Un squatteur en cuisine! [PV Curtis]

Comme il était agréable de se lever, en pensant à la journée qui nous attendait. Oui car Lana adorait son métier, après tout. Il paraît que seulement 10% des français font le métier dont ils rêvent. C'est si peu! Et notre jeune rouquine est bien fière de faire partie de ces 10%.

Elle s'était donc levée, de bonne humeur. Ses yeux verts admiraient le paysage que sa fenêtre offrait. Il restait encore un peu de neige au sol, mais le ciel était plutôt bleu. Le soleil n'allait pas tarder à faire disparaître tout ce blanc. Non Lana n'était pas triste, elle savait bien qu'il neigerait à nouveau avant la fin du mois, enfin, elle l'espérait. Et bien oui, elle aussi redevient une gamine et s'amuse à faire un ange dans le sol, quand il neige. Comme tout le monde non ? Bon, certains on va dire.

La jeune femme avait pris sa douche bien chaude, comme à son habitude avant de se préparer devant son grand miroir rectangulaire. La voici à présent vêtue d'une robe bleu ciel à manches courtes, un col rond qui s'arrêtait peu avant sa poitrine. Elle s'arrêtait pile au niveau de ses genoux, que l'on ne voyait plus car elle avait recouvert ses jambes d'un collant souple blanc. Une ceinture blanche dessinait d'une façon élégante sa fine taille, tandis qu'un noeud papillon résidait dans son dos, une fois attachée.

Un manteau blanc, des bottines crèmes, un petit béret blanc, une longue écharpe crème. Des couleurs plutôt douces, pour l'hiver. Le look de Lana devait être envié par peu de femmes de son âge. Mais il faut croire qu'elle se sentait jolie, ou du moins à l'aise dedans, c'était sûrement le principal.
Après avoir peigné son carré roux et pris un petit-déjeuner rapide, elle ferma son studio à clés derrière elle. Comme chaque matin, elle passait cinq minutes à vérifier qu'elle n'avait rien oublier dans son sac à main, avant de se mettre en route pour l'école.

Elle recouvra ses fines lèvres roses d'un labello, étant donné qu'elle avait parfois l'habitude de mordre ces dernières en cas de stress. Et puis, le froid était tout de même agressif de temps en temps! Aussi bien pour la peau que pour les lèvres.
Des petits nuages de brouillard s'échappaient de sa bouche entrouverte, tant il faisait froid ce matin-là. Mais rien de bien méchant, rien qui n'empêcherait notre cuisinière d'aller travailler!

Une fois le portail passé, elle s'en alla rejoindre ses fourneaux, directement après avoir salué la secrétaire pour s'assurer que Lana était bien arrivée à l'heure.
Elle croisa là quelques élèves, connus, inconnus, nouveaux. Chaque jour en cet établissement était différent. Ce qui réchauffait le coeur de notre demoiselle, c'était surtout cette affinité qu'elle avait réussit à se créer, avec certains élèves. Jamais auparavant, elle n'avait reçu de gens dans sa cuisine. Maintenant, elle en avait l'habitude, et elle parlait aisément de tout et de rien avec eux.

Elle rangea ses affaires dans son casier avant d'aller enfiler son tablier. Ce tablier qui avait déjà bien souffert. Mais après tout, ils sont faits pour ça non ? Alors qu'importe!
Un feutre velleda en main, elle semblait réfléchir. Elle resta stoïque pendant plusieurs minutes avant de porter la mine au tableau et de commencer à écrire :

- Entrées : Soupe de légumes-croûtons/Salade de tomates-coeurs de palmier.
- Plats: Tagliatelles au saumon/Riz au poulet et poivrons verts
- Dessert : Fondant au chocolat/Charlotte poires-pommes

