Let's go find some treasure ! | PV Gautier ♥

♕ Gautier & Aslinn ♕

La voix d'Aslinn me ramena bien vite à la réalité quelques secondes après la prise de la photo. C'est seulement là, et dans ce moment où j'éprouvais une réelle envie d'aller m'enfuir à toute jambe loin du monde et de ces deux monstres, que je regrettais fortement d'avoir sorti ce foutu iPod. Elle avait beau être ridicule, personne n'aurait eu envie de la contrarier en ce moment. Diplomate. Il fallait être diplomate. Finalement... non, elle me sauta dessus avant que j'ai pu réagir - ou plutôt elle tenta, puisque si je n'avais pas encore les yeux crevés et que j'étais en mesure d'analyser ma situation actuelle, c'est qu'elle m'avait raté. Heureusement.

Soupir de soulagement. Par un coup du destin, elle n'avait pas son uniforme et, de ce fait, se voyait être la cible du monstre ci-présent. Sa théorie était exacte, heureusement pour nous deux d'ailleurs. Et finalement, la fille qui me menaçait deux secondes plutôt venait se cacher derrière moi, m'accusant d'un couple totalement ridicule. Moi organiser ça ? Trop difficile. Il s'était passé tellement de choses que si j'avais conçu un plan pareil, je l'avais sûrement fait en étant totalement shooté. Quand bien même, j'en aurai certainement été incapable...

« Si j'avais organisé le plan, le chien t'aurait direct bouffé sans chercher à m'attaquer. Et puis, si c'était moi, je partirai en courant en te laissant toute seule pour être sûre que tu ne reviennes pas te venger. Mais je vais revenir lentement comme tu me l'as suggéré, comme ça on reviendra tous les deux à l'école en bonne santé. »

Enfin, ça, c'était la théorie. Il y avait fort à parier que, dans environ 90% des cas, c'est elle qui reviendrait en bonne santé et moi avec une jambe fracturée. Je reculais peu à peu malgré les bruits mécontents de la bête - et à vrai dire, j'avais aussi peur qu'elle. Je déglutis, sortant rapidement du champ d'action de cette chose, et par extension, de ces ruines dans lesquels on avait traîné bien trop longtemps. Se tenir à l'entrée, c'était déjà bien assez proche. Je soupirais, me retournant finalement vers elle dans un élan de courage assez incroyable.

« Peut-être que c'est le gars qui t'a parlé du trésor qui a tout organisé. Ou, j'sais pas moi, tu m'as tiré ici de force je te rappelle. »

Pitié dieu, je ne t'ai rien demandé, mais aujourd'hui, sauve-moi.

Blablabla. C'est tout ce que retenait Aslinn du discours de Gautier. Et la très énervante impression de ne pas pouvoir le contredire. Dans sa rage de s'être faite avoir, elle arrivait quand même à reconnaître qu'il aurait difficilement été l'organisateur de tout ça. Mais hors de question de s'avouer vaincue.

Une fois dehors, elle put enfin retourner toute sa rage contre la seule personne présente - malheureusement pour lui.

« Détourne pas l'attention ! C'est vrai que tu n'es pas le plus suspect dans cette affaire, mais je te garde à l'oeil. »

Pas de trésor mais un monstre-Tartiflette et de la pâte à crêpe en prime. Et de la pluie, encore. Une bonne grosse journée de merde, je pense que l'on peut le dire. Elle finit par aller rouer de coups de pieds un arbre à côté d'elle. C'était ça ou Gautier qui s'en prenait plein la tronche.

« RAAAAAH ! Comment j'ai pu en arriver là bordel ? C'est pas possiiiiible ! »

Dans sa tête, un seul mot. Qui. QUI avait bien pu lui faire un coup pareil ? Il allait le payer, qui que ce soit. Très, très, très cher. Alors, un plan se dessina dans sa tête. Très clair :
1) Récupérer la photo de Gautier (parce que oui, elle n'avait pas oublié ça)
2) Aller "interroger de manière pacifique" les élèves qui lui ont (plus ou moins directement) parlé du trésor
3) Casser quelque chose. Ou frapper quelqu'un.
4) Dénicher le coupable OU QU'IL SE TROUVE

En bref : ça allait être violent. Après avoir fini de s'acharner sur l'arbre, elle se tourna vers son compagnon d'infortune. Entre son regard haineux et sa tête toujours pleine de farine-oeuf-lait-eau-whatever elle oscillait entre le flippant et le comique.

