[FINI] And ya running away [Miles]

Il y avait quelque chose entre Miles et Théa. Tu ne savais pas quoi, mais il y avait quelque chose. Quelque chose dont Théa ne voulait pas te parler – et ce n'est pas comme si tu ne lui avais pas laissé l'occasion de le faire – et tu détestais, tu haïssais qu'elle te cache des choses. Car s'il y a bien quelque chose que vous n'avez jamais fait, c'est vous mentir. Alors certes, cacher des choses, ne pas tout dire n'était pas mentir à proprement parlé, mais tout de même un peu. Il fallait que tu prennes les devants car tu détestais ne pas savoir, tu détestais être mis à l'écart comme elle le faisait. Et au lieu d'aller la voir elle, tu allais le voir lui. Tu ne devrais pas, clairement pas même, mais c'était la première idée qui t'était venu à l'esprit et c'était mieux que de te disputer avec Théa jusqu'à ce qu'elle crache le morceau et, la connaissant, elle ne le cracherait pas, et ça allait plus vous emmerder tous les deux qu'autre chose.

Les mains dans les poches de ta veste noire bien trop large pour toi, tu quittes la salle de musique, guitare sur le dos, pour te rendre dans la salle d'art où la réunion du club de théâtre venait de finir, si tu te souvenais bien. Tu n'es pas trop sûr, à vrai dire, mais autant tenter. Dans le pire des cas, tu ne perdrais que quelques minutes à faire l'aller retour, et encore.

Tu pénètres dans la salle d'art vide et tu soupires, déjà prêt à tourner les talons quand tu aperçois Miles du coin de l’œil. Parfait. Tu te diriges vers lui, toujours la guitare sur le dos et les mains dans les poches. Tu ne connaissais pas Miles, seulement de nom, de visu, et encore. Tu n'entendais sur lui que les bruits de couloirs quand il y en avait, tu ne savais que ce que les autres savaient : tu ne t'intéressais pas plus que ça aux ragots, en réalité, alors tu savais juste qu'il était un peu aimé de tous et qu'il semblait être trop parfait pour pas cacher quelque chose. Tu arrives devant lui, légèrement souriant, parce que finalement, c'est pas comme si tu lui voulais vraiment quelque chose, tu voulais juste savoir ce qu'il se passait, parce que tu t'inquiétais, parce que c'était pas le genre de Théa de te cacher des choses, et que tu détestais être mis à l'écart. Tu voulais juste comprendre, en fin de compte.

— Hey, lances-tu en sortant une main de tes poches pour lui faire un léger signe.

Tu frottes ta nuque, hésitant sur la démarche à suivre avant d'opter pour l'honnêteté la plus totale... et une légère présentation aussi ne ferait pas de mal :

— Killiam, le frère de Théa.

Tu les savais assez proche pour ne pas qu'il te demande un Qui ?, alors tu ne donnes pas plus d'informations que ça. Oh que tu n'es pas doué pour ça, Killiam, t'es loin de l'être même.

— Il s'passe quoi, entre elle et toi ?

Ça aurait été tellement plus simple d'aller lui demander à elle, tellement plus simple que d'aller voir Miles, sans savoir comment il allait réagir, sans savoir s'il se passait vraiment quelque chose ou si tu devenais tout simplement pas parano. Ce n'est pas parce que Théa te cache des choses que c'est quelque chose d'important, si ? Quelque chose de dangereux ou de mauvais pour elle... Mais tu ne peux pas t'empêcher de penser qu'il y a quelque chose de pas bon dans ce mensonge, et que si elle te le cache, c'est parce que tu serais pas forcément d'accord avec tout ça.

Alors t'as pas trop le choix, hein ?
C'est ce dont tu essaies de te convaincre.  

