Une rencontre au milieu des poissons (PV Tobias)

Je détestais les aquariums. Certaines mauvaises langues diront que je déteste beaucoup de choses de toute manière, ce qui est complètement faux. Mais pour en revenir à ces murs de verre blindé d’eau, il fallait savoir que je n’avais aucune affinité avec le peuple marin. Ce dernier était bien trop silencieux, trop paisible, trop liquide et trop…globuleux ? Bref, il n’y avait rien à faire, son cas était désespéré. Au pire, on pouvait faire sortir les dauphins, les orques, les phoques, les pingouins et les otaries du lot car ils donnaient des spectacles à peu près potables mais les autres n’étaient qu’un pur ennui. Ainsi, les aquariums étaient de la merde. Je  m’y éclatais autant dans une bibliothèque ! C’est pour vous dire l’étendu de ma détresse émotionnel dans ce type de bâtisse ! Au final, étant peu désireux de rester bêtement en train de faussement m’extasier devant une poiscaille qui daignait suivre mon doigt durant trois fractions de secondes, je m’étais éclipsé pour me cacher dans un coin tranquille où se trouvait l’enclos des tortues de mer.

Tout occupé que j’étais à tapoter du doigt leur carapace pour leur faire peur, je sursautais à l’entente d’un son trainant. Pensant immédiatement qu’un gardien venait me chercher par la peau de fesse pour ramener vers la guide et son discourt soporifique, je préparais mentalement une dizaine d’excuses qui m’épargneraient une sanction quelconque. Puis je parais mon visage d’une expression digne d’un petit saint et me retournais pour faire face à mon destin…qui avait pris les traits d’un phoque. Loin de moi toutes pensées racistes, mais j’avais du mal à imaginer ce que pouvait bien foutre une bestiole de ce genre dans les couloirs. Mon expression se para donc d’une mine suspicieuse, puis amusée. Qui ne serait pas ravi d’avoir un phoque à porté de main alors qu’habituellement on nous faisait payer des fortunes pour les voir derrière une barrière ? Simultanément à l’arrivé de mon nouveau compagnon, j’entendis les paroles des gardiens dont Phoquinou semblait être le centre d’intérêt. Peu désireux de leur donner ma nouvelle possession, je la bouclais et ne faisais aucun bruit en parfait accord avec le fuyard.
Alors que les gardiens semblaient repartir à leur occupation, je constatais que l’animal tournait sa tête dans ma direction pour observer le fond de la pièce où je me trouvais en compagnie des tortues. Pour faire bonne figure, je lui envoyais un sourire charmant. De son côté, mon cerveau tournait à toute vitesse pour trouver une idée amusante qui mettait, comme par hasard, en scène un phoque. L’air de rien, je me souvenais l’emplacement des piranhas et des requins et me demandais ce que donnerait mon nouveau compagnon dans leur enclos aquatique. Vous me trouvez cruel ? Parlez donc en à Mère nature et sa chaine alimentaire, je n'y suis pour rien dans cette histoire moi!
Néanmoins la possibilité que je parvienne à trainer l’animal devant la foule me semblait assez irréalisable. Le personnel ne manquerait pas de me tomber dessus en moins qu’il le fallait pour le dire « ouf ». Triste de voir une somptueuse idée mourir dans l’œuf, je soupirais.
Puis étant peu adepte de l’immobilité, je m’asseyais au sol et tendais impérieusement une main gantée en direction de l’animal.