« Donne. Moi. Cet. IPod. Maintenant. »

♕ Gautier & Aslinn ♕

La situation commençait à s'arranger : sortis du domaine de cette affreuse bête à la bave omniprésente, Aslinn s'était finalement décidée à croire mon récit pour m'accorder un peu de repos. Au moins, elle avait un cerveau, s'était rassuré, quoiqu'il n'aurait pas été étonnant qu'elle se mette à me courir derrière pour me bouffer comme l'avait fait l'autre chose épouvantable. Elle me gardait à l'oeil - remarque qui n'avait d'ailleurs rien d'effrayant, du fait qu'elle ait failli m'envoyer à la mort deux fois depuis le début de cette aventure. La première fois, c'était en me faisant fouiller les ruines - particulièrement lorsque j'avais trouvé les dvd collector d'un film dont je n'arrive même pas à penser le nom correctement, et ensuite, quand j'avais engagé une course poursuite avec un monstre sanguinaire.

Voilà ce qu'on appelle communément être dans la merde.
Sursaut alors que j'entends le bruit du pied d'Aslinn se fracasser contre l'arbre - ou, pour être plus précis, son pied fracasser l'arbre. Quand vous assistez à cette scène, croyez-moi, que vous vous appeliez Nemesis O'Connor ou Shakira, vous êtes pris d'une impériale envie de fuir. C'était aussi mon cas d'ailleurs - et je ne me serai pas gêné si elle ne s'était pas tourné vers moi à ce moment-là.
Courir ?
Se battre ?
La deuxième option était une vaste blague. D'autant que j'avais plus d'endurance, mais ce détail me semblait insignifiant en ce moment. Elle était tellement flippante qu'elle donnait l'impression de pouvoir rattraper même Usain Bolt sous le joug de la colère. Ah, décidément... tout ça pour un iPod. Une misérable photo, inutile en plus. Alors on fait jouer son instinct de survie et on répond logiquement :

- Non.

Merde, j'ai pas réfléchi. Le temps de comprendre la connerie que je viens de faire, je commence à courir, courir aussi vite que je peux. Je crois que j'ai jamais été aussi vite de ma vie, comme quoi, le danger nous fait accélérer - feel like Eyeshield 21. J'accélère encore et encore, puis je vois un arbre, et juste pour le fun, je tourne sur moi-même, DEVIL BATS HURRICANE ! Le problème c'est que je ralentis et je trébuche sur la racine qui se trouvait juste à côté. Me voilà donc joyeusement allongé sur le ventre, face contre sol, iPod en poche et sûrement en miettes.

Rectification. Là, c'est vraiment la merde.

« Non. »

Oh. Alors il avait choisi la mort, hein ? Il avait choisi d'en finir avec la vie. Pourquoi pas.

Mais Aslinn n'avait même pas eu le temps d'esquisser un sourire de rage que l'autre avait déjà filé. Pas fou. Mais idiot. Parce qu'une Aslinn en colère, c'est redoutable et rapide. Très très rapide. Bon, Gautier, en tant que fier joueur de basket, l'était également - et la peur donne des ailes. Sauf qu'il ne put s'empêcher de commettre une énorme erreur : se retourner. Et trébucher. Cette erreur lui sera fatale.

La rouquine n'attendit pas qu'il se relève : la voilà instantanément à côté de lui. Euh, rectification. Voilà trois Aslinn à côté de lui. Dont une avec un nez comme un ballon de baudruche et une autre amputée des bras. Mais toutes bouillonnant de rage. Son pouvoir lui avait encore échappé - pour changer -, mais elle s'en fichait. Non, là, ce qui importait, c'était de faire passer un sale quart d'heure à Gautier. Il. Allait. Payer.

« C'est bon, on a fini la promenade ? Tu me déçois, je pensais mettre plus de temps à te rattraper. Enfin, il semble que je te surestimais beaucoup trop.  »

Elle s'avança, le força à se retourner et se pencha vers lui, collant son front au sien tandis que les deux autres tenaient les bras du malheureux, l'empêchant de bouger.

« Je n'aurais jamais imaginé que tu puisses me faire un coup pareil... Eh bien. A partir de maintenant, c'est fini entre nous, compris ? Fini. »

Alors, il serait peut-être bon de préciser qu'elle n'entendait pas par là la fin d'une relation de couple hein, parce que ça peut prêter à confusion. Mais plus jamais elle ne l'aiderait. A quoi ? Eh bien, se sociabiliser, s'affirmer, vivre de folles aventures comme des chasses au trésor. Euh non, les chasses au trésor, plus jamais.

