Know the unknown || Crystal

Hi, Princess

Jor’ parcourt les couloirs, d’une démarche rapide, d’un pas répété, telle une machine. Le serpent est seul, il est tard, les cours sont terminés. Le soleil s’est couché depuis longtemps et pourtant, il n’est pas dix-huit heures. Jor’ se lasse, de ce temps, de cette fraîcheur, il se lasse des heures, de la longueur et de cet ennui mortel. Jor’ lève ses yeux vers la vitre, il observe l’obscurité, d’un air morne. Une idée lui vînt en tête, dans ses pensées, une idée qui le fait à moitié sourire. Ses yeux étincellent, d’une lueur peu recommandable, instable.

Le saurien continue sa marche, redevenu impassible, ses talons claquant au sol, annonçant sa venue et son départ. Jor’ détale, enfilant son manteau, gardant soigneusement la pochette qu’il aurait dû poser plus tôt dans sa paume. Il évite un groupe d’élèves, qui l’évite tout aussi soigneusement. Jor’ ne s’intéresse pas à eux, ils n’ont rien de particulier. Non, Jor’ a une soudaine envie, un désir presque imprononçable qui annonce sa venue, son identité à tes côtés. Il sort une des copies de son dossier, il la glisse parmi d’autres, sur le dessus, en réalité, avec un soin d‘une telle rareté. Jor’ met du désordre dans ses cheveux, étrangeté. Jor’ laisse ouvert son long manteau noir, découvrant sa chemise, sa mallette dans l’autre main. Jor’, il prépare sa venue, telle une improvisation préparée, comme s'il était sur le départ, qu'il était pressé. C’est possible, c’est un Jor’.

Jor’, il passe à côté des salons, la tête haute, ses yeux faisant mine de ne rien chercher. Pourtant, il tente de te découvrir, de t’attraper, de poser ses écaille sur ta chair, toi et tes cheveux qu’il souhaite effleurer, toi et ton sourire qu’il voudrait attraper et, pourquoi pas briser. Jor’, il a de la chance, il étire un sourire satisfait, ses iris ne se dégageant pas de ta nuque un peu découverte, de ton épaule suavement nue. Sa voix s’élève, juste à l’endroit où tu allais tourner, juste là où personne ne peut vous épier sans qu’il ne le remarque. Sa voix s’élève, sifflante, suave. Mais, quand tu te retournes, son sourire n’est pas là, il est caché, il garde sa mine inflexible. Pourtant, il jubile le saurien, il se prépare, il frissonne, il s’impatiente.

« Mlle Saunders ? »

Encore quelques pas. Un ou deux. Il pose sa mallette sur une table, sans chercher ton regard, comme pour t’ignorer, d’une politesse délicate et secrète. Te toucher sans t’effleurer. Le Jor’ s’y connaît, il te montre une copie, il te la tend en baissant les yeux pour t’observer. Il est grand le Jor’, il le sait, il en profite. Jor’ continue, dans une constatation feinte, d’un ton monotone, presque ennuyé. Si tu savais, si tu savais comme il a envie de te susurrer son identité. Mais il prend son temps, il aime l’impatience, il adore ça.

« J’ai oublié de vous rendre cette copie. Vous suivez les cours, bien que je trouve une légère baisse de niveau dans ce dernier résultat. Un problème en particulier ? »

Jor’ s’amuse, Jor’ taquine et…Jor’ ne sourit pas, non il ne sourit pas.

Hi, Princess

Jor’, il ne peut s’empêcher d’esquisser un délicat sourire en remarquant ta mine boudeuse. Ce n’est pas bon, il s’intéresse, il rit intérieurement, il a hâte et en même temps, il contient cette hâte. Jor’ est patient, il patiente. Le jeu n’est pas fini, il ne fait que commencer. Il tourne autour de toi, il tâtonne, il apprend et il retient effroyablement bien chaque détail de ta personne. De ta lèvre un peu tremblante au doigt entortillant une de tes mèches, de ton regard enflammé à tes manières redevenues courtoises.

« Aucun problème ? Si vous le dites. J’espère que vous vous rattraperez. Mais ne soyez pas inquiète, ce n’est qu’une légère baisse. Je vous en parle car je ne voudrais pas vous retrouver dans des classes plus basses, ce serait bien attristant. »

Jor’ passe une main dans ses cheveux, pour les remettre en arrière. Ses yeux fermés s’ouvrent brusquement à la mention de son lézard, à la mention de vos échanges. Si tu lui en parles, n’est-ce pas que tu en parles aux autres ? Il faut corriger ce point, se dit-il, suavement, sans éveiller les soupçons. Jor’ t’écoute sans broncher, jouant d’un air las. Au fond, il est attentif, il attend que tu termines, il compte les secondes avant de répondre, les mains jointes, tenant toujours ta copie.