Il y eut quelque chose d'ironique dans la situation qui se présenta à lui ce jour-là. Un jour bien parti d'ailleurs, et présenté comme titulaire d'une normalité des plus absolues - et il avait suffit d'une personne pour casser ce chemin parfait. C'était arrivé à la fin du club de théâtre, et de ce timing, Miles en déduisit un certain respect de la part de cette personne - et des volontés pas si agressives que ça. Très vite, la réponse fut donnée : Killiam, le frère de Théa et visiblement un musicien. Son regard resta porté sur sa guitare pendant de longues secondes alors qu'il réfléchit à la question avec le plus grand sérieux.

Il avait déjà songé à faire face aux proches des membres de Raven, mais Théa était la dernière qu'il imaginait dans cette situation (il avait beau se comporter naturellement malgré le fait qu'elle soit en S, il ne pouvait s'empêcher d'avoir quelques préjugés de ce genre, qu'il gardait pour lui.) et à côté de ça, il n'avait toujours pas réfléchi à la façon dont il réagirait à cette situation. Au fond, son plan n'était pas si parfait que ça : il en avait oublié quelques points dans ce genre et voilà qu'il était incapable de répondre à Killiam, le frère de Théa ("Salut." articula-t-il cependant, en première réponse.) pendant qu'il entraînait dans cette dernière dans des opérations qui pouvaient sans doute lui coûter son avenir. Avec ce genre d'informations en tête, il était évident qu'il ne pouvait pas s'en tirer avec de simples refus - mais il était tenté de le faire, simplement pour vérifier sa première interrogation qu'il préféra énoncer à voix haute.

"Es-tu vraiment le frère de Théa ? Je ne peux pas répondre bêtement à ta question sans en être certain."

Miles fit signe au jeune homme de le suivre et se rendit vers la machine à café pour lui en proposer un silencieusement, tout en s'asseyant sur une chaise. Il l'invita à faire de même avec un maigre sourire.
La discussion allait sûrement prendre du temps et il tenait à recevoir ses invités avec beaucoup d'égards - encore plus s'il s'agissait du frère de Théa. Le plus dur dans tout ça, ce serait la première réponse - les gens étaient d'autant plus susceptibles quand il s'agissait de leurs proches et la frustration de ne savoir rien des faits et de ne pas pouvoir les aider leur pesait. Miles connaissait parfaitement cette sensation, c'est pourquoi il préférait être honnête avec Killiam.

"Même si je pars de l'idée que tu es le frère de Théa, je ne peux pas prendre la décision de te parler des choses par moi-même. C'est à elle de le faire, ou ce ne serait pas respectueux envers elle."

Il laissa un blanc couler. C'était la partie délicate.
Miles voulait aider tout le monde avec Raven, et l'idée que quelqu'un subisse les représailles de son plan lui coupait l'envie. Il ne se définissait ennemi de personne, mais allié de tous - et il était prêt à donner de lui pour parvenir à un résultat parfait.

"Je peux quand même répondre à des questions. Te laisser juger si je suis digne de sa confiance."

C'était une maigre compensation, mais c'est tout ce qu'il pouvait se permettre dans sa situation Dans celle de Théa.

ft. Killiam •• Juin (cycle 3)

— Es-tu vraiment le frère de Théa ? Je ne peux pas répondre bêtement à ta question sans en être certain.

Oh. Tu fronces les sourcils sans même t'en rendre compte et le suis quand il t'invite à le faire, acceptant le café avant de t'installer sur la chaise abandonnant la guitare contre une autre chaise. Tu comprends l'idée, et tu la respectes, vraiment. Mais que faisait-il, que faisaient-ils tous les deux pour que la simple idée que quelqu'un d'autre soit au courant soit une sorte de menace ? Tu n'aimes pas ça. Tu n'aimes pas ça du tout. Tes yeux s'abaissent sur ton café, sur le récipient que tu fais doucement rouler entre tes doigts, le café glissant sur les parois. Ça allait être beaucoup plus compliqué que prévu, sûrement plus long, aussi. Tu allais devoir en parler avec Théa, et c'était quelque chose qui t'emmerdait clairement étant donné qu'elle était aussi têtue que votre grand-mère – et c'était peu dire – et que quand elle avait quelque chose dans la tête, elle l'avait pas ailleurs.

