Nouveau départ || PV Prudence

Tu as encore un peu de mal à le croire depuis qu'on te l'a annoncé, mais oui, tu es finalement parvenue à aller en classe B comme tu le désirais. Un coup d'œil sur ton nœud papillon bleu, tu souris gaiement. Un sourire néanmoins petit. Un sourire moins exagéré que dans le passé, mais qui est devenu ton sourire habituel. Ah. Les gens ont l'impression que tu changes, Noëlle, que tu mûris enfin après ce retard pour devenir une personne plus mature, plus réfléchie, moins exubérante, moins hystérique. Tu donnes l'impression de devenir normale. C'est l'illusion que tu montres.

Mais non.

Tu n'as pas changé. Tu es toujours cette petite pile électrique innocente et puérile au fond de ton être. Cependant, les différents événements passés t'ont empêchée d'être cette joyeuse petite fille ces derniers temps. Comme Entropy, alias la terreur. Tu voulais aller en B pour répandre la joie et la bonne humeur autour de toi à l'aide de ton don. Tu croyais que les S seraient tes rivaux au début, mais leur inactivité et Entropy t'ont prouvé que non. Le mouvement des E s'est avéré être le seul véritable obstacle à ton utopie. La peur s'est emparée de toi, et tu trouvais une consolation chez Mabel. Elle t'a promis de t'aider, de te soutenir. Des rumeurs disent qu'elle a quitté Prismver depuis peu. Tu n'as plus revu la jeune fille aux cheveux roses depuis lors. Cela t'a en quelque sorte achevée. Ton professeur particulier qui t'a permis d'atteindre le niveau des B a disparu. Alors Noëlle, la joyeuse fillette est scellée, et ne veut pas vraiment se manifester jusqu'à ce que tes soucis soient définitivement passés. Tu as besoin de soutien. Tu as besoin d'être rassurée, d'aller de l'avant, de réussir à faire quelque chose de bien. Et pour cela, il te faut...

Prudence.

Maintenant que tu es dans le même étage qu'elle, tu vas la croiser plus qu'avant. Elle n'a certainement pas pris connaissance de la nouvelle, étant donné qu'elle est toute fraîche. De ce fait tu t'occupes de le lui annoncer toi-même. Tu cours dans les couloirs pour chercher sa salle de classe parmi les portes. Finalement, tu trouves ce que tu cherches, et vois quelques élèves sortir les uns après les autres de la pièce. Un petit coup d'œil dans la salle. Prudence de Boissieu. Elle est là, presque seule. Un beau sourire se dessine sur tes lèvres et tes yeux s'illuminent. Tu sais qu'elle te hait. Tu sais qu'elle ne t'apprécie pas. Tu lui as déjà envoyé des LMS pour recevoir des réponses assez froides. Mais, tu te raccroches à elle pour une raison que tu ne saurais expliquer. Elle est ton opposée, mais tu la vois comme ton clone. Même bonnet. Pratiquement la même taille. Françaises. Et tu as envie de croire que vous pouvez vous apprécier avec le temps, qu'une complicité quelconque puisse naître si tu fais des efforts.

Tu poses une main sur ton nœud bleu et hoches la tête dans le vide, d'un air déterminé. Tu entres pour courir ensuite vers elle en poussant un dernier A qui voulait sortir. Te tenant devant elle, tu prends un ton comme si tu lui faisais une déclaration d'amour, un peu gênée, un peu peureuse de sa réponse.

▬ Prudence... je voulais te dire quelque chose... commences-tu doucement, timidement.

La timidité ne te va pas, ce n'est pas toi. Tu décides alors de te montrer plus confiante d'un seul coup. Tu diriges tes doigts vers ton nœud papillon pour le saisir avec deux doigts. Tu le tires un petit peu pour le réajuster.

▬ Tu as vu ? Je suis en B maintenant. exclames-tu avec un petit air mignon et fier à la fois.

Tu essaies de faire conversation, de la rendre fière de toi car c'est la seule manière que tu as trouvée pour essayer de remonter dans son estime. Tu as un peu de peine à cerner la mentalité de Prudence, mais tu t'attends à une félicitation de sa part qui te réchaufferait le cœur.

