L'air était doux, frôlait la peau hâlée de Siham, chatouillait son nez et poussait ses yeux à se fermer. L'odeur de la mer lui titillait gentiment les narines, tandis que les clapotis de l'eau caressaient ses oreilles. Le bois du pont où elle était assise ripait sous ses paumes, et elle sentait parfois la froideur de l'eau sur ses orteils, qui pendaient au dessus de la surface jusqu'à l'effleurer par moment. Un calme rare l'envahissait toute entière, de ses ongles de pieds jusqu'à la pointe de ses cheveux teintés. Ça lui rappelait énormément de souvenirs, pensa-t-elle avec une pointe d'amertume. Ce qui s'est passé avant Prismver était enterré, ce n'était pas un sujet auquel l'indienne voulait débattre. Pas que ce soit un passé triste, cruel ou tragique. Elle ne pouvait pas se plaindre de ça. Elle avait eu une famille aimante, eut à peu près ce qu'il lui fallait - elle avait toujours été une enfant capricieuse. Mais les remords d'avoir été celle qu'elle était resteront toujours, ainsi que les cicatrices d'avoir vécu des peines existentielles tout au long de son enfance. Ce n'était pas du manque, de la maltraitance, une mauvaise éducation ni quoique ce soit qui vienne de ses parents. C'était elle. Sa façon de penser et de toujours compliquer les choses. Au premier abord, et elle en est consciente, Varaja semble confiante et sûre d'elle alors qu'au fond, son cœur est rongé de doutes et d'insécurité. Elle laissa échapper un petit rire goguenard qui résonna dans l'obscurité de la nuit. C'était tellement cliché. Elle qui se battait pour le naturel, qui représentait la franchise même, c'était bien ridicule. Elle renversa sa tête embrumée de pénibles pensées en arrière et soupira.
"Comment gâcher un moment de tranquillité en beauté", railla-t-elle pour elle-même.
Son cœur l'étreignait maintenant d'une mélancolie désagréable, lui serrant les entrailles délicatement, et une légère nausée s'empara de son ventre. Il était tard, et pourtant un brouhaha lointain se faisait entendre, en ville. Les gens s'amusaient, buvaient et dansaient, comme le faisait en temps général Siham, mais ce n'était pas la bonne nuit pour ça. Non, cette nuit-là était triste et dédiée aux malheurs des insomniaques. Elle soupira encore, prise au piège cette fois, pour de bon, par ses idées sombres. C'était étrange de se dire que la même personne hier, ou avant-hier, respirait la bonne humeur et l'optimiste. Mais bon, nous avons tous nos moments de faiblesse, n'est-ce pas ?
"N'est-ce pas ?"
Elle tentait de se convaincre elle-même. Elle ne se reconnaissait pas, là, à ressasser le passé, les bons moments comme les mauvais, à parler seule, à se morfondre sur son sort, et regretter. D'habitude, elle bottait le cul de ceux qui déprimaient, détestant les états d'esprit fatalistes et pessimistes. Ironique, pas vrai ? Ou plutôt pathétique, se corrigea-t-elle. Alors qu'elle vagabondait d'idées noires en idées noires, elle laissa voguer sa main au dessus de l'eau dormante et d'un geste voluptieux - comme une vague qui glissait le long de ses doigts - puis sec - une secousse au bout des ongles - lança une onde à travers les profondeurs. Elle était minuscule, juste assez pour faire résonner le fond de la mer et ne faire ressortir que des ondulations à la surface. Soudain, la retirant violemment de sa torpeur, des bruits de pas sur le bois sec résonnèrent. Elle fronça les sourcils nerveusement ; qui était aussi tordu qu'elle pour aller se promener près du port à une heure pareille ? Non, à vrai dire, c'était plutôt banal. Des étudiants alcoolisés en train de faire une promenade digestive ou quelques tourtereaux en fête. Mais ce qui la rendait nerveuse, c'était qu'on puisse l'apercevoir dans cet état là, presque faible, vulnérable, nostalgique, ou tristement et simplement normale.
"Tu cherches la Grande Ourse ?" la surprit une voix.
le subtil a peur, le brut vit avec insouciance
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Sujet: Re: Pensées nocturnes ▬ Cassandra E. Meiller Sam 25 Juin 2016 - 12:39
CASSANDRA & SIHAMpensées nocturnes
Les nuits sont longues pour les insomniaques. En ce moment, il était rare que tu trouves le sommeil, tu accumulais le sommeil, et l'ennui accessoirement. Cela faisait bien longtemps que tu n'étais pas allée au port. Pourtant, tu le trouvais bien plus beau en pleine nuit. Tu enfilas rapidement de vieux vêtements, avant de quitter ton petit studio. Il faisait bien chaud cette nuit, mais le vent frais était agréable. Tu t'arrêtas quelques instant pour en profiter, pour qu'il caresse doucement ton visage. L'odeur de la mer était agréable, et te rappelais de bons souvenirs, comme de mauvais. Les enfants qui courraient sur la plage, la main d'Ethan sur ton ventre arrondi... Tu souris légèrement, ton regard se perdant dans le vide. Ce n'était pas le bon moment pour se souvenir de tout ça.
