Sujet: C'est écrit [PV: Keith & Evangelyne] Lun 10 Fév 2014 - 1:10
C'est écrit.
Keith ferme les yeux et inspire profondément. L'apaisement que lui procure cet endroit lui fait du bien, à lui qui ne dort plus de ses nuits et qui n'arrive plus à travailler correctement à cause d'une angoisse étrange qu'il n'arrive pas à calmer, même en passant tout son temps libre dans cette serre à lire et à écrire. Il est certes paranoïaque mais il ne se pense pas obsédé à ce point par la perte d'un petit bout de papier, si ? Et pourtant, il a constaté que son irritabilité a fait irruption juste après la perte d'un de ses manuscrits.
Ce n'est pas grand-chose, pourtant. Le papier a dû finir inondé dans une flaque d'eau ou piétiné par des centaines de chaussures... Ou bien il s'est retrouvé dans une main, main qui est liée à la paire d'yeux et au cerveau d'une tierce personne... Allons bon, quelqu'un d'autre peut avoir lu ce qu'il a écrit, et alors ? Personne ne viendrait toutefois à la déduction que c'est Keith Lisburn qui a écrit ses impressions sur une élève qu'il ne connait même pas ! Et c'est pas comme si quelqu'un pouvait utiliser son texte à mauvais escient, par exemple en se faisant passer pour l'auteur du texte... Non, c 'est ridicule, Keith n'a pas à s'inquiéter pour si peu. Haha. Ha.
- ... Mh...
C'est fou ce qu'une toute petite chose, si elle vient de lui, si elle fait partie de son monde, peut devenir chère à son cœur... Ce n'est pas pour le contenu du texte qu'il aurait aimé garder ce papier auprès de lui... Ou peut-être que si ? Peut être que le support de ses interrogations (sur une éventuelle intervention divine qui l'aurait conduit à Evangelyne) n'est pas important que parce qu'il est un support. Finalement, il doit vouloir s'accrocher à cette théorie, à cette énigme, peut être qu'il est enfin curieux vis-à-vis de quelqu'un... Baste, n'allons pas aussi loin, c'est peut être qu'un autre élément pour affirmer ses précédentes théories. Oui, un élément, une pièce de puzzle, donc il doit retrouver ce papier. Dessus, il est écrit que c'est écrit. Que sa vie est tracée comme sa plume a tracé des formes sur son bloc-notes. Que le destin unit peut être des situations. Mais quelle déduction en faire ? Toutes les clés des énigmes ne sont jamais données, et hélas les voies du Seigneur sont impénétrables.
Ah, il ne sait qu'en penser, et s'il n'arrête pas de se focaliser sur ce stupide résidu d'arbre coupé il va encore faire une crise d'angoisse et louper des cours ! Cela suffit, il doit se calmer. Et pour cela, rien de mieux que d'être sagement assis sur un fauteuil, Lorenzaccio d'Alfred de Musset à la main, entouré de verdure et enivré par l'entrelacement des parfums des plantes. Maintenant, tout ce qui compte, c'est de savoir si le lendemain d'orgie ambulant va réussir à tuer le Duc, et de trouver le nom de la fleur qui émet le parfum le plus délicat de la serre.
- ...
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Sujet: Re: C'est écrit [PV: Keith & Evangelyne] Mer 26 Fév 2014 - 14:43
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Ce n’est pas la première fois. Ce n’est pas la première fois qu’elle est en possession de quelque chose qui ne lui appartient pas. À vrai dire, il se pourrait même que la plupart des choses qu’elle possède se résument à n’être le fruit du travail créatif d’autres. À part ce qu’elle cache jalousement dans ses petits carnets et pour ses propres besoins, Evangelyne n’invente rien. N’est à l’origine d’aucun processus créatif. Manque cruellement d’inspiration ou plutôt ne se laisse pas inspirer si facilement.