« T’as trois secondes pour venir poser ta tête contre ma main. Une fois le délai dépassé, j’appelle mes potes les gardiens. »

Ma petite tirade était élégamment accompagnée d’un sourire amical qui contrastait fortement avec la sécheresse de mes propos. Hum ? Oui je parlais au phoque et alors ? Certain abrutis parlent aux plantes où pire encore se cause à eux même. Au moins moi je parlais à un animal qui était techniquement censé avoir un soupçon d’intelligence. Quand bien même mon langage lui serait inconnu, sa présence ici laissait soupçonné un début de dressage pour un spectacle ou au minimum une habitude de l’espèce humain. La main étant souvent porteuse de nourriture mon geste pouvait lui sous entendre la présence de denrée alimentaire malgré l’absence d’odeur souvent associée.
Pourquoi voulais je avoir sa tête contre ma main ? C’était très simple, mais plutôt crever que d'admettre que j’avais un gros complexe de l’autorité et que j'adorais voir les êtres vivants finir par se plier à ce que j'ordonnais et subir mes quatre volontés. Nous dirons donc je n’avais jamais touché un phoque et que je me demandais si c’était gluant, doux ou rugueux. Bien que techniquement, si j’étais vraiment désireux de sentir la peau de l’animal, je devrais quitter mon gant. Néanmoins chaque chose en son temps. Phoquinou avait après tout tout le loisir de me surprendre ! Je n'étais donc pas à l’abri d'une bonne surprise. Et ma foi, en cas de mauvaise, vous savez déjà lequel de nous deux dégusterait les conséquences de mon mécontentement, héhé!

C’est avec une profonde satisfaction que je vis la bestiole se dandiner avec une grâce assez discutable jusqu’à moi. Je n’avais aucun mal à distinguer la hâte qui transpirait à travers son déplacement. Visiblement, quoi que je lui inspire cela le poussait à se bouger vite fait bien fait. Mon sourire ne tarda donc pas à prendre de l’ampleur quand la tête du phoque vint rentrer en contact avec la paume de ma main. Par ailleurs, le Phoquinou semblait décidé à se frotter contre mon extrémité gantée. Cool, c’était amusant à voir. Un phoque qui se comportait comme un chat….épique! D’ailleurs mon amusement atteignit des sommets quand j’entendis une voix résonner faiblement dans la pièce où je me trouvais et qui semblait provenir de la chose que m’obéissait sans rechigner.

« D'accord ! d'accord, mais s'il te plaît, ne préviens pas les gardes... »

Un phoque qui parle ! En toute honnêteté j’étais quelque peu fasciné par ce spectacle, bien que je me doutais qu’il s’agissait probablement d’un élève de Primsver. Décidemment ces gens étaient de partout…
Alors comme ça, l’individu métamorphosé ne souhaitait pas que je prévienne les gardes ? D’accord! De toute manière, je n’étais pas un odieux salaud. Enfin disons plutôt que mon silence ne serait que proportionnel à la satisfaction qu’il m’apporterait…

« Je ne suis pas un vrai phoque... »

Naaaan, sans blague? Depuis quand les phoques me font la causette ? C’est moi où il me prenait pour un con ?

« C'est juste mon pouvoir qui me joue des tours... »

Je me sentais un peu moins seul en sachant que je n’étais pas le seul dont le don n’en faisait qu’à sa tête. Néanmoins cela ne me rendait pas plus sujet à ressentir un quelconque sentiment d’empathie envers la bestiole qui me faisait face. Chacun sa merde et puis voilà, manque de chance pour lui sa situation me divertissait plus qu’elle m’attristait. Surtout lorsque j’entendais le ton paniqué qui imprégnait chaque mot prononcé par l’animal marin.

« Je... ne dois pas me faire prendre... Pourrais-tu m'aider à me cacher en attendant que je retrouve ma forme humaine ? »

Ha, il me paraissait évident qu’il aurait de très gros soucis si sa capacité se faisait découvrir par le commun des hommes. Le directeur avait été assez limpide sur le sujet. Je savais également que ce genre de situation pouvait avoir de lourdes conséquences pour l’école en elle-même. Pas que cet établissement miteux m’intéresse d’une quelconque façon, néanmoins je savais que je faisais partie des élèves et qu’en cas de problème quelconque on ne manquerait pas de me mettre dans le même sac que les autres. Ce qui me demandais donc plus de deux secondes de réflexion…hum… trois suffirons amplement !
Bref, observant les yeux implorants de l’individu, je laissais mon esprit créatif (ou diabolique en fonction des points de vues) s’épanouir. J’avais un phoque près à m’obéir au doigt et à l’œil de crainte de se faire choper… je ne pouvais décemment pas passer à côté d’une aubaine pareille ! Je me devais de trouver une idée fabuleuse sous peine de le regretter plus tard !

