Alex' nightmare returns

Mon corps ne bougeait pas, il était aussi immobile qu'une statue de pierre. Les yeux fermés, tout laissait croire que je n'étais plus qu'une poupée vide de volonté. Soudainement, un souffle emplit mes narines, faisant gonfler mes poumons et bouger mon corps de manière imperceptible, avant que ce dernier soit expiré. Je n'étais pas dénué de vie, j'étais juste endormi. Endormi après une longue journée passée à travailler, à s'épuiser mentalement et physiquement pour que les cours puissent se poursuivre malgré la fameuse Guerre des Classes qui régnait entre les murs de l'établissement. La nuit était un moment que j'appréciais particulièrement. Il était bon de se retrouver au calme avec très peu de bruits et de lumières si bien que nos sens les plus utilisés pouvaient enfin se reposer. Chaque personne pouvait faire ce qui lui plaisait sans être vu par les autres et surtout, la nuit offrait une porte directe à un royaume où tout était possible et privé : le royaume des songes. Et c'était dans ce royaume que je me trouvais en ce moment. Même si je savais que l'un de mes colocataires pouvaient leur faire prendre forme dans le monde réel si jamais il s'agissait de cauchemars, j'étais plutôt tranquille avec mes rêves, elle n'avait aucune vision dessus. Et encore heureux ! Si je n'avais plus le droit à mon petit coin d'intimité, mais où allait donc le monde ?!

Ainsi, j'étais habillé d'un simple pyjama, blotti sous la couette chaleureuse qui donnait l'impression de m'enlacer. Tourné sur le côté, en ayant replié légèrement mes jambes et mon corps, on aurait presque pu penser que j'étais en position fœtale et ce n'était pas mon air enfantin dénué d'expressions qui allait aider à contredire ce tableau. L'innocence pure pouvait se lire sur mon visage à cet instant. Inconsciemment, je sentis quelque chose entrer en contact avec l'une de mes jambes si bien que j'eus le réflexe de me mettre sur le dos afin de la chasser et de pouvoir de nouveau dormir en toute quiétude. Suite à cela, je crus entendre un souffle près de mon oreille sans pour autant discerner le véritable son ; j'étais trop plongé dans les bras de Morphée pour pouvoir le faire. Un frisson me parcourut le corps quand une sensation de froid se fit sentir au niveau de mon front, je ne savais pas d'où cela pouvait provenir, surtout que j'étais en train de rêver que je volais tel un oiseau par dessus des paysages que je connaissais bien et que je redécouvrais sous un nouvel angle.

Alors que toutes ces sensations étranges passèrent, me laissant librement voler dans mes songes, une pression un peu trop forte me secoua ce qui eut le don de me faire quitter ce rêve petit à petit. Le ciel bleu se recouvrait d'un fin voile noir qui devenait de plus en plus épais, comme si j'étais en train de m'endormir. En réalité, c'était l'inverse qui se produisait, j'étais en train d'émerger et je remarquais qu'il faisait toujours aussi nuit, ce qui signifiait qu'il n'était pas encore l'heure de se lever. Alors que j'allais replonger tranquillement dans mon sommeil, je vis une silhouette se dessiner juste devant moi, en forçant mes yeux, pas encore très réactifs, je reconnus les longs cheveux blancs de Kanna. Cette pensée suffit à me réveiller pleinement et à écarquiller les yeux tout en remarquant que la demoiselle était à califourchon sur moi. Plongeant mon regard dans ses yeux dorés, je cherchais à comprendre la raison de sa présence dans mon... lit. Rien qu'en ayant cette pensée, je me sentais mal à l'aise et cela se ressentait très clairement dans ma tentative de prise de parole, bien que je parlais doucement pour ne pas réveiller les autres qui pourraient lancer une rumeur rien qu'en nous voyant ainsi.

Mais ! Que... que... qu'est-ce que tu... fais là ?