« Je t'aimais bien, tu sais. Alors... »

Elle laissa transparaître sa déception - sur son visage toujours sale, il serait bon de le rappeler. Tout en parlant, la clone au nez baudruche sorti l'iPod de la poche de Gautier. Il était déjà salement amoché - en même temps, ces machins vivent aussi longtemps que les mikados entre les mains d'Aslinn - mais le clone le jeta par terre de toute ses forces et le piétina. Juste pour être sûre que la photo soit perdue à jamais.

« ... à moins que tu ne me dises qui a fait le coup, je ne veux plus jamais entendre parler de toi. »

♕ Gautier & Aslinn ♕

La première pensée fut pour les mangas : ne plus jamais en regarder. Comme quoi, éveiller une technique secrète de course pour aller plus vite en pleine fuite, c'était seulement dans le fictif. J'avais trébuché en voulant faire une sorte de vrille autour de l'arbre - plus dure sera la chute, et ce n'était pas peu dire, le menton contre la racine en face. Je grogne en me le frottant machinalement, n'ayant même pas le temps de reprendre mes esprits qu'elle venait déjà me retourner. Je vois même plus correctement - ma vue semble se brouiller, m'affichant désormais trop fanatiques des mikados. Déjà qu'une, c'était la galère, alors trois... mon esprit était en pleine panique.

Je clignais des yeux, secouais la tête, rien à faire - ce n'est pas un reflet qui allait me tenir les bras de toute façon. Je devrais être paniqué, hurler pour ma vie ou pleurer du sort qui allait être mien mais ça n'était pas mon cas. Il fallait croire que sept ans à Prismver vous forgeait aux pires situations possibles - ou plutôt, qu'à force de faire face à toutes sortes de choses bizarres, voir une Aslinn se démultiplier n'était pas étonnant. Sans compter, d'ailleurs, les défauts ô combien marquants sur le visage de la D - un gros nez pour l'un et l'autre était... dénué d'un autre bras. Ce qui d'ailleurs, ne l'empêcha pas de bloquer les mains avec l'aide de sa tendre moitié.

J'étais quand même dans la merde.
Pour ne pas changer.

Encore heureux que ce soit la vraie qui s'occupe personnellement de moi, j'aurai pris mal le fait d'être tabassé par une fille au nez gonflé à l'hélium ou unibrasiste. Enfin, pour l'heure, elle avait décidé de parler avec un tel drame dans sa voix qu'on aurait dit que j'avais brûlé son village natal. Me surestimer... elle faillit presque m'émouvoir mais je restais de marbre, impatient de voir si les larmes allaient couler ou, à l'inverse, si elle allait finalement lâcher ce rire machiavélique qui devait la démanger. Mais au lieu de ça, c'est une phrase ambiguë qu'elle lâcha - foutu scénario, elle aurait pu trouver mieux qu'une imitation drama.

- Euh attends je tiens à dire qu'entre nous il n'y avait pas de...

Et elle enchaîne. Comment ça elle m'aimait bien ? Et avec sa phrase plutôt... elle compte pas me violer là ? Je me débats un peu mais pas possible avec les deux qui me tiennent les bras - foutu clonage. Et puis on va pas se le cacher, cette fille a de la force. Tant pis. Je vais me faire abuser et je reviendrai à l'école plein de honte... j'espère juste que mon hypothèse est fausse. Je m'apprête à me résoudre à mon sort -non sans tenter de lui filer des coups de pied- mais elle ajoute une dernière phrase qui me rend espoir : un deal. Dangereux mais bon, autant en profiter...

- Bon ok ok ça va. Le responsable c'est Cale Summers... le grand blond dans ta classe. Il en avait marre de l'odeur des Mikados alors il voulait te piéger. Tu me lâches maintenant ?

Soupir - je parviens à dégager mon bras du clone à un bras et pousse le second pour me relever en écartant mon front du sien. C'est pas comme si c'était incontestablement gênant mais... bon, ça l'était. Espérons qu'elle gobe le truc et me laisse en vie - Cale n'avait jamais eu trop de crédibilité après tout, ça se tentait.

« Bon ok ok ça va. Le responsable c'est Cale Summers... le grand blond dans ta classe. Il en avait marre de l'odeur des Mikados alors il voulait te piéger. Tu me lâches maintenant ? »
« Cale ? ... JE LE SAVAIS QU'IL PRÉPARAIT QUELQUE CHOSE. »

Mais évidemment. Bien, le nom du coupable étant dévoilé, il ne restait plus qu'une chose à faire : lui faire payer. Même si elle n'avait absolument aucune preuve que c'était bien sa faute. C'était lui le fautif, elle le savait.

