" Don't throw it up, 'Kay ? "

À vrai dire, non, Hadès n’était pas une personne curieuse. Sa vision réaliste du monde, bien qu’étirée par la connaissance de la magie, le poussait à croire au minimum de choses et à ne jamais s’attendre à quelque chose de surprenant ou d’unique. Il ne courrait jamais après les chats puisqu’il s’attendait à le voir rentrer chez lui ou le distancer, il ne suivait jamais un bruit étonnant puisque cela tenait généralement du conflit entre classes sur cette île. Et enfin, il ne suivait jamais une odeur dans les bungalows - les ratés culinaires des élèves n’avaient rien d’étonnants, surtout quand on était un surdoué qui prenait plaisir à les catégoriser cruellement comme une belle bande d’imbéciles. Cela étant, il ne savait pas ce qui avait le plus joué, le fait que ce soit le bungalow d’Alwine ou que cette odeur soit vraiment étrange. Il avait peut-être un manque de culture dans le domaine mais l’anglais savait reconnaître quand quelque chose clochait, et puis, en dehors de tous ces arguments, il n’avait simplement rien à faire. C’était devenu son quotidien depuis peu : se contenter de faire absolument rien, se reposer au milieu de cette tâche et la poursuivre chaque jour ; c’était reposant, peut-être ridicule, mais étant donné tous les efforts qu’il avait mis tout au long de sa vie dans la recherche de l’amusement, il prenait une pause. Forcément, ça aidait à se fourrer dans les situations bizarres - il n’en était pas réduit à s’incruster dans la vie des gens, mais puisque la porte était grandement ouverte, il se permit d’en franchir le palier.

Silencieux, il écouta la voix d’Alwine résonner dans la pièce et tenta de garder un visage impassible en la voyant dans un pareil état. C’était totalement ridicule. Ce n’était pas simplement un petit raté, c’était un vrai massacre.

« Voici une occupation que je ne comprendrai jamais. » commenta-t-il en haussant les épaules. « J’espère que ça valait le coup. »

Bien sûr que oui. Bien sûr, mais il ne pouvait pas le comprendre, parce qu’il ne faisait aucun effort et rien n’était plus plaisant que le meilleur résultat avec le moins d’énergie dépensée. Grand paresseux, il n’était pas fan du fait que des efforts pouvaient être appréciés pour ce qu’ils étaient - ça restait un effort, quoi qu’on en dise. La cuisine était le parfait exemple. Pourquoi cuisiner quand il pouvait acheter des plats préparés ? Et puis, si l’on doutait de leur goût, il n’avait qu’à acheter pour plus cher.
D’accord, c’était extrême, immature et c’était de la pure mauvaise foi, mais Hadès n’avait eu l’occasion de goûter à la cuisine maison. En réalité, il n’avait jamais eu personne pour la lui préparer - et son avis sur la question était purement due à cette absence de connaissance. Par ailleurs, il avait toujours été curieux à ce niveau-là, et c’est avec un œil étrange qu’il observa les cupcakes sur la table. C'était suicidaire, mais il pouvait bien en goûter un.

« S’il m’arrive quelque chose, plaide coupable. »

Il attrapa l’un d’eux et croqua maigrement dedans. Il mangeait peu, si son corps n’explicitait pas assez la chose, mais les gens en étaient souvent surpris. Seulement, il avait agit stupidement, oubliant l’odeur étrange de tout à l’heure - et une curieuse sensation commença à gagner son corps...

Il roula des yeux, leur expression mélangeant un amusement certain et l’incompréhension. De toutes les personnes, celle qu’il comprenait le moins était sûrement Alwine. Ce n’était pas inhabituel que quelqu’un agisse naturellement avec lui (la moitié de ces gens essayaient de le faire pour prouver qu’ils n’avaient pas peur, l’autre était sincère) mais elle était à part.

Elle n’était pas juste naturelle, elle se comportait comme s’il était normal, comme s’il n’était pas ce terrifiant garçon qui avait réservé un mauvais sort à bien des gens. Elle ignorait cette part de lui - et c’est ce qui rendait sa compagnie définitivement agréable. Hadès pouvait bien se décharger de ses problèmes via ce genre de fréquentations - et si Alwine n’était pas la seule à lui offrir ce genre de sentiments, elle était sans doute celle qui le faisait le mieux. Certes, ça ne changerait pas sa façon d’être - et il ne se priverait pas de recracher la cuisine s’il s’agissait d’une tentative d’empoisonnement, mais actuellement, c’était plutôt bon. Il haussa les sourcils dans une expression d’approbation mais le visage inquiet de la jeune fille laissa à penser qu’il n’avait pas eu tort de penser à cette possibilité. Holy shit.