Toujours figé dans ma surprise, j'essayais de comprendre ce qui avait poussé ma camarade de dortoir à agir de la sorte. Pourquoi était-elle venue dans mon lit ? Avait-elle oublié quelque chose qu'elle tentait de récupérer pendant que je dormais ? Dans ce cas-là, elle ne serait pas dans une position pareille. Voulait-elle une fois de plus s'introduire dans mes cauchemars pour les matérialiser et renouveler un énième moment de honte ? J'avais l'impression que dans ma tête, une petite voix était en train de me souffler que j'étais trop innocent et qu'il fallait que je vois plus loin que le bout de mon nez. J'avais beau l'entendre, je ne parvenais pas à voir les choses de cet œil. Après tout Kanna était... était... mystérieuse mais cela m'avait attiré dès le début, j'avais toujours eu de savoir ce qu'elle pensait au fond d'elle-même. En plus, elle était l'une des A que j'appréciais le plus puisqu'elle n'était pas du tout arrogante et qu'elle se fichait de toute cette Guerre des Classes, sans pour autant prendre parti pour une égalité comme je le désirais. En fin de compte, j'avais un intérêt pour elle, mais était-il aussi puissant que cela ou était-ce juste de la curiosité mal placée ? Comment savoir quelque chose qui ne m'était arrivé ?

Alors que j'étais en train de lui demander ce qu'elle était en train de faire tout en essayant de parler le plus silencieusement possible pour ne pas réveiller les choses, j'étais incapable de quitter des yeux ce regard doré. Ce fut elle qui rompit le contact en se désintéressant de moi comme si je n'existais plus à ses yeux. Elle semblait en pleine réflexion et je n'osais même pas l'interrompre alors que je voulais des réponses pour expliquer cette situation plus qu'étrange. Finalement, l'ange aux cheveux de neige tenta de changer de position, sûrement pour se mettre plus à l'aise. Malencontreusement, un de ses genoux finit par se plonger dans mon estomac, me faisant pousser un sourd gémissement de douleur puisque j'essayais de ne pas réveiller les autres à tout prix. Kanna plongea alors sa main sous mon lit pour y récupérer une sorte de magazine. Comment savait-elle qu'il y avait cet objet à cet endroit ? Elle avait forcément dû le déposer plus tôt dans la journée, d'ailleurs, qu'est-ce que c'était et pourquoi sous mon lit et pas le sien ?

Les réponses à mes questions me furent données lorsque l'ange des ténèbres décida de l'ouvrir devant mes yeux. Des femmes habillées en tenue pour le moins légère défilaient devant mes yeux. Le thème semblait être Halloween, ce qui n'était pas étonnant puisque cette fête allait bientôt avoir lieu, mais là n'était pas le problème. Les positions que ces femmes prenaient avaient pour but de mettre leurs atouts dénudés en avant si bien que j'avais l'impression que le feu me montait au visage et que j'étais sur le point d'exploser de gêne. Alors que je voulais stopper ma camarade dans son visionnage, elle finit par se stopper comme si elle avait trouvé son bonheur et elle commença à vouloir se déshabiller exactement comme le mannequin du magazine. Alors là, c'était trop ! Avec une autre bouffée de chaleur, je sentais mon cerveau se déconnecter tout simplement pour me laisser avec une expression débile sur le visage oscillant entre crainte et gêne mais également la bouche légèrement ouverte. Des mots furent prononcés par la jeune femme, mais j'étais dans un tel état de choc que je n'en comprenais même pas le sens avant que finalement, les neurones de mon cerveau se décident à reformer le circuit initial. Avec toujours en tête, la vision de Kanna en train d'enlever le haut de sa tenue de nuit, je réagissais instinctivement en plaçant mes mains pour l'empêcher d'aller plus loin. Ce que je n'avais pas prévu, c'était que je n'avais pas tout à fait calculé où allaient atterrir mes mains et que j'avais fini par les poser... sur la poitrine de la jeune femme !

Je... je suis désolé ! Je voulais pas... en fait, je voulais t'empêcher... mais pas comme ça ! Je... je...

J'étais mort. Il était évident qu'elle n'allait pas me laisser vivre après ce que je venais de faire. Après tout, mes camarades de classe m'avaient souvent dit qu'il fallait que je fasse attention à ne pas voir mes colocataires dans leur plus simple appareil, ni tenter de les toucher même par accident. D'après eux, une fureur sans nom allait s'abattre sur moi et je n'allais même pas avoir le temps de faire mes prières, ni d'énoncer mes dernières volontés que j'allais être emporté par le souffle de la Faucheuse. J'avais été tellement traumatisé par leurs paroles que j'avais tout fait pour ne pas me retrouver dans une telle situation, si bien que j'étais resté un jeune homme pur et innocent. Bien évidemment, il fallait qu'un tel accident se produise... À présent, il ne me restait plus qu'à attendre ma sentence...

