He is your bestfriend [Laurent]

Tu lui avais envoyé un LMS pour savoir si tu pouvais lui sauter dessus et lui parler de tout et de rien. La vérité, c'est que tu avais ce besoin de le voir, de te rassurer sur le fait qu'il allait bien avec tout ce qu'il se passait actuellement. La vérité, c'est que tu voulais t'excuser, aussi, du fait de ne pas avoir été présent comme tu aurais dû l'être, du fait d'avoir été absent depuis cette histoire avec Ezéchiel alors que bordel, lui aussi avait besoin de toi. Et tu l'avais fuis, aussi, parce qu'après son agression, tu avais été dans une colère noire, une colère horrible, et tu aurais aimé détruire les personnes qui l'avait passé à tabac. Cette idée n'avait pas quitté ton esprit depuis, même si elle c'était atténuée avec le temps.

Tu arrives aux cabanes, lui envoyant un message par l'intranet en lui disant que t'es devant sa cabane. Et tu attends. Tu attends, jusqu'à ce qu'il en sorte et devant lui, tu te sens tout de suite soulagé, tout de suite à l'aise, tout de suite toi-même.

— Yo !

Et un sourire vient prendre possession de tes lèvres alors que tu lèves la main, ton index et ton majeur lui faisant le V de la victoire, dans ce salut que tu fais un peu tout le temps. Et t'as cette envie de le prendre dans tes bras, dans une sorte de câlin un peu bizarre, pour lui dire enfin que tu vas aller démonter la gueule de ces connards qui lui ont fait ça, que quoiqu'il fasse, quoiqu'il choisisse de faire, il sera toujours ton meilleur ami.

Et quand t'y penses, ça fait un peu niais sur les bords.

He is your bestfriend

©Gau

Il t'invite à entrer et tu t'exécutes, alors que vous vous dirigez vers la chambre, il prend la parole et tu lui jettes un regard avant de t'affaler plus ou moins sur le lit, sans te gêner. Ça faisait bien longtemps qu'il n'y avait plus de gêne entre vous, et il était chez toi chez lui, et tu penses la réciproque vraie, depuis le temps. Tu le détailles un instant, ne sachant pas trop quoi lui répondre, et un soupires léger t'échappe. Tu aurais voulu retourner il y a six mois en arrière, quand tout te semblait bien plus simple, avant que tu apprennes que Théa te cachait des choses, avant que tu ne te compliques la vie avec Ezéchiel – même si tout allait bien en ce moment avec lui – avant que Laurent se fasse tabasser, avant tout ça. Et même si rien n'avait changé réellement, tu avais l'impression que tout était différent.

— Well, on a été pas mal occupé tous les deux, t'as pas à t'excuser. Moi ça va, la forme, comme d'hab.

Si on ne comptait pas Ezéchiel à qui tu n'arrivais pas vraiment à changer les idées, ton poignet défoncé qui te faisait bien plus mal que tu ne voulais le dire et le fait que, et bien, tu te sentais toujours horriblement inutile. Tu te mordilles la lèvre, ne sachant pas trop comment abordé le sujet. A vrai dire, vous n'aviez pas eu la réelle occasion de parler de ce qu'il s'était passé vraiment. Vous n'aviez pas eu l'occasion d'en discuter, d'en parler, et c'est bien pour ça que tu te sentais horriblement inutile. Tu avais pris le temps d'aller voir Othello pour le remercier, mais tu n'avais pas pris le temps de te poser à côté de Laurent et de lui dire que t'étais là pour lui, que tu le quitterais pas et que tu allais défoncer le premier qui s'approcherait de trop près de lui. Parce que c'était pas ton truc, et que tu ne savais pas quoi dire, et même si tu apprenais à parler plus, parce qu'Ezéchiel devait entendre les choses, il n'empêche que c'était toujours un peu difficile pour toi.

— Et toi, ça va ?

Et dans ton regard gris clair, il pourrait voir tout ce que cette question signifie, tout ce qu'elle demande : Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Dans quoi tu t'embarques ? En quoi je peux t'aider ? et tout ce qu'elle dit : Un mot de toi et je m'exécute. Comme le bon petit soldat que tu étais pour les gens que tu aimais.

I am truly sorry

©Gau

Quelque chose a changé.