Il reprend la parole et tu ne peux que lui accorder la chose. Certes, ce n'était pas respectueux envers elle, mais tu n'y serais pas obligé si elle n'était pas aussi têtue, à croire que tu ne pouvais rien accepter du tout et ne rien comprendre, ou agir comme si tu allais la rejeter à la moindre occasion : ça te rendait malade. Un soupir t'échappe dans ce silence qui s'installe. Il avait au moins cette sorte de loyauté et ce respect que tu ne pouvais que respecter toi-même.

— Je peux quand même répondre à des questions. Te laisser juger si je suis digne de sa confiance.

Tu avales deux ou trois gorgées de ton café avant de le regarder, abandonnant ta contemplation du récipient entre tes mains. Tes jambes s'étendent devant toi et ton dos s'appuie sur le dossier, tes avant-bras se posant nonchalamment sur tes cuisses.

— Ce n'est pas en une seule conversation que je te penserai digne de sa confiance, lâches-tu enfin en haussant les épaules, tu continues ensuite : Puis bon, j'ai rien à dire sur les personnes en qui elle a confiance, ou sur ce qu'elle fait ou sur ce qu'elle pense, c'est pas ça le problème. Je m'inquiète juste pour elle.

Tu reprends une autre gorgée de café, soupires de nouveau avant de te redresser sur l'assise et tu reprends, ne sachant pas trop quoi dire, finalement :

— J'ai juste pas l'habitude d'être mis à l'écart. J'ai pas l'habitude qu'elle me fasse pas confiance.

Tu ne le quittes pas des yeux. Tu cherches. Qu'est-ce qui te prouve qu'elle peut lui faire confiance ? Qu'est-ce qui te prouve que tu peux lui faire confiance ? Tu pourrais terminer la conversation ici, finir ton café et le remercier, prendre ta guitare et faire volte-face, et chercher Théa pour avoir une discussion avec elle. Sûrement pas une discussion, plutôt une dispute, vous étiez tous les deux bien trop têtus, bien trop... Un nouveau soupir t'échappe et tu lui demandes :

— Est-ce qu'elle se met dans la merde à faire je sais pas quoi avec toi ?

Parce que finalement, c'est le plus important.  

Miles pouvait comprendre l'état d'esprit de Killiam et c'était un dilemme. Si c'était le frère de Théa, c'était un bon acteur, et il avait beau commencer à croire en sa version, il ne pouvait pas se permettre de trahir ses propres paroles. Il n'avait aucun droit ici. Il n'avait certes pas plus le droit de garder un quelconque secret vis-à-vis de Théa, mais avait-il vraiment le choix ? Pouvait-il être blâmé pour ça ?

Étant donné que Killiam ne trouvera rien à y redire, Miles se détendit et jugea qu'il n'avait pas dépassé les bornes. Il était plutôt soulagé d'être tombé sur une personne aussi compréhensive, même s'il voyait à quel point Killiam se contenait - et par égard pour ses efforts, il en faisait aussi en répondant le plus honnêtement possible. Ce n'était pas forcément la meilleure idée pour sa propre sécurité, mais Miles ne s'attendait pas à se faire dorloter par qui que ce soit lorsqu'il avait lancé Raven. Il s'attendait aux retours, aux plaintes, aux pleurs, à la haine, aux coups, à verser un prix suffisant pour en regretter son choix. Il était prêt pour ça. Il était naïf de penser que personne ne subirait des conséquences négatives de son action mais le réaliser ne pouvait le laisser de marbre. Miles tenait trop à son projet pour en ignorer les ratures, il attendait tant de la propreté qu'il ne pouvait ignorer les œufs cassés de son omelette. Les membres de Raven étaient les plus investis et pourtant, c'étaient également ceux qui se mettaient le plus en danger - et c'était un élément dont Miles était conscient depuis le début. Il avait averti les membres, précisé jusqu'où il était prêt à aller et insisté sur l'évident fait qu'il ne pourrait jamais les protéger des conséquences, même s'il ferait tout pour.