« Mon lézard n’est pas en très bonne forme. Et, je voulais vous voir en personne. J’espère que vous trouverez votre inconnu quel qu’il soit…J’espère aussi qu’il n’influencera pas tant vos résultats à l’avenir. Jor’ termine en inclinant légèrement la tête, comme dans un signe d’au revoir, sur ce bonne soirée ma chère. »

Ses mèches cachent son sourire, il te tend la copie, puis repart dans l’autre sens, une main dans sa poche. Jor’ compte les pas, il attend le moment fatidique. Ses iris étincellent, écarquillées, son sourire découvrant ses canines palpant sa lèvre inférieure. Jor’ adore cette sensation, il frissonne, murmurant assez fort, d’une voix plus mielleuse et sulfureuse, en te faisant un signe de la main plein d’ironie.

« Bonne soirée…Princesse. »

Jor’, ses épaules se soulèvent imperceptiblement sous son gloussement. Il ferme un peu les yeux, continuant à s’éloigner à grandes enjambés. Jor’, il pense que tu lui enverras une autre lettre, que l’entretien est fini, qu’il a juste lancé la graine, qu’il faut attendre de la faire pousser. Mais Jor’, il va être surpris, n’est-ce pas ? Surpris par ta réaction. Surprends-le, ce saurien n’attend que ça ; la surprise, le hasard, ce qu’il n’a pas calculé, son équation…sans solutions.

Hi, Princess

Le reptile marche, d’une démarche toujours aussi assurée, presque pressée, ou bien lente. Qui sait, il était trop grand pour obtenir une réelle description de cette démarche. Sourire aux lèvres, il ne s’attend pas à voir ton visage apparaître. Déjà ? Tu étais déjà là ? Surprise. Le saurien s’immobilise, ses paupières se plissent. Ca ne se passe pas comme il le souhaite, ça l’anime, plus que d’habitude. Ses écailles semblent vivre, sous ses habits. Elles serpentent sa peau, si tu pouvais les voir, que ferais-tu ? Les arracherais-tu ? Les prendrais-tu pour acquis ? Jor’, il ne réponds pas, il examine juste avec surprise et envie ce visage qui rougit. Une telle candeur, une telle tentation pour lui.

Quel amusement pour le serpent. Quelle rapidité de ta part. Jor’, il se laisse traîner, fixant ta main tenant sa manche, éloignant la sienne de la tienne. Mais il peut ressentir sa chaleur, ça le fait sourire. Pourquoi lui tournes-tu le dos ? Jamais, jamais lui montrer de la confiance, jamais cesser de le regarder. Il sourit, le saurien, ses yeux animés de cet intérêt non feint, de cette étincelle instable, presque animale et affamée.

Jor’, il t’observe, toi et ton sourire, provocation. Il ne faut pas provoquer le saurien, il n’attends que ça. Il garde le silence, il reste immobile, répondant à ton sourire du sien charmeur et léger. Jor’ reste silencieux, oui, il ne dit pas un mot, il ne susurre rien. Il aime cet instant, il aime t’examiner, surprendre un sentiment. La créature passe finalement une main dans ses cheveux. Dira-t-il la vérité, ou bien un mensonge ? Que prépare-t-il pour toi ? Ce qu’il veut ? Tout posséder, tu fais parti de ce tout, il veut obtenir l’atypisme même, ce qu’on ne peut obtenir. Il veut t’avoir comme personne n’aurait su t’attraper.

Jor’, son ironie transpire dans l’air, dans sa voix, dans son ténor grave tandis qu’il s’approche de quelques pas, tout en gardant cette distance respectable…Imparfaite. Jor’ veut offrir la tension, l’inutile solution, il ne veut s’approcher, de un pour que tu ne le touches, car tu découvrirais les immondices qui l’ont crée, de deux car ça alimente. Ca alimente ton âme comme la sienne, ça l’impatiente de voir cette peau de porcelaine qu’il ne peut lacérer de ses doigts, qu’il ne peut empoigner dans un soupir. Jor’ parle. Non. Il siffle :

« Flirt ? Réellement ? Des mots peuvent-ils seulement s’effleurer ? En particulier moi…Mh, ça pourrait être vexant dit ainsi. Pourquoi, en particulier moi ? »

Jor’, il aime jouer. Il attend encore et encore avant de te donner une réponse, à ta question, à cette question ultime. Mais Jor’, il ne donne pas de réponses, il offre des interrogations, il torture l’âme, il dévie l’esprit vers ce qu’il veut espérer du saurien.