Je passais donc mes doigts, avec une délicatesse qui ne disait rien de bon, sous le menton de la créature pour caresser la peau exposée. Puis dans un même mouvement je passais mes bras autour du cou de l’animal et déclarais avec toute la bonté du monde.

«  Je ne dirais rien, ne t’inquiète pas, je ne suis pas un monstre. »

Je lui laissais deux secondes, le temps qu’il se fasse des faux espoirs ridicules puis déclarais en transformant mon câlin en une sorte de clef d’étranglement dont la pression s’accentuait à chacun de mes mots.

« Si tu me donnes quelques choses en échanges…Autrement… »

Je resserrais encore.

« Je me demande si je serais garder ma langue pour moi♥ »

Mon ton toujours aussi sympathique contrastait avec mes propos menaçants. Néanmoins, je m’estimais fort généreux de lui laisser un choix quelconque, même si certaine mauvaises langues diront que je ne lui laissais, au final, le choix de rien du tout.
Ce que j’attendais de lui ? Ma foi, j’étais curieux de savoir ce qu’il pensait pouvoir m’intéresser mais également ce qu’il se sentait apte à me donner. Suite à sa réponse, j’estimais que je serais rapidement capable de comprendre la taille de son égo et donc la marge de jeu plaisante qu’il m’offrait.

Ah et…c’est pas si doux que ça un phoque !

Il n’était pas nécessaire d’être un génie pour savoir qu’une créature vivante avait besoins un minimum de respirer : phoque inclus ! C’est donc sans grande surprise que je voyais l’animal devenir en difficulté face à mon câlin (si si je maintiens que c’est un câlin! Câlin douteux PEUT ETRE mais câlin tout de même!). Mais étrangement je ne le voyais pas se débattre d’une quelconque façon, ce qui eu le don de me décevoir assez rapidement. Avait t'il un instinct de survie au moins? Si c'était le cas ce dernier n'était pas franchement virulent...

« D'a.. D'accord... que... que.. veux-tu... en ... échan... échange ? »

Il ne proposait rien et se contentait de demander ce que moi je désirais. Ma foi pourquoi pas, c’était une option comme une autre. Cela me demandait juste de me creuser les neurones pour savoir ce qui me plairait. Etrangement, trop réfléchir n’avait jamais été mon activité favorite.

« Je... t'en... supplie... peux-tu... tu... me lâcher...? J'ai... j'ai... mal... »

Pauvre Phoquinou… on croirait presque qu’il allait tourner de l’œil ! Quoi que c’était peut être le cas. Vu qu’un phoque inconscient était nettement moins amusant qu’un phoque conscient (et je ne parle même pas d’un phoque mort), je relâchais ma prise et laissais la créature reprendre sa respiration. Qu’est ce qu’il pouvait être douillet celui là !
Et maintenant ? Qu’est ce qui pouvait être intéressant à faire faire à un phoque ? Danser et tout le tralala étaient bien trop commun à cause des spectacles. Lui faire réciter quoi que ce soit n’avait rien d’amusant…J’avais beau imaginer des milliers de scénario mais aucun ne trouvait réellement grâce à mes yeux.

« Je veux…»

Passer le temps! Je détestais ces putains d’aquariums et plutôt crever que de retourner suivre la visite guidée! Pourquoi la bestiole n’y mettait pas du sien ?! Ne voyait t’elle donc pas que j’étais en pleine détresse émotionnelle?
Néanmoins, une petite lumière vint éclairer mon esprit. C’est donc avec un regard malicieux que je déclarais à la petite tête moustachu.

