Les miroirs peuvent rendre fous [PV Lana]

Ce matin je savais pas quoi faire, comme souvent en fait. Alors j'avais décidé de me balader dans l'établissement. Or, je suis timbrée, je n'ai AUCUN sens de l'orientation ! Imaginez donc là où je me trouve. Devant la porte du bureau du directeur, et d'autres portes dont je ne connais pas l'issue. Donc j'en ouvre doucement une et y avance avant de refermer la porte derrière moi. Et là, cauchemar. Je regarde autour de moi d'un air ahuri. Des miroirs. D'un côté, de l'autre. A droite, à gauche, derrière, devant, même au plafond ! Vraiment partout. Je suisdéjà rendue folle par ce spectacle. Alors je me retourne mais me trouve de nouveau en face d'un miroir. La porte...

-Elle a disparue ! me mets-je à hurler, paniquée.

Le miroir me reflète mais pas parfaitement comme je suis. Quel est le bâtard qui m'a volé mes seins et mes fesses ?! Je rêve ! Je suis plate ? Forcément je vérifie en me regardant mais pas dans le miroir, je me regarde réellement. Bon, ça va je suis aussi gonflée qu'avant d'entrer ici. Genre. C'est à moi ça celui qui veut les toucher il demande ou il paye ! On me les arrache pas j'y tiens quoi. Imaginez moi sans mes atouts. Je ne serais plus rien. Je n'aurais aucune valeur. Ouais parfois c'est chiant, ça gêne mais je les aime moi ! C'est ça le piège pour chopper les mecs en fait.

Je soupire et me mets à marcher. Je m'arrête de nouveau devant une glace. Là je me mets en rogne et fais voler le miroir quelques mètres plus loin. Il explose contre le sol dans un bruit pas possible. Pour la simple et bonne raison que c'est un piège cette pièce. Arnaque. Je suis paumée.

-Je veux sortir !

Je me laisse tomber sur les genoux et sers les poings avant de me remettre debout. Je regarde tous les miroirs autour de moi et prends le temps de m'énerver encore plus. D'un coup, toutes ces horreurs se mettent à voler autour de moi avant de retomber sur le sol. Je me protège de mes mains et ferme les yeux. Quand je les rouvre, les miroirs se reconstituent. Miroir miroir dis-moi qui est la plus belle ! Nan mais on se croirait dans Blanche-Neige là ! Quoi, vous avez pas vu le couloir de la Reine ? y'a des miroirs sur chaque parcelle du mur je crois. Comme ça le fantôme des glaces la suit. J'avais envie de lui dire que c'est bon, qu'elle allait pas se perdre la pauvre. Je vous jure, parfois je trouve ça tellement ridicule que j'ai envie de faire passer le bouquin ou la télé par la fenêtre.

Cette fois je décide de ne pas bouger, je m'installe en tailleur sur le sol et me cache les yeux pour éviter de m'énerver encore plus. OMG. Je suis folle. Je suis perdue. Je vais mourir de rage au sens propre du terme si ça continue !

J’étais là, juste là lorsque qu’une jolie rousse se plaça sous mon nez avec de beaux gâteaux. Oui, enfin, un peu déformés mais ils avaient l’air délicieux. D’ailleurs, lorsqu’elle me propose d’y goûter et n’hésite pas à en prendre un pour l’enfourner dans ma bouche. Délicieux goût sucré… Et à la fois amer. Mon palais n’avait jamais mangé un truc aussi bon. Je lève les yeux vers les siens et me sers de nouveau, en espérant qu’elle ne m’en veuille pas de bouffer comme une affamée. MAIS C’EST TROP BON ! Un régal. Je lui souris légèrement. Mon expression à légèrement changée. Des gâteaux magiques ?! Quoi qu’il en soit moi je l’embauche ! N’empêche que la couleur et l’éclat de ces bijoux me rappellent… Le foulard que je garde caché, secrètement. Celui que portait ma mère. Je l’ai mis dans une boîte dans la chambre pour qu’il garde son odeur encore longtemps, comme depuis des années. Mais il faut que je pense à autre chose.