Il s'agissait là de recettes plutôt variées. On lui avait déconseillé de faire des choses trop complexes et trop longues à faire, étant donné que beaucoup d'élèves avaient tendance à ne pas finir leur assiette. Alors elle se contentait d'utiliser tout le temps qui lui restait à préparer ses desserts, ceux où elle ne voulait pas échouer en espérant que les jeunes lui en redemandent, encore et encore. Pâtisserie oblige.
La voici donc à mouliner ses légumes, parfumer ses croûtons de pain à l'ail, découper des carrés de tomates, des rondelles de coeur de palmier, des lamelles de saumon, glisser ses pâtes dans l'eau bouillante, trancher des mini-carrés de poivrons dont elle aura retiré la peau pour être sûre que le goût ne sera pas trop fort. Tout ça, en plusieurs heures, bien entendu... Elle était concentrée, elle ne parlait pas. Il faut dire qu'elle n'avait personne à qui parler, et qu'elle préférait se concentrer les premières heures et se détendre dans l'après-midi pendant la plonge. Comme elle était patiente.
Sa chevelure rousse devait sûrement sentir le saumon, certes c'est de la même couleur me direz-vous.

Après s'être lavée les mains pour xième fois, elle attaquait les desserts. Elle faisait fondre le chocolat au bain-marie d'un côté, découpait ses pommes et ses poires de l'autre. Elle essuya les quelques goûtes de sueur qui perlaient sur son front. Ses joues étaient aussi roses que lorsqu'on lui fait un compliment. Il faut dire que ce n'est pas en cuisine que Lana risque de se geler le postérieur.
Ses yeux ne quittaient pas le plan de travail, jamais, enfin... Presque. Juste à ce moment-là.

La journée s’annonçait habituelle à première vue. Un réveil tout ce qu’il y avait de plus bruyant et des plus énervants. D’un geste lent et las, il porta une main à son réveil pour l’éteindre. C’était donc le début d’une journée bien chiante comme il les détestait tant. Baillant sans la moindre politesse, étant donné que ses colocataires étaient déjà partis, il se gratta ensuite le ventre, se levant de son lit en se dirigeant vers la salle de bain. Il passa rapidement son visage sous de l’eau bien froide, le tout pour se réveiller un peu plus. Ça n’allait pas changer grand-chose, mais bon.

Il releva la tête pour se fixer dans le miroir un long moment, laissant filtrer un léger soupire. Encore une journée qu’il aurait préféré passé dans son lit. Mais bon, comme d’habitude, son corps lui-même décidait de le contredire, comme si quelque chose de spécial allait se passer, pourtant il n’en avait pas la conviction. Une rapide douche histoire d’être propre –et encore plus en retard, sisi- et une fois bien propre, il sortit de la salle de bain. Il était enfin prêt à se changer et à partir. Il était déjà une bonne demi-heure en retard, mais vu le nombre de retard qu’il avait déjà cumulé, c’était presque devenu habituel.

Il regardait l’uniforme scolaire et soupirait déjà d’ennui… Il allait réellement mettre ça, encore une fois ? Trainant les pieds jusqu’à son lit, il enfila pour débuter le pantalon, et s’occupa ensuite de la chemise blanche, accompagnée d’un veston noir. Il attrapa au passage une veste qui le réchaufferait un peu, fermant celle-ci tout en attrapant ses gants qu’il mit en poche. Bah oui, il n’avait pas encore enfilé ses chaussures. Sans plus attendre, il se saisit de chaussures noires, tout ce qu’il y avait de plus simple en fait. Il était prêt à partir maintenant… Prêt pour une journée qui promettait d’être tout aussi amusante qu’habituellement : c’est-à-dire terriblement ennuyante.

L’air toujours aussi démotivé qu’habituellement, il sortit de la chambre, se dirigeant vers l’intérieur de Prismver. Oui, parce que les dortoirs se trouvaient à l’extérieur, après tout. C’te logique qui tue. Il restait un peu de neige de la veille, la température, aux yeux de Curtis, était parfaite. Après tout, il favorisait le froid à la chaleur. Simplement parce qu’il avait vécu toute sa vie dans un pays où il n’y avait que de la neige durant plusieurs mois sur l’année. Bref, c’était un temps parfait pour lui, l’hiver. Il aimait voir les gens frissonner de froid, alors que lui n’avait pas l’impression que la température soit si basse que cela.