Tu ne sais pas vraiment quoi, tu ne sais pas vraiment si c'est important ou non, mais il y a quelque chose, entre vous, qui a changé. Comme un non-dit trop puissant, comme quelque chose qui allait casser cette amitié, et ça te serre le cœur d'avance. Tu as l'impression de retrouver cette distance quand Théa a commencé à marcher fièrement dans les couloirs après son changement de classe, sans même te donner une seule raison valable, s'éloignant de toi comme si tu allais l'abandonner, ou t'énerver, ou n'importe quoi. Finalement, plus le temps passait, plus vous deveniez distant l'un envers l'autre, et il va y avoir un moment, où tout ton être va crier à l'aide de ce vide entre vous.

Il s'installe à côté de toi et prends la parole, et déjà, déjà, tu sais que quelque chose ne va pas, qu'il y a quelque chose de mauvais qui va se passer. Puis ce petit bout de tissus doré, si insignifiant, si faible et ridicule, si petit qu'il pouvait être écrasé dans ton poing et tu ne peux t'empêcher d'être soulagé. Tu es soulagé que ce ne soit qu'une petite cravate dorée, même si elle impliquait tellement de choses. Tu ne peux qu'être soulagé de savoir qu'il aura Théa, et Aaron aussi, à ses côtés. Il ouvre de nouveau la bouche et tu abandonnes la cravate du regard, trouves le sien et tu réfléchis à comment lui dire les choses.

Tu ne veux pas t'éloigner, et tu comprenais parfaitement son point de vue et sa réaction, tu aurais sûrement eu la même, sans compter que tu aurais lancé ta propre vendetta. Et bordel de merde, tu serais prêt à lancer la vendetta pour Laurent aussi, s'il le faut. Tu mènerais bataille sans une once d'hésitation, sans ciller, prêt à battre n'importe qui sur ton chemin.

Peut-être que tu aimais trop inconditionnellement.

Tu tournes la tête, haussant les épaules. Tu avais l'impression que ça lui avait pris tout son courage pour te dire ces quelques mots, et c'est à toi, maintenant, de faire un effort, de prendre ton courage à deux mains pour lui répondre, pour lui dire :

— Y'a rien qui pourrait m'éloigner de toi. J'suis pas, t'sais, à m'épancher sur les sentiments machin, c'est pas mon truc, commences-tu, tes yeux se plongeant de nouveau dans les siens : T'es mon meilleur pote, t'es pas n'importe qui. Puis t'as une raison de le faire, tu fais pas ça sur un coup de tête ou quoi j'en sais rien. Si c'est ce qui te va le mieux, c'est ce qui compte ? J'en ai rien à foutre que tu sois chez les S, t'as une raison de l'être, et quoique tu fasses pour eux, si t'as besoin de quelqu'un pour assurer tes arrières, j'suis là.

La même chose que tu avais dis à Théa, qu'elle n'avait pas voulu comprendre, que tu lui avais répété quand elle s'était fourré dans tu ne sais quoi avec Miles, mais qu'elle n'avait pas voulu écouter. Et Laurent fait parti de ta famille, alors tu le lui dis, sans hésiter. Il y a peu de personne pour qui tu prendrais les armes Killiam, mais bordel, pour ceux que tu aimes, tu le fais sans hésiter, tu pourrais mourir pour eux.

My life is back on track

©Gau

L'étreinte te surprend. Elle te fait te tendre un instant avant que tu ne laisses échapper un léger rire, l'entourant de tes bras dans cette étreinte amicale qui n'a pas lieu d'être de ton point de vue, mais qui fait quand même plaisir, et qui te réchauffe le cœur, parce que ça te rassure sur le fait qu'il est toujours un peu lui, et ça le rassure que tu sois toujours toi, et que finalement, votre relation ne changerait pas. Évidemment vous alliez avoir des désaccords. Évidemment, vous alliez sûrement avoir quelques débats houleux sur vos points de vue et vos idéaux.

L'étreinte s'arrête et il s'installe à côté de toi. L'ambiance de la pièce se fait plus détendue et quand il prend la parole, tu ne peux que laisser échapper un rire :

— Juste sois toi-même, ce sera bien.

Puis il y a un silence que tu ne brises pas, parce qu'il va dire quelque chose, parce que ça se voit à cet air pensif sur son visage, parce que ça se voit à sa façon de se tenir, d'être, alors tu attends ; et enfin, il parle. Et tu l'écoutes attentivement, tu écoutes ce qu'il pense, tu écoutes ce qu'il a à dire. Et tu es d'accord avec lui. Tu es d'accord avec ce qu'il dit, vraiment d'accord. Oui, il ne fallait pas se laisser marcher sur les pieds. Oui, il fallait être montrer que si on voulait les battre on pouvait, mais tu n'étais pas du genre à vouloir instaurer la peur, continuer de raviver la flamme. Tu n'avais pas envie d'une chasse à l'homme.

