Marraine la bonne fée est une légende. | Pv Finny

Marraine la bonne fée est une légende ”

20h07.
Il se faisait tard. Finn était encore assis à la bibliothèque, seul parmi les rayons emplis de livres anciens lorsqu'il avait jeté un oeil à sa montre à gousset -héritage protégé d'un grand-père aimant-. Cela faisait maintenant une heure que toute âme qui vive avait quitté les lieux, le laissant livré à lui-même, dans le calme. D'un geste assuré, il referma un manuscrit encore ouvert et rangea la pile de feuilles de brouillons, raturées à souhait, trônant sur le bureau devant lui. Tout dans cette partie de la bibliothèque relevait de l'antique, de l'usé. Du pupitre à l'étagère, de l'encyclopédie au roman, du tabouret au banc, tout semblait venir d'un monde oublié. Cette ambiance l'appaisait, et il aimait s'y réfugier pour travailler.
Une fois ses affaires pliées, le jeune homme au cheveux sombres se dit qu'il était temps de retourner à sa cabane. Il connaissait à peine ses colocataires mais cette situation ne semblait pas les perturber. Cela ne le dérangeait donc pas, il préférait de toute façon discuter le moins possible, conserver ses émotions pour lui seul et rester solitaire.
Le trajet entre la bibliothèque -son lieu favori, vous l'aurez compris- et son dortoir était assez long, aussi il en profitait pour observer le soleil se coucher par delà l'horizon. Les bâtiments assombris par les couleurs du crépuscule s'inclinaient devant la beauté du paysage. Ce soir là, le spectacle lui arracha un sourire apaisé.

► « Toi… Tu m'as fait attendre pendant des heures et des heures ici ! Il aurait pu pleuvoir ou neiger, sur cette île du nord, ça aurait été la même chose ! LA MÊME ! »

► « Ça commence bien, mon filleul qui me pose un lapin ! J'espère que tu as une bonne excuse, hein ? »

Sa tranquillité avait brutalement été pulverisée par l'arrivée d'une jeune femme dans son champs de vision. Ses piaillements perturbaient non seulement le silence mais aussi sa respiration qu'il contrôlait sans cesse, inconsciemment. Excédée, elle venait lui cracher sa colère au visage, sans même s'être présentée au préalable. Finn, choqué de cette intrusion violente dans son espace vital, ne répondit pas. Il se repassait la scène plusieurs fois, se répétant les propos de la belle :« Tu m'as fait attendre pendant des heures... » ; «...mon filleul qui me pose un lapin ! ». En effet, à son arrivée à Prismver, le jeune adulte se souvint qu'il avait entendu de nombreuses rumeurs, notamment celle du parrainage au sein de l'établissement. Il découvrait aujourd'hui, par le regard fulminant et sincère de cette jeune femme, que ces ouï dire étaient vrais.
Sans avoir l'air de rien, il observa sa "marraine" un long moment, malgré le silence pesant. Plus petite d'une bonne dizaine de centimètres, elle était forcée de lever des yeux aussi bleus que les siens pour le toiser. Ses cheveux entre le mauve et le violet intriguèrent Finn, mais les mèches légèrement  ondulées encadraient parfaitement son visage énervé. Quant à ses vêtements, le jeune homme vit au premier regard que c'était une femme qui aimait prendre soin d'elle. L'élégance semblait être son amie. Même si ses affaires s'avéraient d'un banal tout à fait évident, le mariage qu'elle en avait fait offrait au regard un ravissant spectacle. Entre son maquillage, son visage, sa coiffure et sa tenue, Candice était plutôt jolie, il fallait le dire. Dans quelle classe pouvait-elle bien être ? Quel était son nom ?
Perdu dans ses pensées, il en oubliait presque la présence de l'étudiante devant lui, trop habitué à la solitude. Son silence sembla l'irriter, aussi, la voilà qui commençait à taper du pied, les bras croisés sous sa poitrine. À nouveau, sa voix perça le calme ambiant, sortant Finn de sa torpeur.

► « J'attends ! »

Il se fit la réflexion qu'être contrariée lui allait bien, contrairement à ce que beaucoup disent sur les femmes au visage agacé. Son petit nez retroussé et ses yeux perçant lui extirpèrent un sourire qui resta cependant secret. En effet, de son visage ne débordait aucune émotion, aucun tic, aucune expression même la plus infime. Il se contentait de rester là, bien droit devant elle, un masque d'indifférence l'observant de ses yeux bleus. On eut dit un robot, tant il semblait n'avoir aucun sentiment. Et pourtant en lui, secrètement cachées, bouillaient mille idées, mille réponses, mille grimaces. Elle continuait à taper du pied, ses petites épaules tremblant au rythme de ses mouvements, le regard rivé sur lui.
Ne voulant pas la contrarier plus encore et ainsi se mettre à dos la personne avec qui il devrait sûrement passer le plus de temps en dehors de ses cours, il répondit enfin, d'une phrase dénuée de ton.

► « Je m'appelle Finn. »

Cette formule ne répondait en aucun cas à toutes les accusations dont l'avait accablé la jeune femme, mais il lui paraissait impératif de se présenter. À ses yeux, la politesse et le savoir-vivre étaient maître mots, ce qui n'avait pas l'air d'être le cas de son interlocutrice, au vu de la manière dont elle l'avait abordé. La jeune élégante semblait vouloir mener sa petite guérilla d'autorité bien plus qu'autre chose. Ce rôle lui allait à merveille mais cela ne suffirait pas à faire plier Finn, malgré sa difficulté à se mêler aux autres. Être timide ne faisait pas de lui quelqu'un de faible se pliant aux volontés de chacun, bien au contraire. Derrière ses airs absents de toute émotion se cachait un homme fort de caractère, qui hésitait simplement à se confier, et à qui le contact humain faisait presque peur. Il avait mis tout son courage dans cette réponse aussi courte soit-elle, car pour lui, s'adresser à autrui était une véritable épreuve, qui relevait bien souvent de l'exploit. En effet, peu de gens entendaient cette voix de baryton qui faisait partie de lui.

Finn avait donc ouvert la bouche pour la première fois devant sa future marraine, ainsi qu'il l'avait interprété, afin de se présenter. Ce faisant, il lui avait tendu la main droite, afin de sceller cette rencontre qui serait sans aucun doute la plus importante à ses yeux. Le jeune homme plongea son regard dans celui de l'étudiante devant lui, légèrement plus âgée au premier regard, attendant une quelconque réaction de sa part. Cette dernière poursuivait ses gestes répétitifs et nerveux, l'intention de serrer sa main en retour ne traversant apparemment pas son esprit. Elle avait presque l'air vexée qu'il ne se soit pas répandu en excuses devant elle, sans aucune autre explication valide de sa part. Peut-être était-ce le cas.
Après quelques minutes qui lui semblèrent des heures, il laissa sa main retomber le long de son corps et remis une mèche de ses cheveux mi-longs derrière son oreille, comme il avait souvent la manie de le faire.

Le silence prit place. Sentant bien que la conversation prenait un tournant peu agréable, le jeune timide prit à nouveau sur lui et se lança, la voix un peu plus tremblante que la fois précédente.

► « Comment t'appelles-tu ? »