Tu as besoin d'aller de l'avant, d'être consolée peu importe la manière.

Prudence n'avait plus mal, physiquement. Sa blessure avait bien entamé sa cicatrisation, mais intérieurement, l'impression de perdre du pouvoir lui tordait les entrailles, la rendant quelque peu nerveuse. Prudence n'avait que très rarement pleurer. Sa mère considérait que les larmes étaient une marque de faiblesse, et qu'une de Boissieu ne pouvait se montrer faible en public. Alors l'adolescente ne craquait pas, elle retenait courageusement le flot qui menaçait de s'échapper de ses yeux pour extérioriser sa colère. Car tout en elle n'était que colère, que rancune.

Elle mourrait d'envie d'entendre les gémissements de douleurs dont ses oreilles avaient profité cette nuit-là, elle voulait faire souffrir celui qui l'avait humiliée, qui l'avait faite s'effondrer pitoyablement sur le sol, qui l'avait momentanément brisée. Car elle s'était reconstruite, seule et en très peu de temps. La déléguée des A ne pouvait se laisser avoir par des émotions futiles, seul le mépris était toléré. Personne ne méritait de la voir fondre en larmes, peu importe pourquoi. Alors elle ne bougeait pas, elle restait la statue de glace qu'elle avait toujours été.

Tout va bien Prudence, tu vas reprendre le contrôle de la situation. Il te suffit d'avoir quelques... Informations. Sur Entropy, sur le chien qui dirigeait cette stupide rébellion, sur ses sous-fifres et sur les traîtres qui traînaient dans sa classe. Et pour ça, il lui fallait quelqu'un de confiance, qui passerait inaperçu.. Un espion, en d'autres termes. Mais comment trouver une telle personne quand tout le monde vous évite ?

Car la française était étonnamment effrayante, ce jour-là. Bien plus que d'habitude. Ses poings serrés l'étaient tant que ses ongles s'étaient plantés dans ses paumes, laissant quelques gouttes de sang couler sur le sol. Elle ne sentait même pas la douleur, plongée dans des réflexions intenses. Marmonnant des paroles en français, elle déambulait dans sa classe, ignorant les élèves qui lui posaient des questions ou lui proposaient quoi que ce soit. Et elle arriva à réfléchir... Jusqu'à l'arrivée de son petit cauchemar vivant.

« Prudence... je voulais te dire quelque chose... » Etrangement, Prudence s'arrêta de marcher pour regarder la petite créature devant elle, croisant les bras. Dire qu'elle ignorait les A mais s'intéressait à une petite d'une classe inférieure. Elle n'aurait jamais cru la voir à cet étage, persuadée qu'elle était en C.

Mais quelque chose clochait chez la blonde, cela se sentait. Arquant un sourcil, la déléguée attendit patiemment que l'autre s'exprime. Cette attitude renfermée, ça ne lui ressemblait pas. « Tu as vu ? Je suis en B maintenant. »

Et revoilà la Noëlle qui l'horripilait. Un sourire poli étira tout de même les lèvres de la française, agressée par la bonne humeur de la jeune fille. En B... Donc elle avait réussi à passer une classe. Considérant qu'il fallait faire de gros efforts pour cela, Prudence décida de lui faire l'honneur d'une récompense, infime mais présente. Une de ses mains alla se poser sur son bonnet, et le tapota brièvement. Profites-en Noëlle, c'est juste parce que je sens que tu as besoin de me dire quelque chose qui pourrait m'intéresser.

« Je te félicites, petite. Maintenant, pourrais-tu avoir l'amabilité de m'expliquer ta présence ici ? Tu n'es pas encore en A, il me semble... » Sa voix n'était pas trop dure, pour une fois. La déléguée tentait simplement d'extirper ce qu'elle voulait de cette petite chose joyeuse.

Craches le morceau, qu'est-ce que tu veux exactement ?