Et puis quoi ? L'odeur de ses Mikados ? Comment l'odeur des Mikados pouvait gêner quelqu'un ? Et dire qu'elle lui en avait gentiment offert un une fois ! Elle le considérait même presque comme un pote. Non, vraiment, Cale Summers venait de passer de la case de "Gars un peu lourd mais sympa" à "Azhsziquhdqz tu vas mourir".

La question était : comment ? L'aborder directement ? Ou lui faire un très mauvais coup - comme il venait de le lui faire ? Aslinn se mit à réfléchir - fait trèès rare. Décidément, cette journée allait être très éprouvante.

« Hmmm... Remarque, lui faire payer indirectement serait vraiment lâche. Et puis ce serait lui faire trop d'honneurs... Il ne mérite pas que je me casse la tête pour lui... » murmura-t-elle pour elle-même.

"Bon après tout, j'ai le temps d'y réfléchir sur le chemin du retour." Elle se mit à fixer Gautier, son cerveau fonctionnant à mille à l'heure. Que faire de lui ? Il n'était peut-être pas l'investigateur de ce plan machiavélique, mais il n'empêche qu'il l'avait volontairement amenée ici (oui, on est d'accord, en fait c'est Aslinn qui l'a traîné ici sans lui demander son avis. Mais elle a comme qui dirait oublié ce léger détail). Elle n'allait certainement pas le laisser s'en tirer comme ça, oh non.

« Toi, tu vas m'accompagner. Vous êtes potes non ? Alors tu dois bien savoir où le trouver... Mais ne te crois pas tiré d'affaire, hein. »

Son regard était incendiaire. Une personne allait mourir aujourd'hui. Voire même deux. Et ce n'allait sûrement pas être elle.

♕ Gautier & Aslinn ♕

Au niveau des réactions, je me tâtais entre une facepalm ultime et une beuglante à son égard. Elle le faisait exprès ? Elle avait sérieusement gobé mon énorme mensonge ? Si Cale était capable de préparer un plan machiavélique pour piéger Aslinn, à supposer qu'il en ait la seule envie, alors moi j'étais capitaine du club de cuisine. Pour l'instant, je m'en cantonnais au sport comme dirait le riz, et ça m'allait très bien. Première réaction : me tirer la joue pour vérifier que ce n'était pas un de mes rêves loufoques. Aslinn n'avait jamais existé. Le monstre des ruines non plus. Cette heure perdue était une sortie nocturne jusqu'au frigo en somnambule.

Rien à faire. Incontestablement, c'était la réalité - bien que je n'aurai jamais soupçonné l'existence d'une telle forme de naïveté. J'en étais donc réduit à observer avec des yeux ronds une bouffeuse de Mikado marmonner pour elle-même comme l'aurait fait tout schizophrène digne de ce nom. Vraiment très instructif, et je n'aurai su dire si c'était la fatigue ou l'hilarité qui m'empêchait de fuir pendant son monologue d'une extrême profondeur. Sûrement un mixte des deux : la tête que je tirais était aussi comique que ses réactions depuis tout à l'heure.

Et le pire, pas moyen de dire une bêtise avec Aslinn qui me fixait intensément comme si elle allait m'arracher les yeux au moindre mot de travers : je préférais m'en tenir à la collaboration. S'il y a bien quelqu'un qui me pardonnerait une telle traîtrise, ce serait bien Cale. Je restais silencieux, hochant simplement la tête pour éviter de me faire couper la langue avant d'avoir pu en faire une utilisation intelligente. Je la suivais donc, les mains derrière la tête, faussement détendu.

- Oh attends je me rappelle. Il m'a dit un truc du genre... si jamais ça échoue, dis lui de venir seule dans la salle des D. Je pense que c'est un piège... et qu'on devrait rentrer tranquillement. Non ?

Il ne me fallut pas plus de trois secondes pour regretter ces mots.
Elle allait m'emmener. Aucun doute là-dessus. Je soupirais intérieurement, me demandant quelle couleur de fleurs irait le mieux sur mon futur tombeau...

« Gautier, es-tu froussard au point de vouloir ignorer un tel affront ? Oh remarque, c'est vrai que toi tu es plutôt de l'autre camp. Dit-elle d'un ton dédaigneux. Venir seule... Sérieusement ? Il me prend pour une lâche c'est ça ? Il pensait que j'aurai tellement peur de lui que je viendrai forcément accompagnée ? Il me sous-estime tellement... »

"Venir seule". Non mais franchement ! Comme si elle avait besoin d'une nounou ou d'un chevalier servant pour l'affronter. C'était juste un blondinet, un peu grand du point de vue d'Aslinn certes mais relativement niais. Et un piège ? Gautier s'attendait à quoi au juste ? Que Cale ait posé une bombe en plein dans la salle ? C'était juste un élève pouvant se transformer en pingouin-trop-choupinou (selon les filles des D) (sauf Aslinn évidemment qui trouvait que c'était un don bien merdique). A moins qu'il n'ait réussi à rameuter les pingouins mangeurs de couscous un peu trop intelligents du cirque qui avaient tenté d'envahir Prismver il y a pas mal de temps, il ne pouvait y avoir aucun danger particulier.