"Oui. Ça pourrait très mal tourner."

Et malgré tout, il reste honnête. Attaché à ses valeurs, à ce respect mutuel, immobile, les bras le long du corps, prêt à subir le contrecoup des révélations. Pourquoi devrait-il mettre ses membres en danger et ne pas le payer également ? La culpabilité le rendait trop émotionnel, docile. Il était le leader et ne pouvait se permettre de se relâcher - mais il avait encore beaucoup à apprendre. Était-il vraiment prêt pour lancer quelque chose comme Raven ? Le but n'était pas d'accomplir un but, mais de démolir tous ceux des autres en ramenant une situation calme, autrement dit, c'était certainement le plus difficile d'entre tous.

"Chacun est conscient des risques. Et..." Courte pause, il croise le regard de Killiam. "Théa agit pour les autres. Ce qu'elle essaie d'accomplir est bien et elle  n'en tire aucun bénéfice personnel. Vraiment. Alors je pense que tu devrais en parler avec elle."

Il baissa le regard, signe qu'il ne comptait pas insister davantage. Miles n'avait aucunement l'intention de donner des leçons de vie à Killiam, juste de défendre sa propre cause, celle de Théa comme de Raven, et c'est ce que son langage corporel indiquait.

ft. Killiam •• Juin (cycle 3)

Oui.
Ça pourrait très mal tourner.

Tes doigts se referment un peu trop fort sur le gobelet en plastique, le font craquer et se replier sur lui-même. Tu serres les dents. Tu n'aimes pas ça, tu n'aimes tellement pas ça. Vous auriez dû partir dès que vous en aviez l'occasion, vous auriez dû partir de cette école avant que ça ne devienne du grand n'importe quoi, que ça ne devienne qu'une grande mise en scène, qu'une grande tragédie antique. Oui. Ça pourrait très mal tourner. Elle pourrait être en danger, elle pourrait être blessée et l'idée même te rend malade, elle te donne envie de vomir, elle fait battre ton cœur plus fort, plus violemment. Ô comme tu as peur pour elle, comme tu es terrifié de la perdre. Ce n'est pas que ça pourrait mal tourner, non, c'est que ça pourrait très mal tourner. Dans quelle merde s'est fait-elle foutue ? Et elle était si têtue que tu sais, tu sais pertinemment, qu'elle ne t'en touchera pas un mot, que même en danger, que même dans la merde, elle ne t'appellera pas à l'aide et ça te rend malade.

— Chacun est conscient des risques. Et... Théa agit pour les autres. Ce qu'elle essaie d'accomplir est bien et elle n'en tire aucun bénéfice personnel. Vraiment. Alors je pense que tu devrais en parler avec elle.

C'est trop simple de dire tout ça, c'est trop simple de dire qu'elle agit pour les autres et avec d'autres, qu'elle n'agit pas pour elle, qu'elle essaie d'accomplir quelque chose de bien, et de bien plus grand qu'elle. C'est beaucoup trop simple de dire qu'il faut que tu lui en parles ; ça ne va que vous détruire un peu plus, toi, terrifié et en colère qu'elle se mette en danger, elle, ne comprenant pas pourquoi tu ne veux pas comprendre.

Tu pourrais partir en guerre pour elle. Elle ne le comprend pas, elle ne veut pas le voir. Mais tu t'en fous, vraiment, tu pourrais réellement partir en guerre pour elle, quelque soit l'ennemi, quelques soient ses idéaux, quelque soit son but. Tu pourrais partir en guerre contre tout et tout le monde, tu abandonnerais tout pour elle car tu as toujours été comme ça, tu as toujours eu ce besoin de la savoir en vie, saine et sauve, heureuse. Tu vendrais ton âme au diable pour elle, tu serais prêt à tout.

