✖. Dos Crawlé. | Charline & Lhym |

Selwyn

Let’s go to the pool !

« ♪ Something in the water »

Le carrelage froid sous la plante de ses pieds. L’air frais qui souffle sur ses épaules. La chair de poule qui se dessine le long de son dos. Déséquilibre. 3… 2… 1…

Son corps sembla s’enfiler dans l’eau comme dans du coton. Pas une seule éclaboussure de trop. Depuis l’année où Selwyn est arrivée à Prismver, elle avait pris l’habitude de venir évacuer son stress en nageant. Délassant ainsi ses muscles, elle se vidait la tête. Pendant près d’une heure, elle nageait sans interruption. Toujours solitaire, elle ne partageait que rarement ses moments en compagnie d’autres gens de sa classe, ou même de l’école. De toute façon, elle n'avait jamais été très douée pour les relations sociales...

Essoufflée, elle attrapa les rebords du bassin et se hissa à l’extérieur. Son corps roula sur le côté, sa poitrine se soulevant avec frénésie. Ses yeux rougis par le chlore fixaient le plafond avec détermination. Elle devrait rentrer. Mais elle n’en avait pas envie. Pas tout de suite.

Saisissant son sac à proximité, elle en tira un sandwich qu’elle avait fait avec les restes du midi. C’est alors que quelqu’un, d’une délicatesse extraordinaire, plongea (ou on ne sait quoi… Son intention était-elle de créer un tsunami ?). Une gerbe d’eau déferla sur la jeune fille. Elle serra les dents, étouffant ainsi un grognement. D’une main, elle releva les cheveux collés à son visage et jeta son encas trempé par terre. Mais elle venait d’utiliser toutes ses forces dans cette piscine et son cœur anesthésié par un tel effort. Elle se contenta donc de fixer la surface, attendant qu’une frimousse qu’elle pourrait mettre sur sa liste des personnes à éviter fasse irruption.

Code by Anarchy

Selwyn

Let’s go to the pool !

Ce fut la tête d’une fillette qui perça la surface de l’eau. Avec un sourire radieux, elle fixait Selwyn. Celle-ci voulu chasser l’amertume de ses traits, quelque peu adoucie par l’allure fragile de l’enfant au milieu de cette étendue d’eau. Mais elle n’arrive qu’à éteindre la lueur mécontente de son regard, sans pour autant desserrer ses mâchoires.
Un bruit de pas se fit plus insistant. Puis il cessa. L’étudiante leva les yeux vers un corps athlétique et doté d’atouts néanmoins imposants.

« Tu devrais plutôt sourire, la colère ne te va pas. »

Sur son visage impassible, la surprise ne put pas se lire. Particulièrement quand elle osa lui donner une tape dans le dos, assez puissante pour que son corps maigrichon bascule dans la piscine. Elle se laissa couler, ses dernières bulles d’air s’échappant d’entre ses lèvres ouvertes. Quand ses orteils effleurèrent le sol carrelé du bassin, elle donna une impulsion suffisante pour remonter à la surface avant de mourir asphyxiée. Elle se frotta les yeux pour en chasser le chlore et la fille qui venait de la pousser la sermonna à propos de… son sandwich ?

Lasse, elle nagea jusqu’à l’échelle et se hissa – de nouveau – à l’extérieur. Ruisselante, elle s’avança vers son sac et le reste de ses affaires. Elle aurait pu s'en saisir et partir, agacée par leurs comportements ou simplement parce que son petit rituel avait été perturbé. Au lieu de ça, elle ramassa son sandwich. La mie lui collait sur les doigts, le pain était gonflé d'eau coupée avec on ne sait quelles substances chimiques censées garantir une certaine hygière. De ces mains habiles, elle le déchira en trois part à peu près égales. Son regard brumeux se fixa sur les deux filles, l’une après l’autre. Elle tendit le premier morceau à celle hors de l’eau, puis s’accroupit au bord du bassin pour tendre le second. Sans un mot, elle venait de les défier et d’entamer un premier contact qu’on ne saurait désigner.

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Selwyn

Let’s go to the pool !

Selwyn attendit. Elle attendit qu'elles réagissent. Qu'elles fuient. Qu'elles la défient. Qu'elles s'en prennent à elle. ça ne la dérangeait absolument pas. Elle avait acquis une patience considérable au cours de sa petite enfance. Elle pouvait tenir tête à plus fort qu'elle pendant des heures sans se démonter, ni courber l'échine. Quitte à se faire frapper, elle ne voulait pas céder la première. Jamais. Plus jamais.

Sans la moindre esquisse de sourire visible, elle les observa enfiler le bout de pain mouillé dans leur bouche. La petite en premier. Un frisson de dégoût sembla la parcourir. La jeune brune ne pu s'empêcher d'éprouver au fond d'elle une sorte d'amusement bien qu'une lame que l'on peut nommer culpabilité vienne lui piquer le coeur.