A moins qu'au lieu de pingouins ne se trouvent des moutons, mais ça, c'est une phobie personnelle à Aslinn que personne n'est censé connaître - ou presque. Mais c'était impossible qu'il soit au courant, pas vrai ?

Enfin bref, la rouquine  n'avait aucunement peur de Cale. Et elle trouvait Gautier étrange. Etant le complice de Cale, il semblait absurde qu'il avertisse son ennemie qu'il s'agissait probablement d'un piège ! Non non non, décidément, quelque chose clochait...

« Bon, je sais ce qu'on va faire. »

Elle insista bien sur le "on", parce qu'elle était résolue à ne pas laisser le traître tranquille de sitôt.

« Tu vas venir avec moi. Mais tu attendras à l'entrée de la salle. Si tu te barres, je te tue. Si personne ne vient parce que Cale est un gros peureux ou parce que tu m'as menti, je te tue aussi. Si en arrivant je me rends compte que c'était un piège - même si je ne vois pas ce que ça pourrait être -, je te tue également. Compris ? »

♕ Gautier & Aslinn ♕

Cette conversation n'a plus aucun sens.

En réalité, elle l'avait perdu dès l'instant où Aslinn avait soupçonné un complot : j'avais jeté Cale dans la fosse aux lions, et cet abruti serait certainement incapable de comprendre que je faisais de mon mieux pour m'en tirer. Lui n'aurait aucun mal à s'échapper... mais j'aurai peut-être dû dénoncer Skygge, n'ayant aucun espoir de le voir mis-à-mal par cette fille. Qui le pourrait ? Elle était en train de parler avec sa meilleure voix de stratège, comme si elle préparait une bataille contre une armée ennemie - craignant que je ne m'échappe. Et vous savez quoi ? Je n'attendais que ça. À l'instant où elle s'éloignerait de plus de deux mètres, distance suffisante pour que je puisse m'échapper, elle ne me reverrait plus jamais.

C'était l'idée de base. Le soucis quand vous êtes avec Aslinn, c'est qu'elle a beaucoup tendance à vous choper par les habits et vous traîner derrière elle. Soit ça, soit elle fait sa parano en appelant le multi-clonage pour vous entraîner dans ses magouilles. Enfin bref, j'avais eu droit aux deux et j'étais bien dans la merde : traîné, puis accusé et saisi avec violence. La totale, et quoi que je dise, elle n'allait pas me lâcher. À vrai dire, cette situation commençait même à m'agacer ; depuis quand étais-je un pantin qu'on traînait partout ?

- Tu vas y aller toute seule.

Je fronce les sourcils et me dégage, reculant légèrement pour creuser la distance. Non pas que j'avais peur, mais j'étais capable de prendre un coup impulsivement alors je préférais autant me mettre à l'abri. Je gardais tout de même cette expression sérieuse, la fixant dans les yeux. Il y a un moment où tout le monde sature, et j'avais assez mangé du D pour aujourd'hui. Cale trouverait sûrement le moyen de s'éclipser, et je n'allais pas courir le risque de subir sa rancune en plus de la colère d'Aslinn. Déjà ça, ça me suffisait.

- Tu vas rentrer dans ta classe toute seule parce qu'il n'y a JAMAIS eu de complot contre toi, et même s'il y en avait eu, je n'aurai rien à voir avec ça. Je ne suis pas un de ces moutons qui ont besoin de se mettre à 10 pour taper sur quelqu'un au cas où tu ne l'aurais pas compris !

...Et je crois que si j'avais su, j'aurai utilisé un autre terme.