Elle te met à l'écart, pourtant.
Te repousses si loin, tellement loin, là où tu ne peux pas l'atteindre.
Ça te rend malade.

Tu te forces au calme, tu forces ta respiration à reprendre un rythme normal, elle qui s'était accélérée à la simple idée de Théa en danger et tu délies un peu tes doigts contre le gobelet abîmé, autant que ta main lorsque tu as envoyé ton poing dans la gueule de Jack. Enfin, après un long silence, tu ouvres la bouche et ta voix semble s'évanouir dans le silence :

— J'm'en fous de ce que vous faites.

Ta voix est peut-être un peu plus froide que tu le voudrais, un peu plus piquante que tu ne le souhaiterais.

— Mais si un jour Théa est en danger...

Tu as envie de le menacer, de lui dire que tu lui feras payer, que tu le frapperas jusqu'à ce que personne ne puisse le reconnaître. Mais ce n'est pas que lui, c'est elle, c'est elle qui a choisi. Alors tu soupires, et tu prends sur toi parce que tu n'as pas le droit de remettre en cause ses choix :

— … Ou si elle a besoin de moi, ou de n'importe qui j'm'en fous en fait c'est juste. Appelle moi. Et je serai là. J'en ai rien à foutre de ce que vous faites, de ce que vous voulez accomplir. Vraiment. La seule chose qui compte, c'est Théa.

Et même si tu n'es pas très utile, tu t'en fous. Oh comme tu t'en fous.
Tu prendras les coups à sa place, parce qu'il n'est pas question que quelqu'un la touche.  

Il serait présomptueux de dire que Miles s'attendait à cette réaction, mais ce qui est certain, c'est qu'elle était on ne peut plus humaine. Pourtant, Killiam avait réussi à se contenir, à intérioriser toute haine à son égard, à faire preuve d'une maturité et d'une compréhension si impressionnante que le E avait hésité, une fois de plus, à tout lui dire. Mais il ne pouvait pas faire cette erreur.
Il ne pouvait pas se laisser prendre à un éventuel piège, et plus encore, il était irrespectueux de prendre une décision qui ne lui appartenait pas - et en tant que chef, il prenait les directives mais n'avait pas pour autant d'autorité sur la vie de ses partenaires. Ce n'était qu'un leader stratégique, rien de plus - Théa était assez grande pour se débrouiller seule, et si mal qu'elle puisse mener sa barque, il n'avait pas le droit de mettre ses décisions en doute. Si grande que puisse être la haine que Miles encaisse, ça n'y changeait rien. Si douloureux que soit le retour de la médaille, la situation ne changerait pas - et le fait que Killiam l'ait compris si calmement forçait le respect.

"La sécurité de tous les gens concernés passe avant toute chose alors je n'hésiterai pas à t'appeler si besoin est. Je peux te promettre ça."

Il baissa les yeux vers le gobelet écrasé, et tout à coup, le self-control de Killiam lui fit l'effet d'un conte de fées. Quel idiot il avait été de penser que quelqu'un pouvait rester stoïque - il bouillonnait de l'intérieur, à la limite de basculer. Miles était respectueux de sa volonté depuis le début, mais dans un cas contraire, Killiam aurait peut-être déjà craqué. En un sens, ils s'étaient bien trouvés. Miles laissa un instant couler, réfléchissant - il n'y avait rien à ajouter sur lui, et il était vraiment curieux vis-à-vis de la situation actuelle. Il ne pouvait pas en dévoiler davantage, mais s'il voulait satisfaire sa curiosité, Miles devait faire des compromis.