Visiblement tu n'étais pas la seule à avoir des difficultés à t'endormir ce soir, une jeune fille était assise près de l'eau, plongée dans ses pensées. Et elle n'avait pas l'air dans son assiette. Tu t'approchas doucement de l'étudiante, tout écoutant les paroles qu'elle s'adressait à elle-même. Oui, elle n'avait vraiment pas l'air dans son assiette. Empathique comme tu étais, tu pouvais pas l'abandonner à son triste sort. Tu posas doucement ta main sur son épaule, tout en lu souriant :
- Alors, tu cherches la Grande Ourse ?
Tu vins t’asseoir près d'elle, toujours en souriant. Le vent vous berçait doucement. Tu vins pointer la grande ours du doigt :
- Elle est ici. Elle est belle ce soir n'est-ce pas ? Elle brille plus que d'habitude..
Tout comme elle il y'a quelques minutes, tu viens tremper le bout de tes pieds dans l'eau, afin de faire onduler l'eau :
- Quelque chose te tracasse ? Tu n'arrives pas à dormir toi non plus, enfin je suppose... On s'est bien trouvée... Je t'ai entendue avant d'arriver, tu veux en parler ?
Ton sourire se fait rassurant, et ton côté maternel ressort, encore une fois. La curiosité aussi, l'envie d'aider. Mais, comment allait le prendre la jeune fille ? Elle n'aimait peut-être pas qu'on se mêle de ses affaires ? Advienne que pourra, il était trop tard pour faire marche arrière Cassandra. Tu croisas son regard :
- Beaucoup de choses me tracassent aussi en ce moment... Comme je disais, on s'est plutôt bien trouvées
Tu poussas un petit rire, avant de remettre tes cheveux derrière ton oreille. Le vent te gênait :
- Voir la mer ravive beaucoup de souvenirs, bons comme mauvais... Tu ne trouves pas ? Lui demandas-tu, le regard perdu dans le vide. Ah, au fait, je suis Cassandra Meiller, professeur d'astronomie, et toi ?
Sa main s'était doucement pausée sur l'épaule de Siham, la faisant sursauter. La plus jeune se retourna pour voir à qui appartenait la voix, et elle fit face à une femme aux longs cheveux blonds et au sourire lumineux, même dans la nuit. Voyant aucune réaction de la part de l'étudiante, l'inconnue s'assit à ses côtés, sur le bois rêche du port.
"Elle est ici. Elle est belle ce soir n'est-ce pas ? Elle brille plus que d'habitude..."
Son regard se dirigea alors vers le bout de son doigt qui pointait une étincelle dans la grandeur du ciel. Toujours chamboulée par l'irruption soudaine de cette personne dans sa vie, Varaja se taisait, et observait.
"Quelque chose te tracasse ? Tu n'arrives pas à dormir toi non plus, enfin je suppose... On s'est bien trouvées... Je t'ai entendue avant d'arriver, tu veux en parler ?"
L'indienne orienta son regard vers la femme à ses côtés, perplexe, pour rencontrer deux grands yeux bleutés faisant écho à l'étendue d'eau qui les accompagnait en dessous d'elles. Ils étaient si profonds qu'ils refletaient l'immensité des étoiles. Un moment, Siham pensa au sens de la question qui lui avait été posée et paniqua légèrement. Elle ne savait même pas si elle était capable de poser des mots sur ses sentiments. Le fait qu'on la découvre dans cet état-là la rendait déjà anxieuse, parce que Dieu sait qu'elle ne voulait pas de la pitié des autres, mais là ça paraissait différent. En cas normal, Varaja se serait sûrement braquée, et dans toute sa brutalité l'aurait envoyée balader. Elle gémissa tout en se prenant le visage de sa main droite ; c'était vraiment le bordel dans sa tête, et il avait fallu que quelqu'un s'en mêle. Comme si ce n'était déjà pas assez compliqué.
"Beaucoup de choses me tracassent aussi en ce moment... Comme je disais, on s'est plutôt bien trouvées."
Vraiment ? pensait-elle. C'était assez rare que quelqu'un s'intéresse à elle à vrai dire, alors dire qu'elles s'étaient bien trouvées, c'était aller vite en besogne. Mais l'idée ne lui déplut pas, et elle fut piquée par un élan de curiosité, de compassion, ou que sais-je encore d'autres. Mais qui était donc cette inconnue ? Celle-ci laissa un rire léger emplire l'atmosphère avant de continuer son monologue.
"Voir la mer ravive beaucoup de souvenirs, bons comme mauvais... Tu ne trouves pas ?" souffla-t-elle, le regard plongé dans le vide. "Ah, au fait, je suis Cassandra Meiller, professeur d'astronomie, et toi ?"
Siham ouvrit grand ses yeux, ne s'attendant pas à ça. Elle répondit alors, en se grattant la gorge avant, de sa voix rauque et basse.
"Siham Varaja Harris, classe D."
Elle marqua une pause.
"J'ai passé la plus grande partie de ma courte vie au bord des mers et océans, alors, j'ne pourrais qu'acquiescer."
Tentant de paraître concernée après ces quelques minutes de comportement comateux, l'indienne reprit la conversation.
"Et vous ? Vous voulez en parler ?"
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