Rouge Passion. {Fe Nathan}. - Yaoi.

La journée avait été dure pour Gabriel Oswald. Après un rendez-vous chez le psychologue très mal à propos, le jeune homme s’était fendu d’un appel qu’il aurait préféré éviter, le ramenant aux souvenirs de ses tribulations avec Leith Fleytcher. Ah, ce beau châtain si frêle au caractère tellement provocateur. Un petit tsundere qu’il s’était plu à domestiquer tout au long de leur relation, détruisant peu à peu la fierté et l’honneur de cette chose pour qu’elle lui soit soumise ad vitam eternam. Il avait voulu le détruire, il avait voulu le rendre dépendant, l’asservir à sa propre volonté tout en lui laissant le soupçon d’une liberté inexistante. Empoisonnant ses relations avec les autres, l’isolant de tous ses amis, il avait possédé son âme sans ressentir la moindre once de culpabilité, jusqu’à ce qu’il soit complètement impuissant, faible et pitoyablement lâche devant lui. Le britannique avait fait en sorte que son petit-ami ne soit plus jamais en mesure de lui répondre, et que sa vie dépende officieusement de sa propre volonté. Posséder les clefs de la vie et de la mort était quelque chose d’excitant, un besoin, une pulsion qu’il assouvissait au gré de ses humeurs.

Alors il suffit d’une trahison, d’une rébellion pour que Gabriel décide de détruire sa vie. Pour qu’il fasse en sorte de le trainer dans la boue, de lui construire une réputation de catin avide de phallus ; un prostitué payant ses études avec l’argent de ses clients. En montant cette histoire de toute pièce et en la balançant dans les rumeurs de Shu, il avait condamné sa réputation avec un sadisme exceptionnel, ne prenant guère la peine de lui reparler après qu’il se soit fait lui-même passer pour une victime de sa nymphomanie.
Oui, le Président des RTP pouvait être cruel, mais personne mieux que Leith ne pouvait savoir de quoi il était capable. Le seul petit morpion perçu comme un être plein de rancœur ne pouvait pas être crédible quand il démentait “avec fermeté“, mais l’adolescent gardait toujours au fond de lui la probabilité qu’un jour cette histoire explose au grand jour.

Les ennemis finissent toujours par revenir quand ils ne sont pas éliminés. Sa tentative de suicide faillit raviver la joie du londonien, mais elle disparut aussi vite qu’elle apparut à l’entente du mot « tentative ». L’insubmersible Leith Fleytcher. Le garçon qui ne voulait pas mourir, qui s’accrochait à la vie tout en étant devenu une loque dépressive incapable de sortir de sa merde, ce qui conduisit à son départ de Prismver. Un problème de moins, pensait-il. Mais alors qu’il se rendait à son bungalow, Oswald remarqua l’ombre d’une vieille femme au coin de sa chambre. Surpris par cette visite impromptue, agacé à l’idée que quelqu’un vienne perturber son havre de paix, il la reconnut très bien. La mère de son ex’. Une espèce de bourgeoise catholique coincée du cul mais dont l’amour pour son fils demeurait inconditionnel.  
« M. Oswald. Fit-elle froidement.
— Mme Fleytcher. Répondit-il calmement avec un sourire. La suite alla très vite.
— Leith est mort. Il s’est suicidé avant-hier. Et sachez que je vous en tiens pour responsable. Vous avez tué mon fils, et ça ne s’arrêtera pas là. » Le cœur de Gabriel frappa fort dans sa poitrine. Il écarquilla les yeux, soufflé par cette nouvelle. Il ne savait pas trop comment réagir si bien qu’il maquilla son émotion en un sourire apaisé presque sincère. « Toutes mes condoléances. » Se contenta-t-il de faire. La cinquantenaire aurait bien aimé lui mettre une gifle, elle aurait bien aimé le balancer à terre et lui détruire sa petite moue hypocrite. Mais non, elle se contint avec flegme. Le flegme britannique.

« Vous êtes monstrueux… Je vois clair dans votre petit jeu. Et faites attention aux ennemis que vous vous faites, parce que ça ne s’arrêtera pas là. » Et quand Mme Fleytcher disparut de son champ de vision, bien décidée à se venger, le britannique lâcha un sourpire soulagé. Rentrant dans sa chambre, pas plus perturbé que cela, il se posa sur son lit quand un sourire carnassier s’ancra sur ses traits.