"Quand je t'ai dit que nous agissions pour les autres, tu m'as répondu que tu te foutais de ce que nous faisions, ça veut dire que Théa passe avant tes propres convictions. Je peux le comprendre."

Un silence, respectueux. Il l'observe.

"Qu'en est-il des siennes ? Serais-tu prêt à ignorer ce qu'elle veut pour sa sécurité à elle ?"

Il était inquiet vis-à-vis de Raven, ce n'était pas la peine de le cacher. Killiam l'avait sûrement compris, lui aussi - mais Miles n'était pas du genre à défendre à tout prix son projet. Si Killiam menaçait Raven pour le bien de Théa, il en sortirait cette dernière.

"Si tu t'opposes à sa participation, je te soutiendrai. Je ne veux pas de problème - et comme je te l'ai déjà dit, la sûreté des gens passe avant tout."

ft. Killiam •• Juin (cycle 3)

— La sécurité de tous les gens concernés passe avant toute chose alors je n'hésiterai pas à t'appeler si besoin est. Je peux te promettre ça.

C'est une parole qui te rassure, qui te fait prendre une profonde inspiration, qui te calme. C'est une promesse et tu espères qu'il va la tenir, si ce n'est pas le cas... tu lui feras regretter de ne pas l'avoir fait. Des fois, tu te dis que ton pouvoir ne va clairement pas avec ta personnalité. Tu pourrais tellement faire la guerre, tellement faire du mal aux personnes qui lui font du mal que tu te dis que si tu avais eu ne serait-ce qu'un pouvoir un peu plus néfaste ou un pouvoir un peu plus utile, un pouvoir plus violent, moins doux, moins bon, alors tu pourrais être la réincarnation du diable si quelqu'un touchait à Théa, lui faisait du mal, la blessait physiquement, moralement. Et ça sans hésiter. Alors, si tu avais eu ne serait-ce que le contraire de ton pouvoir, tu t'en servirai sûrement, sans hésitation, pour détruire les personnes qui lui font du mal.

Jack avait eu de la chance que tu ne saches te servir que de tes poings.

Il reprend la parole et tu relèves les yeux vers lui. Oui, Théa passait avant tes propres convictions, Théa passait avant tout et avant tout le monde. Tu secoues la tête de gauche à droite. Non, non bien-sûr que non tu n'ignorerais pas ses convictions, bien-sûr que non.

— Je ne m'oppose à rien du tout.

Tu n'as aucun droit de t'opposer à quoique ce soit. Tu n'as aucun droit de passer par Miles pour lui dire de convaincre Théa, ce n'est pas à lui de le faire, c'est à toi de le faire, c'est à toi d'aller la voir, de lui dire que tu es inquiet pour elle, pour sa sécurité. Ce n'est pas à lui de le faire. Tu ouvres la bouche, la refermes et finis par soupirer, cherchant tes mots.

— C'est juste...

Et de nouveau, tu soupires. Tu veux essayer de lui faire comprendre, essayer de lui montrer qu'il faut qu'il t'appelle si elle est en danger, qu'il faut qu'il te dise de venir si elle a besoin de toi. Elle est trop têtue pour demander ton aide. Surtout quand elle te cache les trois quarts des choses.

— Je te dis pas de comprendre, y'a personne qui comprend ce qu'on a... Personne. … Mais elle est tout ce que j'ai. Elle est mon autre moi, tu vois ? Elle est... c'est un peu comme si... comme si... enfin j'en sais rien c'est même pas explicable ou comparable à quelque chose. J'ai rien à dire sur ce qu'elle décide, j'ai pas le droit d'avoir mon mot à dire dessus, je peux lui dire si je suis pour, ou contre, et pourquoi, comme avec n'importe qui. Et même si elle se met en danger pour ça, j'ai rien à dire dessus, parce qu'à ma place, elle aurait rien à dire pour moi.