Tu restes silencieux, ne lui réponds pas, ton regard glissant sur son bureau et ses quelques affaires. Tu ne savais pas trop quoi lui dire, parce que oui tu étais d'accord, mais instaurer la peur n'était qu'une forme de dictature, et de ton point de vue, il fallait un juste milieu à tout : pas aussi con que les Adlers et les Colombes, pas aussi utopistes que les PUMA, pas aussi violent que les Voltors, pas aussi élitiste que les S, pas aussi neutre que les Pinguinos, pas aussi peu responsables que les Kiwis. Mais le juste milieu ne marchait jamais vraiment.

— Et toi sinon? J’ai manqué quoi en étant cloué au lit ?
— Mmh, pas grand chose je crois, lâches-tu en haussant les épaules, puis tu continues : Je suis avec Ezéchiel, ce qui est assez important pour le faire remarquer. Crane est un connard qui a menacé Théa du coup je vais prendre le temps de lui faire sa fête sans qu'un prof m'en empêche. Et well, voilà. Pas grand chose de bien passionnant.

Et tu fuis un peu son regard, ne quittant pas des yeux le bureau devant toi. Parce que finalement, c'était beaucoup de lui dire que tu étais avec Ezéchiel, moins flippant qu'avec Théa, peut-être parce que tu l'avais fais une première fois ? Tu ne sais pas, mais dans tous les cas, tu n'es pas prêt à assumer un rejet si rejet il y a, alors tu t'es contenté de lui balancé ça comme ça, comme si de rien n'était et surtout, surtout, tu ne le regardes pas. Tu as bien trop peur pour ça.

He is your bestfriend

©Gau

Ses paroles te font te détendre, tu es soulagé, vraiment. Peut-être que c'est juste trop tôt pour le lui présenter, parce que tu aimais votre bulle à tous les deux, que tu aimais avoir Ezéchiel rien que pour toi, avoir cette intimité... alors plus tard, oui, mais ce sera sûrement rien de très officiel dans tous les cas. Puis il continue, prend la parole en te disant qu'il est avec toi dans tous les cas et se compte dans ta vengeance personnelle. Tu laisses échapper un rire et secoues légèrement la tête de gauche à droite.

— Non non, je t'embarque pas là-dedans, c'est de Crane dont on parle. J'ai besoin de personne pour lui faire sa fête. Et puis bon, il a tellement pas de couilles qu'il fait rien lui-même. Et il l'a menacée pour me faire chier. Tu sais, le truc habituel. Inceste et tout le reste.

Tu hausses les épaules, comme si ça ne te faisait rien d'en parler, comme si ça ne signifiait rien pour toi, alors qu'au contraire, toute cette histoire d'inceste t'a rendu malade pendant de nombreux mois à une période. Tu soupires légèrement, comme si tu cherchais à comment lui dire que ses menaces ne te faisaient pas réellement peur, que tu sais qu'il ne ferait rien de lui-même... mais c'est peut-être de ça, dont tu as peur. Même si ses toutous qui sont H24 avec lui sont beaucoup plus facilement impressionnables que Crane. Quelques menaces au détour d'un couloir devraient leur faire assez peur pour qu'ils ne s'approchent pas de Théa.

— Te fous pas dans la merde avec Crane, t'as pas besoin de ça. En plus c'est genre... t'sais il est venu me faire chier, il a menacé Théa et quand je lui ai envoyé mon poing dans la gueule y'a une prof qui s'est rappliqué et tout et genre. Ce mec c'est... il a commencé à dire qu'il avait rien fait machin, et le pire, le pire c'est que ça a marché, tu vois ?

Tu soupires de nouveau. Il faut faire gaffe avec Crane, il joue trop bien la comédie et le petit mec sans défense que tout te retomberait sur la gueule à la moindre bourde.

— Enfin bref. Assez parlé de lui.

Rien que parler de lui te donnait envie de vomir.