-C’est délicieux, merci. Comment tu fais des trucs aussi bons ? Je suis tombée amoureuse de ces petites merveilles !

Que dire de plus ? Rien, ça m’a donné l’eau à la bouche. Ça se dit au moins ? On va dire. Aaaah… Je rêve d’une piscine de gâteau. Moi en train de nager nue dedans, de me barbouiller et de manger… OUAH ! Mais il faut que je me calme. Et je reste assise. On sait jamais si y’a un miroir au-dessus de notre tête. Paf, assommées sans avoir rien fait. Cool n’est-ce pas ? Ouais, cool pour qui ne nous aime pas. Je regarde la femme ou jeune femme. Et là je comprends et regrette de l’avoir tutoyé. En fait c’est la cuisinière de Prismver ! Ou un chef pâtissier venue faire goûter ses délices au Pensionnat ! OMAGAD. Je crains. Honte à moi. Permission de m’emmener loin pour me v… Non rien. Oublions. Je la fixe en réfléchissant et en engloutissant un merveilleux troisième gâteau. Une petite voix me dit d’arrêter. Je dois déjà faire du sport pour retirer les kilos en trop, après on verra. Sérieux, si je mange comme une vache à chaque fois qu’on m’offre une assiette, je vais finir comme Gautier ou Lester à dévorer cinq assiettes par jour et par repas. Et surtout finir dingue dès que j’ai pas de bouffe sous les yeux. Hors de question ! Je suis fine et le resterais.

Je m’essuie la bouche, un peu gênée de me servir sans demander la permission.

-Tu t’es trompée de porte ? Moi aussi. C’est chelou tous ces couloirs et toutes ces portes ! Chaque fois que je franchis un pas dans un couloir je deviens folle. Bref, je parle trop. Tes gâteaux sont les meilleurs du monde… Tu permets ?

Et je me sers encore pour manger. Range la boîte s’il te plaît ! Ah la la. Mes yeux plongés dans les siens je lui donne mon prénom, « Elissy ». Ba oui je ne suis pas malpolie non plus, faut savoir se présenter parfois. Et pour une fois que je ne drague pas pour dire bonjour ! Ok ok je la ferme. Je fais peur ? Bah tant pis je suis comme ça un point c’est tout. En tout cas cette fille est une beauté, une déesse. Elle est parfaite pour un beau jeune homme. Je vous jure ! J’espère qu’elle aura bientôt celui qui lui convient, car si elle est célibataire, c’est triste. Je pourrais l’aider si elle veut ! J’aime bien aider les filles en détresse. Je crains je crains. Je me fiche la trouille de même, ne vous inquiétez pas je vais bien. J’aime bien voir les belles personnes casées. C’est drôle d’aller foutre ensuite la merde dans leur couple quand je ne les aime pas. Sérieusement, qui aurait pu croire que j’étais chiante à ce point ?

Je regarde autour et soupire. Je ne cache pas mon désarroi. Combien de personnes se sont-elles fait piégées dans ce lieu maudit ? NON ! OH NON ! Mon corps ! Je me précipite vers un miroir, à quatre pattes –c’est tellement sexy- et m’observe dans le miroir. Aussitôt je panique et je l’envoie voler loin rien qu’en le regardant. OH ! On ne me déforme pas mon corps ! J’aurais préféré me voir en homme plutôt qu’en femme. Pas n’importe laquelle. Ce n’était pas n’importe quelle belle femme… Je lui ressemblais. Mon cœur se serre. Alors, elle ressemblait à ça, ma maman ? C’est si… Distrayant… Bizarre. D’un coup j’ai senti la chaleur envahir mon corps. Et je respire assez doucement pour me contrôler. J’ai toujours voulu voir le présent et jamais le passé.

Je reviens sans attendre près de la beauté et saisis un gâteau pour le manger. Au moins ça me changera les idées.