« … hum...au final non, oublie! »

C’est sans autre forme de procès que j’attrapais la queue de l’animal afin de le traîner en direction du couloir où circulait la population. Je me faisais chier et étais bien décidé à mettre un peu d’animation. Certes, j’aurai pu me contenter d’appeler les gardiens mais ils auraient fait au mieux pour régler cette anomalie le plus discrètement possible pour ne pas faire de mauvaise pub à leur établissement. En revanche, si je me pointais en plein milieu d’une foule en trainant un phoque… ça risquait d’être plutôt marrant (voir carrément hilarant)! Et j’emmerdais donc l'animal qui n’avait pas su susciter mon intérêt en me donnant quelque chose en retour. Comme je vous le disais si bien, je n’avais jamais été porté sur la réflexion et j’allais donc au plus simple. C'est à dire ma menace de départ. Moi ne pas savoir ce que je voulais? Bah je vous emmerde!
Hein ? Les éclaboussures pour l’école et les élèves dont je vous avais parlé ? Bah…je suis en E non ? Rien que ça c’est une excuse suffisante pour pouvoir faire toute les conneries que je veux. Et puis je supposais que ce cher dirlo devait avoir le bras long et connaître des effaceurs de mémoire. Je ne doutais pas de la belle préservation de notre îlo de paix. Et quand bien même, le directeur aura cas demander à Tartiflette de bouffer tout les journalistes qui tenteraient de propager la petite anecdote. Pour peu que j’arrive à traîner le phoque, parce que je ne vous avais pas dit…MAIS C EST VACHEMENT LOURD! D'ailleurs, vous ne viendriez pas me donner un coup de main!?!

Visiblement, mon attention d’une générosité des plus discutables, venait de réveiller son instinct de survie. En effet, mon petit Phoquinou se débattait maintenant avec la puissance qu’apportait un sentiment de panique. Il ne semblait pas avoir de stratégie particulière : tout était bon pour m’empêcher de l’entraîner vers la foule. La bestiole tentait donc de se tortiller comme un vers pour m’échapper et essayait même de me raisonner. Comme si j’étais du genre à prendre en considération les bases du bon sens commun…
Bref, j’eu droit à un chapelet de supplications, de demandes de pitié et tout le tralala habituel qui comprenait les pseudos conséquences désastreuses qui me tomberaient dessus si je parvenais à mon but. Néanmoins, il pouvait bien me chanter ce qu’il voulait, j’avais pris ma décision et le tirais avec entrain.  Cependant je fus obligé de constater que ma progression fut mise à mal quand le phoque se saisit de l’angle d’un mur avec la force du désespoir. J’avais beau tirer, le bougre s’accrochait et je ne gagnais plus le moindre millimètre.

Peut désireux de me casser le dos, j’arrêtais tout mouvement sans pour autant daigner lâcher la queue de l’animal.  Lui lançant un regard agacé, je déclarais :

« Tu m’aides pas des masses là… Mais je suppose que cela provient de notre petite divergence d’opinion. Hum… »

Pas démotivé, je me laissais tomber à quatre pattes au dessus de l’animal puis, posant mes mains sur les nageoires agaçantes, je tirais sur ces dernières avec pour objectif de décoller Phoquinou de sa bouée de sauvetage. Néanmoins, une question existentielle décida de prendre cet instant pour cogner contre les portes de mon esprit.

« T’es quoi au juste, un mec ou une fille? Genre en te retransformant…tu vas finir à poil ? »