Une lueur d'espoir. La jeune Prudence ne te rejète bizarrement après avoir entendu ta voix énervante. À la place, c'est un sourire qui se trouve sur son visage froid et clément. Le tien s'élargit en voyant que la Française semble contente de ce que tu as dit, car c'est bien la première fois qu'elle en a l'air en ta présence. Sa main se pose même sur ton petit bonnet et tu te contentes de te laisser faire docilement.

▬ Je te félicites, petite. te félicite Prudence.

La première phrase te fait chaud au cœur comme jamais. Une douce chaleur. Les professeurs, les élèves, tes amis, beaucoup trouvaient que ton passage chez les B était admirable, mais leurs compliments ne valent pas vraiment celui de la déléguée si froide. Peut-être que tu arriveras à te lier d'amitié avec elle.

▬ Maintenant, pourrais-tu avoir l'amabilité de m'expliquer ta présence ici ? Tu n'es pas encore en A, il me semble... continue Prudence.

Mais, la suite te retire ta joie instantanément. Tu comprends assez facilement qu'elle veut dire que c'est bien d'en être arrivé là, mais que ce n'est pas assez pour remonter dans son estime. Une sorte de faux espoir. Maintenant que tu y penses, tu n'as pas l'impression que ce soit nécessaire d'aller en classe A, et tu n'y as jamais pensé sérieusement. Le niveau des bleus est largement suffisant pour que ton don soit très utile à ton dessein. La fatigue s'est énormément réduite suite à l'usage de ta faculté magique, et la quantité de chance que tu peux générer a augmenté. Bien assez pour ne pas avoir besoin d'aller en A. Tu poses ton index sur ton menton, à proximité de ta bouche, et prends un air interrogateur.

▬ Non je suis pas en A, et je pense pas que j'aie besoin d'y aller. Mon don est bien assez puissant et utile, non ? demandes-tu d'une petite voix naïve.

Tu pensais que le rapprochement de vos classes vous rapprocherait également. Néanmoins, Prudence ne semble pas avoir envie de devenir ton amie même avec ta nouvelle couleur de ruban. Tu as l'impression d'échouer, d'avoir espéré pour rien alors que tu as besoin du soutien de sa part. Tes bras s'écartent vers les côtés, alors que ton air souriant reprend le dessus.

▬ Je voulais juste te montrer que maintenant on est au même étage et on se verra plus souvent ! Maintenant je suis une magicienne plus puissante qui peut mieux utiliser son don ! C'est tout ce que je voulais dire ! Je peux rendre les gens heureux avec la chance ! exclames-tu ensuite joyeusement, avec une voix pleine d'énergie.

Ta naïveté habituelle, celle dont toutes les personnes t'ayant supportée peuvent témoigner, refait enfin surface après si longtemps. On reconnaît enfin Noëlle de Castellane, telle qu'elle était avant l'arrivée d'Entropy, qui n'a finalement pas disparu. Tu plisse les yeux et fais un tour sur toi-même, joyeusement, à fond dans son explication.

▬ Parce que grâce à ça, je peux répandre la chaaaance ; et avec la chance, la guerre des classes et Entropy disparaîtront, et tout le monde sera enfin content ! expliques-tu sans faire de pause entre les phrases.

Ce qui peut être caractérisés comme des rêves enfantins sont les raisons principales de tes efforts pour aller en B. Tu aurais aimé que Prismver soit un paradis où règne l'amour et la paix, mais les S sont là, ainsi qu'Entropy. Cela entrave toute possibilité de bonheur, selon toi, alors il faut dissoudre ces deux clans. Tu t'immobilises à la fin de ton petit discours. Ta joie se dissipe subitement après avoir laissé ta phrase donner son effet, et tu baisses la tête gentiment, ainsi que tes bras qui rejoignent le long de ton corps. On dirait que tu as toi-même évoqué un sujet sensible pour toi.

▬ ... J'en ai marre d'eux... Ce serait mieux sans eux... gémis-tu faiblement.