Mais depuis quelques temps, un simple bout de papier bouscule son quotidien banalement ordinaire. Les cours, les révisions, la lecture, l’encrage de ses pensées, quelques échanges avec autrui distillés avec parcimonie… et la lecture à nouveau. Comme un besoin vital de se nourrir de la vie des autres et pas seulement celle des personnages dont les péripéties lui paraissent bien plus palpitantes que toute vie prismverienne qui soit. Non, derrière, elle cherche inlassablement à déchiffrer, connaître l’auteur. Derrière les pages de papier, elle crève d’envie de savoir. Elle imagine. Son esprit dessine l’homme ou la femme qui couche sur papier toute leur créativité. Pourquoi cette histoire ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi eux ? Qu’est-ce qui a poussé l’écrivain à publier son œuvre aux yeux et vues de tous ? Il y avait-il quelque chose de plus que ce besoin primaire de reconnaissance et ce désir de succès ? Curiosité intellectuelle que l’on pourrait assimiler à une recherche anthropo-académico-scientifique si tout ne résidait pas dans le simple fait… que pour rien au monde elle ne voudrait dévoiler ses écrits. Cette incompréhension la tient en haleine depuis son enfance et ses heures dévorantes dans la bibliothèque-refuge de la demeure familiale. Le débat était même souvent engagé avec sa grand-mère qui concluait toujours en laissant éclater un rire goguenard ourlé d’une remarque qui brodait toujours les lèvres d’Evangelyne dans le silence le plus total. « Je me demande d’où te vient cette manie du secret. » « Que découvrirait-on à travers tes mots et qui te fait si peur ? ». Ces questions restées sans réponse les laissaient toutes les deux dans une perplexité effarante.
Mais aujourd’hui, Eva possède des mots qui ne sont pas les siens. Des mots qu’elle n’aurait peut-être pas dû lire. Où les destins de deux individus se racontent, s’imaginent d’abord dans leur solitude, puis se croisent comme les boucles d’un « l » manuscrit sur un parchemin. Se moulant presque trop parfaitement à un déjà-vu incertain et enfoui dans sa mémoire. Et cela fait quelques jours que ces écrits se sont transformés bien malgré eux en marque-page et ne la quittent plus. Son quotidien bien tristement occupé, ce n’est que maintenant, à cette heure même de la journée où elle était venue… qu’elle pénètre à nouveau les lieux de sa trouvaille. Les serres. Un de ces endroits de prédilection pour s’isoler et lire en paix, entre les dédales de fleurs cultivées que peu de gens reconnaissent. Ces plantes qu’on désigne au féminin et qui attirent l’attention d’une poignée d’hommes ont toujours su l’apaiser de leur parfum délicat. Mais, Evangelyne foule le sol des serres et ne s’attardera pas à la contemplation aujourd’hui. Comme elle tient à son intimité, celle -bafouée- de l’auteur du bout de papier glissé entre les pages de Ode à un rossignol de Keats l’a interpelée. L’imaginant en proie à l’effroi –ou plutôt à l’inquiétude- après la perte d’une de ses oeuvres, la A s’est mise en quête du propriétaire de ces pensées et revient là où tout a commencé... Quitte à déranger les rares amoureux en plein bécotage, à questionner le jardinier ou à interrompre, à contrecœur, la lecture d’un inconnu dont la silhouette -au fil de son rapprochement- lui paraît étrangement familière.
La jeune fille ouvre son livre et dégage le dit-papier qu’elle tend instantanément dans le champ de vision du jeune homme qu’elle détaille sans gêne de ses yeux vermeil, en commençant bien évidemment par le livre qu’il tient en main.
__ Désolée d’interrompre, mais… Il y aurait-il une chance pour que cela t’appartienne ?
Seule et dernière personne à interroger de toutes les serres, elle espérait sincèrement que ce soit lui, sinon, elle devrait revenir demain. Et c’est lorsqu’il lève les yeux vers elle qu’elle le reconnaît. Le seul qu’elle croise toujours dans ces moments désirés d’isolement. Le seul qui s’impose à son regard à ces moments-là et avec qui pourtant, jusque-là, aucun mot n’avait été échangé.
__ Ça a l’air… précieux, alors je cherche le...
Trouble.
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Sujet: Re: C'est écrit [PV: Keith & Evangelyne] Mer 2 Avr 2014 - 19:35
C'est écrit.
- ... Mh ?
Une voix. Keith a entendu une voix. Cette voix a prononcé une phrase, dont le contenu suggère que l'on se soit adressé à quelqu'un. Pourtant, il n'y a personne dans la serre... Du moins, c'est ce qu'il pensait. Et c'est absurde d'avoir pensé cela puisqu'il y a en effet quelqu'un qui a émis un son ici - Jeanne d'Arc étant sûrement une exception. Et puis, il est là lui aussi - en lisant il est allé jusqu'à faire abstraction de sa propre personne mais voilà le problème réglé. Il y a donc deux personnes au moins en ces lieux. Pour en savoir plus, notamment parce qu'il est possible que la phrase prononcée soit adressée à Keith lui-même, il va devoir lever la tête, rompre le charme du drame romantique et regarder autour de lui.
La première chose qu'il voit est évidemment son livre ouvert. À lui. Puis il constate que quelque chose est là, tout près de lui, et cela semble être un morceau de papier. Il louche dessus et reconnait deux - non un ouh là là regard trop convergent - un fragment de son bloc-notes. Celui dont la perte a causé son tourment. Machinalement, il lève davantage les yeux. La personne qui s'est exprimée lui a donc parlé, à lui. Tout prend son sens. Ses yeux mornes s'arrêtent sur un autre livre, puis sur des mains, des bras, un visage... Un visage... Qu'il ne connait que trop bien.