Tu t'embrouilles un peu. Tu n'es pas doué avec les mots, Killiam, ce n'est pas ton truc. Tu ne parles pas, tu agis, tu ne dis rien, tu te contentes de faire. Alors quand tu dois expliquer les choses, c'est une catastrophe, tu t'embrouilles, tu n'es pas si à l'aise que ce que tu veux bien le montrer.

— Elle est plus importante que n'importe qui, que la terre entière, que quoique ce soit. Il n'y a rien qui vaut ce qu'elle vaut pour moi. J'ignorerai jamais ses convictions à elle. Mais je tuerai toutes personnes lui faisant du mal.

Et jamais une de tes phrases ne t'a semblé si vraie.

En effet, Miles ne comprenait pas, et en écoutant Killiam, il n'était pas certain de le vouloir. En se repassant ces mots dans sa tête, il ne se sentait pas ému, il se sentait effrayé. Avec ce discours de dépendance, il était presque répugné - et pourtant, il voulait sincèrement croire en de telles valeurs. Et pourtant, il ressentait le courage et la loyauté de Killiam. Non. Répugné n'était pas le mot. Miles avait de la peine - il détestait cette idée de dépendre d'un autre, de se laisser guider presque aveuglément par ses émotions sans pouvoir rien y faire. Killiam avait beau être fort et digne d'un respect qu'il avait déjà gagné, il n'était pas indépendant - et c'en était effrayant. Il aurait pu mettre sa vie en danger pour Théa et ce n'était pas la façon de faire les choses, et Miles venait de le comprendre.

Ce n'était pas ainsi que l'on protégeait ses proches, et Miles le réalisait doucement, alors qu'il se levait de son siège pour entamer les cent pas. Il avait tant d'énergie à dépenser à force de tourner autour du pot qu'il voulait agir maintenant - son impulsivité était l'un de ses principaux défauts et il apprenait doucement à la contrôler. Son self control faisait de lui un excellent chef, bien qu'il puisse paraître froid - mais les sentiments n'étaient pas ce qui l'aiderait à guider ses membres. Les sentiments ne sauveraient pas le monde.

"Je l'aiderai si elle en a besoin mais je ne me sacrifierai pas pour elle. Ni pour qui que ce soit."

Un silence. La surprise d'une telle révélation sans doute.

"Ce n'est pas ma façon de faire les choses."

Il lâcha cette information telle une bombe, mais eut le respect de s'arrêter - s'adressant directement à Killiam, le regardant dans les yeux. Sur ce même ton, avec ce même regard neutre, cette même analyse objective. C'est parce qu'il avait apprit à se placer derrière le décor que Miles savait guider parfaitement les acteurs - le monde n'était qu'une gigantesque pièce et la plus grande erreur était de se jeter sur la scène sans réfléchir pour essayer d'en changer le cours. Ce n'était pas en se sacrifiant ni en sacrifiant quoi que ce soit qu'on arrivait à quelque chose. Le sacrifice n'était qu'un mensonge, une noblesse d'âme stupide qui ne menait qu'à des regrets. Miles aiderait les autres tout en restant lui-même dans la course.

"Il se fait tard. Je vais rentrer."

Il amorça un mouvement pour partir mais s'immobilisa.

"Je ne prétendrai pas que je te comprends, mais je respecte tes sentiments. J'espère que tu pourras faire de même une fois que tu sauras tout."

Il laissa couler un instant, peut-être pour recevoir ce fameux coup de poing qu'il espérait mériter, mais la conclusion était là. C'était la fin de cette entrevue. Avec un dernier regard pour Killiam, il se dirigea vers la sortie de la pièce - Miles ne fermait rien à clef puisque ce n'était même pas une salle de club. De ce dont il se souvenait, il y avait un cours de rattrapage dans cette classe d'ici un quart d'heure - et il préférait éviter tout problème avec les professeurs. D'ailleurs, il devait admettre qu'il préférait ne pas en avoir avec Killiam non plus.

ft. Killiam •• Juin (cycle 3)