C'est osé de se montrer aussi faible et fragile devant le démon, mais un jour tu prendras conscience qu'elle n'est pas ton alter ego. Un jour tu comprendras que ce n'est pas parce que ton âme appelle au secours que cette vile créature te viendras en aide ; elle passera son chemin en t'ignorant, impitoyablement.

Prudence n'avait jamais été réputée pour sa gentillesse ; pour cause, elle ignorait la signification émotionnelle de ce mot. Pour elle, ce qui n'était pas mépris, rage & rancune était inutile et agaçant. Or était forte et surtout impitoyable. Car la pitié était une forme misérable de faiblesse, un côté de l'humanité qu'elle s'était forcé à éliminer de son esprit, au fur et à masure que Francess travaillait pour son éducation.

« Non je suis pas en A, et je pense pas que j'aie besoin d'y aller. Mon don est bien assez puissant et utile, non ? » Peut-être que la Noëlle timide était plus agréable que celle-ci. Cet air niais sur son visage aurait du mettre Prudence hors d'elle. Et ç'aurait été le cas si la suite n'avait pas été des plus intéressantes.

« ...Parce que grâce à ça, je peux répandre la chaaaance ; et avec la chance, la guerre des classes et Entropy disparaîtront, et tout le monde sera enfin content ! ... J'en ai marre d'eux... Ce serait mieux sans eux... »

* Owh, miss nouvelle B désire la fin d'Entropy.. * Les méchants dans les films étaient pour la plupart mauvais. Mais certains étaient simplement dotés d'une intelligence différente, d'une manière de penser hors du commun. Et la française se sentait ainsi, dans l'instant présent. Elle réfléchissait à toute allure. La manipulation n'avait jamais été son point fort mais elle était bien capable de tenter quelque chose. Sa voix glaciale prit une teinte presque plus douce, et elle s'adressa à Noëlle dans sa langue natale.

« Cesses donc de te lamenter comme une enfant de quatre ans. Ce n'est pas en pleurant et en geignant que tu changeras les choses. » Elle fit une pause et planta son regard rouge dans celui de la petite, gardant la même posture mais en se rapprochant d'un minuscule pas pour baisser le ton.

« Tu désires la chute d'Entropy ? Je suis capable de te la donner, si tu es capable de m'aider. Noëlle de Castellane. Je ne te considères pas comme une amie, tu m'horripiles la plupart du temps. » Abattre pour mieux élever. Psychologie inversée. « Néanmoins... Je sais que tu pourrais être utile, si tu devenais un minimum plus mature. »

Le souffle glacial de la reine s'abattait sur le visage de la petite, avant qu'elle ne recule et reprenne la discussion en anglais, comme si rien ne s'était passé. « Je préfère insister sur le fait qu'être en B n'est pas suffisant. Tu devrais travailler plus.. chibi. »

▬ Cesses donc de te lamenter comme une enfant de quatre ans. Ce n'est pas en pleurant et en geignant que tu changeras les choses. gronde Prudence en français.

Au début, tu as un peu de mal à faire le changement de l'anglais au français, toutefois tu y parviens au bout de deux secondes d'écoute. La Française a l'intelligence d'user d'une langue que les élèves aux alentours ont peu de chance de connaître. Mais il y a plus important. Ses paroles déclenchent une sorte de déclic dans ton esprit. C'est vrai. Tu admets qu'elle a raison sur ce point. Pleurer ne provoquera pas la chute de ce satané groupe d'élèves. Mais, c'est simplement plus fort que toi, parce que tu ne supportes plus ce désespoir dont Entropy est responsable. Tu es une enfant trop sensible ; tu ne comprends tout de même pas pourquoi on te qualifie de cette façon.
Ses iris écarlates plongent dans tes yeux de la même couleur, alors qu'elle avance d'un pas vers toi. Ta tête se lève légèrement vers le haut pour toujours la regarder dans les yeux — elle est un peu plus grande que toi.

▬ Tu désires la chute d'Entropy ? Je suis capable de te la donner, si tu es capable de m'aider. Noëlle de Castellane. Je ne te considère pas comme une amie, tu m'horripiles la plupart du temps. explique Prudence.

