EM'WOLF ▬ Monsters meet at night || PV. Scott

Une longue marche, enveloppée du vent froid et d’un silence mortifié. La nuit avait inondé le ciel de son encre noire, pour écrire du bout des étoiles des secrets muets. Menton levé, Emrys noyait son regard dans la mêlée scintillante qui surplombait le monde, dominante, divine. Une lueur d’espoir au fond des yeux, peut-être était-il en train de lire entre les astres, de chercher un sens à tout ça. Sûrement. Sûrement voulait-il annihiler son sentiment de détresse, son angoisse. Et ces soirs où la plus sombre de ses peurs gronde et vient empoisonner son cœur, il n’y a que les étoiles. Il n’y a que les étoiles qui restent, intouchables, et l’entour comme une ultime lueur de soutient, jusqu’au matin.

Il remercia le professeur de biologie qui, comme à chaque pleine lune, l’accompagnait jusqu’aux ruines, seul lieu supposé sûr et assez éloigné du pensionnat pour qu’on y laisse rôder en liberté une créature dépourvu d’humanité. Les sueurs froides se faisaient plus abondantes et le sourire contrit de l’adolescent se mua en une grimace mêlant douleur et inquiétude. Un frisson à la limite du morbide lui picota l’échine. Il avait hâte que s’en aille l’enseignant, anxieux à l’idée que la métamorphose n’arrive trop vite. Echange de regards de soutient, léger hochements de tête comme pour certifier avec hypocrisie que tout allait bien se passer. Puis Terry Clayton quitta les lieux, d’un pas preste, jusqu’à ce que son élève ne puisse plus l’apercevoir. Pincement au cœur. Une constatation qui à la fois le rassurait, mais le rendait également au plus mal. Emrys était seul avec lui-même. Et c’était d’une atrocité sans nom.

Pas d’échappatoire. Pas de fuite possible. Seulement cette effroyable réalité. Il connaissait l’histoire par cœur et pourtant, qu’elle se répète lui faisait toujours autant peur.

Alors, suffocant, il s’approcha cahin-caha d’un recoin de pierre, le même que d’habitude. Les bruits des bois avait quelque chose d’apaisant. Ou était-ce le fait de savoir qu’il était le plus gros danger potentiel, présentement. C’est ce qu’il croyait. C’est ce qu’il s’obstinait à penser, pour ne pas faire croître davantage de crainte en lui, pour ne pas augmenter sa nervosité. Il n’avait pas peur de ce qui l’entourait. Il n’avait peur que de lui-même et ça le rendait malade. Un monstre au visage si amical, c’en était gerbant. Le sentiment permanant d’être un mensonge.

Malgré le froid mordant, Emrys fit glisser le long de sa peau halée ses vêtements pour les épargner de déchirures, ses colliers pour qu’ils ne soient pas cassés. Claquement de dents, respiration forte et essoufflée par la température. Repousse ses affaires dans un creux caché. Sa vue se troubla un peu plus, l’empêchant presque de distinguer les ruines au sein desquelles il était réfugié, maintenant accroupie près du sol, comme un enfant. Désarmé, inoffensif, il n’avait rien sur lui que sa peau gelée. Pourtant il ne sentait que faiblement la bise hivernale l’assener de ses gifles glacée. Lacéré par des griffes congelées.

Une peine plus forte prenait le dessus et, maladive, faisait exploser sa chaleur interne. Fiévreux, il l’était. Plus il tentait de ralentir la transformation, plus elle était pénible. Il puisa au fond de sa volonté et endormie son humanité pour laisser place. C’était dur, c’était insupportable. Faisant respirer la bête, qui inhale dans une profonde inspiration, roque et dévaste toute trace de lumière de son esprit. Ses mains, dans lesquelles était niché son crâne comme un casque pour se cacher, se protéger, s’appuyèrent à terre, retenant le corps du garçon d’y tomber. Ses jambes ne le portaient plus. Il cru que sa mâchoire allait casser ses dents tant elle était serrée. Puis il voulu s’oublier. S’évanouir. Il suppliait intérieurement que ça s’arrête.

Blackout.

C’est ici que la douleur atteint son seuil, anesthésiant la conscience, perdue entre gémissements d’angoisse et plaintes étranglées. Il n’y’a que l’instinct qui subsiste. Un peu perdue, comme si la créature hideuse ouvrait les yeux après un long sommeil. Mais surtout, le lycan est en colère. Fou d’avoir été si longuement maintenu dans une cage de mœurs, de valeurs. Cette délivrance brusque est une bouffée d’air. La noirceur finie par jaillir et éclater, sans muselière pour être canalisée.

Hurlement de victoire. Je suis là
Rugissement de colère. Déchainé

A travers les nuages, une lune complète scintille et admire le spectacle. La mort d’un garçon et la naissance de son ombre.

Quiconque approcherait d’un peu trop près prend le risque de se faire happer, plongé dans l’obscurité la plus sanglante.

Seulement la nuit il n’y a que des ombres, qui ensembles se confondent.

Présence
Approche
Encore
Encore

Restez couchés, calfeutrés dans vos draps, bien à l’abris ; la nuit, il y a plus d’un danger qui erre.

6 Décembre x Cycle 2