Posé canapé télé ciné | Tuathal

C'est posé sur le canapé de sa cabane que Kamyl comptait passer une partie de sa soirée. À comprendre, une partie de la nuit. Parce qu'il n'a toujours pas réussi à vaincre sa hantise. Alors il s'occupe ou il attend jusqu'à ce qu'il ne puisse plus prétendre à l'insomnie et que le sommeil ne le consume. À cet instant-là, dormir n'est plus un problème. Dormir ne fait plus peur. Kamyl est faible à ce sujet. Il l'a toujours été. Est-ce de là que vient sa violence ? Un besoin de se savoir fort la journée ? Peut-être. Ce n'est probablement pas ce soir qu'il aura la réponse. Il ne la cherche pas vraiment. S'engluer dans son quotidien lui convient parfaitement. Même si le quotidien en question est en train d'évoluer depuis le mois dernier. Pour preuve, il a installé un bouquin de maths sur ses genoux. Avec quelques feuilles volantes pour résoudre les problèmes auxquels il compte se confronter. Écouter le professeur n'est pas toujours utile pour comprendre. Surtout quand la voix de ce dernier n'est pas des plus motivantes. Même si celle de Miss Carroll est correcte. Il préfère faire les choses à son rythme. Quand il est motivé, ça va assez vite et il avance bien. Pour preuve, il a déjà presque rattrapé son retard en mathématiques justement. Certes, il a volontairement laissé de côté quelques trucs qui ne lui disent vraiment rien. Il n'est pas prêt à se creuser les méninges sur tout non plus. Les sujets en question seront abordés quand il admettra qu'il a besoin d'aide. En attendant que ça arrive, parce qu'il n'est même pas sûr que ça arrive, il se contente de progresser de son côté.

Passer une bonne partie de la nuit ainsi, c'était le plan à l'origine. Néanmoins, c'est sans compter sur ses colocataires. Pas qu'il ne puisse pas en faire abstraction. Il est capable de les ignorer. Kam sait se concentrer parfois. Surtout, quand il n'est pas particulièrement proche d'eux. Mais ça, c'est quand Tuathal n'est pas dans les environs. Parce que lui, il en tient une sacré couche. Perturbateur par excellence. Et putain ce qu'il est doué dans le domaine. Aucune chance de pouvoir l'ignorer. Kamyl a déjà essayé. À maintes reprises. À ses risques et périls. Du coup, il en a judicieusement conclu qu'il vaut mieux lui prêter attention. C'est plus salvateur pour sa patience, ses oreilles et sa santé mentale. Et dieu sait qu'il a besoin de tout ça. Alors quand il voit le roux approcher, il se contente de terminer tranquillement son exercice. Il est sûr de pouvoir faire attendre Tuathal jusqu'à ce qu'il ait terminé ce dernier. Surtout, quand il est sûr d'arriver au bout du problème. Peut-être que son obstination sera récompensée pour cette fois.

Peut-être. Parce que là, il n'en est plus très sûr. Pourtant, il essaie de garder son cerveau concentré sur ses exercices. De ne pas dévier des fonctions et autres trigonométries. Kamyl se concentre. Il fronce les sourcils pour garder ses yeux sur son livre. Il sait pertinemment que Tuathal est face à lui. Qu'il commence à s'impatienter. Il l'entend à tous ces petits bruits qu'il fait. Et d'avoir constaté tout ça, Kam sait que son attention n'est déjà plus suffisamment portée sur ses mathématiques. Fait chier. Pourtant, il persiste. Il veut finir son exercice. Il ne lui reste vraiment rien. Juste un effort supplémentaire. Il y est presque. Il peut le faire. Il sent qu'il peut le faire. Alors il fait tourner son stylo entre ses doigts et replonge dans son livre. S'il peut calculer la dérivée... Mais alors qu'il s'apprêtait à faire un calcul, il entend son colocataire ouvrir la bouche. Là, il est foutu. Définitivement.

La petite histoire sur la fameuse Mathilde ne l'intéresse pas. Néanmoins, il ne peut s'empêcher d'entendre ce qui est dit. Il est trop tard pour que Kamyl puisse faire abstraction de tout ce qui se trouve autour de lui. Et Tuathal est bien trop imposant émotionnellement pour réussir. Alors, il abandonne. Pour ce soir, il laisse tomber. Le roux a gagné. Kamyl referme son bouquin avec ses feuilles dedans. Il pose le tout sur la table avant de se réinstaller. Maintenant, il l'écoute. « T'es chiant mec. T'pouvais m'laisser finir franch'ment. » Sachant parfaitement que peu importe combien de fois il le lui dira, ça ne changera rien du tout. Son colocataire est trop extrême pour pouvoir se retenir de s'exprimer. Kamyl s'y est fait à force. Mais ce n'est pas pour autant qu'il lui accorde toujours son attention.