Il trainait les pieds d’une manière désinvolte, c’était assez exceptionnel en fait de le voir agir ainsi. Il n’était pas du genre hyperactif, mais tout de même, il y avait une limite à son « deux de tension » tout de même ! À croire que cette journée, il aurait mieux fait de la sauter et continuer sa sieste. Hm, m’enfin soit. Le plus important c’était maintenant d’éviter les emmerdes, ce serait un peu plus compliqué. Et s’il se contentait de sécher ? Non, il avait déjà beaucoup trop d’absence sur le dos, s’il continuait ainsi il pourrait avoir des problèmes.

Mais lorsqu’il passa non loin des cuisines de l’établissement, il entendit du bruit. Enfin, du bruit… Quelqu’un était simplement en train de cuisiner, rien de bien bruyant somme toute. Il se doutait que cela ne pouvait qu’être une personne, alors soudainement, il commençait à hésiter : est-ce qu’il allait sécher, finalement ? Pas une seule seconde de plus il n’hésita. Le flemmard se dirigea d’un air déjà un peu plus motivé vers les cuisines, restant cependant hors de vue. Il se contentait d’observer la personne qui se trouvait « au fourneau ». Il ne l’avait encore jamais rencontré, cette personne. Sans doute une nouvelle cuisinière.

Un carré roux, une silhouette assez fine, une belle femme il fallait l’avouer. Elle portait le bon vieux tablier que tout bon cuistot devait porter une fois en ces lieux de travails, tout ce qu’il y avait de plus normal. Il observa ensuite le repas qu’elle allait présenter aux élèves en ce jour, et bizarrement, c’était la première fois qu’il voyait ce genre de repas. Cela lui en mettait presque l’eau à la bouche en réalité. Et puis, voir tant de noms de plat tous aussi appétissant les uns que les autres, ne pouvait que lui donner faim, à lui qui n’avait pas eu l’occasion de déjeuner ce matin-là.

Son ventre aurait très bien pu le faire comprendre, mais pour une fois il était resté calme. Ça aurait été plutôt embarrassant dans ce genre de situation. Il arrêta finalement de se dissimuler, pour se montrer de manière un peu plus visible. Ses joues étaient roses, sans doute dû à la chaleur qu’il y avait dans cette cuisine. Elle semblait travailler dur… Et aussi, contrairement à lui, elle semblait aimer ce qu’elle faisait. En fait, elle respirait la motivation contrairement à lui. Cela l’avait fait sourire, voir une personne qui lui était presque fondamentalement opposée. Elle l’intriguait un peu, en fait.

Il continuait d’observer, jusqu’à ce qu’elle ne finisse par remarquer sa présence. Sur le coup, il ne savait trop quoi dire, peut-être qu’elle aurait souhaité qu’il s’en aille et qu’il la laisse tranquille ? Allez savoir. Mais par simple politesse –même s’il trouvait que la politesse était assez chiante parfois-, il s’inclina, les bras le long de son corps. « Excusez-moi » Avait-il prononcé d’un air sérieux. Il n’avait pas l’intention de la déranger, car il savait très bien ce que ça pouvait faire. Il n’aimait pas faire ce qu’il n’aime pas qu’on lui fasse, en somme. Il se redressa ensuite lentement, avant de sourire légèrement.

« J’espère ne pas vous dérangez en étant ici, si c’est le cas je pourrais vous laissez tranquille. Ah, aussi, je m’appelle Curtis A. Black, enchanté. » Il s’inclina brièvement à nouveau, affichant toujours le même sourire.

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La politesse était une chose qui ne lui sciait vraiment pas. Il n’avait pas du tout la tête d’une personne amicale qui souhaite se montrer poli avec ceux ou celles qu’il pouvait rencontrer. Cette fois-ci ne faisait évidemment pas exception. Mais bon, vu qu’ici il s’agissait de la personne qui se démenait pour nourrir les élèves, il ne pouvait pas se montrer vulgaire ou même désinvolte. C’était pour cette raison, qu’il ne l’avait pas tutoyé, ni même quoi que ce soit d’autre. Il était resté poli et s’était présenté, de manière formel et surtout, sans même exprimé de mécontentement. Assez surprenant venant de ce blasé.