« Tu vas rentrer dans ta classe toute seule parce qu'il n'y a JAMAIS eu de complot contre toi, et même s'il y en avait eu, je n'aurai rien à voir avec ça. »

Non mais il espérait quoi là ? Qu'elle se mette à le croire ? Comme si tout cela n'était que le fruit du hasard ! On lui parle d'un trésor, elle croise Gautier, va avec lui là (sans lui demander son avis, on est d'accord) où est il est censé se trouver, et... ça. Elle ne veut même plus y penser. La sensation de cet espèce de mélange dans ses cheveux est foutrement désagréable. Elle commença à préparer une réplique cinglante, mais il n'avait pas fini :

« Je ne suis pas un de ces moutons qui ont besoin de se mettre à 10 pour taper sur quelqu'un au cas où tu ne l'aurais pas compris ! »

Là, ce fut comme s'il venait de lui couper l'herbe sous les pieds. Elle n'entendit même pas la fin de la phrase. Mou... Mou... Mou-mou... ?! Des tas d'images lui revinrent à l'esprit. En particulier ce fameux jour d'été où la rouquine avait décidé de piquer une petite sieste, tranquille, au soleil. Il faisait beau, chaud mais pas trop, un temps parfait pour rester dehors, à se prélasser dans l'herbe...

Sauf qu'elle ignorait que sa sœur avait malencontreusement laissé un mouton s'échapper. Et que ledit mouton se rapprochait lentement de l'endroit où elle se trouvait. Elle s'endormit mais fut bien vite réveillée par une drôle de sensation au niveau des cheveux... Le mouton semblait avoir décidé que le cuir chevelu roux, c'était décidément très bon.

Bref, une des raisons pour lesquelles elle avait été traumatisée par ces bestioles à laine.

Résultat, elle avait complètement bugué sur le mot "mouton". Et avait occulté le reste de la phrase.

« Un mouton ? ... OU CA ? »

Elle sentit resurgir la panique. Elle se mit à trembler de tous ses membres et se précipita derrière Gautier - en espérant qu'il soit un bouclier suffisant pour une hypothétique invasion de ces monstres blancs et poilus.

Ses parents n'ont jamais compris pourquoi elle avait si peur des moutons. Ce devaient être les animaux les plus inoffensifs au monde; et leur fille était loin d'être une peureuse. Mais rien à faire, c'était profondément ancré en elle.

Et les derniers événements l'avaient un peu trop mise sur les nerfs pour qu'elle soit raisonnable et totalement logique. En plus, elle était encore trempée, et elle se sentait un peu fiévreuse. Déjà qu'à la base, réfléchir n'est pas son point fort...

♕ Gautier & Aslinn ♕

On pourrait presque croire à une intervention divine. Sur des milliers, voire des milliards de mots existants, mouton avait été l’unique capable de mettre à mal cette pauvre Aslinn et me tirer de ce mauvais pas. Mon arme secrète qui m’était d’ailleurs inconnue jusqu’à maintenant et me sauvait à présent la vie. Les moutons, sérieusement. Certains ont peur des tigres, des serpents et des araignées… mais des moutons ? Bon, ma phobie des escargots n’était pas plus gloireuse d’une certaine façon, mais ces bestioles à laine n’avaient quand même rien d’effrayant - et pourtant, croyez-moi, je connais bien la ferme. Non seulement ça fait des manteaux très chauds pour les périodes d’hiver, mais ça vous assure aussi un dîner somptueux.

En bref : aucune raison d’en être apeuré. Je ne m’attendais pas à trouver une cicatrice en travers de son dos, un vestige d’un supposé mouton fou, mais je ne doutais pas que cette peur venait d’un traumatisme d’enfance. Peut-être qu’elle avait tenté un malheureux saute-mouton étant gamine, qu’elle avait voulu se reproduire avec l’un d’eux, ou bien qu’elle avait vu un film d’horreur sur le thème… à moins qu’elle soit tout simplement allergique. Aucune de ces suppositions ne m’auraient étonné en réalité, il faut dire que cette fille saurait faire passer un meurtre pour une simple formalité d’usage avant un rendez-vous galant.

Le problème, me direz-vous ?
Moi, anciennement pire ennemi comploteur, était converti en garde du corps.

Génial l’après-midi. Même avec un détecteur de mensonges ou un canon d’arme à feu sur la tempe, une histoire pareille passerait sans aucun doute pour un mensonge si j’étais pris d’une soudaine envie de la conter à quelqu’un - bien que, il faille l’admettre, on vous colle rarement un flingue contre la tête quand vous avez décidé de vous la jouer Père Castor. Bref, le soucis n’en restait pas moins de la tirer de là avant qu’elle ne récupère les quelques vestiges de son intelligence et me voit à nouveau comme le premier ennemi national et me menace de mort pour une aventure dont elle était la seule responsable.

- ...Le mouton est pas loin derrière nous, je crois qu’on aura pas le temps de rentrer. Mais tu as de la chance, je connais un moyen de nous sauver de cette horrible bestiole !

