melody of soul
Il fallait croire que les choses ne changeront jamais. Il fallait croire que j’allais passer le restant de mes jours à cohabiter avec le cancer, qu’il ne me laissera jamais un seul moment de répit. Qu’il me ferait souffrir jusqu’à mon dernier souffle, qu’il continuerait sans cesse de me tourmenter… Mais, le pire, c’est qu’il faisait aussi souffrir mes proches. Je ne me souciais pas de moi, je ne le méritais pas. Cela m’importait peu de souffrir, si cela permettait de préserver l’un de mes proches. Cependant, personne n’était préservé. Le cancer continuait de s’en prendre à mon frère, inlassablement. Et, c'est pour cela que je me détestais autant. Je pensais que tout était ma faute. Après tout, si le sort s’acharnait autant sur moi, il devait bien exister une raison. Je devais le mériter, j’en étais persuadée.
Depuis quelques temps, j’avais l’impression que la mort me collait à la peau, je ne pensais qu’à ça. C’était la première fois que je me sentais aussi mal. Je déprimais souvent, c’était indéniable. La vie n’avait jamais été tendre avec moi, j’avais mes raisons. Mais, jamais je ne m’étais sentie aussi mal. J’avais l’impression d’être au fond du gouffre, dans un dédale sans fin. Perdue dans un torrent de sentiments que je ne comprenais pas.
Depuis quelques nuits, il m'était impossible de trouver le sommeil. Je ne faisais que me retourner sans cesse dans mon li en râlant d'ennui. Je n'en pouvais plus, il fallait que je fasse quelque chose, que je trouve un endroit où extérioriser mes sentiments sans avoir la crainte d'être aperçue. C’est ainsi que mes pas conduisirent à la salle de musique. Vu l’heure tardive, je devais pouvoir m’exercer sans que personne ne me dérange. Et surtout, j’allais pouvoir libérer mes sentiments dans une parfaite solitude. Je n’aimais être vue en train de pleurer, je ne voulais pas que l’on ai pitié de moi. J’avais connu cela toute mon enfance, le comportement de nombreuses personnes avait changé lors de la découverte de mon cancer. Je ne voulais pas que ça continue, la pitié , c'était pour les faibles.
Je me laissai doucement tomber sur le tabouret face au piano, avant de fixer longuement celui-ci. Mes doigts se posèrent maladroitement sur les touches, avant d'appuyer avec délicatesse sur les touches. Cela faisait longtemps que je n'avais joué une partition de Chopin. Heureusement, ma mémoire motrice était bonne, et je n'eus pas de mal à jouer la partition.
Néanmoins, je fus brutalement interrompue par la leucémie. Cette dernière avait décidé de ne me laisser aucun moment de répit ce soir. Un filet de sang s'échappa de mon nez, avant de finir sa course sur le pauvre instrument. Ce n'était pas ma journée. D'un geste désespéré, je vins frapper les touches du piano de mon poing, provoquant ainsi un vacarme assourdissant. Je n'en pouvais plus de subir tout ça, de voir mon corps s'affaiblir chaque jour un peu plus. J'avais l'impression de disparaître peu à peu de la surface de la terre. Cette maladie me mettait hors de moi, et je finissais même par m'en prendre à un instrument de musique. N'étais-je pas pathétique ?
Dans un murmure, entre deux sanglots, je m'excusas auprès de ce piano que j'avais martyriser, avant de laisser mon cœur se libérer.
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