Coup de poignard. Ces paroles sans tact sont si blessantes, difficiles à digérer, qu'elles te transpercent le cœur. Tu le sais, pourtant, qu'elle ne t'aime pas. Tu le sais, et malgré tout cela te fait tellement mal. C'est si douloureux d'entendre que ce que tu es dérange quelqu'un de ton entourage, l'agace alors que ce n'est pas ton intention. Tu ne veux pas l'énerver, cela n'a jamais été ton but. Jamais. Au contraire. Alors pourquoi ? Pourquoi ?
La culpabilité t'envahit toute entière et te fait échapper un couinement silencieux d'entre tes lèvres ; une larme se retient de couler le long de ta joue, et elle y parvient non sans peine. Non. À présent, il faut que tu sois forte, Noëlle, car tu sais que Prudence peut décider à tout moment de se débarrasser de toi sans scrupule, sans pitié. Tu prends une longue inspiration pour te retenir de pleurer devant elle, et expires avec le nez.

▬ Néanmoins... Je sais que tu pourrais être utile, si tu devenais un minimum plus mature. continue Prudence.

Mature. Ce mot revient dans la bouche d'une grande partie de tes connaissances, mais tu n'as jamais compris pour quelle raison. Être plus adulte, plus réfléchi, plus mûre, moins puérile, moins enfantine, moins infantile. Que te manque-t-il ? Ah, Noëlle. Tu as du mal à te rendre compte de ton immaturité, parce que tu juges ton comportement comme étant normal. Tu n'arrives pas à te mettre à la place des autres pour comprendre leur mentalité, ni à sortir de ton monde d'enfant qui est si loin de la réalité. La maturité sonne un peu comme l'inconnu à la fin. Néanmoins, Prudence reconnaît ton utilité, à la seule condition qu'il faudra se lancer dans l'inconnu, et peut-être qu'elle jouera le rôle de guide.

Pour Entropy, essaieras-tu d'être un peu plus adulte ? Iras-tu même jusqu'à faire un pacte avec le diable ?

Son visage est si proche du tien que tu sens son souffle s'abattre sur ta figure. Elle recule d'un pas pour s'éloigner, alors que tu te contentes de la suivre du regard. Bouche légèrement entrouverte, tu la fixes avec un air innocent, prête à l'écouter.

▬ Je préfère insister sur le fait qu'être en B n'est pas suffisant. Tu devrais travailler plus... chibi. reprend Prudence en anglais.

Travailler encore. Tu es persuadée que ce n'est plus nécessaire au stade des B, et tu ne désires pas tellement changer ton opinion là-dessus. Tu peux encore comprendre, à la limite, que la déléguée des A n'ait pas le même avis, mais tu préfères rester là où tu es à présent. Quel intérêt ? Tu n'as pas vraiment envie de refaire tous ces efforts pour encore passer une classe. Le résultat est bien assez satisfaisant pour toi et Mabel a disparu. Mais bon. Elle a certainement raison d'un autre côté. Ses phrases se répètent continuellement dans ta tête jusqu'à ce que la phrase "Tu désires la chute d'Entropy ? Je suis capable de te l'offrir" soit celle qui se répète en boucle. Le principal sujet de ses paroles te revient à l'esprit alors.

▬ Oh attends ! Tu saurais comment renverser Entropy ?! exclames-tu en français.

La reine des A sait comment détruire ce qui te fait si peur, et finalement, c'est ce que tu as le mieux retenu de tout ce qu'elle a dit. Tu te redresses un peu et écartes un peu les jambes pour te mettre dans une position plus stable.

▬ Et je peux même être utile ? continues-tu dans la même langage, rayonnante d'espoir.

Cela te fait plaisir de réaliser que la petite Prudence pense que ton aide soit bénéfique. Ta bouche forme un sourire un peu idiot, un peu naïf, à la simple pensée que ton soutien puisse être nécessaire à la chute d'Entropy. Tes yeux s'illuminent alors.

▬ Comment tu vas faire ? demandes-tu enfin.