Il avait senti son corps se résorber, suivi d’une sensation étrange comme s’il n’était qu’une bulle qui avait éclaté en de milles morceaux pour se dissiper dans la mer ambiante - et soudainement, toutes les sensations qu’il avait pu connaître de sa vie semblaient ré-écrites, comme sous le phénomène idiot d’une réincarnation. En réalité, c’est ce qui se rapprochait le plus de son état actuel, si l’on pouvait parler d’état - car celui de son cerveau était telle qu’il n’aurait pas été possible de formuler une phrase correctement.

Hadès perdu. Hadès peut-être sous la table. Il sait pas, mais le corps gratte. Hadès pas comprendre. Hadès pas rancunier, mais plus jamais manger la cuisine d’Alwine. Sauf s’il s’occuper de la préparation avec elle. Bon, Hadès même pas savoir où il est, mais c’est pas grave, quelqu’un finira par le trouver. Il être même plus capable de réfléchir correctement ! Vraiment, c’est impensable. Pourtant, dans cette situation, Hadès avoir une cruelle envie de se marrer, si seulement il avait la capacité de réflexion de se dire qu’elle était hilarante. Puis d’un coup, Hadès pertubé devant Alwine géante - et Hadès comprendre le décor. Bon, Hadès pas vraiment rassuré, mais Hadès en profiter pour grimper sur l’épaule d’Alwine…. ou s’y laisser rouler suffisamment près pour qu’elle comprenne qu’il valait mieux ne pas le laisser tomber lorsqu’elle se relèverait. Au final, Hadès sceptique. C’était la meilleure façon de résumer.

Il aurait voulu réagir d’une façon bien précise, le soucis, c’est qu’il n’avait pas moyen de réagir de quelque façon que ce soit avec un corps pareil. Plutôt que de rester dans cette situation, il se laissa tomber sur le bureau de la jeune femme lorsqu’elle passa à porter et roula à côté du clavier de son ordinateur. Avec la boule de poils qu’il constituait, il avança à un rythme lent pour éviter de voir son corps basculer en roulade et pressa une lettre avec son front.

Il répéta l’opération plusieurs fois, le tout lui permettant de passer un message à son hôte, qui, il l'espérait, permettrait de faire avancer les choses : MDR.

Son problème, au-delà de la forme de gnome, c’était la réduction de la taille de son cerveau. Hadès ne se plaignait pas de ses problèmes pour l’unique raison que la réflexion lui permettait de s’en tirer, mais dans le cas présent, ça semblait compromis. Parmi toutes les possibilités actuelles, il n’en voyait qu’une d’acceptable : faire appel à un annulateur. S’agissant du seul don qui posait réellement problème au sien, Hadès évitait d’approcher les personnes qui le possédaient mais il ne semblait pas avoir le choix. Il poussa ce qui aurait dû être un soupir mais s’apparenta, et l’expression d’Alwine le confirma, à une complainte aiguë. Ce n’est pas qu’il ne lui en voulait pas.

À vrai dire, il était fortement agacé de cette transformation - et se demandait pourquoi diable cette fille cuisinait ce genre de choses - et il ne pouvait pas prétendre qu’il ne lui en voulait pas. Ce qui est certain, c’est qu’en sortant de cette expérience (si tant est qu’il en sortait), il ne goûterait plus jamais à sa nourriture. C’est bien le pire qu’il pouvait faire - il se voyait très mal couper les ponts avec elle pour une raison ou une autre. Ce n’est pas qu’elle était une amie parfaite, loin de là ; et Hadès ne se gênait pas de lui rappeler son point de vue lorsqu’elle s’opposait à ses méfaits, seulement, Alwine n’était pas une personne à qui l’on pouvait en vouloir. L’anglais ne comprenait pas vraiment la gente féminine, et Alwine en était la représentation parfaite - elle évoquait tout ce sentimentalisme qui lui passait au-dessus. Elle était bien trop spontanée pour qu’il n’ait ne serait-ce que l’envie de lui imposer un ultimatum.

S’il avait une bouche bien formée en l’instant, il aurait soupiré et mit fin au sujet présent de façon plus expéditive. Il n’avait pas plus l’envie de s’attarder sur ce sortilège que sur ce moment honteux. Le problème, c’est qu’il était toujours en pleine transformation et qu’il n’avait aucune envie de mettre à exécution une solution devant Alwine. Mais le temps pressait. Hadès n’avait pas le choix, pas la patience de rester dans cette forme plus longtemps.

Il était peut-être sympathique avec cette fille, mais s’il fallait faire usage d’une alternation de mémoire, il n’était pas le genre de personnes à hésiter pour des raisons de conscience. Il se redressa - toujours en roulant - et tenta à nouveau d’user le clavier pour faire valoir sa seule idée :

shun xiang
créa obj magique
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Hadès (ou ce qu’il en restait) savait peut-être faire preuve de tolérance, mais si son amie ne saisissait pas ça, il ne saurait plus que faire. Il n’avait pas envie d’appeler un annulateur. Ce type était sa seule chance - et il semblait bien trop à l’ouest pour avoir envie de se mêler de ses histoires. Pour une aide extérieure sans conséquences, c’était le candidat parfait.