C'était un cauchemar. Cela ne pouvait être que cela, cela ne pouvait pas être en train de se produire ! Que Kanna ne dorme pas la nuit était une chose tout à fait normale vu que son pouvoir avait comme effet secondaire une insomnie puissante. Que la jeune femme s'amuse à entrer dans le rêve des autres pour en extraire les pires cauchemars était encore tout à fait possible. Mais qu'elle soit à moitié nue, assise sur mon corps et mes deux mains placer sur sa poitrine... IMPOSSIBLE !! Et pourtant vrai, j'avais beau me dire que je rêvais et que j'allais me réveiller d'une seconde à l'autre, rien n'y faisait. Tout était réel. Les battements de mon cœur accélérant plus vite que le moteur d'une voiture de course, ma température corporelle qui montait à des sommets jamais atteints, la douceur et la fraîcheur du corps de la jeune femme que j'avais sous les mains... Stop ! Arrête d'y penser ! Tu vas faire qu'aggraver ton cas ! Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de me rendre compte que tout ce que j'avais sous les yeux n'était que la stricte vérité. Alors que l'albinos tentait désespérément de prononcer quelques mots, j'enlevais prestement mes mains pour me préparer à me défendre en cas d'attaque violente de sa part, même si cela ne servirait sans doute à rien d'après ce que l'on m'avait dit. Le corps de Kanna semblait en proie à des réactions très étranges, c'était comme si elle était habitée par un être inconnu et je sentis alors que mon heure était venue. Puis, elle éternua avant de s'effondrer sur moi. Étrangement, je voyais comme une fine brume s'élever dans les airs, mais comme j'étais plus en panique sur ma propre situation, je ne faisais pas attention à ce détail. La jeune femme au torse dénudé était allongée sur moi et je n'osais pas bouger, malgré le fait que j'étais très mal à l'aise.

Sous l'impulsion de sa lente respiration, je sentais le moindre mouvement de son corps sur le mien, même à travers les vêtements que j'avais encore sur moi. Les battements de mon cœur résonnaient à l'intérieur de mon corps, j'avais l'impression qu'il s'agissait de tambours tellement les pulsations étaient puissantes. Je ressentais à la fois de la gêne, mais aussi de l'euphorie et je ressentais que certaines parties de mon corps et de mon esprit ne répondaient plus. Je me secouais mentalement pour reprendre le dessus et je fis en sorte d'inverser nos positions pour que je me retrouve sur elle afin de vérifier son état. Son corps était froid, à moins que le mien soit brûlant, ce qui ne serait pas étonnant en réalité, vu la situation dans laquelle je me trouvais. Les trois autres personnes présentes dans cette pièce semblaient toujours dans un profond sommeil si bien que je n'avais pas à m'en soucier. Le problème étant les araignées qui commençaient à se multiplier à cause de la brume qui envahissait la pièce. Je n'en avais pas peur, alors de quelle personne pouvait bien provenir ce cauchemar ? Premièrement, je fis en sorte de fermer la chemise de Kanna ce qui prit bien plus de temps que prévu vu que mes mains tremblaient tellement que les petits boutons s'échappaient de mes doigts. Ensuite, je tentais de réfléchir à ce phénomène. La source était obligatoirement le pouvoir de la jeune endormie, mais comment pouvait-il encore fonctionner alors qu'elle n'était plus consciente ? En me repassant la scène mentalement, je finis par me rendre compte que tout était parti du contact que j'avais eu avec elle. Si un tel geste avait provoqué la chose, peut-être qu'en le réitérant, j'allais résoudre le problème. Le souci majeur était que je pouvais également empirer les choses en répétant la même opération. Je chassais les araignées qui s'attroupaient de plus en plus autour de la jeune femme tout en secouant légèrement cette dernière pour tenter de la réveiller, mais cela n'était pas suffisant. Au final, la seule chose qui me restait à faire était ma première idée. Je déglutissais fortement avant de prononcer quelques mots et de placer mes mains de nouveau sur sa poitrine.

Kanna... Pardonnes-moi !