Prendre la confiance pour mieux écraser sa victime; Prudence ne marchait pas comme ça, ordinairement. Elle était plus du genre à se débrouiller seule, dans la mesure du possible. Quand elle n'arrivait pas à faire quelque chose seule de telle manière, alors elle changeait de méthode, jusqu'à parvenir à ses fins. Mais Entropy était un trop grand défi, même pour une De Boissieu. Alors elle avait cherché une faille, quelque chose qui lui permettrait de briser ne serait-ce qu'un bout de cette organisation. Or il semblait que ce quelque chose était la petite blonde en face d'elle, rare personne à être physiquement dominée par la reine.

Elle ignorait la réaction de Noëlle de Castellane, mais savait pertinemment qu'elle se débrouillerait autrement si cette tactique venait à échouer. N'importe qui aurait été émotionnellement choqué d'utiliser l'innocence d'une enfant si douce. Pas Elle. Parce qu'elle ne fonctionnait qu'avec son cerveau, parce qu'elle ne prenait pas en compte les infimes piqûres qui agressaient son coeur auparavant. C'est cette façon d'être qui a façonné son entière personnalité, ce besoin de puissance qui la gouvernait à présent toute entière. Elle désirait vaincre et n'hésiterait pas à utilise tous les moyens possibles et imaginables pour parvenir à ses fins.

« Oh attends ! Tu saurais comment renverser Entropy ?! » Cette langue natale qu'elle avait délibérément utilisée, sachant que De Castellane était aussi française que toi. Le parler était une chose, l'entendre en était une autre. Prudence avait simplement l'impression d'être revenue au point de départ, à apprendre la langue de Molière en compagnie de sa génitrice, aussi douce que du papier de verre. Les images de son paternel arrogant & ses paroles venimeux plongèrent quelques instants la déléguée dans son propre crâne, sans qu'elle n'y oppose une quelconque résistance.

Prudence n'est pas assez cela, elle est trop puérile, elle devrait travailler plu sérieusement. Oui père, oui mère. oui père. oui mère. Un sourire fendit subitement son visage. Elle se rappelait pourquoi elle travaillait si dur. Pour la fierté de ses parents, pour la réputation des de Boissieu, qu'Entropy & compagnie salissait. Cette décharge de motivation était ce qu'il fallait à l'adolescente pour qu'elle attrape le bras de Noëlle, n'ayant pas perçu les paroles de la blondinette.

« D'autres élèves pourraient être français, ne l'oublie pas. Suis-moi, nous allons parler de tout ça. Et tu vas me dire tout ce que tu sais. Je suis au courant de tes entrevues avec certaines personnes, donc ne fais surtout pas l'innocente. »

Certes Prudence était dure. Certes Prudence pouvait lui faire mal. Mais elle s'en fichait. Ses plans passaient avant la sécurité de la fillette, ses pensées passaient par-dessus les paroles de la fillette et, pour finir, elle-même était bien plus importante. Même si Noëlle pouvait être un outil clé du dénouement de cette affaire, il était indéniable que sans Prudence Entropy serait plus agressif. Du moins elle le pensait, dans toute son arrogance. Avant de sortir, elle lança un regard à Chan. « Surveilles la clase en mon absence. J'emmène cette intruse chez la Conseillère Principale D'éducation. » Puis vers le professeur. « Excusez-moi Monsieur, je serais de retour quand cette histoire sera réglée. »

Indiquant silencieusement à la gamine de se taire, la déléguée referma la porte derrière elle et la traîna dans les couloirs, prenant faussement la direction du bureau de la CPE. Mais au lieu de l'y emmener, elle fit un détour et se dirigea vers les dortoirs, ordonnant aux élèves "rebelles" qui séchaient les cours d'y retourner rapidement s'ils ne désiraient pas une punition adaptée à ce comportement. Sans attendre un instant de plus, elle s'engouffra dans son cabanon et ferma à clé après avoir vérifié l'éventuelle présence d'un de se colocataires. Tournant ensuite les yeux vers Noëlle, Prudence prit finalement la parole.

« Bien. Maintenant racontes-moi tout. En français, évidemment. »