Avec l’espoir que son cerveau n’avait pas à nouveau été mis sur pause à l’entente du mot mouton, je pris à coeur mon rôle de protecteur et lui pris la main pour courir vers une nouvelle place secrète. Je courais à rythme raisonnable, non seulement pour lui laisser le temps de se remettre de son utilisation de pouvoir, mais aussi parce qu’il fallait que je me rappelle du chemin de cette fameuse base. Y aller depuis l’école était une chose, mais depuis les ruines, c’était différent - et même si ce n’était pas bien difficile à trouver, mon sens de l’orientation était pire que celui d’une taupe au dessus de la surface terrestre - je vous laisse imaginer le résultat.

Autant vous dire que malgré ma bonne mémoire, je nous perdis quelques fois et me noyais en détours inutiles - remerciant secrètement une éventuelle entité divine pour le coma intellectuel d’Aslinn. J’espérais simplement qu’elle ne reprenne pas ses esprits avant que nous arrivions - je la savais capable de me tenir pour responsable de l’attaque d’un féroce mouton invisible. Heureusement, tout se passa plutôt bien : le trajet fut sans danger à défaut d’être court, nous menant jusqu’à un bar.
Ce n’est pas ce que vous croyez. Bien que j’avoue être assez alcoolique quand je me trimballe jusqu’aux Jim’s Party, cet endroit avait une tout autre utilité pour moi : un saut sur la poubelle à l’arrière et un second pour se hisser sur le toit assez bas du bâtiment histoire d’y faire bronzette. Un de mes endroits préférés, à vrai dire - sauf quand il fallait y faire monter une Aslinn terrifiée.

- Allez grimpe, me fais pas croire que t’en es pas capable. Le mouton ne pourra pas monter ici !

Et une prière pour mettre véritablement toutes les choses de mon côté.

« ...Le mouton est pas loin derrière nous, je crois qu’on aura pas le temps de rentrer. Mais tu as de la chance, je connais un moyen de nous sauver de cette horrible bestiole ! »

Hocquet d'horreur. Tout, sauf se retrouver à moins de cinquante mètres d'un mouton. C'est l'une des (nombreuses) raisons qui l'ont rendue si heureuse de venir à Prismver et de quitter sa ferme paumée natale, d'ailleurs.

Gautier le Traître venait de devenir Gautier le Sauveur. Elle le suivit sans rechigner à travers les bois, priant pour que le mouton ne les rattrape pas - et s'il y en avait plusieurs ? Elle sentait la fatigue dans ses mouvements, et le mal de tête commençait à pointer le bout de son nez - si un mal de tête pouvait avoir un ne-/PAN/ - mais la peur était bien plus forte. Ses cheveux avaient mis tellement de temps à récupérer ! Pas qu'elle soit du genre très soucieuse de son physique, non. Mais elle les aimait bien, ses cheveux roux. Puis bon, imaginez-vous un peu à sa place tout de même : c'est pas tous les jours que ce genre de choses arrive...

Aslinn était tellement mal en point que la course lui sembla durer des heures... ce qui était peut-être le cas, en fait. Elle n'avait absolument plus aucun repère. Et tout cela pour arriver à...

Un bar. La rouquine aurait "facepalmé" si elle n'avait pas été dans un tel état. Mais il était idiot jusqu'à quel point au juste ? Des bouteilles d'alcool ne les protégeraient pas d'un mouton sanguinaire - parce que les moutons sont très violents, c'est bien connu. A moins qu'il ne soit alcoolique, aussi. On ne sait jamais, après tout. A Prismver, tout est possible.

Mais heureusement, il ne la fit pas rentrer. Non. Il lui fit escalader une poubelle.

« Allez grimpe, me fais pas croire que t’en es pas capable. Le mouton ne pourra pas monter ici ! »

Cinq secondes de blanc. Aslinn le fixa, le regard vide. Qu'est-ce qu'ils foutaient là, au juste ? Son esprit était complétement embrouillé. Elle s'exécuta sans réfléchir, se rappelant qu'un monstre était à ses trousses.

Elle grimpa, telle une grand-mère de quatre-vingt balais - quoique mémé Campbell fusse elle-même plus agile que sa petite-fille sur ce coup-là, à n'en pas douter -, mais elle grimpa. Elle faillit lâcher juste avant d'arriver au toit mais se rattrapa in extremis. Puis d'un ton très sérieux, elle murmura à l'oreille de son "sauveur" :

« Mais... et s'il sait voler ? »

... Je crois que nous venons définitivement de la perdre là.