Elle n’avait pas répondu tout de suite, et elle ne semblait pas non plus être si dérangée que cela par sa présence ce qui le mettait déjà un peu plus à l’aise dans un sens. Elle semblait vérifier quelque chose, sans doute ce qu’elle préparait pour le repas d’aujourd’hui. Il ne posa aucune question, avant de la voir se tourner vers lui et s’inclinée également. Plutôt rare que quelqu’un s’incline devant lui avant de se présenter… C’était même la première fois en fait. On le prenait toujours pour un type désagréable qui ne méritait pas des présentations convenables en fait. Normal avec la tête qu’il tire parfois…

« Ravie de faire ta connaissance! Moi c'est Lana, Lana Katell. »

Sa voix était si… douce et enjouée. Il n’en avait jamais entendu de pareille. Il ne dit rien sur le coup. Elle l’avait tutoyé ? Et alors ? Cela ne lui faisait strictement rien étant donné qu’il n’était pas non plus du genre à aimer qu’on le vouvoie. Ce serait le prendre pour quelque chose qu’il n’est pas après tout. Certes comme tout autre être vivant, il mérite le respect, mais pas un respect de cet ordre-là évidemment. Elle lui souriait, ce qui le fit sourire, sans qu’il ne s’en rende réellement compte en réalité. Elle devait avoir un don pour le faire sourire sincèrement… Pas possible !

Bref, il s’en moquait un peu qu’elle ne le traite pas avec respect. Cependant, elle semblait être bien plus polie que lui, car elle s’était même justifiée. Elle n’avait pas réellement besoin de le faire, il ne trouvait pas cela dérangeant en fait. Cependant, il était surpris de voir qu’elle lui avait donné son âge, comme ça. On dit toujours que demander son âge à la gente féminine est très impoli, alors cela l’avait surpris qu’elle le fasse d’elle-même, comme ça. En tout cas, elle avait raison, il n’y avait guère une grande différence entre leurs âges. Il n’y avait jamais que quatre petites années d’écart. Ou presque moins en fait.

« En effet, notre différence d’âge n’est pas très grande, je vais bientôt avoir 19 ans de mon côté. »

Il lui avait brièvement souris, avant qu’elle ne tourne les talons pour ensuite continuer de s’occuper de ce qu’elle préparait. Vu l’odeur que cela dégageait, cela devait être du chocolat fondu. Appétissant. Il sentait quelque gargouillement dans le fond de son estomac, mais ils n’étaient pas audibles. Fort heureusement pour lui. Quoi qu’il en soit, il restait calme et attentif par la même occasion. On ne sait jamais qu’elle lui demande un quelconque service pour l’aider, ou autre. Bref, il constata qu’elle venait tout juste de goûter son « œuvre » et de sourire. Cela devait sans doute être réussi. Elle lui tendit même la spatule, recouverte de chocolat.

Sur le coup, il avait comme l’impression de retomber en enfance… Il se frotta la nuque lentement, avant de regarder la spatule qu’elle avait au préalable placé dans sa main. Il la gratifia d’un sourire et dit lentement, mais assez fort pour qu’elle puisse l’entendre, un petit « Merci. ». Après quoi, de son autre main, il alla passer son index sur le chocolat, pour ensuite le mettre dans sa bouche. Ce serait déjà moins vulgaire que de lécher comme un véritable énergumène la spatule. Oui, c’était ce qu’il aurait fait étant gamin, mais plus maintenant. Malgré qu’il se moquait de son image, il avait en quelque sorte, encore quelques bonnes manières.