ET BAH OUAI!!!! N’allez pas me dire qu’il n’y avait pas plus existentielle comme question !  Si ça se trouvait, ce phoque était en réalité un véritable canon et moi j’allais le jeter aux yeux de la concurrence ? JAMAIS ! Sauf si le truc me déclarait qu’il reprendrait une apparence avec une sorte de peau visqueuse, étant au quotidien une sorte d’anthro phoque mochissime. Là effectivement que je serais peut être nettement moins enclin à y réfléchir à deux fois.
Après pour le sexe… j’étais bien incapable de savoir comment on le savait sur une bestiole du genre. Je n’étais pas gardien de zoo moi. Remarquez, je n’avais qu’une chance sur deux de me planter. A vue de nez, j’opterai pour une fille. Pourquoi? Bah les supplications et autres trucs du genre qui montraient un manque total de virilité. Donc au final, c’était plutôt Phoquinette. A moins, qu’il ne me dise le contraire. Et encore...je faisais partie de cette foule d'individu qui ne pouvait gober que ce qu'elle voyait. Et même là, on pouvait même continuer à avoir des réserves!
Bref, j’estimais qu’en continuant de tenter de le décrocher, je ne le mettrais pas dans les meilleurs dispositions du monde pour répondre convenable à mes interrogations. J’arrêtais donc là mes  tentatives. Posant mes mains au sol, de chaque côté de la tête de l’animal, je trouvais le regard de la bestiole et le mettais au défit d’oser me raconter des cracks. Si il s’y amusait, je comptais bien lui faire bouffer les tortues de mer les unes après les autres…et ses moustaches tant que j’y étais !
Cependant, je me demandais ce que j’allais faire si Phoquinounette reprenait forme devant moi. Je devrais très clairement trouver un autre type de menace pour m’amuser avec lui. Car quand bien même la chose serait nue si je le balançais au milieu de foule… il n’y aurait nul intérêt. Bon elle aurait peut être une amende pour attentat à la pudeur et puis voilà. Rien de bien passionnant donc.

J'allais devoir réfléchir...youpi... (c'est ironique pour ceux qui n'aurait pas été capable de le comprendre! La réflexion c'est mal! Ça donne mal au crâne! ET J AIME PAS AVOIR MAL AU CRANE!!!)

Étrangement ma petite question lui coupa le sifflet. En effet notre ami Phoquinou maintenait un silence religieux ce qui contrastait fortement avec ses précédents braillements désespérés. Le fait que je m’intéresse un tantinet à sa personne le laissait-il pantois ? Ou alors lui avais-je donné une colle ? On ne sait jamais… si ça se trouve en devenant un animal marin on perd les ¾ de ses facultés mental ! Ce qui expliquerait certaines choses…

« Je... je suis un garçon »

Loupé… Quoi que rien ne me garantissait qu’il ne me racontait pas des cracks!  De toute façon, cela ne changeait pas grand-chose. J’étais juste du genre curieux. Si Phoquinou niait être une Phoquinette, ma foi pourquoi pas. Au moins j’avais le mérite de maintenant savoir à quoi ressemblait un phoque mâle.

« Et mon nom est Warren... »

Warren? Il était évident que cela sonnait plus homme que femme. De toute manière, me connaissant, je savais que dans une heure je serais dans la complète incapacité de me rappeler le prénom de mon vis-à-vis. Phoquinou était Phoquinou, Amen. Ça au moins, j’étais sûr de ne pas l’oublier. C’était comme pour la Diva puritaine que j’avais rencontré à la bibliothèque la semaine dernière. Je savais qu’elle m’avait sortie son identité à un moment mais comme souvent seul les pseudonymes me restaient. C’était une habitude à moi de rebaptiser tout ce que je rencontrais. Non que ce soit pour donner un petit surnom affectif, le but était juste de pouvoir discerner les gens dans ma mémoire. Cette dernière était d’une fainéantise hors norme. Apte à battre tout les records olympiques dans le domaine et je faisais tout pour qu’elle conserve ses médailles. Néanmoins, je pouvais concevoir de me fatiguer à retenir certaine chose, cependant l’identité des gens ne faisait pas partie du top 5 dans mon ordre des priorités. Le respect? Haha, vous êtes des petits rigolos vous.

« Et non heureusement, je vais finir habillé... »

Heureusement ? Question de point de vu! Néanmoins je devais admettre que je ne comprenais absolument pas comment son don fonctionnait. Que son corps se métamorphose en phoque… ok c’est chelou mais ça peut se concevoir. Mais qu’il se retransforme en retrouvant ses fringues… là j’avouais qu’il me perdait en route. Le phoque n’avait aucun vêtement actuellement alors il les sortirait d’où son organisme? Son corps absorbait les tissus pour ensuite les restituer? Et s’il tenait un couteau ? Ce dernier reviendrait également après sa transformation? Je devais admettre que je ne comprenais pas.
Néanmoins, tout à mes interrogations, j’avais observé l’animal comme s’il venait d’une autre dimension. Je ne manquais pas de constater que mon pote marin détournait son regard, visiblement des plus perturbés par mes manières.