Keith ne montre toutefois aucun signe de surprise ou quoi que ce soit d'autre. Il se contente d'opiner faiblement de la tête.
- Oui.
Il se remémore la dernière phrase qu'il a entendu venant de la jeune fille. Ça a l'air précieux. Comment peut-elle déduire de la valeur d'une vulgaire feuille griffonnée sans en avoir lu le contenu ? Elle l'a lu. Sûrement. Ou peut être qu'elle extrapole. S'est-elle reconnue si elle l'a lu ? Voilà une autre question. Que de questions suite à un simple échange de regards, suite à une réponse brève digne d'un Keith Lisburn. C'est simple, c'est froid, et pourtant dans l'esprit du jeune homme cela se passe comme dans une pièce shakespearienne.
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Sujet: Re: C'est écrit [PV: Keith & Evangelyne] Sam 21 Juin 2014 - 18:11
to the quiet ones
Il a lentement levé les yeux, puis le visage. Des regards se sont imbriqués. Peut-être plus communicatifs que ce simple « oui » qui a su s’échapper de la bouche du jeune homme. Et voilà tout. Seulement la légère confusion s’est estompée en un instant.
‟We’re the observers in this life, there is no requirement for it to be explained with words, we just understand. As if we’re sitting on an old brick wall, watching others go through the motions of this life. All of them experiencing their own individual realities, depending on their personal perception. We might be hushed, and some others will not be able to comprehend as to why. Perhaps deeming us detached, vacant and “in the clouds.” Little do they know there is thunder inside of us, a universe of depth, all locked up by a door, and few who own a key. Some, however, will be able to see this inner world within us, like staring through glass, and those are the souls worth seeking. If we ever feel disheartened in a rowdy place, surrounded by people, and we find yourself wordless, remember we are the most silent of strengths. They need more meaningful thoughts in this world than waggling, impulsive tongues. We should feel confident in our quiet power.″
Cet échange si bref lui a rappelé ces quelques lignes, d’un jeune auteur encore inconnu et sans passé ou bibliographie notable, puisque manuscrites sur internet et lues depuis ordinateur qu’elle s’était appropriée juste avant son départ pour Prismver. C’était il y a quelques années maintenant, mais elle s’en souvient. Car malgré la beauté toute simple de ces mots, certaines absences -l’odeur et le touché du livre- lui avaient gâché le plaisir de cette découverte.
Cette longue citation résume à elle seule son ressenti. Cet arrêt-sur-image entre lui qui la regarde et elle qui tend un morceau de papier. Mais Evangelyne se garde bien de laisser ce flot de mots filtrer. Aussi silencieuse que lui.Et s’invite même à prendre le revers de ce qui lui est venu naturellement à l’esprit. Oui. Des pensées inverses font leur place.
Il pourrait dire plus tout de même. Il pourrait reprendre son dû au lieu de me laisser le bras suspendu dans le vide. Il ne sait pas le temps que j’ai perdu à le chercher ? Il pourrait faire plus, non ?
Mais là encore. Rien ne sort. Ses lèvres empourprées restent closes. Sa voix muette. Son regard devient peut-être plus perçant pendant l’espace d’une seconde. La A décide alors d’approcher sa main et de poser le bout de papier sur le livre qu’il tient.
__ Je n’ai pas pu m’empêcher de jeter un œil au texte. J’ai apprécié la lecture.
Pas d’excuse, ni de merci. Ses doigts se sont juste un peu plus agrippés à son propre livre. Un geste en écho à l’amoureuse des belles lettres qu’elle est. Un revers de main réajuste la veste de l’uniforme. Ses longs cheveux glissent sur ses épaules alors que son regard termine sa course sur la montre à son poignet. De longues minutes libres et disponibles sont à combler. Une chance qu’elle soit dans un de ses endroits préférés, idéal pour occuper son temps et faire voyager son esprit entre deux chapitres et entre deux cours.
Le parfum des roses va devoir se partager, car Evangelyne décide de s’installer littéralement à deux pas de-là, sur le fauteuil en fer un tantinet inconfortable. Aucune permission n’est demandée. Elle s’installe dans son égoïsme. Le dos droit, elle s’enfonce dans le siège, croise ses jambes, réunit ses cheveux sur sa poitrine avant d’ouvrir soigneusement son ouvrage. Ses gestes se figent un instant, le regard se lève vers la verrière de la serre : elle n’aura plus de marque-page. Mince.