Tournez manège ! | Ruby

Des papiers pleins les mains, des papiers en vrac qui à la brise s'envolent. Des papiers qui tombent puis se froissent, ou peut-être est-ce bien l'inverse mais il n'y fait pas vraiment attention, beaucoup trop occupé à leur courir après. Des papiers qui se jouent de lui, se cognent aux murs de l'étroite chambre et il s'y cogne aussi d'ailleurs. Il s'y cogne et lâche un soupir, puis prend une inspiration, un peu d'air pour repartir et réussir, cette fois, à refaire tout son dossier. À la hâte il les cale, le temps de parfaire sa tenue toujours aussi simple pourtant. Les Les Gens normaux n'ont rien d'exceptionnel, et du fait qu'il ne se sentait pas plus extraordinaire qu'un autre, il préférait encore ne pas trop en faire. Rester simple et sobre, quoiqu'un peu étrange avec cette longue cape à capuche et cette écharpe enroulée autour du corps. Pas de quoi parer le vent inexistant de l'extérieur, seulement de quoi fuir les regards indiscrets. Son dossier qu'il attrape d'un mouvement maladroit et c'est la porte de la cabane qu'il claque ensuite.

Dans les rues de la ville il presse le pas, s'émerveille d'un rien, d'un regard sur la vitrine du fleuriste dont les roses si belles ne cesseraient jamais de l'émerveiller. Dans les rues de la ville il hume les odeurs de viennoiseries et les senteurs de jasmin, s'évade sur les pavés vers un idéal trop précis. Destination finale : les Manèges et leur ambiance bon enfant, leurs sucreries et les rires détonants.

Bien vite il y arrive, se stoppe tout proche face à l'entrée et déjà trifouille dans ses papiers. L'esprit à mille à l'heure il a l'allure, il griffonne, prend des notes levant de temps à autre le regard vers le grand porche avant de le quitter bien vite. De grands cercles qu'il trace, de grands coups de crayon pour souligner puis raturer, pour se reprendre et, après un sourire satisfait, finalement pénétrer les lieux. De l'extérieur déjà il les entends, ces enfants heureux et ces autres qui le sont un peu moins. Il observe les chamailleries et les silhouettes se mouvoir dans la foule, dans ce coin, sur ce banc, et toutes ces plantes qu'il s'imagine autour n'ont de cesse de flatter son œil amoureux. Quelques cris un peu plus fort qui déconcentrent, une bousculade et la pupille qui dérive sur cet ado furieux qui semble avoir dit adieu au langage, ou plutôt à la répartie ?

▬ J'irai cracher sur vos tongs ! et sous les rires, après le fail il se reprend : J-J'irai cracher sur vos tombes ! Vous êtes trop nuls !

Il prend la fuite sous les moqueries tandis que Gabriel ne s'empêche plus les soupirs qui s'en suivent, tantôt amusé, tantôt blasé d'une telle situation. Ah, si seulement il avait lu l'Art de l'insulte : Une anthologie littéraire peut-être qu'il s'en serait mieux sorti. Peu importe, Gabriel s'en va déjà dans ses rêveries et sur les chemins pour reprendre ses activités. Le crayon griffant le papier, les feuilles qui s'élèvent aussi haut que ses idées pour réaménager les lieux. Dans cet endroit le béton est Roi, dans cet endroit il se sent si triste malgré les rires. Pourtant il se dit qu'avec un peu de travail, tout pourrait devenir encore bien plus accueillant ! Et ils pourraient faire comme ces parcs d'attractions à la renommée mondiale qui organisent des tas d'événements. Des anniversaires, des baptêmes, des mariages... Oh il s'imagine d'ailleurs quelques jolies dames dans leur Robe de marié, le sourire aux lèvres et le tulle suivant le vent sous une arche de verdure chatoyante et le chant des oiseaux.

C'est une main d'enfant qui l'attire puis le tire, extraverti petit blond qui l'invite à jouer avec lui, avec eux sur ce carrousel tournant. Enchanté il sourit, un peu surprit aussi mais bien incapable de dire non cependant, il les suit. Après tout il avait encore quelques heures avant de devoir rentrer il pouvait bien se permettre une petite pause non ?