« Je... Pourquoi voulais-tu aller là-bas ? »

Bah  pour qu’il se fasse griller par la foule et qu’il y est enfin un peu d’action. Parce que je voulais voir sa mine déconfite et ses tentatives pour m’en empêcher. Parce que je n’avais strictement rien de mieux à foutre avec mes dix doigts. Parce que j’étais un sale con (terme négociable). Et surtout parce que j’en avais envie.
Tout ceci me paraissait assez évident et je me demandais si sa question n’avait pas juste été dans l’espoir fou que je contredise ses suppositions. L’espoir faisant vivre…

« Tu... avais pourtant dit tout à l'heure que tu m'aiderais à me cacher... »

Alors là mon vieux, entre ce que je disais et ce que je faisais…il y avait un canyon gigantesque et sans fond, voir carrément un trou noir intergalactique ! Bref, je faisais rarement ce que je disais. Voir pas du tout en faite… Pas que je sois lunatique, non non, j’étais juste un hypocrite. D’ailleurs ma mère disait souvent à ma sœur Amber: « Ma chérie, tout ce qui sort de la bouche de ton frère est un mensonge ! D’accord ? Alors arrête de venir m’importuner. Non Jésus n’était pas un alcoolique refoulé, non les strings ne sont pas principalement utilisé en guise de lance pierre et non quand tu auras tes règles tu ne mourras pas dans d’affreuses souffrances pour ensuite ressusciter. » Seul la partie en italique variait en fonction de mes derniers délires. Pour ma défense, fallait quand même savoir qu’Amber était un vrai pot de colle et qu’elle gobait vraiment tout et n’importe quoi… Je ne comptais plus le nombre de fois où elle avait illuminé nos repas avec ses dernières découvertes provenant de mon génie inépuisable. Et j’avais également arrêté de compter le nombre de fois où je mettais retrouvé à genou devant la penderie, les bras derrière la tête, puni par ma mère pour mon débit ininterrompu de créativité (bien que ma très chère géntrice employait plutôt le terme « ânerie » pour y définir. Et oui les grands de ce monde sont souvent incompris.»

Bref, revenons-en à notre ami le phoque. J’haussais un sourcil interrogateur et déclarais comme si c’était là une évidence dont le simple fait de la prononcer était d’une stupidité aberrante :

« Bah parce que j’en avais envie. »

Lui fallait-il vraiment une raison? Je ne pensais tout de même pas lui apprendre quelque chose. L’homme n’était-il pas reconnu pour n’en faire qu’à sa guise?

« Par contre si tu continus de détourner le regard, je risque de me retrouver TRES vexé et quand je suis vexé… Je te laisse deviner la suite mon petit Phoquinou. »

Pour appuyer mes dires, je me contentais de tenir en équilibre sur trois des mes membres pour pouvoir saisir d’une main ses petites moustaches de droite et les tirailler quelques peu en guise d’indice. Un sourire qui ne disait strictement rien de bon fleurissait sur mon visage et je tentais de retrouver le regard de mon vis-à-vis.
Allez courage Phoquin’! Je n'étais tout de même pas capable de le maudire sur trente générations avec un simple regard. Je me savais doué, mais il ne fallait tout de même pas égarer. Même moi je me savais détenteur de limite dans le domaine de l’emmerdement publique. Enfin je crois…

