberculose viendrait mettre un terme à cette vie pleine d'incompréhension. L'après-midi s'étendait décidément trop et le Breton s'ennuyait vite ; dès que ses pensées commençaient à gamberger, il avait l'impression de plonger en apnée – la triste réalité, le temps, le vide. Il repensa à Emma et bloqua son avant-bras par-dessus ses yeux plissés par le soleil. Il n'était même pas amoureux cette fois-ci, lui qui avait, d'habitude, un cœur si enclin à s’en amouracher de ses héroïnes favorites – il était même possible qu'il soit tombé amoureux de Yok-yok (google it) quand il était petit : « Flaubert, tout normand qu'il est, est rasant. » Finit-il par marmonner Et le pire dans tout ça était que cet état-là était l'humeur habituelle de Lanson ; il roula dans l'herbe, du côté de Charles, et son regard bleu, cerné, aussi limpide que s'il avait pleuré, suppliait le rouquin de s'occuper de lui. Tout plutôt que cette après-midi vide de sens, ce moment d'insondable vacuité, étouffante et adolescente. |
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