Il était content. Content que ce poids disparaisse de son corps, de son âme. Content de ne plus jamais devoir se soucier d’un quelconque Fleytcher dans sa vie. Content que cette répugnante larve soit à jamais six pieds sous terres, et les rodomontades d’une mère acculée par le chagrin ne l’inquiétait pas plus que ça. « La journée a été rude… » et il eut la pensée qu’il devait s’amuser un peu. Fêter cette excellente nouvelle, avec les jouets qui dormaient dans ses tiroirs. Oh, non, Gabriel ne ressentait pas la moindre culpabilité.
Envoyant un LMS à Nathan, le garçon voulait profiter de cet après-midi pour concrétiser quelques projets. Son bungalow était vide, et il tâcherait de le laisser vide.

Loin de sa classe originelle, Oswald ouvrit sa petite chemise en soie et retira son bas de pantalon pour rester en caleçon. Il aimait bien se mettre à l’aise dans sa chambre, bien que cela puisse choquer ses comparses. Cela étant, il se fichait pas mal de ce qu’on pouvait bien penser de lui. Au contraire. Gabriel n’a que des intérêts permanents.  

La fin justifie les moyens. Gabriel était un adepte du machiavélisme. Il tirait son surnom “Le Prince des Abysses“ du livre éponyme écrit par Machiavel, Le Prince, trônant fièrement sur sa table de nuit. Exit l’honneur, la dignité, les principes quand il s’agissait de servir une cause d’intérêt première. Ces espèces de considération pseudo-humanistes empêchaient d’agir efficacement la plupart du temps au moment où il fallait mettre ses mains dans le cambouis. Plonger dans le fumier était parfois le meilleur moyen d’en ressortir avec la petite perle d’or qu’il y avait au fond. Oswald le savait, ce pourquoi il n’hésitait pas à faire l’impensable pour servir ses objectifs, du moment qu’il en tirait la contrepartie attendue. On n’a jamais rien sans rien, pensait-il. Et qu’est-ce qu’il pouvait y avoir de mal à ça quand on y prenait du plaisir ? Noyé dans ses songes, la porte le ramena à la réalité. Nathan, son petit protégé, posa directement les yeux sur lui, et le Président des RTP remarqua bien son petit sourire amusé.

Il fit à son tour une petite moue destinée à détendre l’atmosphère tandis qu’il ne le quittait pas des yeux en se rehaussant sur ses jambes imberbes. Son système pileux était pour ainsi dire inexistant, ce qui lui donnait une apparence juvénile, une apparence fragile de petit minet qu’il fallait protéger du monde extérieur. Gabriel ne dominerait jamais par la carrure, il n’en avait ni la force, ni l’envie, mais il se plaisait à jouer avec sa petite image frêle pour provoquer les pulsions d’Éros ou Thanatos. Qu’on veuille le protéger ou qu’on veuille lui casser la gueule, lui seul restait maître de la situation. Il contrôlait les choses sans même qu’autrui s’en rende compte.

« Charmant ? Allons, tu n’as pas encore vu ce qu’il y a dessous. » Fit-il en faisant claquer son caleçon contre son bassin et en se jetant dans ses bras pour l’étreindre chaleureusement.

Il voulait mettre Nathan en confiance, il voulait qu’il se sente bien à ses côtés. Il ne pouvait imaginer prendre ses petits sourires patelins ou ses remarques assassines avec un garçon comme lui. L’adolescent colla son torse, colla sa peau contre son tissu pour communiquer sa propre chaleur, pour lui redonner la bonne température dans le froid glacial entourant son ami. White, son lézard, disparut dans un placard tandis que Gabriel prit la peine de fermer la porte à clef. Installant un petit MP3, il lança de la musique bien sympathique. Des chansons japonaises inconnues ou de neko96.
Le britannique cherchait quelque part à l’attirer de lui-même. Il ne voulait pas paraître dominateur, au contraire, il voulait laisser croire à Richardson qu’il contrôlait leur possible relation, que c’était à lui de faire le premier pas pour décrocher cette lune qui veillait sur lui.

« J’espère que ce qui s’est passé hier ne t’a pas trop perturbé… Tu ne peux pas savoir à quel point je te remercie pour… tout ce que tu as fait pour moi. Je ne l’oublierai jamais, Nathan. » Il posa sa main sur sa joue rosée. En cet instant, la marque du poing d’Anarchy était bien la seule chose qui restait de sa relation avec le rouge. Il en jouissait un plaisir indicible.

« Tu veux manger quelque chose… ? » Rajouta-t-il avec un sourire en coin, un sourire qui sous-entendait presque “bouffe-moi, j’en meurs d’envie“. Et c’était ainsi qu’en caleçon…