Phoquinou n’avait pas l’air très à l’aise et me murmura son souhait de me voir me relever. Cependant, je n’en avais…hum…rien à foutre ? Ouai, on va dire ça comme ça. Bref, m’amusant avec ses moustaches que je triturais, je constatais que notre ami l’animal marin n’appréciait pas cela non plus. Ma parole, c’est qu’il n’était jamais content celui là! Gémissant et couinant, la bestiole semblait décidée à montrer par tous les moyens possibles et imaginables son mécontentement. Bonjour la discrétion… Il n’était pas cohérent le petit mec !
Bref, alors que je continuais de malmener ses moustaches, le Roi de la banquise (enfin je crois que ces trucs vivent vers la banquise…) se contorsionna un bon coup, me déséquilibrant. Notre grand rebelle en profita pour prendre la poudre d’escampette. Il n’alla cependant pas bien loin car trois mètres nous séparaient maintenant. Face à moi et reculant doucement, Phoquinou semblait me considérer comme une sorte de prédateur. Compliment très flatteur mais qui devint assez perturbant…

C’est donc avec  un air subitement contrit que je levais un regard déstabilisé en direction de l’animal. J’ouvrais la bouche, puis la refermais comme un poisson que l’on aurait laissé hors de l’eau. Me passant une main dans les cheveux, je tentais de récupérer contenance et bons sens. Néanmoins, tout la suspicion et le rejet de l’animal m’avait étonnamment touché et j’en étais le premier perturbé.

« Je… »

Aucun mot supplémentaire ne parvint à suivre et mon idée creva avec le début de ma phrase. Ne souhaitant en aucun cas montrer l’impact de son comportement de rejet, je détournais subitement la tête en refugiant mon regard bleu gris-cendre sur l’enclos des tortues. Instinctivement, mes épaules se rapprochèrent de mon corps, tentant de diminuer l’espace que je prenais dans ce lieu. Tout aussi intuitivement, je ramenais mes membres sous et contre moi tel un bouclier face au mal être que me provoquait l’animal.

« Je ne t’aurai pas cru si… »

Je cherchais le mot le plus approprié pour définir le serpent qui s’enroulait lascivement autour de mes trips et me les comprimaient pour créer des bouffer d’angoisses. Puis l’évidence s’imposa et je reportais un regard plus perturbé encore sur la créature marine qui me faisait face.

« …cruel. »

Voilà, c’était dit. Néanmoins, donner un nom a ce qui me rongeait n’apaisait en rien mon mal être. C’est donc à mon tour que je reculais, laissant mon don heurter le mur en un réconfort stupide de me savoir maintenu par ce géant de pierre. Mes longues jambes se ramassaient pour venir se blottir contre moi et mes bras les enlaçaient en une timide étreinte. Puis je laissais mon regard chercher une étincelle de lumière dans le regard de mon tortionnaire….

A savoir si ce con me prenait vraiment pour une nunuche! Genre je me vexerais vraiment pour une connerie pareille… Ne me dites pas que vous y avez avalé ? Rassurez moi au moins un peu en me disant que vous aviez très envie de prendre ma fièvre pour avoir agie subitement de la sorte! Non mais franchement… Comme si j’avais le profil pour ce genre de crises existentielles d’ados typiquement mal baisé. Honnêtement le jour où j’agirais de la sorte, ayez pitié et dites que je suis sous psychotropes ou complètement bourré. Puis profitez-en pour appeler un exorciste. Moi agissant aussi stupidement signifiera forcement qu’un balthazar ou autre Belzebuth aura élu domicile dans mon corps et prendra plaisir à ruiner ma réputation avec des jérémiades et autres piaillements d’oisillons pathétiques.
Bref, vous voilà informé. Pour ma part, tel le futur détenteur d’un oscar du meilleur acteur, j’imitais à merveille les morveuses perturbées des films que j’avais vus (je ne citerais donc pas Bella, Elizabeth et autres trempeuses de mouchoirs pro). Bien que je ne laissais aucune larme dévaler impudiquement le long de mes joues. Ce qui ferait trop et ne cadrerai pas avec mes airs de chieurs compulsifs. Je me contentais donc de faire perler ce liquide lacrymal aux coins de mes yeux sans les laisser s’évader. Art que j’avais développé tel un don au fil des années pour tourner en bourrique mon entourage.
C’est donc ainsi que je patientais en attendant la réaction de notre Grand Rebelle. Curieux de voir si je lui tirerai un quelconque sentiment d’empathie ou des élans de gentillesses malgré mon CV de Persécuteur récemment acquis auprès de notre Roi de la Banquise.
J’étais tel un scientifique curieux de voir si tout le monde était aussi borné et rancunier que moi! Car oui, je le dis et je le cri: J AI UN CARACTERE DE MERDE! Mais alors pour que j’assume le truc, vous pouvez toujours courir, héhé~