Alors qu’il continuait de déguster des restes de chocolats, il remarqua que la belle rousse venait de disparaître, sans doute pour s’occuper d’autre chose d’important qu’elle avait laissé de côté pendant qu’elle ne se trouvait là, à faire fondre son chocolat. Il ne savait pas vraiment ce qu’elle faisait, étant donné qu’il ne s’y connaissait pas, mais alors pas du tout, en cuisine. Il avait terminé sa dégustation de chocolat fondu, avant d’aller poser la spatule dans l’évier, tout ce qu’il y avait de plus logique. Elle n’allait certainement pas s’en resservir. En fait, au final, il se disait qu’il allait se rendre un peu… utile.

Au lieu de laisser bêtement la spatule sale dans l’évier, et bien il la nettoya, tout simplement. Oui, lui aussi il était capable de faire la vaisselle après tout, ce n’était pas une tâche si difficile que cela. Une fois qu’elle était parfaitement propre, il la laissa sur le côté. Et quelques minutes après cela, il retourna à sa place de départ, comme s’il n’avait pas bougé d’un poil. Elle était de retour, ayant placé quelque chose dans le frigo. Il n’y faisait pas vraiment attention, étant donné qu’il verra à quoi cela ressemble lors du repas de tout à l’heure. Il inclina légèrement la tête sur le côté, cependant, avant de constaté qu’elle ne lui avait adressé la parole à nouveau.

« Je ne sais même pas pourquoi tu es ici ! Tu voulais quelque chose en particulier ? Navrée de t'avoir laissé, mais comme tu peux le voir, cuisinière n'est pas de tout repos. »

En voilà une bonne question, qu’est-ce qu’il voulait exactement en venant ici ? Il n’en savait strictement rien à la base ; en fait il avait surtout envie de sécher, cet endroit avait été choisi au départ parce qu’il avait entendu un peu de bruit. Juste de quoi lui donner envie d’aller voir ce qu’il se passait. En tout cas, il pouvait confirmer une chose : son métier devait vraiment être difficile si on n’était pas motivé ou même que l’on n’aime pas forcément ce genre de travail. Pour quelqu’un comme Curtis, ce serait presque comme du suicide. C’était donc plutôt admirable, ce qu’elle arrivait à faire.

« En fait, je ne vais pas mentir, je n’avais pas vraiment la motivation à aller en cours, comme d’habitude… J’ai entendu du bruit alors je suis venu voir… Je ne cherchais pas vraiment quelque chose en particulier… » Il glissa ensuite par réflexe sa main dans sa nuque, détournant le regard lentement. « Merci pour le chocolat, en tout cas. »

Oui, il savait malgré tout dire merci, lui aussi. Il avait d’ailleurs constaté la présence d’un second verre d’eau. Sans doute devait-il lui être destiné, mais il ne l’avait pas pris. Il n’avait pas encore soif, pour être franc. Et puis après tout, elle ne lui avait pas proposé, il n’allait pas encore faire comme s’il était « chez lui ». Elle s’absenta de nouveau, avant de revenir à nouveau avec un saladier. Il ne pouvait voir d’où il était, ce qui se trouvait à l’intérieur, mais il se doutait que cela ne devait pas être de la viande ou autre, ce serait illogique.

Elle avait pris ensuite une petite soucoupe, y déposant ce qui ressemblait à des poivrons découpés. Elle allait en manger ? Et bien non ! Elle lui avait proposé de goûter, mais aussi et surtout, de lui dire ce qu’il en pensait. Le moins qu’il puisse en penser, c’était que malgré son manque de connaissance en cuisine, il savait que le chocolat et les poivrons ne faisaient pas très bon ménage, en fait. Surtout à 11h du matin, c’était plutôt… ‘Fin voilà quoi. Mais comme elle l’aidait en quelque sorte à sécher les cours, il n’allait pas non plus faire son difficile et la contrariée. Surtout que s’il lui arrivait quelque chose, il pourrait encore être absent quelques jours.