« Surprenante entrée en scène, me forcer à vous suivre…Quelle rareté dans ce geste. Je pensais que vous seriez venue demain, me voir, me parler, seule à seul. Quelle surprise, oui, si amusante. Jor’ se penche vers toi, les yeux étincelants, le sourire aussi provocateur que le tien aux lèvres, il chuchote, surprenez-moi encore… »

L’animal passe une main dans ses cheveux, puis il pose un doigt sur ses lèvres. Attente, il aime cette attente, une attente pour rien finalement, si ce n’est te taquiner, te plonger dans l’inconnu, si ce n'est pour s'impatienter lui-même. Jor’ est certain, tellement certain de ses capacités.

« Ce que j’attends de vous…Et vous, qu’attendez-vous de moi ? »

Question à une question. Question à une réponse. Non, discorde. La discorde d’un serpent qui susurre ses mots emplis d’un doux et suave venin à l’oreille de la princesse.

Doucement, sûrement, il s’approche de toi te surplombant de sa hauteur. Tu lèves les yeux vers lui, fixant ses pupilles sur un air de défi. Il te siffle des mots, des mots résonnant dans ton esprit inlassablement. Un sourire narquois se dessine sur tes fines lèvres. Tu avais été en quelque sorte blessante ? Oh. Bien sûr que non, tu te doutais qu’il plaisantait au vu de son ton ironique. Pourquoi lui ? Bonne question. Très bonne question mais à laquelle il était plutôt aisé de répondre. Tu détournas le regard, levant légèrement la tête prenant une mine supérieure.

« Pourquoi vous ? N’est-il pas logique qu’il est plutôt attendu de votre part que vous vous intéressiez à une femme forte élégante et avec une grande prestance ? Je suis simplement surprise que vous avez porté votre intérêt sur une banale élève telle que moi. »

Ton regard vrille de nouveau vers le sien. Tu ne baisseras pas vraiment les yeux face à lui. Il voulait jouer ? Tu étais partante. Vos échanges avaient une certaine valeur pour toi et désormais que tu connaissais une infime partie de ses pensées, tu pouvais te permettre de continuer sur cette voie dangereuse. Cette voie où un seul et même individu dominerait. Tu jubilais intérieurement des prochaines minutes qui allaient se dérouler mais tu t’impatientais en souhaitant savoir certaines vérités voilées d’une ombre. Cependant, tu gardes ton enthousiasme pour toi. Ton sourire reste collé à tes lèvres illuminant ton visage d’une certaine candeur qui t’est propre. Les lèvres de ton professeur s’entrouvrent de nouveau pour t’adresser quelques mots. Tu avouerais toi-même que tu fus surprise de ton geste car par habitude, il est vrai que tu aurais attendu un certain temps avant d’agir mais cette fois-ci, il y avait eu du changement. Il se penche alors vers ton oreille, la même allure que la tienne lui collant à la peau.

« Surprenez-moi encore... »

Un rire filtre tes lèvres face à ses propos. Il voulait de la surprise ? Il allait être servi. Tu te mordillas la lèvre inférieure puis te relevant de ton mur, tu pointas ton doigt en avant obligeant ton professeur à reculer au fur et à mesure que tu avançais. Tu le poussa du bout de ton index le forçant à se retrouver contre une autre paroi d’un des nombreux murs. Sourire aguicheur fixé sur tes lèvres, tu poses tes mains sur ses épaules, t’aidant ainsi à arriver à hauteur de son oreille.

« Moi ce que j’attends de vous ? J’attends de vous ce que vous attendez de moi ? Ou attendez-vous ce que j’attendrai de vous ? Quelle bonne question. Une question à laquelle vous aurez peut-être la réponse… Peut-être… »

Tu te recules de quelques pas et étrangement, tu ne vois rien de ce qui file dans son esprit. Tu es plutôt mécontente de ce fait mais tu n’en montres rien et de toute manière c’était le dernier de tes soucis. Tu tires l’élastique de tes cheveux qui retenait ton chignon laissant tomber en cascade les longs fils dorés dans ton dos. Le jeu ne faisait que commencer.

« Croyez-moi professeur. J’ai plus d’un tour dans mon sac. »

Ton visage ne laisse rien paraître sauf la douce exaltation de vouloir surplomber ce moment qu'est le votre. Ta jubilation ne faisait que s'accroître.