C’est avec un regard torturé par la peine que j’observais la cause de ma douleur se rapprocher lentement de moi. Toujours ramassé en une position recroquevillée, je ne faisais pas mine de vouloir m’éloigner, me contentant de me ratatiner d’avantage si la chose était possible. L’avancée de l’animal me perturbait. Pourquoi me poussait-il pour se re rapprocher de moi? Souhaitait-il me faire miroiter une attention inexistante pour me malmener d’avantage? Face à cette constatation ma tête se baissa piteusement.

« Je... je m'excuse... »

Je le menaçais et le malmenais et c’était lui qui s’excusait…franchement ce n’était pas trop génial? J’en aurais sautillé de satisfaction si je n’étais pas en plein milieu de mon rôle de pauvre martyr. Mon petit Prince de la Banquise semblait assez paniqué et n’avait plus l’air de savoir sur quel pied danser avec moi. Perturbation assez fascinante à observer.
Timidement mon regard rencontrait les yeux de l’animal, comme si je tentais d’y dénicher une étincelle de sincérité et de réconfort.

« Je m'excuse vraiment... je ne voulais pas te faire de mal... euh... »

J’étais ravi. Pour peu, il m’aurait presque fait une offrande pour me faire oublier sa pseudo gaffe. Je voyais cette brave bestiole quémander une certaine forme de pardon pour alléger sa conscience et bien évidemment je n’étais nullement désireux d’accéder à sa requête. Après tout j’avais un petit cœur fragile…
Néanmoins ce fût avec un air un petit peu moins sombre que je redressais légèrement la tête. Mais je prenais grand soin de laisser mon regard larmoyant. Histoire qu’il n’oublie pas ma petite âme blessée PAR SA FAUTE!

« Désolé, je ne connais pas ton nom... »

Pas faux, je ne le lui avais pas encore dit.  Méritait-il de connaître l’identité du fabuleux, du fantastique, du sexy, de l’intelligent et du divin Tobias? Bonne question à de moi-même. (Mon égo vous emmerde.)
Bref, je prenais une longue inspiration comme pour repousser au loin l’étreinte du chagrin et tentais de ré adopter une pose un petit peu plus digne avec une maladresse évidente. Mon embarras face à cette exposition de faiblesse suintait de ma réponse.

« Hum… c’est Tobias. »

Je reversais la tête en arrière pour « ravaler » mes larmes et déglutissais avec difficulté à cause des sanglots qui me mordaient la gorge. Puis je secouais la tête énergiquement et posais un regard qui tentait de s’affirmer face à celui de l’animal. Bien que la réussite de l’opération était des plus discutables.

« C’est de ta faute…Mais je suppose qu'avec une paire d'excuse tu te sens beaucoup mieux...»

Ce que je voulais qu’il fasse ? J’en avais pas la moindre idée. Ce qui était sûr c’est que j’attendais avec grande curiosité ses prochains mouvements. Ayant pris un soin méticuleux à enfoncer le clou, je prenais le même regard que l’animal. Une sorte de mélange d’appréhension et de détresse.
Pourtant mes pensées gambadaient ailleurs. Notamment sur la tronche du phoque en mode humain. Etrangement j’imaginais plutôt bien un petit blond et de grands yeux de biche. Avec une peau pale et une composition frêle. Ah moins que son apparence soit tout autre?
Quand est ce qu’il allait se retransformer ? Y avait pas un bouton quelque part pour accélérer le truc ?  Hum…