Il prit donc la soucoupe, et commença donc la dégustation. D’habitude, vu qu’il était toujours parmi les derniers à se servir à la cantine, il récoltait toujours ce qui avait la plus « mauvaise gueule » on va dire. Des plats qui n’avaient presque pas de goût, et qui étaient, à la limite, presque froids, alors qu’ils devraient être chauds. Bref, il était du genre malchanceux et jusqu’à ce jour, il n’avait jamais goûté des poivrons qui avaient un goût… comme qui dirait « positif ». C’était d’ailleurs pour cela qu’il les trouvait à la base… Plutôt dégueulasse. À cause de sa mauvaise expérience avec cet aliment.

Curtis s’attendait encore une fois à se jeter sur l’eau après avoir pris une bouchée, mais au final, il ne l’avait pas fait : c’était parfait. Il en était même surpris d’ailleurs. Et pour s’assurer que ses papilles gustatives ne lui jouaient pas de mauvais tour, il en reprit, encore et encore, jusqu’à vider la soucoupe. Non, il ne se trompait pas ; elle avait vraiment réussi à lui faire apprécier cet aliment qu’il trouvait autrefois si dégoûtant. Il la regarda ensuite longuement, posant la fourchette en inox ainsi que le reste sur la table, croisant ensuite les bras.

« Je ne sais pas comment vous avez fait, mais en tout cas, c’était délicieux. D’habitude je tourne de l’œil lorsque je mange de poivrons, étant donné que j’ai toujours trouvé ça… Plutôt dégoûtant. »

La vouvoyer ne lui plaisait cependant pas vraiment… Il n’en avait pas l’habitude. Les professeurs ? Même pas ! Il les niait carrément en fait. Il n’avait pas besoin de leur savoir pour réussir : c’était un surdoué après tout. Il se frotta ensuite la nuque lentement, avant de la regarder à nouveau en souriant.

« Est-ce que ça vous dérange si je me permet de vous tutoyer, moi aussi ? »

Le garçon observait ensuite les environs, un léger sourire aux lèvres toujours. Ce visage était radieux, un visage qu’il n’affichait que très rarement. En fait, cela faisait un peu plus de deux ans qu’il n’avait plus jamais montré ce genre d’expression facial. Sans doute à cause de ce qu’il lui était arrivé par le passé. Quoi qu’il en soit, il trouvait que c’était plutôt bien rangé, comme cuisine. Il ne tarda d’ailleurs pas à le lui faire remarquer.

« En tout cas, c’est plutôt bien organisé… C’est la première fois que je visite les cuisines, je dois dire… Ça me surprend un peu… Dans mon ancienne école c’était presque un champ de bataille. » Il avait dit cela, riant légèrement en se remémorant la tête des cuisiniers qui étaient tous aussi mauvais les uns que les autres, mais pourtant très amicaux, il fallait l’avouer.

Il fallait dire qu’il n’était pas habitué de parler de ses origines, ni même de sa famille. Il ne l’avait encore jamais fait. C’était la seule chose qu’il n’osait pas vraiment confier, peut importait la personne. Et ce n’était pas maintenant que cela allait changer. Il n’en dira pas plus que ce qu’il n’avait déjà dit, peut importait si elle avait envie d’en savoir plus. Après tout, ils ne se connaissaient pas encore assez pour qu’il puisse se confier à elle. Il lui faudra être patiente, si un jour elle souhaitait en apprendre davantage sur son passé. Être très patiente même, en fait.

Le simple fait de repenser à tout ce qu’il avait traversé le rendait malheureux, et l’énervait également. Oui, parce qu’il se disait que si ses parents n’avaient jamais fait de conneries dans le village natale de Curtis, peut-être qu’il aurait eu une ville meilleur. Et surtout s’ils avaient été intelligent, peut-être qu’ils auraient eu un travail convenable et qu’ils auraient pu avoir suffisamment d’argent pour vivre en couple et surtout avec un enfant. Mais non, ils étaient plus idiots que n’importe qui. Ils avaient décidés de vivres sans leur enfant, pour ainsi avoir « une meilleure vie ». C’est ce qu’ils avaient pensés. Mais cela devait sans doute être le contraire…