♕ Gautier & Aslinn ♕

C’était presque perturbant de la voir aussi effrayé. Mes sourcils se levèrent, ma langue glissa sur mes lèvres l’espace d’une seconde, poussée par l’étouffante chaleur. Quoi qu’on en dise, voir quelqu’un d’intimidant être intimidé, ça calme tout de suite. Je pouvais tracer avec elle en travers de la ville, grimper sur un toit hors de portée de cette ridicule phobie -je connais la ferme et les moutons, j’ai vécu à la campagne- mais j’étais tout de même douteux. L’auto persuasion avait quelque chose d’assez étonnant, parvenait même à me faire douter de mes propres convictions - et me faire envisager, l’espace d’un instant, l’éventualité d’un mouton volant.

Calm down. Mes mains s’agitèrent avec nervosité, ne sachant que faire. J’avais déjà du mal avec les relations de base, si je devais me la jouer Superman ce serait pire que tout. Je me mordis les lèvres pour me retenir de fondre en une dizaine de soupirs agacés, me faisant le schéma de dizaines d’idées dans ma tête qui n’avaient cesse d’avorter. J’avais l’air ridicule à me tortiller la tête pour échapper à un mouton probablement imaginaire, bien que je sache qu’une ferme trainait aux alentours de la ville. Réfléchir ne me ressemblait pas, quelque chose clochait.

- …Un mouton ne vole pas. J’ai vérifié, t’inquiète, y’a eu des testes en labo près de chez moi. 

Mes dents viennent serrer ma langue avec culpabilité, tant je m’en veux de la faire tourner en bourrique. Est-ce si mal de lui mentir pour qu’elle soit moins perturbée ? Très franchement, j’ai toujours repoussé ce genre de pratiques par peur d’être mal vu, mais ça n’avait plus d’importance. Quand on est sur un toit avec une Aslinn terrifiée, je pense qu’on peut se permettre quelques exceptions.

- Mon pouvoir c’est répulsion animale. Si le mouton approche, un champ de force invisible le repoussera… ouais bon j’suis en E mais ça marche quand même automatiquement. J’te jure. 

Mon regard se plante dans le sien, appui dans ma propre certitude. Très franchement, je suis incapable de dire si elle va gober le truc, mais en vue du regard vide qu’elle pose sur moi, je pense qu’il y a moyen que ça marche. Je m’assois sur le bord du toit, observe brièvement les alentours - faisant face à deux ruelles vide, je me décide à descendre de nouveau. Je prends mon temps, garde l’allure du type sur ses gardes, espère la convaincre du mieux que je peux avec mon pitoyable jeu d’acteurs. Mais au fond, la comédie a assez duré.

- Allez, descends, mon pouvoir va nous protéger. J’crois que tu devrais rentrer vite dans ta chambre. Quelle cabane ?

Spoiler:

« …Un mouton ne vole pas. J’ai vérifié, t’inquiète, y’a eu des testes en labo près de chez moi. »

Aslinn haussa les sourcils. Des tests ? On faisait donc des tests sur ces satanés monstres ? Cela prouvait bien qu'ils étaient dangereux. Peut-être cachaient-ils des capacités insoupçonnées.

« Mon pouvoir c’est répulsion animale. Si le mouton approche, un champ de force invisible le repoussera… ouais bon j’suis en E mais ça marche quand même automatiquement. J’te jure. »

Gautier n'était donc définitivement pas inutile. Pour peu, elle se mettrait à pleurer dans ses bras. Mais elle avait beau n'avoir pas toute sa tête actuellement, elle n'était pas folle. Et savait garder un minimum de dignité. Un peu tout du moins. De plus, impossible d'oublier l'affront qu'il lui avait fait dans les ruines - même si ceci lui semblait déjà très lointain.

A dire vrai, même ce qu'il se passait en face d'elle semblait se passer dans une autre dimension. Elle se savait poursuivie par un mouton, elle en avait toujours peur; mais elle avait l'impression d'être comme un simple spectateur. Etrange.

« Allez, descends, mon pouvoir va nous protéger. J’crois que tu devrais rentrer vite dans ta chambre. Quelle cabane ? »

Oh tiens, Gautier-le-traître lui parle. Ou le sauveur, elle sait plus. Elle n'était même plus sûre de ce qu'il venait de dire. Une cabane ? Elle articula péniblement :

« Trois... »

Le trajet du retour, elle ne s'en souvient même plus. Peut-être avaient-ils dû affronter le TERRIBLE mouton; ou alors étaient-ils simplement rentrés chez eux. Elle ne saurait le dire et de toute manière, elle s'en fichait. Elle souhaitait juste bannir cette horrible journée de sa mémoire.

Trésor, mon oeil.