Alors comme ça elle apprend toutes ses recettes par cœur pour les réaliser de nouveau par la suite ? Ce doit être une femme très intelligente. « Miss Gâteau » j’ai envie de l’appeler. C’est mignon tout doux, tout comme elle est très mignonne. Elle m’avoue que se prendre des miroirs en pleine face n’est pas très agréable, et j’me mets à rire. Puis je lance un petit « Désolée » avant de me calmer. J’ai l’impression de redevenir une gamine insupportable que j’étais avant. La p’tite qui se fout de ce que les gens disent, qui se marre quand ils disent quelque chose du genre « Aïe j’ai mal ! », etc. Je tourne le regard, gênée. Honteuse de redevenir aussi stupide qu’avant rien qu’à cause de miroirs.

"Au fait, mon prénom c'est Lana. Et toi ?"

Mes yeux reviennent vers les siens. Lana ? Quel prénom trop original pour une belle femme comme elle. Elle me refera des gâteaux, elle est gentille, même trop. Des gâteaux rien que pour moi ! J’en ai les yeux qui brillent tellement je suis pressée de connaître d’autres recettes. Maintenant je n’ai aucun doute, elle est cuisinière. Elle devrait jouer à des concours de cuisine. Ça lui rapportera de l’argent, des fans et toute la renommée qu’elle mérite !

-Moi c’est Elissy, dis-je dans un sourire sympathique, un sourire qui révèle mes dents blanches.

Les muffins ? Ce mot m’arrache un sourire et je fouille la pièce du regard. Quand je relève la tête vers le plafond, je remarque qu’il y a des miroirs aussi. Aussitôt, l’envie me vient de chercher la porte en haut, comme une conne. Alors j’me lève et je laisse Lana se concentrer sur une pauvre souris, et j’avance en regardant le plafond. Je suis en mode « Petite Fille » là. Je vais me perdre d’une minute à l’autre mais c’est passionnant. Les miroirs sont étranges. Ils nous révèlent un peu comment nous aurions pu être, comment nous sommes physiquement et à l’intérieur, ce que nous avons été et ce que nous serons. C’est flippant, j’en ai les yeux qui pleurent. J’avance, en voyant que certaines fois je ne pensais pas être comme ça. Je m’arrête à plusieurs reprises et baisse la tête pour regarder le sol et éviter d’attraper un torticolis. Je me rends compte que j’ai abandonné ma nouvelle connaissance, et que les miroirs sont de plus en plus grands, comme si je rapetissais en mode « Alice au Pays des Merveilles » ou que je rajeunissais.

J’en ai eu marre, je me stoppe et me laisse tomber sur les genoux pour pleurer. Comment je peux ne pas réfléchir ? Pourquoi je suis aussi blonde qu’aussi stupide ? J’aimerais bien ne jamais être entrée ici. J’en pleure. J’essuie mes joues toutes les cinq secondes et sort un mouchoir pour me moucher. Je ne sais pas quoi faire. Devrais-je retourner en arrière pour la retrouver, ou devrais-je m’installer là en attendant qu’elle bouge et qu’elle me retrouve ? C’est bête. Elle va croire que je la prends pour une abrutie et elle risque de penser que je suis une mauvaise compagnie. Je ne veux pas que ce soit ce qui se passe. Je veux être amie avec elle, qu’elle soit adulte ou non. Et je ne peux pas abandonner mon chemin, je ne peux pas reculer. Que faire ? Je reste là à chialer comme une gamine putain ! J’en ai marre !

Je me lève et hurle un moment, quand plusieurs miroirs se soulèvent venir s’exploser les uns contre les autres. Et je suis encore plus trempée qu’avant. Je suis perdue, seule, énervée et fragile. Fragile. Ce mot résonne dans ma tête comme si je vivais un cauchemar. J’aimerais hurler « Maman » pour qu’elle vienne me chercher, me prendre dans ses bras. Or, ça ne se passera jamais. Cette salle est un enfer. Ça remue mon passé, et ça me fait pleurer encore plus. Je dois me calmer. Je reste debout, au milieu des débris de glace. Je n’ai plus rien à faire, j’ai tout perdu, donc si je reste à jamais ici et que je meurs à petit feu ce n’est pas grave, je m’en fiche. Au moins là-haut je retrouverais des gens précieux à mes yeux.