« Il paraît que les norvégiens utilisent beaucoup la morue, pour la plupart de leurs plats, est-ce vrai ? Je préfère demander à un spécialiste ! »

Ces quelques paroles venaient tout juste de faire sortir de ses pensées le jeune Curtis, qui tourna rapidement la tête vers Lana, d’un air plus calme cette fois. Il la voyait souriante, se disant que pour changer de sujet, ce n’était pas plus mal. Bien évidemment, il n’allait pas la faire patienter bien longtemps, la pauvre finirait par se demander si elle n’avait pas réussi à le faire déprimer. Non non, il ne fallait pas qu’il laisse transparaitre ses émotions. Le point qu’elle venait de soulever était exacte, la morue était beaucoup utilisée en Norvège… Qu’est-ce que c’était dégueulasse d’ailleurs !

« Ouais, on en mangeait beaucoup… Qu’est-ce que je détestais ça… »

Oui, il en avait gardé un très mauvais souvenir. Même s’il avait goûté la cuisine de très bons cuisiniers, il trouvait ça absolument infâme, voir même infecte en fait. Il aurait nettement préféré avoir des repas normaux… Avec des goûts plus attrayant. Oui, il n’était pas vraiment fan de ce genre d’aliments, mais bon. Et ça, ce serait étonnant que Lana puisse le faire changer d’avis sur la morue. M’enfin soit, ce n’était pas ce qui allait lui gâcher la journée. Un simple souvenir comme celui-ci n’était en rien dérangeant. Bref, il chassa cette idée de sa tête, observant à nouveau la cuisinière.

« Hum, anglophone aussi je crois. Mon père est français, ma mère est anglaise. Tout ce que je sais c'est qu'en grec, ça veut dire éclat du soleil. Enfin, d'après ma mère. J'ai toujours l'impression de me vanter quand j'ose dire la signification de mon prénom. »

Ah oui, c’est vrai qu’on pouvait considérer ce prénom comme anglophone également. Il se frotta lentement la nuque avant de s’écarter légèrement du mur. Et étrangement, la signification de son prénom en grec était plutôt… parlant. Il parlait de lui-même oui. « Éclat du soleil »… C’est vrai qu’en y réfléchissant un peu plus, cela collait parfaitement à l’image que Lana semblait dégager. Une belle femme qui restait souriante, sans arrêt. C’était agréable à voir. Et oui, franchement, ce nom lui allait à ravir selon lui. De son côté ? Il ne savait même pas la signification que pouvait avoir son prénom.

Et il ne savait pas non plus s’il en avait une, en réalité ! Et dans un sens, il s’en foutait un peu, c’était inutile pour lui. Il se contenta donc de sourire à sa nouvelle rencontre, Lana. Subitement, la rouquine enleva son tablier. Elle arrêtait de cuisiner ? Curtis de son côté inclina la tête sur le côté, alors qu’il se demandait ce qu’elle comptait faire désormais, avant de l’entendre lui adresser à nouveau la parole. Elle avait l’intention d’aller en ville ? Elle devait visiblement acheter quelque chose et en prime, elle lui proposait de l’accompagner ! Si ce n’était pas tout simplement génial !

« Je viens ! Si je devais rester tout seul ici je m’ennuierai… Et puis j’aime bien discuter avec toi, ça change de parler avec des personnes plus matures. »

Oui, parce que son entourage était entouré d’imbéciles en général. Enfin, ils étaient tous cons pour lui, étant donné qu’il était un peu un surdoué. Il n’avait rien à faire et rien à étudier pour réussir avec le maximum de point. Bref, c’était beaucoup trop facile pour lui. Et tout le monde semblait totalement immature à ses yeux, dans les élèves de son âge. Pas pour rien qu’on ne l’appréciait pas des masses le jeune norvégien. Mais bon, il s’en moquait un peu. Il s’écarta donc du mur un peu plus, croisant les bras.

« Je suis prêt donc. On y va quand tu veux. » Avait-il dit en souriant légèrement, un peu moins énervé qu’il y avait quelques minutes. Par chance d’ailleurs.