Ce soir, la fatigue l'empêche d'être résistant. Il soupire. « Heureusement qu'tu crush pas sur moi. » C'est l'information principale. Celle dont dépend entièrement son comportement. Parce qu'il n'est pas suffisamment stupide pour ne pas savoir que Tuathal vit toujours tout à cent pourcent. Même ses amourettes de passage. Kamyl ne se montre pas cruel au point de briser volontairement l'émotivité du roux. Il se contente de le remballer jusqu'à ce que ça lui passe. Parce que s'il entre dans son jeu, il a bien peur de causer des dommages conséquents. Il n'est pas psy, il ne sait pas jusqu'où, c'est sans risque. Bref. La fatigue le fait devenir sentimentale et plein de compassion. Tellement pas lui. Du moins, c'est ce qu'il aimerait croire.

Un détail lui revient. « Comment t'peux être sur une meuf couverte de suçon mec ? » Ça le dépasse. Jamais le brun ne s'intéresserait à une nana couverte de suçon. Déjà, parce qu'il ne prend pas la copine d'un autre. Puis parce qu'il trouve ça provoquant d'exhiber ainsi une preuve d'activité intime. Il n'aime clairement pas ce genre de fille. Elles peuvent passer leur chemin, il ne leur prêtera aucune attention.

Finalement, il indique d'un mouvement de tête le canapé. « Va pour l'film. » Cependant, Kamyl ne perd pas une seconde pour imposer ses conditions. « Tu m'fous pas un truc à l'eau de rose où on s'fait chier. » Le genre de prédilection de Kamyl, c'est le film d'action. Il n'est pas contre un peu de diversité et de changement. Mais il ne veut pas s'emmerder pendant deux heures.

Radio de fond ? Il se fout de sa gueule là, il n'y a pas d'autres mots. Comment il peut décemment faire abstraction d'un tel phénomène. Quoique ça pourrait être un challenge pour l'avenir. Ne pas devenir fou face à la torture psychologique de Tuathal, le moulin à paroles. Il pourrait peut-être caser ça dans son futur guide de 'comment torturer efficacement sa victime', juste après le pétage de genoux avant la descente d'escaliers. Kam va devenir un expert dans la matière.

Face au baratin du roux, le E ne fait que lever un sourcil circonspect. Ne voulant pas s'étaler sur le sujet. S'il commence à lui demander d'où il connaît ça, il est foutu. Encore plus qu'actuellement. Autant ne pas tenter le diable. Qui a pris les traits de son colocataire ce soir. Et il ne peut pas avoir plus raison en le sentant envahir son espace personnel. Il la sent mal. Son instinct lui hurle de se reculer. Ce qu'il fait d'ailleurs. Mais coincé dans le canapé, il ne peut pas aller bien loin. Alors il subit les débordements d'affection de Tuathal. Accroché à lui comme un poulpe. Cependant, ce soir, il est modéré. N'exagérant pas, comme s'il avait quelque chose à se faire pardonner. Ou qu'il sentait que Kamyl était moins vindicatif que habituellement. Quoiqu'il en soit, il termina avec un baisé sur la joue. Il n'eut rien le temps de dire que sa pile électrique personnelle se relève déjà. S'éloignant du canapé pour reprendre la conversation. Comme si de rien n'était. Tuathal quoi. Il a arrêté de chercher à comprendre comment ce dernier fonctionne.

Kamyl soupire légèrement. « Salé. » Le brun n'est pas trop porté sur les aliments sucrés et autres confiseries. Il n'est pas porté sur la nourriture tout court. « Qu'ils soient d'mecs, d'meufs ou même de chiens, ça change rien. » Il n'est pas sûr qu'un chien possède la mâchoire adéquate pour faire une telle marque sur la peau. Bref. Tout est dans la façon d'exhiber ça comme un trophée. Il hausse les épaules quant à la perte annoncée. Ce n'est pas son problème après tout. Et puis le roux passera à autre chose dès le lendemain. Pas de quoi s'en inquiéter. De toute façon, il ne va pas aller se mêler de la vie privée de ce dernier. Une petite voix dans sa tête lui dit de manière très sarcastique qu'il n'en aura de toute façon pas besoin. Que Tuathal viendra de lui-même tout lui raconter.

Quand il lui fait une liste non-exhaustive de films potentiels, ses yeux s'écarquillent. Twilight, sérieusement ? Il ne s'attarde même pas sur le sujet. « J'te cache pas qu'Thor ou Mulan m'bottent plus qu'les autres. » Mais prit d'un doute, il ajoute tout de même quelque chose. « 'fin si c'est pas l'Disney hein. » Il a donné pour les Disney c'est bon. Sa sœur l'a forcé à tous les regarder avec elle. Il est plus que vacciné là. Et il ne peut même pas prendre l'excuse de s'endormir devant le film puisque c'est justement ce qu'il fuit. Le sommeil.

Pour prendre de l'avance, Kamyl tend la main vers la télécommande qui est sur la table basse et allume la télévision. Mettant intentionnellement le son en muet. Supporter les pubs très peu pour lui. Surtout si Tuathal se met à les commenter. Ou pire, s'il les connait par cœur et qu'il les dit en même temps qu'elles défilent ou quelques secondes en avance, il va fuir. Définitivement. Puis, une idée germa dans sa tête. « Rassure-moi. Tu les connais pas par cœur les films au moins ? » Parce que là, ce ne sera pas possible.