He is your bestfriend

©Gau

Il s'énerve, et tu fronces les sourcils. Il s'énerve et tu l'écoutes parler, tu l'écoutes menacer, tu l'écoutes se justifier, te mettre à l'écart, incluant Théa et lui dans quelque chose où tu n'es pas, dans une partie de leur vie où tu n'as pas le droit d'être. Et ça te rend malade comme ça t'énerve. Tu ne comprends pas qu'ils te mettent à l'écart comme ça et tu ne réponds pas. C'est toi qui a été attaqué, menacé, par le biais de Théa certes, mais c'est toi que Crane emmerde. Il ne s'en prendrait pas à Théa, il aurait trop peur des conséquences.

Il y a un moment de silence car tu t'es empêché de répondre au tac-au-tac, car tu t'es empêché de lui dire Non, d'une voix imposante et forte, parce que tu t'es empêché de lui dire que c'était pas ses affaires et que tu étais assez grand pour t'en occuper tout seul. Il prend la parole, te demandes des détails sur Ezéchiel et tu ne réponds pas, fixant le vide devant toi, cherchant les mots. Et enfin, enfin, après quelques longues secondes, tu réponds, ton regard gris trouvant le sien :

— Ne t'occupe pas de Crane, t'es déjà assez dans la merde comme ça.

Parce que tu as beau dire que tu comprends pourquoi Laurent est parti en S, parce que tu as beau dire que tu assureras ses arrières... tu es totalement contre. Contre les agissements des S, contre la violence gratuite, contre ce besoin de supériorité des mages. Tu es contre. Alors oui, oui tu te battras pour eux, sans hésiter, sans ciller, mais il n'empêche que tu es contre. Ta loyauté va envers Théa, Laurent, Ezéchiel, les personnes que tu aimes. Tant pis si tu dois laisser tomber tes idéaux pour ça.

— Laisse-le pourrir dans sa merde.

Et tu détournes le regard, sans rien ajouter d'autres. Tu te mords la lèvre, soupires, passes une main dans tes cheveux pour les emmêler, venant frotter ta nuque ensuite. Ta voix a été bien plus froide que tu ne l'as voulu, bien plus distante, bien plus méchante. Tu ne l'as pas contrôlée. Tu soupires de nouveau et tu lâches, soudain las, observant devant toi sans vraiment savoir si tu pouvais le regarder ou non.

— Tu le fais et y aura forcément des répercussions. J'suis assez grand pour m'occuper de Crane. J'ai besoin de personne pour lui foutre la tête au carré. C'est personnel. C'est pas un truc de S. Et si tu fais quelque chose, ça deviendra forcément un truc de S. Alors laisse tomber.

Et la conversation a soudainement tourné beaucoup trop sérieusement à ton goût.

He is your bestfriend

©Gau

Il prend la parole, et sa première phrase te surprend, la suite, par contre, te laisse carrément sur le cul. Laurent. Amoureux. De Théa. Okay. Tu ouvres la bouche, la refermes, réfléchis. Non pas que ça te gêne, clairement pas même, l'un comme l'autre avait le droit de vivre sa vie comme il l'entendait, mais tu ne savais même pas qu'ils se connaissaient, et tu te sens encore plus mis à l'écart que tout à l'heure. Mais tu n'as pas à te sentir exclu, après tout, c'était leur vie, pas la tienne. Ils avaient raison de te mettre à l'écart après tout.

Tu hoches doucement la tête, sans trop savoir quoi dire. Tu n'aimes pas l'idée que Laurent vienne mettre le nez dans cette petite vengeance – si on pouvait appeler ça vengeance – personnelle ; tu n'as besoin de personne pour faire ta propre justice et, de plus, tu sais très bien que ça partirait en guerre entre S et Crane. Et pour le moment, tu n'avais clairement pas besoin de ça.

— Okay... d'accord. Ça fait longtemps ?

Parce que tu es curieux, et tu aimerais savoir combien de temps ça fait tout ça, qu'il te cache ça, qu'il a peur de ta réaction. Sérieusement... même ton meilleur ami avait peur de ta réaction quant à Théa ? Tu es protecteur d'accord, mais tu n'es pas un dictateur ou quelque chose du genre. A croire que tout le monde pensait vraiment que tu avais véritablement un problème d'inceste.

— Et puis, Théa est assez grande pour se défendre, elle a besoin de personne je te rassure.

Elle avait sûrement plus de capacité que toi pour se défendre, même. Tu utilisais tes poings, et tu pouvais vite arriver à être ceinturé ou autre, mais Théa ? Un simple toucher et elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Alors entre toi et elle, elle était beaucoup plus apte à se défendre seule que toi.