Néanmoins, cette sensation désagréable s'effaça dès que son regard se tourna ver celle qui avait osé la provoquer. Elle prit quelques secondes pour la détailler. Ce corps de poupée sur-gonflée et cevisage de gamine ne la rendait que plus pitoyable encore. La main sur sa hanche, elle attendit qu'elle avale ce pourquoi elle avait hurlé. Selwyn détestait qu'on hurle. Elle préférait un silence et un regard éloquent au plus virulent des discours. De plus, son mutisme ne faisait que provoquer la rage de ces adversaires. Néanmoins, elle n'y accordait que peu d'importance. Elle vivait sa vie sans se soucier des autres. Elle voulait quitter cette école avec un certain bagage. Elle voulait... Elle voulait... Trouver l'objectif de sa vie.

Ramenant ses cheveux en arrière, elle la regarda avec un certain plaisir déglutir la pitance trempée. Elle resta impassible, cette fille à la crinière d'argent mais les yeux ne peuvent pas mentir. Elle aussi avait relevé son défi. Selwyn inclina la tête en signe de respect, essora la mie dégoulinante du sandwich, balança sa tête en arrière et englouti sa part. Fermant les yeux, elle serra les dents afin d'avaler la boule de pain, coincée dans le creux de sa gorge. Ce n'était pas si infâme, en fin de compte. Pas plus que les racines amères et le riz détrempé que les moines la forçaient à avaler alors qu'elle mourrait de faim dans sa maison abandonnée. Elle déglutie bruyamment et eu presque l'impression de sentir cette boule compacte tombée dans son ventre vide. D'une certaine manière, elle avait vengé son offense en partageant les frais de leur délit.

Selwyn les fixa tour à tour. Cette petite fille inoffensive et cette gamine siliconée. Finalement, elle appréciait sa silhouette fluette. Elle ne risquait pas d'être gênée pour se glisser dans la foule. Elle voulait porter un point final à cette perturbation. Elle voulait dire quelque chose. Quelque chose de clinquant. Quelque chose qui ne donne pas à ces deux créatures l'envie de s'attacher à elle (bien que cela l'étonne, vu ce qu'elle venait de leur imposer...). Selwyn était une solitaire dans l'âme.

« Boaf, avec un peu plus de sel, ça aurait été meilleur. »

Murmura-t-elle, dans un soupir. C'était la seule chose qui lui était venue en tête. C'était nul, mais pas grave. Elle jouait encore un fois la carte de la provocation. Elle s'étira, faisant craquer les os de sa colonne vertébrale.

Selwyn n'attendait plus.

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Selwyn

Toutes les trois portaient des noms à la sonorité finale plus ou moins semblables. Lhym. Charline. Et Selwyn. Comme si leur rencontre était programmée, comme si elles pouvaient avoir d’autres points communs que la prononciation de l’ultime syllabe de leur prénom. La jeune brune ne voulait pas de ça. Elle refusait catégoriquement qu’on s’attache à elle. Les amis, ce sont trop de responsabilités. Ils ne représentent à ses yeux que des engagements à tenir, des promesses à honorer, des sacrifices à faire, des gens à ne pas blesser, ni décevoir. Et elle estimait que ceux qui prétendaient être lié d’amitié avec quelqu’un d’autre devait faire preuves de toutes ces qualités. Selwyn ne voulait pas confier son maigre cœur à un individu qui n’en jugerait pas de toute sa valeur et n’hésiterait pas à le piétiner dès qu’une remarque un peu cinglante s’échappe d’entre ses lèvres.

Une main se tendit vers elle. Selwyn fit cesser les éclairs qui devaient probablement crépiter dans ses yeux et accueillit ce geste d’excuse. Une situation d’éternel conflit ne pouvait être constructive, si ce n’est quelque chose d’anarchique ; ça, elle l’avait bien compris à ses dépens. Mais elle ne désirait pas s’attarder. Les échanges relationnels ne l’avaient jamais vraiment réussie. Néanmoins, elle se sentit obligée de décliner son identité.


Elle aurait pu ajouter que ce prénom était originaire du Népal. Qu’elle était née dans ce petit coin de paradis, perdu entre les chaudes couleurs indiennes et les rizières abondantes de la Chine. Elle aurait pu leur avouer la signification de son prénom.

Après un bref regard, elle ramassa ses affaires, rangeant soigneusement serviette et bouteille d’eau puis d’un pas qu’elle voulait naturel, elle se pressa de les quitter. Cependant, un peu avant d’arriver vers les escaliers menant au vestiaire, elle jeta sa main en l’air en signe d’au revoir et leur lança :


Sans attendre une quelconque réponse, elle se faufila vers les douches. Tandis qu’elle dévalait les marches, Selwyn se mordait la lèvre. Pourquoi fallait-il toujours qu’elle fasse preuve d’insolence alors qu’elle devait se taire ? Pourquoi sa langue décidait-elle de se délier et de cracher son venin contre les gens qui n’avaient jusque-là rien fait ? Vipère. Elle aurait pu partager sa peine, s’écrouler sur ce carrelage immaculé et percer l’abcès que la douleur ne cessait de faire enfler. Or, laisser échanger un tel flot lui était impossible. Se parant à nouveau son habit d’insensibilité chronique, elle entreprit de se changer et de partir bien vite de cet endroit.

Fuir, toujours fuir. Attention Selwyn… La proie finit toujours par tomber dans le piège de son prédateur.

HRP:

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